Yggdrasil janvier-février : Ah, la famille !

Feb 28, 2013 22:09

Titre: Dispute conjugale.
Base: Mythologie grecque.
Personnage(s)/couple(s): Zeus et Héra, principalement. Apparitions d'Hermès, Apollon, Arès et Athéna.
Rating: G (tout public)
Warning: quelques insultes (mais rien de bien choquant, normalement) et la mythologie grecque étant ce qu'elle est : mention d'inceste et d'adultère.
Genre: général, vague tentative d'humour.



Il est une chose que toute divinité de l'Olympe, même la plus courageuse d'entre toutes, redoutait par dessus tout. Une chose en apparence simple, mais au fond terriblement angoissante, horrible, stressante... interminable. Une chose capable de faire ressortir à une personne ses veines, lui donner des cheveux blancs ou lui faire remonter sa tension. Une chose que divinités et mortels redoutaient plus que tout. Il s'agit de... des dîners familiaux !

Une chose décrétée comme obligatoire par un membre de la famille qui avait le pouvoir et l'autorité sur les autres (généralement un des parents) et comme maudite par les autres membres de la famille qui devaient subir cette corvée familiale. Personne n'y échappait, pas même les dieux. Rien de tel qu'un dîner autour duquel se réunissait une famille (généralement une famille nombreuse) un week-end, supposé ressouder les liens familiaux, où chacun, en toute hypocrisie, faisait semblant de se préoccuper du bien-être ou des occupations des autres ; en tentant d'avaler et de digérer le copieux repas, plus ou moins réussi, tout en essayant d'éviter les sujets de conversations qui fâchent, ainsi que les disputes qui finissaient parfois avec des larmes et de la vaisselle brisée.

Mais il arrivait parfois que la tempête arrive avant, voire après le dîner en question.

Parmi les exemples, choisissons la famille nombreuse et variée des divinités grecques de l’Olympe, qui avaient un jour connus leur période d’or durant l’Antiquité gréco-romaine, avant d’être passés de mode et de passer du statut de « divinité » à celui de « personnages mythologiques ». La montée en puissance du judaïsme, christianisme et autres religions qui promettaient en vedette un Dieu créateur et unique n’avait pas eu que du bon chez les divinités païennes…

C’était d’ailleurs avec ce sujet de conversation qu’Héra, déesse de la famille et du mariage, avait entamé la conversation pendant les préparatifs du dîner qu’elle effectuait avec son mari. A une autre époque, des serviteurs s’en seraient occupés pendant que les divinités paraissaient/vaguaient à leur occupation/s’asseyaient sur leur trône tout en sirotant du nectar ou de l’ambroisie mais depuis l’avènement de la religion du Dieu Unique et que les mortels avaient cessé de croire en eux, leurs pouvoirs avaient considérablement diminué - tout comme leurs recrues de serviteurs - et c’est ainsi que le tout-puissant Zeus s’était retrouvé contraint à participer aux tâches ménagères et se trouvait en ce moment même à sortir la vaisselle du meuble et de leur passer un coup de torchon en compagnie de sa femme qui nettoyait l’argenterie.

- C’était très gentil de la part de Yahvé de nous inviter au dîner de Noël, le service est impeccable et nos hôtes très polis, lâcha soudain Héra. Je ne peux qu’espérer que notre propre dîner se passera dans le calme et l’harmonie également.

- Oh, ne commence pas avec eux, prévint Zeus. Les compliments sur la famille Je-Suis-Parfaite-et-Irréprochable, ça suffit, et je ne parle même pas de la dévotion et l’adoration pour eux de ces chrétiens ou ces juifs, cracha-t-il comme si ces noms étaient des maladies.

Héra soupira, Zeus reprit :

- Parce que, quand on y pense, ils se croient irréprochables ces gens… un peu trop, si tu veux mon avis. Sois bon, soit pur, sois gentil, ne convoite rien, ne vole pas, ne tue pas, ne jalouse personne, sois sans défauts et blablabla et blablabla ! Non mais, ils les ont vus, les humains en bas ? Ces créatures sont imparfaites de nature ! Pécher, c’est tout naturel pour eux, c’est une seconde nature ! Crois-moi, il n’y a pas un seul mortel sur Terre qui soit dépourvu de défauts !

- Il n’y a pas que des mortels d’ailleurs, glissa Héra en jetant un regard entendu à son mari.

