[Fic] Héautontimorouménos Chapitre 8/8 (Parias, Lame-Tempète x Floridas, NC-17)

Dec 05, 2010 11:56

Titre : Héautontimorouménos
Auteur : Berylia
Fandom : Parias
Rating : NC-17
Warnings : Du cul, du cul, du cul et du Mpreg
Résumé : Où l'on conclut cette histoire comme elle a commencé.
Bla-bla de l'auteur : Franchement, je me trouve vraiment cruelle dans cette fic, mais bon parfois c'est nécessaire de faire hurler et pleurer les personnages... Voilà qui fait donc de moi une Déesse cruelle et jalouse, mais heureusement pas autant que l'auteur originale. ^^



Je suis la plaie et le couteau !
Je suis le soufflet et la joue !
Je suis les membres et la roue,
Et la victime et le bourreau !

Baudelaire, les fleurs du mal, « l’héautontimorouménos »
Epilogue

La vie du prince Floridas avait repris son cours normal. Il était revenu vivre au palais, avait repris ses fonctions et tous s’étaient bien gardé de commenter son absence ou ce qui s’était passé pendant la bataille contre les Mages de Sang. Tout était rentré dans l’ordre et le prince n’avait plus aucun contact avec le Vandaar. Les choses étaient comme elles auraient toujours dû être.

Alors certes son frère s’inquiétait de voir ses yeux se cerner chaque jour plus et son corps s’amincir dangereusement mais il suffisait que Floridas lui sourie en jurant que tout allait bien pour qu’il cesse de lui poser des questions. Mais ça n’arrêtait pas les regards inquiets qu’il lui lançait quand il croyait qu’il ne le voyait pas.

Le prince Floridas travaillait beaucoup. Il avait renvoyé son secrétaire puisqu’il ne lui servait plus et n’hésitait pas à prendre encore quelques heures de travail de plus. Les serviteurs voyaient la nuit la lumière filtrer sous sa porte jusqu’au lever du jour. Lorsqu’il n’était pas à son bureau le prince était perché sur Ventgris, chevauchant comme si toutes les légions des démons étaient à ses trousses. Il menait la pauvre bête presque aussi fermement qu’il se menait lui, mais ne négligeait pas de passer de longs moments à s’occuper de lui.

Parfois le prince se pliait aux us de la Cour et prenait le temps de flatter les dames de son entourage, mais il ne les menait plus comme avant jusqu’à ses appartements et seule Anandriel une de ses plus anciennes favorites avait reçut le droit de partager parfois sa couche quand il délaissait pour un moment ses obligations.

Le Prince Floridas avait toujours été grave, ses maîtres avaient beaucoup loué sa rigueur et son sérieux et même en ses jeunes années il n’avait jamais fait montre de ses sentiments ou embarrassé son père par son comportement. Mais cette gravité si seyante chez un prince avait fait place à une attitude des plus austères et froide. Seul son frère réussissait encore à lui arracher un sourire et sa seule présence suffisait à faire taire toute joie.

Et le temps, tyran implacable passait toujours, rendant progressivement commun le caractère et nouveau mode de vie du Prince Floridas.

xxx

- Une dame souhaiterait vous voir, altesse.

- Fais-la entrer Ormlyn.

Le prince se releva avec difficulté. Son corps ces temps-ci était sans cesse perclus de douleurs et fatigué. Sans doute devrait-il cesser d’oublier de prendre les remèdes qu’on lui avait prescrits.

- Dame Dinethel ! Quelle délicieuse surprise. Je vous en prie, installez-vous.

L’Elfe aquatique prit place sur le fauteuil qu’il lui désignait et après avoir artistiquement arrangé ses jupes lui sourit dignement.

- Vous semblez très occupé, remarqua-t-elle, évitant de mentionner à quel point il semblait aussi épuisé et abattu.

- Je ne peux pas me plaindre de pouvoir ainsi servir mon roi à mon corps défendant. Mais laissons-là ce sujet désagréable. Que me vaut le plaisir de votre visite après tout ce temps ?

- Je suis venue vous avertir que je rentrais chez mes parents.

- Définitivement ? Vous avez désigné celle qui vous succédera ?

