[Fic écrite en mai 2003]
One-shot (sans séquelle ni préquelle)
Titre : Ritournelle
Base : Gundam Wing
Auteur : Meanne77
Couple : On peut voir ça comme du 2+1 mais en fait je vois
plus ça comme du 2+ tout le monde et vice versa. Avec un bon petit 2+1 quand
même, lol.
Genre : Fic en chanson (non, pas song fic mais j'y viendrai un
jour...). Déprime, déprime, déprime. Je pense pas qu'il y ait de l'angst mais de la
mélancolie, oui, et du sang. Bref, lisez entre les lignes : cette chose ne vous
remontera pas le moral. J'avais mentionné la déprime ?
Disclaimer : Nothing's
mine, neither the characters nor the song. Bref, que dalle, pas à moi.
Ritournelle
- "Parlez-moi d'amour
Redites-moi des choses tendres..."
Duo
Maxwell ferma le robinet d'arrivée d'eau et s'essora avec force les cheveux. Un
orage en modèle réduit se déversa dans la douche et disparut dans le conduit
d'évacuation.
A l'aide de son gant, il s'essuya succinctement la peau et les
cheveux, évitant par là même de tremper ses serviettes à l'étape suivante.
Lorsque l'on avait la chevelure de Duo Maxwell, deux serviettes sèches n'étaient
jamais de trop.
- "Votre beau discours
Mon coeur..."
Devant la
glace, le jeune pilote inspecta ses blessures et eut un sourire satisfait. Les
plaies cicatrisaient parfaitement ; d'ailleurs il n'avait plus mal.
-
"...n'est pas las... de l'entendre..."
Il abaissa la cuvette des WC et
s'assit, puis entreprit la fastidieuse tâche de se brosser les cheveux.
-
"Parlez-moi d'amour
Redites-moi des choses tendres
Votre beau
discours..."
Ces dernières années, Duo avait eu l'occasion de tester de
nombreux shampooings, après-shampooings, démêlants et brosses, pour finalement
dresser la liste des meilleurs d'entre les meilleurs. Lorsqu'on avait la
chevelure de Duo Maxwell, on se souciait de ce genre de détails, et Duo était
intraitable sur le sujet.
- "Mon coeur... n'est pas las de
l'entendre
Pourvu que toujours..."
Une fois l'ultime noeud vaincu, il
se divisa les cheveux en trois et les tressa. Enfin, il noua un élastique à
l'extrémité et passa la main le long de la corde formée pour vérifier son
travail. Avec un sourire appréciatif, il repoussa la natte dans son dos et
acheva de s'habiller.
- "Vous répétiez ces mots suprêmes..."
Il
sortit de la salle de bain et emprunta le couloir. Leur planque n'était pas très
grande mais elle fournissait tout le minimum du confort dont ils pouvaient avoir
besoin.
Il jeta en passant un coup d'oeil dans la chambre qu'il partageait
avec le pilote zéro un. Heero était une fois de plus concentré devant son écran.
Duo secoua la tête d'un air à la fois amusé et attendri. Heero Yuy et son
ordinateur portable, une grande histoire d'amour...
Après un haussement
d'épaules, l'Américain reprit son chemin vers la salon en fredonnant la suite de
sa chanson. Il se demandait où étaient les autres...
*******
- "Parlez-moi d'amour..." chantonna Duo à l'eau qui bouillait dans la
casserole. "Redites-moi des choses tendres..." ajouta-t-il en y jetant
les pâtes."Votre beau discours
Mon coeur... n'est pas las de
l'entendre..."
Il regarda sa montre pour mesurer le temps. La
cuisson des pâtes n'était pas une chose à prendre à la légère.
-
"Pourvu que toujours
Vous répétiez ces mots suprêmes..."
- Duo
?
- Hey Q-man ! salua le châtain en se tournant vers son ami. Wazzup ?
-
Je viens aux nouvelles... dit le jeune Arabe avec désinvolture. Quel est le menu
du jour ?
- Des pâtes, répondit simplement Duo.
- Besoin d'aide ?
- Je
sais faire cuire des pâtes, Quatre ! Mais merci quand même...
- En fait, je faisais plutôt référence à la sauce...
- Oh ! Ça...
Figure-toi que j'ai découvert quelque chose de formidable ! Les sauces déjà
préparées ! Regarde, expliqua-t-il en brandissant un pot en verre vide mais
conservant encore la trace d'une substance rouge-orange. Il suffit d'ouvrir et
de verser le contenu dans une casserole. C'est dans mes cordes ! assura-t-il
enfin.
Quatre sourit.
- En tout cas, je pense parler au nom de tous en te
remerciant d'avoir cessé de nous servir ta cuisine expérimentale...
