Apr 12, 2008 09:54
Le problème quand on est une personne indépendante qui se refuse toujours à se reposer sur qui que ce soit, qui n'essaie jamais de recourir à l'aide d'autrui, est qu'on ajourne l'inéluctable découverte qu'on ne peut jamais compter sur personne, qu'on ne peut jamais espérer quoi que ce soit de fucking personne, encore moins de ceux qui prétendaient qu'ils seraient là au moment où vous auriez besoin d'eux. Si quelqu'un vous dit ça un jour, si proche vous soit-il, sachez que c'est un mensonge. Si les circonstances s'y prêtent, peut-être en effet vous aidera-t-il. Mais s'il a quelque chose d'autre à faire, même si c'est de moins importance dans sa vie que ce l'est dans la vôtre, même si ce que vous lui demandez est de la plus haute importance pour vous, même si c'est vital, même si c'est vital, s'il a autre chose à faire ou s'il a simplement envie de faire quelque chose d'autre, il ne vous aidera pas. You're on your own. You're always on your fucking own.
Il est important de le savoir si on désire préserver un contact avec ses semblables.
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Dans un monde idéal - idéal, mais non « sans failles », remarquez-le -, je connaîtrais d'emblée les pires aspects des gens. Bien sûr, si on considère notre espèce dans son ensemble, on sait depuis longtemps à quoi s'en tenir. Tentez de concevoir le pire et dites-vous qu'il existe quelque chose d'encore bien pire, infiniment pire: vous aurez une idée de ce à quoi vous en tenir. Quant au meilleur, prêtez-lui toujours les pires intentions: vous ne serez pas loin de la vérité.
Le problème, enfin, un de mes problèmes, est que je suis une éternelle optimiste. J'ai beau présumer le pire en ce qui concerne le général, je suis toujours prête à croire au meilleur par rapport au particulier. Quelle bêtise. Le meilleur surgit rarement, le pire un peu plus souvent. Ainsi va la vie.
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Parlant de vie, d'ailleurs, puisque je n'utilise pas assez mon système de libellés, enfin, que je l'ai utilisé momentanément, mais puisque je n'ai pas eu le courage de revenir longtemps en arrière, ni même celui de continuer longtemps (j'y reviendrai plus tard), je ne sais pas si j'ai déjà cité le passage que je désire citer. Enfin, qu'importe. Il est si beau qu'il mérite bien la peine d'être citer à maintes reprises.
Il parle de la vie avec la puissance des grands moralistes. Son évocation me ramène à la raison, à l'évidence: non, je ne souhaite pas réellement connaître le pire des gens. Pas que je ne le tolérerais pas. Oh non. Mais la déception est un processus indissociable de la vie. Abolir la déception équivaut à abolir la vie. Et j'aime la vie. Je chérirai donc ma déception et suivrai les enseignements des disparus.
Philippe Muray écrit donc dans le magnifique épilogue du recueil Désaccord parfait, qui regroupe des extraits d'Exorcismes spirituels I et II:
« Ce monde a quelque chose de bon: il suffit de le considérer pour être aussitôt guéri de l'antique peur de le perdre.
Bien entendu, je ne parle pas ici du monde en général, du monde comme "habitation de l'être"; je ne parle pas de la vie, de la merveilleuse, de la lumineuse vie vivable et vivante de toujours; je ne parle pas du doux royaume de l'imprévisible, de l'empire des conflits et des divisions, du territoire sans fin des coups de théâtre, des surprises, des ambivalences et des renversements. Je ne parle pas de la vie; je parle de ce qui l'a tuée et qui se dit maintenant la vie, à sa place, sans risque jamais d'être contredit.
Cette planète reformatée a au moins réussi un exploit, celui de vous ôter toute peine d'en être un jour séparé. Ce qui rendait la mort désagréable, c'était la crainte d'être privé du risque, justement, inséparable de la vie. Mais le risque lui-même est éradiqué, et avec lui toutes les contradictions, toutes les divisions, toutes les duplicités, toutes les négativités, tous les délices. »
Philippe Muray, Désaccord parfait, p. 339.
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