- Non. Nous rentrons toutes chez nos proches.

Floridas reposa sa collation toujours intacte sur la table.

- Toutes ?

-Oui, le Seigneur Lame-Tempête nous a toutes renvoyées avec une dot et une pension pour nos enfants.

- Et pourquoi venir me le dire ?

Dinethel ne baissa pas les yeux

- Je vous avoue que je ne suis pas sûre de comprendre quels étranges sentiments me poussent.

Sa main trembla légèrement quand elle se saisit de sa tasse mais son regard resta limpide et sans hésitation.

- Une partie de moi le hait. Mais une autre me dit qu’il n’a été ni meilleur ni pire que d’autres maris. Certains Elfes pour moins violents n’en sont pas moins tout aussi cruels et j’ai peu de foi dans le bonheur qui est à trouver auprès d’un époux, fut-il des plus nobles. Je crains d’avoir déjà trop vu le cœur des Elfes pour croire qu’on peut encore y trouver de tendres sentiments.

Pour une femme si froidement déterminée à ne plus croire en rien, Dinethel restait étonnement belle et calme.

― Et malgré tout il est le père de mes enfants… Je ne sais pas, c’est sûrement ce même sentiment que l’on ressent en voyant un animal sauvage blessé, une sorte de pitié hautaine qui va au-delà de la peur et de la haine.

― Et cette pitié vous pousse vers moi ?

Elle découvrit ses dents blanches.

― Faites-en ce que vous voudrez prince, j’ai au moins apaisé ma conscience en vous venant voir.

xxx

Le jour était beau et paisible. Comme chaque année un ciel clair et serein le contemplait du haut de sa perfection, regard ironique de dieux iniques.

Comme chaque année il ne dit rien, se contentant de rester là, figé, incapable de parler, incapable de penser même, prisonnier du passé, prisonnier de quelques secondes tragiques.

Comme chaque année il l’entendit arriver vers le soir, son cher protecteur venant s’assurer qu’il ne ferait rien de démesuré, qu’il continuerait de vivre et de souffrir.

Celui qui avait dit que le temps effaçait toutes les blessures et guérissait tous les chagrins était le plus cruel des menteurs. Le temps n’effaçait rien, la plaie suppurait et lançait toujours, il savait mieux le dissimuler, mais c’était tout. Il n’y avait devant lui qu’une continuation éternelle de jours et de souffrance.

Et pourtant ils voulaient qu’il vive. Qu’il oublie le seul fils qu’il aurait jamais, qu’il efface de sa mémoire la douleur d’avoir été père un si court instant. Et quel père ! Un père faible qui n’avait su protéger la seule chose sur laquelle il aurait fallu qu’il veille jour et nuit.

De quoi pouvait leur servir un tel homme ?

Et pourtant Llevan était là, comme tous les ans, attendant patiemment pour le ramener avec lui au palais, dans le monde de ceux qui vivaient.

Et cette année il n’était pas seul. Kevin l’avait accompagné. Llevan lui fit brûler de l’encens sur la tombe de son cousin et réciter une courte prière.

Il détourna ses yeux de l’enfant.

En d’autres circonstances il l’aurait pris dans ses bras et l’aurait écouté parler sur le chemin du retour, il aurait souri devant ses moues enfantines et sa vision si innocente des choses. Mais pas aujourd’hui. Pas lorsque ses yeux se posaient sur la pierre seule et si simple sous laquelle dormait son fils, seul dans la mort, abandonné par ses parents et à jamais séparé de ceux de sa race. Pas lorsque ses yeux en suivant un mouvement de Kevin cherchaient à voir à travers lui ce qu’aurait été cet enfant, son enfant, son petit Kellindil.

xxx

Le Conseil prit fin et comme à leur habitude, les Elfes Noirs se retirèrent les premiers n’ayant aucun conciliabule plus privé à tenir puisque nul ne voulait leur parler.

Floridas resta en arrière tandis que Llevan discutait avec Calleden. Ses mains blanches et fines jouaient avec sa plume, son esprit repensant encore aux décisions du Conseil et aux conséquences qu’elles auraient.

― Seigneur Floridas ?

Il se tourna vers un jeune Elfe aquatique.