- Ah !
rigola Duo en donnant un coup de cuillère en bois dans ses pâtes pour qu'elles
n'attachent pas. Désolé, je n'ai pas beaucoup de goût point de vue culinaire. En
fait, je peux bouffer n'importe quoi, et tu serais surpris de constater ce qu'un
être peut manger lorsqu'il n'a pas le choix...
Quatre posa une main
compatissante sur l'épaule de son ami et lui adressa un sourire réconfortant,
espérant lui faire comprendre que si la guerre n'était pas terminée, le temps où
Duo subsistait dans les rues était lui, au moins, révolu.
Duo lui renvoya un
sourire à la fois joyeux et nostalgique. Cela ne cessait de stupéfier Quatre de
constater combien Duo ne semblait pas considérer son enfance comme un cauchemar.
Lui n'était pas sûr qu'il aurait eu la force de survivre, à sa place...
-
Qu'est-ce que tu chantais ?
- Uh ?
- Lorsque je suis entré, tu fredonnais
une chanson... Qu'est-ce que c'était ?
- Oh ! C'est une chanson que j'ai
entendue dans la dernière école que j'ai infiltrée. Je connais pas son titre
mais elle est plutôt vieille, je crois. Sais pas pourquoi, elle me revient
constamment en tête... C'est du français...
- Tu parles français ?
- Pas
vraiment, rit Duo, disons que je le comprends plus que je ne l'parle mais y'a
pas besoin de comprendre quelque chose pour le répéter de toute façon !
- Tu
ne sais pas ce que les paroles veulent dire, alors ? s'étonna Quatre.
- J'ai
pas dit ça, je sais de quoi elle parle, celle-là. Je disais juste ça d'une
manière générale... J'ai plutôt bonne mémoire alors quand j'entends une chanson,
même si je ne connais pas la langue, je suis capable de la répéter.
- Je
vois, sourit Quatre d'un air amusé. Je te tiens compagnie ?
- Sûr ! Tiens,
goûte-moi la sauce pour voir si j'ai mis assez de sel !
L'Américain trempa sa
spatule dans la casserole, souffla dessus puis la tendit à l'Arabe, l'autre main
en coupole pour éviter que de la sauce tomate ne tombe par inadvertance. Quatre
souffla encore un peu pour être sûr de ne pas se brûler puis testa la
température du bout de la langue. Rassuré, il lécha la cuillère et hocha la
tête.
- C'est bon, conclut-il.
- Good ! Tro dit que c'est meilleur avec
des herbes dedans, et je suppose qu'il parle en fait d'herbes aromatiques, pas
de l'autre, mais on en a aucun des deux genres de toute façon
alors...
- Ça vaut sûrement mieux ! plaisanta Quatre en songeant ce que
pourrait donner un Heero ou un Wu Fei en train de planer. L'image mentale était
plus effrayante qu'amusante...
Quatre s'assit et écouta son ami chanter.
-
"Votre beau discours
Mon coeur... n'est pas las de
l'entendre..."
- Tu as une jolie voix...
- Ah ? Merci,
s'interrompit Duo en prenant un air gêné et quelques couleurs aux joues.
Il
chantonna ou fredonna le reste des paroles et Quatre l'écouta en rêvassant. Ils
avaient rarement l'occasion de se détendre...
*******
- "Pourvu que toujours
Vous répétiez... ces mots su...
prêm...mes..." marmonna Duo en tirant la langue. Il ne parvenait pas à
redresser un morceau de métal récalcitrant.
- < Un problème, Maxwell ?
>
Le jeune pilote s'interrompit un instant.
- Nope, pourquoi ?
-
< Tu chantes de façon hachurée >, mentionna Wu Fei dans l'intercom. <
Sommes-nous d'ailleurs vraiment obligés de supporter encore et toujours la même
chose ? >
- Quatre aime ma voix ! répliqua le châtain en tirant de nouveau
la langue, mais à son coéquipier cette fois.
- < C'est vrai >, confirma
Quatre en s'incrustant dans la conversation.
- Si ça te gène, Wuffy, pourquoi
tu ne coupes pas la communication ? demanda d'un ton provocateur
Duo.
- < Mpf ! Je n'ai rien contre ta voix mais tu ne connais rien d'autre
? >
- Hey, j'y peux rien, j'l'ai en tête !
- < Passe au couplet
alors, au moins...>
- No problem ! s'exclama Duo en se remettant au
travail, tout en chantant sur un rythme un peu plus rapide. "Vous savez
bien
Que dans le fond je n'en crois rien...", mouf, "Mais cependant...
je veux encore..." mais qu'est-ce que c'est que ce truc ?
