En ce 4e jour du mois d'Avril de l'an de grâce deux mil sept... Moi, Andromède, je fais désormais partie intégrante de la Secte des Vieux Adultes.
...
>__<
Et pour fêter ça... XD
A la fin du siècle dernier, dans une Espagne secouée par de graves troubles politiques, un maître d'escrime assiste à la lente disparition de son art et des valeurs auxquelles il a été fidèle toute sa vie. Lorsque dans sa salle d'armes apparaît la belle et énigmatique Adela de Otero, sa vie bascule dans une aventure où les trahisons succèdent aux manoeuvres politiques et aux crimes, et qui se déroule selon les règles d'un duel : assaut, fausse attaque, dégagement forcé, jusqu'à combat à pointe nue, mortel.
C'est vraiment, vraiment dommage que je n'y connaisse que couic au niveau de l'histoire espagnole, parce que je suis sûre que du coup, j'ai loupé plein de subtilités ou de références >___< Ce bouquin est géant ! Du grand Reverte !!
Ecrit à la pointe du fleuret, le livre est un gigantesque duel : les dialogues s'articulent comme des passes d'armes, chaque page fourmille de termes d'escrime, de combinaisons, d'attaques, de bottes secrètes... Vraiment, les tireurs et les mordus de fleuret y trouveront leur compte ! L'auteur a fait un travail de pro.
Les personnages sont peu nombreux, mais terriblement complexes. Jaime Astarloa, le héros, est tout particulièrement intéressant : vieux maître d'armes qui ne s'intéresse plus guère qu'à son art, qu'il voit décliner un peu plus chaque jour, et qui tombe amoureux de tout le contraire de ses principes : Adela de Otero, une FEMME qui pratique l'escrime ( "absurde, jamais une femme n'a tenu de fleuret ! c'est totalement contre-nature !" ), et qui manque même de le surpasser...
J'ai vraiment peur de ne pas réussir à rendre hommage à la minutie et à la beauté du livre, aussi je préfère vous mettre quelques extraits :
"Le marquis adopta un ton ironique.
-Je crois que Cervantès a écrit quelque chose à ce sujet. A la différence près que vous êtes un hidalgo qui ne s'aventure pas sur les chemins puisque les moulins à vent, vous les portez au dedans de vous.
-En tout cas, je suis un hidalgo introverti et égoïste, que votre excellence ne l'oublie pas. L'homme de la Manche voulait réparer les offenses ; moi j'aspire seulement à ce qu'on me laisse en paix - il demeura un moment pensif, analysant ses propres sentiments. J'ignore si c'est compatible avec l'honnêteté, mais en fait, je tente seulement d'être honnête, je vous l'assure. Honnête homme et homme d'honneur. Toute chose qui prendrait sa source dans le mot honneur, ajouta-t-il avec sincérité.
Personne n'eût pris son ton pour celui d'un fat.
-Obsession originale, maître, dit le marquis, franchement admiratif. Surtout par les temps qui courent. Pourquoi ce mot et pas n'importe quel autre ? Il m'en vient à l'esprit des douzaines : argent, ambition, haine, passion...
-Je suppose que c'est parce qu'un jour j'ai choisi ce mot là et pas un autre. Cela s'est peut être fait par hasard, ou parce que j'aimais le son. Peut être en quelque sorte, le mettais-je en relation avec l'image de mon père dont la manière de mourir m'a toujours empli de fierté. Une bonne mort justifie toute chose. Et même toute vie.
-Ce concept de la mort du juste -Ayala sourit, enchanté de prolonger sa conversation avec le maître- possède une odeur catholique fort suspecte, vous le savez. La bonne mort comme porte de salut éternel.
-Si c'est le salut qu'on espère, ou quoi que ce soit d'autre, la chose ne revêt pas grand intérêt... Je faisais plutôt référence au dernier combat au seuil d'une obscurité éternelle, sans autre témoin que soi-même.