― Ma mère, Dame Dinethel vous fait parvenir toutes ses salutations et ose se plaindre de ne plus beaucoup recevoir de nouvelles de vous.

Floridas eut un sourire poli et mécanique, mais ses yeux détaillaient l’Elfe avec une avidité surprenante.

― Vous direz à madame votre mère que je suis impardonnable et que j’implore sa pitié avec toute la sincérité de mon cœur.

Il était grand, plus grand que la plupart des Elfes gris, mais pas autant que lui. Il avait hérité de sa mère son physique longiligne, mais quelque chose dans son visage était comme un écho de cet autre visage.

― Je le dirai à ma mère, mais je ne peux que vous conseiller d’écrire vite car elle n’est pas connue pour sa patience

L’Elfe sourit.

Non, ça n’allait pas, ce n’était pas le bon sourire, celui-ci était trop simple, sans malice ni cruauté, sans passion aussi, le sourire jeune d’un jeune Elfe et non le sien.

― Je n’y manquerai pas.

Floridas sentait la fatigue et la mélancolie emplir son âme. Il était temps de prendre congé et de s’enterrer sous des piles de parchemin.

― Sur ce je vous souhaite une bonne journée.

Et il quitta ce pâle reflet de son passé pour aller s’embourber dans un monotone présent.

xxx

― Seigneur Floridas ?

Quoi encore ? Par les Dieux, s’étaient-ils donc donné le mot pour venir le déranger aujourd’hui ? D’abord Llevan, puis cet imbécile de Revor Dir, et ensuite cette insupportable Elfe dorée qui croyait s’immiscer dans son lit par la seule force de sa volonté.

― Qu’y a-t-il ?

L’Elfe s’avança sans laisser voir sa peur, comme un brave petit soldat qu’il était. Sans plus un mot il lui tendit la missive et resta à attendre ses ordres.

Sans grogner, sans même paraître dérangé dans son travail, Floridas la prit et commença à la lire rapidement. Puis la relit. Puis réprima rapidement son envie de la brûler et d’aller poursuivre celui qui s’était cru assez intelligent pour la lui envoyer.

- Faites savoir à votre maître que je m’y rendrais dès que possible.

xxx

Le manoir n’avait pas changé.

Le monde autour de lui n’avait pas changé. Les Elfes étaient des créatures d’habitudes, hostiles aux changements et aux révolutions, la forêt d’Amalanthe était toujours comme l’avait connue son père, rien ne semblait changer ici.

Sauf lui. Il n’était plus le Floridas qui avait vécu en ces lieux, il était un étranger qui portait la dépouille du prince, une ombre travailleuse et endolorie qui regardait passer le temps jusqu’à ce que vienne enfin la délivrance.

Il vint frapper aux portes du manoir et comme si il ne s’était écoulé qu’un jour depuis qu’il en était parti, Anfaron lui ouvrit la porte.

- Votre Altesse. Le Seigneur Lame-Tempête est dans sa chambre. Voulez-vous que j’aille le prévenir de votre arrivée ?

- Ce ne sera pas la peine, je m’annoncerai seul.

Son corps connaissait encore le chemin, ses pieds le guidaient sans même qu’il le leur demande et il savait que sans même ouvrir les yeux il pouvait reconstituer les moindres détails de ce qui avait été sa prison, son enfer et son paradis.

Il traversa les couloirs de marbres frais et tout semblait pareil mais cependant mille et un petits détails manquaient. On entendait ni le murmure apaisant des servantes au travail ni celui des femmes à leurs loisirs. Aucun enfant ne passait en riant dans le jardin, aucune odeur ne parvenait des cuisines. La demeure était comme un temple déserté, abandonné aux cris du vent.

Il ne prit pas la peine de frapper à la porte de la chambre, il se contenta d’entrer.

Les changements étaient ici évidents. Rien n’était là où il l’avait laissé, tous les meubles avaient été remplacés, même l’odeur qui régnait dans la pièce lui était étrangère… Il sentit comme une étrange colère s’emparer de lui ce qui était ridicule, ce que le Vandaar faisait de ses appartements ne le regardait absolument pas et il était incongru qu’il puisse penser le contraire.