Duo
s'interrompit de nouveau, pour donner quelques coups de marteau sur la tôle
tordue.
- Saloperie ! Je parle pas de toi, Death', mais tu pourrais quand
même faire un effort et te laisser réparer gentiment !
Le gloussement de
Quatre s'éleva dans l'intercom.
- Raaaaa ! grogna Duo. C'est dingue ça, on
croirait Heero !
Duo tendit l'oreille mais rien ne vint. Il haussa les
épaules et reprit là où il s'était arrêté.
- "Écouter ces mots que
j'ad..."
- < Laisse-moi en dehors de tes problèmes et ne me compare
pas à ton Gundam >, claqua la voix de Heero.
- Mis du temps pour atteindre
la com', Hee-chan ? se moqua gentiment Duo en retour.
- < Tu ferais mieux
de t'appliquer si tu ne peux pas que Deathscythe laisse des pièces détachées
lors de la prochaine mission. >
- Kss, c'est pas moi qui autodétruit mon
Gundam à la première occasion ! Parle-moi de semer des pièces détachées en plein
champ de bataille !
- ...
- Et voilà, l'est vexé... Ah la la, quelle bande
de rabat-joie vous faites, tous !
- < Hey ! >
- Sauf toi Q-man.
-
< Ah... >
- < Hum >, rappela à l'ordre une voix jusqu'à présent
restée silencieuse.
- Sauf toi aussi, Tro-man, je sais bien que sous tes airs
taciturnes tu caches un vrai potentiel de bout-en-train !
- < ... Merci
>, fit Trowa d'un ton incertain et peu convaincu.
Le silence retomba entre
eux, mais pas très longtemps.
- "...je veux encore
Écouter ces mots que
j'adore
Votre voix aux sons caressants..." Qu'est-ce que c'est qu'ça
?
Duo examina les dégâts avec circonspection.
- Hey Tro-man ! beugla-t-il
en direction de Heavyarms, tu peux v'nir voir s'teu plaît ?
- < Bon sang
Maxwell, ferme la liaison radio avant de hurler ! >
- Oups ! cria encore
plus fort l'insubordonné Américain, désolé Fei Fei !
- < Cesse de
m'appeler comme ça ! > répliqua avec humeur le Chinois.
- Arg ! Ne crie
pas comme ça dans la com' Wufoufou ! Mes oreilles sont délicates ! enchaîna Duo
toujours avec le même volume sonore.
- < Les miennes aussi, Duo... >
réprimanda d'une voix douloureuse Quatre.
- So sorry Qua-chan ! Vais être
sage, promis ! s'excusa dans la com' Duo avec une voix normale.
Le châtain
retourna au niveau de la zone endommagée qui l'intriguait et attendit que Trowa
achève de le rejoindre. Il s'étonnait que Heero n'ait pas fait de commentaire.
Sans doute avait-il, lui, déjà coupé l'intercom...
- "Votre voix aux sons
caressants
Qui les murmure en frémissant
Me berce de sa belle
histoire..."
- Quel est le problème Duo ? s'enquit l'acrobate, une fois
parvenu à sa hauteur.
- Mate-moi ça, lui répondit-il en lui montrant une
pièce tordue et en partie fondue.
Trowa examina avec attention la pièce en
question avant donner son diagnostic.
- Il serait dangereux que tu gardes ça
dans cet état. Telle quelle, cette pièce nuit à la maniabilité et si jamais elle
cède, les conséquences pourraient être douloureuses pour toi.
Duo fit une
grimace en voyant parfaitement le genre de conséquences douloureuses auxquelles
son ami faisait allusion.
- Je vais voir si j'en ai une neuve de
rechange.
- Thanks Tro-man !
Trowa redescendit souplement. Duo sourit et
s'assit un peu plus confortablement sur le bras plié de Deathscythe. Son regard
se porta en direction de Wing. Il pouvait voir de loin Heero assis aux commandes
dans son cockpit. Sans doute vérifiait-il les codes informatiques...
- "Et
malgré moi je veux y croire...
Parlez-moi d'amour
Redites-moi des choses
tendres..."
Duo joua distraitement avec sa natte sans lâcher Heero des
yeux.
- "Votre beau discours
Mon coeur... n'est pas las de
l'entendre..."
Malgré la distance, il n'avait aucun mal à imaginer
l'expression bougonne et concentrée qu'arborait Heero lorsqu'il travaillait. Il
l'avait observé pendant tant d'heures que même les yeux fermés il serait capable
de décrire son compagnon de chambre avec plus de précision que ne le ferait une
photo.
- "Pourvu que toujours
Vous répétiez ces mots
suprêmes..."