-Vous oubliez Dieu.
-Il ne m'intéresse pas. Dieu tolère l'intolérable ; il est irresponsable et inconséquent. Dieu n'est pas un gentilhomme."
Et celui ci, qui reflète vraiment très bien le rapport du bouquin à l'escrime :
"-Mon père dit que l'escrime est bonne parce qu'elle est hygiénique, répondit courtoisement l'aîné des Cazorla. C'est ce que que les anglais appellent sport.
Don Jaime regarda son élève comme s'il venait d'entendre un blasphème.
-Je ne doute pas que monsieur votre père ait des raisons pour affirmer une telle chose. Je n'e doute absolument pas. Mais moi je vous certifie que l'escrime est bien plus que cela. Elle constitue une science exacte, mathématique, dont la somme des facteurs conduit invariablement au même résultat le triomphe ou l'échec, la vie ou la mort... Je ne suis pas ici avec vous pour que vous fassiez du sport, mais pour que vous appreniez une technique extrêmement pure qui, un jour, à l'appel de la patrie ou de l'honneur, pourra vous êtres très utile. Peu importe que vous soyez forts ou faibles, élégants ou maladroits, que vous soyez phtisiques ou parfaitement sains... Ce qui importe c'est que, un fleuret ou un sabre à la main, vous puissiez vous sentir égaux ou supérieurs à n'importe quel homme au monde.
-Mais il existe des ares à feu, maître, s'aventura timidement Manolito de Soto. Le pistolet, par exemple : il semble beaucoup plus efficace que le fleuret, et il rend tous les gens égaux -il se gratta le nez. Comme la démocratie.
Jaime Astarloa fronça les sourcils. Ses yeux gris se rivèrent sur le jeune homme avec une froideur inhabituelle.
-Le pistolet n'est pas une arme, c'est une impertinence. Quitte à se tuer, les hommes doivent le faire face à face ; non pas de loin comme d'infâmes bandits de grand chemin. L'arme blanche possède une éthique qui manque à toutes les autres. Et, si l'on m'y pousse, je dirai que c'est mystique. L'escrime est la mystique des gentilshommes. Rt cela d'autant plus par les temps qui courent.
Paquito Cazorla leva la main d'un air dubitatif.
-Maître, j'ai lu la semaine dernière dans L'illustration un article sur l'escrime... Les armes modernes sont en train de la rendre inutile, c'est plus ou moins ce qu'on y disait. Et la conclusion était que les sabres ou les fleurets ne seront bientôt plus que des pièces de musée...
Don jaime remua lentement la tête, comme s'il avait déjà entendu jusqu'à l'écoeurement cette chanson. Il contempla sa propre image dans les grands miroir de la salle d'armes : un vieux maître d'escrime entouré par les derniers élèves qui lui restaient fidèles et qui veillaient à son côté. Jusqu'à quand ?
-Une raison de poids pour continuer à être loyaux, répondit-il avec tristesse, sans qu'on pût déterminer s'il faisait allusion à l'escrime ou à lui-même.
Son masque sous le bras et le fleuret appuyé au chausson de son pied droit, Alvaro Salanova fit une moue sceptique :
-Peut être qu'un jour, il n'y aura plus de maîtres d'escrime, dit-il.
Un long silence se fit. Jaime Astarloa regardait au loin, l'air absorbé, comme s'il observait le monde au delà des murs de la salle d'armes.
-Peut être, murmura-t-il, pris dans la contemplation d'images que lui seul pouvait voir. Mais laissez-moi vous dire une chose... Le jour où s'éteindra le dernier maître d'armes, tout ce que la lutte ancestrale de l'homme contre l'homme a encore de digne et de noble descendra dans la tombe avec lui... Car il n'y aura plus de place que pour le trébuchet et le poignard, le guet-apens et le coup de couteau. [...] En vérité, je ne vous envie pas les guerres que vous vivrez dans vingt ou trente ans."