- Ne me dis pas que tu repenses encore à cette histoire ? soupira Zeus avec un ton de voix qui montrait à quel point il était habitué à ce genre de situation.

- Tu fais la cour à une Sainte, devant tous ces anges et Saints notoires pendant un dîner où nous étions invités, et tu me demande d'oublier cette humiliation ? Tu espérais peut-être que je ne t'avais pas vu ? tempéra Héra sur le ton de celle qui a assisté aux mêmes scènes d'adultère depuis des siècles.

- Non, je n'espérais rien, soupira de nouveau Zeus.

Cela faisait des millénaires qu'il n'avait plus à espérer de ne pas être surpris dans les bras d'une amante ou en train de séduire une future conquête, par Héra. Elle avait appris très tôt, dès les premières semaines de leur mariage à reconnaître ses mensonges et à flairer l'adultère, et elle s'était bien entraînée dans l'art et la manière de tourmenter ses conquêtes, qu'elles soient mortelles ou non. Cela l'énervait rien que d'y penser, mais elle était devenue trop bonne à ce jeu-là et y prenait un malin plaisir. Séduire une jolie femme ou un bel adolescent était devenu une tâche bien ardue pour laquelle il fallait redoubler d'exercice, de ruse et de vigilance, et ce, depuis les temps antiques.

Maintenant que leurs pouvoirs avaient diminué, Zeus trompait moins sa femme. Pas parce qu'après des siècles, il avait gagné un certain regain de conscience et de culpabilité, mais par manque de moyen : finies les transformations en animaux, en mortel ou en pluie d'or pour aller pêcher des jolis minois. Quand il y pensait, cela avait le don de plonger le dieu du tonnerre dans une colère monstre.

- Comme si ce n’était pas suffisant que tu te mettes à faire du charme aux autres divinités, non content de me tromper tout court, tu veux le faire avec une Sainte-Nitouche ? Et ne parlons pas des nymphes…

- Ne recommence pas avec les nymphes, depuis le temps qu’elles ne viennent plus sur l’Olympe… ce n’est pas comme si tu les invitais en même temps, fit remarquer Zeus.

- Et puis quoi encore ? Pour t’encourager davantage à faire ton Dom Juan ? Mais si tu veux parler des personnes que nous sommes peu enclins à inviter, parlons donc de toi et des Egyptiens !

- Si tu tiens tant que ça à inviter des créatures mi-homme mi-animaux à notre table..., lui répliqua Zeus avec moquerie. Mais si tu veux continuer à jouer ce jeu… toi non plus tu n’étais pas très enclin à les inviter… et je ne parle même pas des Nordiques, qu’est-ce que tu disais sur eux, déjà ?

- Des barbares, siffla Héra avec mépris, avec ce… Loki, elle cracha le nom comme s’il s’agissait de venin, aucun savoir vivre, aucune décence !

Zeus soupira. Plus le temps passait et plus il venait à regretter ce qu'il appelait le bon vieux temps. Plus personne ne croyait en eux. Parfois, il se disait qu'ils auraient pu... qu'ils auraient du disparaître, cela aurait été mieux que de supporter la compagnie de Celui-Dont-On-Ne-Prononce-Pas-Le-Nom - et qu'en bas, ils nommaient Seigneur ou Père Créateur - et de ses anges (des hypocrites en aube blanche, se bornait à répéter Zeus) ainsi que celles des autres divinités en qui plus personne ne croyait et qui se lamentaient d'avoir déchu de leur statut de divinité crainte et/ou respectée, admirée pour en arriver à celui d'êtres mythologiques qu'on étudiait (la muse de l'Histoire, Clio, avait été stupéfaite de découvrir qu'elle ne représentait plus l'Histoire car celle-ci avait été transformée en discipline).

Au moins certains s'en sortaient mieux que d'autres, ce qui n’était pas au goût de tout le monde. Aphrodite avait subi une dépression nerveuse lorsqu'elle avait appris que son fils Eros avait décidé de se faire baptiser Cupidon et de rejoindre la clique des anges pour mieux œuvrer pour l'Amour (au moins lui ne chômait pas) ; et tant que le soleil et la lune étaient là, Apollon et Artémis étaient toujours en service... d'autres avaient choisis d'œuvrer sur Terre, Hermès, par exemple, s'en sortait à merveille dans les métiers de télécommunication et Asclépios exerçait sa médecine auprès des docteurs humains.