Un sourire tendre et rêveur naquit sur ses lèvres...
*******
Duo était assis sur son lit et passait et se repassait sans relâche sa brosse
dans les cheveux. Certains jours, qui étrangement correspondaient à ceux où il
les lavait, l'envie de couper une bonne fois pour toute sa tignasse le
saisissait et à chaque noeud qui se coinçait sous sa brosse, l'idée se faisait
plus tentante. Mais pour chaque noeud démêlé, l'impulsion se retrouvait écartée
et sous contrôle.
N'empêche qu'il se demandait souvent à quoi il
ressemblerait, les cheveux courts...
- Duo.
- Yep ?
L'Américain cessa
un instant son activité capillaire pour tourner son attention vers Heero. Ce
dernier avait arrêté de taper sur son clavier et lui faisait face.
-
Pourrais-tu arrêter de chanter s'il te plaît ? Ça devient pénible à la
longue...
- Uh, désolé Hee-kun, je ne pensais pas que tu écoutais.
Heero
renifla bruyamment avant de se retourner vers son écran. Le silence s'installa
entre eux pendant dix minutes avant que Duo ne se remette inconsciemment à
fredonner...
*******
- "Il est si doux
Mon cher trésor, d'être un peu fou
La vie est
parfois trop amère
Si l'on ne croit pas aux chimères..."
- Ne me dis
pas que tu t'y mets aussi !
- Pardon ?
- Tu chantais la chanson dont
Maxwell nous rabat les oreilles à longueur de journée !
- Vraiment ? s'étonna
Quatre. Je ne m'en étais pas rendu compte... Je suppose qu'à force de
l'entendre, elle a fini par me rentrer dans la tête à moi aussi...
- C'est
bien ce que je craignais. Encore un peu et on frôle l'épidémie... soupira Wu Fei
en quittant la pièce.
Il faisait encore jour, il serait plus tranquille
dehors pour lire...
- Moi je l'aime bien cette chanson, dit simplement Quatre
en se tournant vers Trowa. Je la trouve belle...
Ce dernier lui sourit
gentiment.
- Mais c'est étrange, reprit le jeune homme blond, j'ai
l'impression qu'elle devient triste lorsque c'est Duo qui la chante...
-
C'est peut-être ce qui la rend belle...
- Oui, peut-être...
*******
- "Le chagrin est vite apaisé..."
- Tu as compris, Duo ?
-
"Et se console d'un baiser..." poursuivit Duo. Oui, j'ai compris Heero,
c'est toujours la même chose de toute façon.
- Un jour ton inattention
tournera mal.
- Et un jour ton optimisme sauvera le monde, répliqua le jeune
homme du tac-au-tac. Cite-moi une fois où j'ai foiré pour ce genre de mission.
Une fois où j'ai merdé en mission tout court. Hum ?
- Ta chance ne durera pas
toujours, Duo.
Le pilote de Deathscythe sourit mystérieusement.
- Ça n'a
rien à voir avec la chance, Hee-chan...
- Ça suffit vous deux, coupa Quatre.
On revoit le plan une dernière fois.
Duo ravala un soupir. Vivement la
mission elle-même, qu'il s'amuse un peu...
*******
- "... Et se console d' un baiser
Du coeur... on guérit la
blessure
Par un serment qui le rassure..." chantonna à voix très basse le
pilote de Deathscythe.
- 02, bon sang, tu veux te faire repérer ou quoi ?
s'emporta la voix de Heero dans son oreille.
Duo poussa un léger soupir.
-
A partir de maintenant, silence radio !
Duo haussa les épaules autant que le
conduit le lui permettait et coupa carrément la liaison. Il ne s'attendait pas à
ce que Heero comprenne que de penser d'une manière très particulière à autre
chose lui permettait en réalité de se concentrer totalement. Mais après tout, il
pouvait tout aussi bien continuer mentalement...
"Parlez-moi
d'amour...
Redites-moi... des choses... tendres..."
Enfin, la
progression se faisait difficile et conserver son souffle n'était peut-être pas
une si mauvaise idée...
*******
Duo tendit la main et s'empara avec précaution de l'objet qu'il était venu
chercher. Tout doucement, pour ne pas se faire repérer par les différents
capteurs, il rangea le fruit de son larcin dans une poche prévue à cet effet et
prit une inspiration avant de contracter ses abdominaux. D'un coup de rein, il
remonta lentement, autant que sa puissance musculaire le lui permettait. Ce
n'était pas vraiment que ça le dérangeait d'avoir la tête en bas mais il
n'aimait pas sentir sa natte collée et coincée dans son dos pour éviter qu'elle
ne pende. Sa natte se devait d'être vivante. Et puis c'était Trowa l'acrobate du
groupe, c'était à lui de jouer les trapézistes pour les besoins de la cause...
