Titre : L'illusion d'une nuit d'hiver
Base : Folklore japonais
Personnages : OCs dont une yuki-onna
Rating : PG
Avertissements : Du froid polaire en plein mois de mai?
Genre : Histoire de fantômes [presque] japonaise?
Notes : pour
nephty_s Rikichi était un jeune poète de la préfecture de Fukushima. Jeune, assurément, car le garçon n’avait que dix-neuf printemps. Poète, il ne l’était que de nom, car son activité principale consistait à vendre au porte à porte avec son oncle des charmes destinés à éloigner les yokai, obake et autres yûrei des maisons. Son oncle, Kankurô, n’avait de cesse de le traiter d’incapable oisif dénué de cervelle quand le jeune homme lui faussait compagnie sur les chemins afin d’aller composer quelque haiku à l’ombre d’un cerisier ou à côté d’un étal de friandises.
Le commerce n’étant guère florissant ces derniers temps, oncle et neveu s’en allèrent plus haut sur les routes traverser la région moins clémente d’Akita alors que l’hiver s’annonçait particulièrement rude. Il n’était pas rare dans cette partie de Nihon de voir la neige s’amonceler jusqu’à la taille par endroits et, plus on remontait vers le nord, plus les tempêtes d’hiver pouvaient faire rage, le summum étant les tempêtes et le gel d’Hokkaido.
Les deux parents s’étaient arrêtés pour la nuit dans une petite auberge miteuse de bord de route, et ce afin d’éviter de se perdre dans la tempête de neige qui s’était levée en début de soirée. Malgré le service médiocre de l’auberge et le vent hurlant au dehors, l’oncle et le neveu ne tardèrent pas à s’endormir.
Vers le milieu de la nuit, des coups portés sur les volets réveillèrent Rikichi qui se mit en tête d’aller les ouvrir afin de crier sur l’opportun qui le dérangeait dans son sommeil. La tempête s’arrêta brusquement alors qu’il mettait la main au battant et, ouvrant les panneaux, il ne put qu’entrapercevoir au loin une silhouette s’éloignant dans la nuit étrangement claire. Du passage de l’étrange inconnu, il ne restait rien, pas même une empreinte de pas… perplexe, Rikichi referma les volets et se tourna vers Kankurô, lui secouant l’épaule pour le réveiller ; mais, à peine l’eut-il effleuré qu’il recula sa main en hurlant. Son oncle était mort, bleui de froid et glacial au toucher.
Epouvanté, Rikichi appela à l’aide les tenanciers de l’auberge mais constata rapidement qu’eux aussi étaient dans le même état mortifère. Manquait la jeune Reiko, le petite fille de l’aubergiste qu’une femme avait tenu dans ses bras toute la soirée.
Hurlant de peur, le jeune homme sortit de l’auberge sans chaussures et courut dans la neige sans s’arrêter jusqu’à ce que le bâtiment soit hors de vue. Là où il se pensait plus en sécurité, le garçon tomba à genoux et se mit à pleurer, choqué de la mort de son seul parent qu’il connaissait depuis l'enfance et avec lequel il avait longuement voyagé. Désormais, Rikichi était seul au monde, poète raté et colporteur peu brillant, il avait peu de chances de s’en sortir seul… c’est alors qu’il la vit, grande et fière dans la neige, tenant la petite Reiko par la main.
Une femme au teint si blanc qu’il aurait pu être jugé transparent, de longs cheveux noirs, lisses et brillants, un visage lunaire, un kimono immaculé. Mais ses yeux n’avaient rien d’humain. L’enfant ne se débattait pas, ne criait pas, elle semblait comme envoûtée par le regard de la jeune femme au sourire froid. Aussi irrationnel cela puisse-t’il être, Rikichi se sentit attiré par la beauté lunaire et froide qui se tenait à quelques pas à peine et s’approcha, tremblant, fébrile. La dame posa alors son regard de glace sur lui et le dévisagea un instant.
« - Toi. Tu étais le jeune homme de l’auberge. »
« - Etais ? »
« - Regarde derrière toi. »
Rikichi se retourna alors et constata avec une horreur indicible que son corps était derrière lui, étendu sous une épaisse couche de neige, les lèvres bleues et froides. Devant ce macabre constat, Rikichi poussa un cri et tomba dans la neige. Bientôt, deux bras se glissèrent autour de son cou et l’enlacèrent.
« - Tu es mort, Rikichi… », lui susurra alors la jeune femme dont les mots se transformaient en fumée blanche cristalline qui vint se givrer dans son cou.
Le garçon en aurait presque pleuré si la belle créature ne se trouvait pas si près de lui, si accessible, si belle. Sous le charme, sa propre mort lui semblait tout à coup bien dérisoire en comparaison de l’instant présent où la dame le tenait dans ses bras.
« - Si tu le souhaites, tu peux devenir mon serviteur, je t’accueillerai dans ma demeure de glace et nous resterons à jamais ensemble. », lui murmura encore l’apparition.
Rikichi opina alors du chef, ne se doutant pas un seul instant du sort que la yuki-onna réservait à ses serviteurs ; une éternité d’obéissance et de froid ultime dans une caverne de glace, à servir sans discuter ses innombrables enfants orphelins qu’elle avait arrachés à leur parents sous la rude bise de l’hiver…