D'autres divinités n'exerçaient plus depuis la fin de l'Antiquité et s'interdisaient toute excursion sur Terre, même Zeus avait du s'y résoudre : finis les petits jeux de séductions avec les mortelles, finies les folles courses amoureuses. Héra s'en réjouissait au départ, mais à présent Zeus avait l'intime soupçon qu'elle commençait à s'ennuyer... après tout, elle avait mis tout son cœur et son âme à rendre la vie de ses maîtresses, et les enfants issus d'elles et Zeus, impossible. Elle avait pris tellement de plaisir à les tourmenter, à les faire pleurer et rager et en tentant d'envoyer les enfants bâtards chez Hadès. Peut-être que tout ceci lui manquait quelque fois, c'était fort possible mais jamais elle ne l'avouerait !

De ce fait, ils n'avaient pas disparu mais ils avaient perdu leur influence auprès des mortels et leurs pouvoirs avaient considérablement diminué. Hadès pouvait râler (il avait eu du mal à digérer le fait que les défunts n'iraient plus chez lui mais au Paradis, et qu'un nouvel Enfer avait été crée, puis habité par un certain... Lucifer ?, où seules les âmes de ceux ayant beaucoup péchés iraient, pour souffrir pendant l'éternité), au moins il avait encore les âmes de ceux qui croyaient encore en eux.

- Tu diras à ton fils d'aller faire les courses, lâcha Héra, nous n'avons plus de sel.

Elle avait à présent terminé de nettoyer l'argenterie, et passait le balais.

- Lequel ? demanda vaguement Zeus.

- Lequel ? Je parle d'Hermès, bien-sûr ! Qui passe son temps à courir à droite et à gauche sans se fatiguer ? Quoique, je comprends... avec tous les bâtards que tu as, c'est difficile de s'y retrouver, lança-t-elle avec moquerie.

Un bruit de vaisselle cassée. Une assiette avait été violemment jetée sur le sol par Zeus.

- Ah, bravo ! Regarde un peu ce que tu as fait ! Tu te sens fier de défouler ta colère sur ma précieuse vaisselle ?

- Tu laisses mes enfants en dehors de ça, femme ! tonnera Zeus.

- Femme ? Non mais Monsieur se croit encore dans le passé, où quoi ? Je suis ta femme et une déesse, tu me dois un certain respect !

- Mais vas-tu te taire, garce ?

D'un geste furieux de la main, il fit valser la belle pille d'assiettes en porcelaine de la table jusqu'au planché. Héra vit rouge.

- Brute ! Monstre ! On aurait du te proclamer dieu de la brutalité !

Sans le savoir, Zeus et Héra, qui continuaient de se disputer, avaient un public qui écoutait leur conversation derrière la porte de cuisine.

- Tu entends ça ? souffla Hermès à Apollon.

- Ouais, ils se disputent enfin, fit Apollon en un soupir émerveillé. Une dispute de cette proportion-là, on en avait plus vu depuis des siècles. C'est bon signe, ils sont en train de se reconnecter l'un à l'autre !

- Il était temps, grogna Arès, ça faisait trop longtemps qu'ils déchargeaient leur frustration sur nous...

- Surtout Héra, fit remarquer Athéna.

- En particulier Héra, renchérit Arès en frissonnant. Dieu de la guerre ou pas, sa mère avait toujours l'incroyable don, lorsqu'elle était d'humeur massacrante, de réveiller une peur constante chez autrui.

De l'autre côté de la porte, la dispute persistait.

- Est-ce que tu prends encore la peine de t'occuper de tes vrais enfants ? S'entend ceux que tu as eus avec moi ? fulmina Héra.

- Oh, tu veux parler des deux déesses que le monde a oublié et d'un dieu de la guerre qui est les trois quarts du temps de mauvaise humeur ?

Héra grogna. Arès se raidit, Athéna lui tapota le dos d'un geste compatissant.

- Oui, c'est vrai qu'Arès se montre encore utile dans les armées des hommes. Il a fait quelques grands exploits et a su participer avec talent aux plus grandes guerres... quel dommage qu'il ne soit pas capable d'assurer face à sa demi-sœur, ceci dit.

- Tiens ! Il y avait longtemps que tu ne reparlais plus de ta si parfaite fille. Comment va Athéna ? Toujours aussi coincée ?

- CA SUFFIT OUI ?!

- ARRÊTE DE BALANCER MES ASSIETTES !

- Ohlalala, dis donc ! souffla Hermès, impressionné. Ca devient de plus en plus violent.