Mais Duo devait bien reconnaître que lui seul était capable de franchir les
obstacles et déjouer les sécurités qui les séparaient du véritable objectif de
leur mission. Chacun sa spécialité après tout, c'était pour ça qu'ils formaient
une si bonne équipe...
Duo parvint à atteindre sans problème le conduit
d'aération et prit un court moment pour souffler. Heureusement qu'il faisait des
pompes et des abdo tous les jours, parce que sinon...
Rampant, il prit le
chemin du retour. C'était la partie la plus délicate de sa mission.
Ils
avaient eu vent d'une information inquiétante qui, après vérifications, c'était
avérée exacte : OZ avait mis au point le prototype d'une nouvelle arme, aussi
redoutable que mortelle. Le petit appareil que Duo venait de dérober permettait
d'envoyer une certaine fréquence d'ondes, qui avait la particularité d'être
absorbée et modifiée par le gundamium. La nouvelle fréquence qui en résultait se
répercutait sur une cible entourée de ce métal ; au hasard : un pilote venant
des colonies par exemple. Résultat : éclatement des vaisseaux sanguins. Une arme
sur mesure, taillée spécialement pour eux. Ou plutôt contre eux.
Et contre
ce genre d'attaque, il n'y avait pas grand chose à faire ; difficile d'éviter
une onde qui se propage...
Le laboratoire, jadis secret avant que Heero ne se
mette au travail, se trouvait près d'une base d'OZ. Le plan de Quatre était
simple : Trowa, Wu Fei et lui-même se chargeraient d'attaquer la base, comme
tout bon pilote de Gundam qui se respecte, pendant que Duo irait voler l'unique
prototype. Heero l'attendrait à l'extérieur avec une jeep.
Somme toute, Duo
n'avait pas eu de grandes difficultés à l'aller mais malheureusement pour lui,
il ne pouvait emprunter le même chemin au retour. Son itinéraire de sortie
impliquait de passer par la base attaquée pour rejoindre le tunnel qui le
ramènerait auprès du pilote zéro un, et c'était là qu'était le danger.
Furtivement, l'Américain continua sa pénible progression, chantant
mentalement sans pour autant perdre le compte du temps qui lui restait.
Les
choses se corsèrent au détour d'une grille d'aération. Pas pour lui, mais pour
les autres...
- Ça, pour être un feu d'artifice, ça va être un beau feu
d'artifice ! ricana un soldat en s'allumant une cigarette.
- Dommage qu'on ne
puise pas voir le spectacle ! répliqua un autre garde.
Duo fronça les
sourcils. Pourquoi étaient-ils aussi détendus ?
- T'inquiète, va, on nous
laissera bien admirer le résultat...
- Ils se sont jetés dans la gueule du
loup ! s'exclama le second homme avant d'éclater de rire, rapidement suivi par
son compagnon.
Duo commença à s'inquiéter. Il n'avait pas compris exactement
de quoi ces hommes parlaient, si ce n'était que d'une façon ou d'une autre, on
leur avait tendu un piège. Il se mâchouilla un court instant la lèvre avant de
prendre sa décision. Une chance qu'il ait pris la précaution d'apprendre par
coeur le plan complet de la base, juste au cas où...
Il savait où aller. Y
parvenir, maintenant, c'était une autre histoire...
*******
Duo fixa avec attention son objectif. Pour l'instant encore, la discrétion
était de rigueur, même si l'alarme qui retentissait depuis l'attaque des Gundam
couvrait en partie les bruits.
Silencieusement, Duo descella la grille et se
laissa souplement glisser dans le couloir. Il ne prit pas le temps de la
remettre en place et ouvrit sans hésiter la porte qui lui barrait le chemin. Il
pénétra dans la pièce comme un éclair et tua trois soldats avant même qu'ils
aient réalisé qu'ils étaient envahis par l'ennemi. Les gardes quatre et cinq
subirent rapidement le même sort, si ce n'était qu'ils avaient eu le temps de
s'emparer de leurs armes. Mais pas de tirer.
Sans perdre plus de temps, Duo
s'installa devant la console et commença à passer en revue les fichiers. Il ne
tarda pas à comprendre le sens de la conversation qu'il avait par inadvertance,
et par chance, surprise. Il n'y avait pas un mais deux prototypes, et l'un deux
était sur le point d'être testé sur ses amis ! Duo sentit une sueur froide lui
couler le long du dos. Il fallait qu'il prévienne Quatre...