Ses yeux percèrent le voile de fumée lourde et bleue qui régnait sur la pièce et cherchèrent le Général Sanglant.

Par les Dieux ! Il avait oublié à quel point il était grand. Même vautré comme il était dans ce fauteuil il paraissait emplir toute la chambre de sa présence. Mais ce n’était pas grave, le Vandaar n’allait pas l’effrayer aussi facilement.

Il raffermit son pas et entra dans la chambre.

Les yeux lourds et rouges se posèrent sur lui mais il ignora leur poids et s’avança vers le maître des lieux.

Qui resta là à le contempler, sans bouger, comme pris dans une vision.

Lui aussi avait changé. De pesantes cernes entouraient ses yeux et son corps était plus musculeux, plus noueux encore qu’à l’accoutumé. Mais c’était son visage qui avait le plus souffert. Son visage où étaient apparues des marques comme des sillons de douleur. Et ces yeux, ces yeux qui le regardaient sans même le voir.

Il tendit la main vers la peau bleue.

- Tu es la plus repoussante de toutes les hallucinations que j’ai eues jusqu’à présent.

Il la retira.

- Sans doute parce que je ne suis pas une hallucination. Es-tu tellement sous l’emprise des drogues que tu ne saches plus faire la différence entre Rêve et réalité ?

- Et tu es aussi celle qui a la plus mauvaise langue.

Un sourire triste flotta sur les lèvres du Général.

- Pathétique, voilà donc à quoi en est réduit le dernier représentant de sa race !

Il ne vit même pas venir la main avant qu’elle ne lui attrape le poignet.

-Pathétique, voilà donc comment fini le Prince Bâtard, un elfe froid et décharné incapable de cesser de se meurtrir pour ses erreurs passées.

Floridas se mit à trembler de rage. Comment osait-il ? Comment avait-il l’audace de…

Il se força à se calmer et à inspirer. Il ne pouvait pas se laisser emporter par le Vandaar, il devait garder son calme.

Il retira d’un coup sec son bras de la poigne bleue et se redressa de toute sa hauteur.

- Salutations, Général Lame-Tempête.

Le Vandaar grogna.

-Tu ne pouvais pas te contenter d’être une hallucination…

Mais cependant il se redressa et ses yeux reprirent cet éclat de vie et de conscience.

- Salutation à toi, prince Floridas. C’est toi l’oiseau de mauvais augure que le Conseil a cru bon de m’envoyer ?

Floridas sourit et prit place dans le fauteuil de l’autre côté de la table basse.

- En effet puisqu’il semblerait que tu aies besoin de te souvenir de qui tiens ta laisse, Vandaar.

- Personne ne tient ma laisse, Elfe, je suis peut-être le dernier de ma race mais rien ne m’oblige à participer à vos conflits ridicules contre Loki et ses Humains.

- En effet Vandaar et aucun de nous ne t’en voudra d’avoir peur du champ de bataille.

-Ma patience a des limites Elfe et si tu continues de m’insulter tu vas goûter le même sort que le dernier ambassadeur du Conseil et arriver au Palais du Roi ton frère avec des marques qui vous rappelleront à tous qui est le maître.

- Tu n’es maître de personne, Vandaar, pas même de toi-même !

Ils se tenaient comme deux chiens prêts à se battre, tous leurs muscles tendaient vers l’autre, prêts à se jeter dans le feu du combat, de la haine qui réchauffait soudain leurs âmes transies de froid.

Floridas fut le premier à retrouver ses esprits. A quoi bon ? A quoi servait-il qu’il se dispute ainsi avec le Vandaar ? Tous ces cris, tous les coups qu’ils se donneraient ne changeraient rien, ne modifieraient ni le passé ni le présent… Il était las.

-Il suffit Lame-Tempête, ce n’est pas pour ça que je suis venu.

La tension disparut immédiatement du corps du Vandaar qui s’affaissa à nouveau dans son fauteuil.

- Même toi…

Il détourna les yeux.

- Je suis venu mandaté par le Conseil pour te demander de bien vouloir participer à la bataille qui devrait avoir lieu au prochain printemps contre Loki et ses Humains.

La main bleue attrapa une carafe du cristal le plus pur.