- Ca me rappelle le bon vieux temps, rêva Apollon, tu sais, quand notre père attachait Héra par les pieds au ciel pour la calmer et que, pour se venger, elle allait tourmenter ses maîtresses jusqu'à la crise de larmes. Ca faisait si longtemps qu'ils ne se sont plus disputés de cette façon, ça a du leur manquer, tu ne crois pas ?

- Que les disputes, ça leur manquait ? demanda Athéna du ton de celle qui doute, tu ne crois pas que tu exagères un peu ?

- Mais non ! assura Arès, les conflits, c'est très bénéfique, ça chauffe le sang, on se défoule et après, on se sent soulagé !

- ... je parlais des disputes conjugales.

- Tu crois que ça m'amuse, cette situation ? continuait de hurler le roi des dieux.

- Oh oui, rester bien sagement à la maison avec TA famille, et ne plus aller voir ailleurs, cela doit être une vraie torture ! railla Héra.

- C'est de devoir te supporter tous les jours qui est une vraie torture !

Cette fois-ci, ce fut Héra qui attaqua en balançant des assiettes. Zeus dut faire un pas de côté pour éviter une assiette bien visée.

- Quelle erreur j'ai faite en t'épousant ! s'écriait Héra, furieuse jusqu'à en avoir le rouge aux joues. J'aurais du choisir un de tes frères, au moins je n'en serais pas là !

- Un de nos frères, tu veux dire. Je ne sais pas si tu aurais trouvé ton bonheur avec Poséidon, il partage plus souvent le lit de ses amantes que celui de sa femme... quoique si tu aimes vivre sous l'océan et sentir le poisson, se moqua Zeus. Reste toujours Hadès. Son foyer reste assez lugubre et sinistre, mais au moins tu auras la certitude d'avoir un mari fidèle bien que difficile à rendre de bonne humeur ! Un sourire lui écorcherait le visage !

- C'est heureux qu'Hadès et Poséidon ne soient pas encore là, remarqua Hermès.

- Parce que tu crois qu'ils seraient venus ? demanda Apollon. Tu sais qu'il est difficile de les faire sortir de leurs royaumes...

- Je pense que oui, fit Athéna. Ils ne loupent jamais une occasion de remonter en Olympe pour aller se plaindre à Zeus et de le critiquer.

- Ca a l'air plus calme à côté, fit remarquer Arès. On entre ?

Il commença à lever une main pour la poser sur la poignée de porte, mais Athéna posa une main sur son épaule en lui faisant signe de s'arrêter.

- Attends, cela peut être le calme avant la tempête, vérifions avant d'essayer d'entrer.

- Parce qu'elle n'est pas déjà passée, la tempête ? railla Apollon, mais il obéit docilement et Athéna s'agenouilla pour mieux observer la scène à travers le judas.

Le sol jonché de cadavres d'assiettes, elle repéra immédiatement Héra et Zeus assis près de la table, côte à côte, Héra reniflait et Zeus lui tapotait gentiment le dos.

- Tu te rappelles, pleura Héra, à une époque, tu n'avais d'yeux que pour moi. Je me rappelle de la cour que tu me faisais, c'était si romantique... si magnifique... c'était comme si j'étais la seule qui importait vraiment pour toi...

Elle se moucha dans un mouchoir, Zeus continuait de lui tapoter le dos.

- N'empêche, ça ne t'a pas empêché de commencer à me tromper dès les premières semaines de notre mariage.

- Ca va aller, femme, allons calme-toi un peu... je vais aller te chercher un bon verre d'ambroisie, ça va te requinquer.

- Tu ne te rappelles pas des jours heureux de notre mariage ? continuait Héra, les yeux rouges et bouffis.

- Bien-sûr que je m'en souviens. Allons, ressaisis-toi un peu et viens avec moi, nous irons te chercher un verre d'ambroisie et après nous irons te chercher des pommes du jardin des Hespérides, je sais que ce sont elles que tu préfères.

- Oh, le jardin des Hespérides, cela faisait si longtemps... j'avais presque oublié à quel point ce jardin était magnifique. Pourrions-nous y faire une balade après avoir cueillis les pommes ?

- ... si tu veux, femme, si tu veux...

Et le couple s'en alla, laissant une cuisine jonchée de vaisselle brisée, avec un repas à moitié préparé, et plusieurs mouchoirs usagés sur la table. Les autres divinités s'observèrent un moment.

- ... ça veut dire qu'on est pas prêt de dîner, hein ? fit Hermès en direction des autres.

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