Tapant comme un forcené sur le clavier et oublieux de ce qui entourait et du
temps qui passait, il rassembla les informations utiles puis commença à créer un
canal qui le relierait à Sandrock. Maudit système de protection mis au point par
leur hackeur en chef !
- "Parlez-moi d'amour...
Redites-moi des choses
tendres...
Votre beau disc..."
La détonation résonna à ses oreilles
alors qu'une immense douleur envahit son flan gauche. Légèrement déphasé, il
porta la main à ses côtes et regarda avec incrédulité ses doigts se recouvrir de
sang... Lentement, il tourna la tête et baissa les yeux vers le sol.
Il en
avait raté un. L'un d'entre eux avait survécu et réussi à rassembler
suffisamment de force pour tirer.
Duo se laissa glisser sur le sol en serrant
les dents. Il perdait du sang ; trop de sang.
Avant que le soldat n'ait le
temps d'accomplir son dernier devoir, Duo l'acheva en lui ouvrant la jugulaire
d'un coup de couteau. Le sang se mêla au sang.
- Là c'est la merde...
marmonna-t-il parce que parler lui faisait mal.
Il fallait qu'il continue,
sinon les autres... Il fallait qu'il prévienne Quatre. Nul doute que Wu Fei
aurait vite fait de régler le problème d'un coup d'arme thermique, mais il
fallait aussi que lui parvienne à rejoindre Hee-chan, sinon ils auraient fait
tout ça pour rien et ses amis seraient encore en danger.
Serrant les dents à
s'en faire éclater l'émail, Duo parvint à remonter sur sa chaise.
Le coup de
feu lui avait fait entrer une fausse donnée, il devait tout recommencer depuis
le début. Il ravala le sang qui lui montait dans la gorge et reprit tout à zéro.
Pourvu que sa vue reste claire suffisamment longtemps...
*******
Heero commençait à s'impatienter. Duo était en retard sur l'horaire et en
plus cet idiot avait coupé la liaison radio, si bien qu'il n'avait aucun moyen
de savoir ce qui se passait à l'intérieur. Cette fois, Duo aurait droit à son
poing dans la figure ; l'enjeu était trop important pour qu'ils puissent se
permettre d'échouer. Si OZ mettait au point cette arme et l'utilisait contre
eux, il ne resterait bientôt plus que cinq cadavres sanguinolents pour tout
défenseurs des colonies.
Et malgré lui, Heero devait bien s'avouer qu'il
commençait aussi à s'inquiéter. Duo était compétent, plus que compétent en
mission, et il savait qu'il ne jouerait jamais la vie de ses coéquipiers. La
sienne peut-être, mais pas la leur.
Un bruit attira son attention et il
dégaina sans un bruit, puis retint le 'omae o korosu' qui lui monta aux lèvres
en constatant que ce n'était que Duo. Enfin.
- Je peux savoir où tu étais
passé ? siffla-t-il en rangeant son arme. Tu es en retard !
- ...
Le
démarche de l'Américain était étrange.
- Un problème ?
- Un... imprévu au
programme...
Heero s'approcha. Duo ne semblait pas très stable sur ses
jambes.
- Tu es blessé ?
- Ça c'est une bonne... une très bonne
question... haleta-t-il juste avant de s'écrouler dans les bras de son ami.
-
Duo !
Emporté par le poids de l'Américain, ils finirent tous les deux
agenouillés sur le sol. Une brusque toux saisit Duo et Heero sentit quelque
chose de chaud dégouliner le long de son cou. Il écarta le jeune homme et ne
tarda pas à voir la zone suintante à son flan. Repoussant le T-shirt noir, il
constata avec horreur le trou béant.
- Kami-sama... murmura-t-il avant de
réagir et d'appuyer fortement sur la blessure.
- Te... fatigue pas va...
c'est gasp... piller ton... énergie... Tiens...
Heero vit Duo se tâter avec
difficulté avant de sortir un petit objet.
- Mi... ssion accompl...ie.
C'est... l'important... non ?
- ... Ne parle pas.
- Bin j'crois que
c'est... au con... traire... maintenant ou ja...
A nouveau, une quinte de
toux le saisit.
- Oh... J'ai sa... li ton T-shirt...
- Ne parle pas Duo...
répondit Heero, la gorge serrée.
Heero venait de constater que la balle avait
traversé de part et d'autre Duo. Il n'arriverait jamais à arrêter le
sang...
Stupidement, il n'avait jamais vraiment cru que cela arriverait. A
lui peut-être, sûrement, mais il n'avait jamais vraiment pensé qu'il verrait
l'un de ses compagnons tomber. Et c'était Duo, ce baka de Duo, toujours sur son
dos à essayer de le sortir de sa coquille, comme il disait, parce qu'il avait
besoin de s'entraîner dès maintenant à être humain, pour après.