- Je viendrais. Ce devrait être au moins aussi amusant que de regarder mourir un bouton de rose. Et puis j’ai quelques comptes à régler avec Loki.

Il versa le liquide pur comme de l’eau dans deux verres.

- A la guerre, unique maîtresse fidèle.

Floridas prit la coupe et la leva lui aussi.

- A la guerre, puisse-t-elle mourir dans ses parures ensanglantées.

Ils burent et soudain le ridicule de la situation le heurta de plein fouet. Voilà donc ce qu’ils étaient devenus ? Deux vieillards aigris qui se retrouvaient soudain autour d’un verre ! Voilà comment finissait toute cette haine, toute cette passion ? Pathétique ! La liqueur descendit dans sa gorge comme des larmes d’amertume.

Il était temps qu’il parte. Qu’il retourne à sa vie d’ennui et de tracas administratifs. Qu’il reparte se terrer dans l’ombre de sa chambre, là où les derniers lambeaux de ce qui avait été l’un des pires, l’un des meilleurs moments de sa vie ne tomberaient plus en miette devant ses yeux.

Il se leva.

- Je vais prendre congé, tu sembles las.

Le Vandaar se contenta d’acquiescer de la tête.

Etait-ce là le monstre, le géant qui l’avait tyrannisé tant d’années, qui avait été son pire cauchemar et son seul rêve ? Il avait suffit d’une si petite chose pour lui enlever toute sa force…

Il lui tourna le dos et ouvrit la porte.

- Kellindil…

Il devait avoir mal entendu, ses oreilles lui jouaient sûrement des tours. Il ne pouvait pas avoir prononcé son nom.

Il se retourna très lentement, la main toujours sur la porte, prêt à le laisser à jamais derrière lui.

Le Vandaar s’était levé. Son cœur manqua un battement en considérant ce corps immense, mais se reprit. Les yeux rouges le regardaient.

- Je l’ai nommé Vent du Désastre mais Kellindil est aussi un beau nom.

Les larmes lui montèrent aux yeux. Comment osait-il ! Comment osait-il lui parler de son fils ! De cet enfant qu’il avait porté en terre seul ! Qu’il avait été le seul à visiter année après année, de ce fils qui était mort par sa faute ! Comment osait-il ?

Il ne voyait plus à travers les pleurs qui brouillaient sa vision mais ce n’était plus de la douleur qu’il ressentait, c’était de la haine, une haine pure et brûlante qui le figeait sur place. Il n’avait pas le droit de parler de son fils, pas alors que c’était lui qui l’avait tué aussi sûrement que s’il avait lui avait ôté le souffle de ses mains. S’il l’avait écouté, si…

- Je t’interdis de prononcer son nom !

C’était plus un grognement qu’une phrase. Il était toujours immobile, luttant contre cette lave qui parcourait ses veines comme un lion en cage.

- C’était mon fils !

La rage, la chaleur, la haine débordaient de son corps, il avait l’impression que son sang battait dans ses veines pour tenter de sortir. S’il n’y avait pas eu le tambour de son sang furieux sans doute aurait-il entendu la douleur comme le cri d’un poignard sur le métal dans la voix du Vandaar. Mais il était sourd, animé uniquement par son propre tourment.

- Non, tu l’as laissé mourir ! Quel genre de père es-tu donc ?

Ce fut comme s’il l’avait frappé. Il vit le coup déformer son visage et il sentit l’exaltation de la violence dans son corps. Il se sentit soudain emplit de sa souffrance et il eut un rictus de victoire.

- Tu l’as tué ! C’est toi qui es parti !

Le Vandaar reculait sous ses coups, sans même s’en apercevoir. Floridas fit un pas en avant.

- Tu as laissé mourir ton fils !

Sa voix était sifflante et il avait l’impression de grandir à chaque nouveau pas qu’il faisait, le sang battait toujours dans ses veines comme un cheval ivre de liberté.

- Tu l’as abandonné !

Ses yeux étaient fixés sur le corps recroquevillés, à l’affut de chaque nouveau tremblement, de chaque spasme de douleur.

- Il est mort à cause de toi !

Le dos du Vandaar heurta le mur. Il profita de la douce haine qui berçait son cœur.