Après...
-
Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda-t-il. Non, ne réponds pas, ajouta-t-il
immédiatement en voyant Duo ouvrir la bouche.
Il n'avait pas ressenti un tel
vide grandir en lui depuis la mort d'Odin. C'était encore pire que le jour
Noventa, encore pire que lorsqu'il avait retrouvé le chien de la petite
fille...
- Quatre... murmura Duo en se raccrochant à lui. Quat... y...
t'expliq... ra...
Duo sourit, de son sourire habituel, ce petit sourire
léger et amical qui disait que tout allait bien. Sauf que cette fois, le sourire
était taché de sang.
- Je suis... content... que tu sois là... ... Va
falloir... gagner vite... la guerre maint...enant... Heero. Avant qu'OZ
recomm...
- Ferme-la Duo.
- Hey, c'est pas... gentil, murmura le châtain.
Tu me dis... toujours ça...
- Duo..., s'étrangla Heero.
Le jeune homme
releva avec difficulté les yeux vers lui. Sa prise se faisait de moins en moins
ferme autour de lui et son regard était déjà lointain.
- C'est... con...
hein...?
De nouveau, un sourire, sur des lèvres à présent craquelées.
-
"...Par... lez-moi... d'amour...
Redit... moi... choses
tendres..."
- Ne parle pas s'il te plaît...
- "Votre be... au
discours...
Mon coeu..."
Duo laissa ses dernières forces dans une
dernière toux.
- "... las de l' entendre..."
- Duo... supplia
Heero, des sanglots dans la voix.
Duo trouva quelque part la force de lui
effleurer la joue et Heero sentit que peu à peu son autre main lui glissait le
long du dos.
Le regard éteint, les paupières lourdes... et pourtant, Duo lui
sourit encore une fois tendrement...
- "Pourvu que toujours...
Vous
répétiez ces... mots... suprêmes..."
Le dernier mot ne fut qu'un
murmure.
La main tomba sur le sol.
Heero resta un instant immobile, s'efforçant de contrôler sa respiration.
Lorsqu'il retrouva sa voix, il appela doucement Duo par son nom, mais son ami
resta lourd dans ses bras.
La main tremblante, Heero chercha un long moment
le pouls de l'Américain.
Il ferma les yeux et se coupa du monde.
- < 01
et 02, ici 04, avons fini, nous préparons à nous retirer. A vous. >
-
...
Plusieurs dizaines de secondes passèrent.
- < 01 et 02, ici 04,
bilan de la situation de votre côté ? >
Heero écarta la frange qui tombait
sur les yeux de Duo et passa doucement la main sur ses paupières. Il n'avait pas
eu le temps ou la force de les fermer lui-même...
Lentement, Heero se releva
en portant délicatement son fardeau jusqu'à la voiture. Il l'installa à la place
du passager et attacha avec soin la ceinture de sécurité.
- < Ici 04,
répondez 01 ! >
Il fit le tour de la voiture, prit place au volant et
démarra. Alors il prit la cibi.
- Ici 01...
*******
Les quatre jeunes gens se tenaient les uns à côté des autres au pied d'un
arbre encore jeune.
Ils se trouvaient dans une réserve naturelle, protégée
car abritant des espèces en voie de disparition. Ainsi, avait dit Heero,
personne ne toucherait à son arbre...
Trowa, Quatre et Wu Fei étaient rentrés
sains et saufs de leur mission, grâce au message légèrement confus mais aux
données précises envoyés par Duo. Quatre n'avait pas compris l'oppression mêlée
de douceur qu'il avait ressentie dans sa poitrine...
Et à présent, tous se
tenaient devant l'arbre sous lequel ils avaient enterré leur ami.
Wu Fei avança d'un pas et posa la main sur l'écorce.
- Merci, dit-il
simplement après un moment de silence.
Sans rien ajouter, il se détourna et
prit le chemin du retour. Il n'avait pas besoin de dire plus, il savait que Duo
comprendrait...
Quatre s'avança à son tour et serra très fort le tronc entre
ses bras.
- ... Ton sourire me manque... Tu me manques... Duo... ...
L'arbre te plaît, Duo ? Nous l'avons choisi pour toi. Je sais que tu as toujours
aimé les arbres... Tu vas être bien ici, tu verras. Et ne t'inquiète pas, tout
ira bien pour nous. Tu vas voir... le beau monde que nous allons
construire...