- Tu n’as jamais été père… cracha-t-il en souriant.

Floridas n’aurait pas dû oublier la première règle de la chasse, une bête acculée est toujours la plus dangereuse et imprévisible.

Les yeux rouges brillaient d’un éclat dément mais le prince n’y prit pas garde, grisé par son succès, porté par sa haine.

La main bleue, nue sans ses griffes, le saisit à la gorge.

- Tu es aussi coupable que moi !

Les mains blanches se crispèrent sur le bras bleu, essayant de le faire le lâcher.

- Tu l’as laissé t’être enlevé !

Il sentait l’air s’échapper de sa gorge alors qu’il tentait de le faire lâcher prise.

- Quel pathétique guerrier même pas capable de protéger son propre enfant.

La colère dupliqua ses forces et il réussit à lui faire lâcher prise.

Ils étaient à nouveau face à face. Leurs poitrines se soulevaient au rythme saccadé de leur respiration et toute leur peau frissonnait de la haine de l’autre, de la douleur atroce qui leur fouaillait les entrailles. Ils se regardèrent pendant une éternité, une seconde de trop déjà.

Ils se jetèrent l’un sur l’autre comme deux bêtes enragées, affamées, blessées.

Leurs doigts devenus griffes cherchaient la peau, leurs dents dévoraient, leurs corps chargeaient l’un contre l’autre dans un brame sourd et entrecoupé de grognements. Ils ne savaient pas ce qu’ils cherchaient, ce qui allait naître de cet affrontement, ils ne regardaient pas plus loin que cette volonté de destruction, de création qui les poussait l’un vers l’autre.

Le sang coulait sur leur peau en larmes brillantes alors qu’ils se déchiraient, qu’ils combattaient pour obtenir la victoire, la soumission de l’autre, son entière annihilation.

Et soudain ils se figèrent, ils cessèrent de respirer, arrêtèrent tout mouvement, terrifiés par cette chaleur qu’ils ressentaient l’un contre l’autre, par ce désir qui commençait à nouer leurs entrailles, par ce soudain retour en arrière.

Floridas fut le premier à reculer, à se jeter hors de porté du Vandaar, à tenter désespérément de réunir les restes de sa tunique sur son corps nu. Il était hors de question qu’il recommence, il ne céderait pas une deuxième fois, il ne serait plus jamais l’esclave du Vandaar !

Il garda les yeux rivés sur la bête. Il lui fallait fuir, et le plus vite possible. Il ne faisait pas confiance à son corps qui semblait entraîné à répondre à la moindre de ses caresses.

- C’est donc ça ta réponse ? La fuite ?

Lame-Tempête s’était redressé. Ses vêtements tombaient en lambeaux autour de son corps nu et, magnifique, aucune honte ne jouait sur son visage alors que la lumière tamisée des braseros illuminait les sillons de sang sur sa peau et son sexe dressé.

Il n’avait plus rien de l’homme blessé qu’il avait trouvé en arrivant, c’était de nouveau le Général Sanglant qui le toisait de toute sa hauteur, ce sourire arrogant sur le visage.

- Aurais -tu peur de moi, Elfe ? Où est-ce de ton corps que tu te méfies mon petit esclave ?

- Je ne suis pas ton esclave.

Le sourire du Vandaar s’agrandit.

- Alors prouve-le.

Il lui tendit la main.

- Viens et nous verrons si ton corps ne s’ouvre pas pour moi comme une fleur au soleil.

Le Prince Bâtard regarda la main comme on regarde un serpent sur le point de mordre. Malgré tout il y posa la sienne. Le piège se referma sur lui et il fut tiré contre le torse immense, écrasé par les muscles du général.

La bouche rouge descendit sur la sienne et il lâcha prise. Ce fut comme si toute la rage qui avait dormi pendant ces cent ans, comme si toute la colère, toute la haine, toutes les larmes reprenaient soudain vie et affleuraient contre sa peau, envahissant son esprit, le poussant vers lui avec la force d’un ouragan

Leurs mains étaient partout, caressant, dénudant, griffant, leurs corps se frottaient l’un contre l’autre dans un ballet désespéré, leurs langues combattaient et leurs grognements ponctuaient cette nouvelle bataille, cette inéluctable guerre qui brûlait à nouveau dans leurs veines.

Pour la première fois depuis cent ans il se sentait à nouveau vivant, débordant d’émotions.

- Je te hais ! cracha-t-il en mordant sa lèvres pendant que ses jambes se nouaient autour de sa taille.

- Je te hais ! hurla-t-il tandis qu’il le pénétrait dans la douleur et la frénésie du désir.

- Je te hais ! hoqueta-t-il alors qu’une main bleue se posait sur son sexe pour le caresser.

Le Vandaar le fit taire d’une longue poussée qui lui fit pousser un cri inarticulé.

Le visage bleu se rapprocha du sien.

- Haï-moi autant que tu veux, petit Elfe. Combat-moi de toutes tes forces.

Il continua à le ravager contre le mur, arrachant un à un ses sanglots à sa gorge blanche.

- Hais-moi ! Susurra-t-il en mordant la peau tendre de son cou.

- Hais-moi ! ordonna-t-il en accélérant le rythme de ses poussées.

- Hais-moi ! Et ne vois que moi ! grogna-t-il alors que la délivrance le prenait au plus profond des chairs accueillantes de Floridas.

xxx

- Mon roi, les Humains fuient.

Llevan poussa un soupir de soulagement. Il détestait la guerre, ce massacre qui fauchait les Elfes alors même que le déclin avait commencé pour eux… Chaque siècle amenait moins de naissances, son lot de morts ou de désertions… Ils n’avaient pas besoin de la guerre en plus !

- Merci Nimbrün.

Il sourit au messager.

- Le Haut-Mage Revor Dir vous fait aussi savoir que le bataillon de Haut-Mages est presque intact.

Llevan eut un autre sourire. Vanon avait le don de deviner lorsqu’il avait besoin d’être rassuré.

- Dites au Haut-Mage de me rejoindre lorsqu’il aura fini de veiller au bien être du bataillon. Quelle que soit l’heure.

- Oui votre majesté.

Il regarda partir le messager et contempla la plaine dévastée qui s’étendait devant lui. Sa vision perçante passa sur les cadavres, la terre retournée par les sorts, les quelques Humains survivant qui essayaient de fuir. Du mouvement attira son regard plus loin dans la plaine, presque à l’orée du bois. Les combats continuaient là-bas. Des combats désespérés.

Llevan contempla son frère combattre dos à dos avec le Vandaar…

On était beaucoup venu lui parler ces derniers temps. On s’inquiétait à juste titre du retour du Général Sanglant et surtout de l’association indue d’un prince Elfe avec un des tyrans qui avaient asservi leur peuple. On avait beaucoup insisté, on avait fait beaucoup de bruit, mais le roi des Elfes Gris était resté sur sa position. Que ceux qui voulaient se plaindre aient le courage d’aller le leur dire en face ! Qu’ils aillent donc affronter le Prince Bâtard et le Vandaar pour leur demander de mettre un terme à ce secret de polichinelle qu’était leur relation.

Très étrangement aucun de ceux qui étaient venu le voir n’avait trouvé le temps de le faire…

Floridas souriait. Au milieu du combat il souriait, son dos contre celui du Vandaar qui semblait pris de la même joie dévastatrice. Llevan détourna le regard. Pas besoin d’être un devin comme Erdinael pour savoir qu’il ne verrait pas son frère ce soir et qu’il valait mieux prudemment éviter sa tente et celle du Vandaar.

Qu’importait ce que disaient les autres. Pour la première fois depuis un siècle il voyait à nouveau son frère sourire. Un sourire qui restait teinté de douleur mais un véritable sourire cependant. Et si le seul prix à payer était de supporter les gémissements de ses courtisans alors il s’estimerait heureux.

- Vous semblez soucieux, mon roi…

Llevan posa la tête sur l’épaule de Vanon qui venait d’apparaître derrière lui.

- Non mon cher Haut-Mage, juste penseur.

Et, réchauffé par la présence de son plus loyal sujet, de son meilleur ami, de son bien aimé, le roi Llevan contempla le soleil verser son sang sur l’herbe verte.

parias

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