Les yeux brûlants, Quatre serra le tronc une dernière fois
avant de s'écarter. Il attarda un instant son regard sur l'arbre de Duo,
admirant le jeu du vent dans les branches, puis avec un dernier sourire, il prit
le chemin emprunté par Wu Fei.
Trowa resta parfaitement immobile aux côtés de
Heero. Il ne pensait pas que Duo puisse encore être quelque part à les observer
; il n'avait jamais compris ce besoin qu'avaient les gens de se persuader qu'il
y avait quelque chose après la mort... Mais maintenant, il comprenait, oui,
maintenant il comprenait... Alors pour une fois, il oublia son scepticisme et se
raccrocha à l'idée que Duo resterait toujours un petit peu, quelque part, avec
eux, à veiller sur eux. Cette pensée apaisait la douleur de la perte, soulageait
le coeur. Duo était forcément bien, là où il était...
Et puisqu'il pouvait
les voir, puisqu'il pouvait les entendre, alors il pouvait tout aussi bien
écouter le langage du coeur...
Ne t'inquiète pas petit frère, je prendrai
soin d'eux... On s'en sortira tous. Tu seras le seul à être tombé...
Il
tendit la main et caressa l'écorce de l'arbre, sourit, puis après un dernier
hochement de tête, s'éloigna, laissant Heero seul avec Duo.
Heero ne voyait pas l'arbre, Heero n'entendait ni les oiseaux ni les
dernières paroles pour leur ami défunt, non, Heero ne voyait que la lumière du
jour et n'entendait que la voix de Duo chanter.
En fermant les yeux, il
n'avait aucun mal à se souvenir d'une multitude d'images de Duo. Surtout Duo
dans les derniers jours, lorsqu'il fredonnait constamment cette chanson...
Parlez-moi d'amour
Redites-moi des choses tendres
Votre beau
discours
Mon coeur n'est pas las de l'entendre
Heero ne l'avait jamais entendu la chanter d'une seule traite, ce n'était
jamais que des morceaux, mais l'un dans l'autre, il pensait connaître toutes les
paroles par coeur et dans le bon ordre. Lui aussi avait bonne mémoire...
Le
refrain, pourtant... Il lui semblait qu'il manquait quelque chose au refrain,
comme si Duo avait toujours gardé la dernière strophe pour lui...
Pourvu que toujours
Vous répétiez ces mots suprêmes...
Heero rouvrit les yeux, vit l'arbre, et eut un sourire au bord des
larmes...
Owari
*******
m77 : ... c'est la première fois que j'arrive à me faire pleurer en
écrivant tiens... C'est pas les gros sanglots mais les yeux piquent...
Hum...
Duo : alors ça y est, tu m'as tué...
m77 : oui... j'suis
vraiment... *vraiment* désolée...
Duo : franchement, je sais pas si je dois
te croire...
Quatre : c'est sa première deathfic...
(autres fanfiqueuses :
bienvenue parmi les nôtres !!)
Duo : première deathfic, première deathfic...
seulement parce qu'elle écrit pas ses fics dans l'ordre dans lequel elle crée
les scénars...
m77 : dites, vous pourriez pas vous taire un peu et me laisser
tranquillement porter le deuil là ?
Heero : qu'est-ce que je devrais dire
!
Duo : et moi donc...
Autres informations :
1)
Notes de l'auteur :
Personne ne lit les notes d'auteur, moi la première, mais peu importe, je
voulais dire que :
a) A l'origine, il y a ce court métrage sur lequel je suis
tombée y'a pas longtemps. J'avais trouvé le début très bizarre mais en réalité,
c'était très intéressant. Huit clos entre un couple ; Elle aime Lui et le lui
dit, et voudrait l'entendre lui dire qu'il l'aime aussi. Lui en est incapable.
Ils font et se disent des choses qui vont loin (pas nécessairement lié au sexe,
ils se tuent aussi à coup de mots) mais pourtant Lui continue de ne pas pouvoir
dire ces mots (à la fin, il dit "je te déteste" pour chacun de ses "je t'aime"
et c'est beau... ^^). Bref, à un moment, la fille chante le refrain de cette
chanson et s'arrête avant de dire la dernière strophe, parce que c'est pas à
elle mais à lui de le faire. Et bien sûr, cette strophe manquante m'a faite
penser à Duo...
Depuis, Duo me chante tous les jours ou presque ce refrain,
sans la dernière strophe qu'il remplace par un sourire, et c'est atroce. Alors
j'en ai marre et je lui ai écrit ça... Je suis désolée, je vous jure que je le
fais pas exprès ! ^^; Parfois j'envisage d'écrire sous deux pseudos... -_-
b)
Non Shakes, c'est pas ma vengeance personnelle pour te punir d'avoir écrit
"Smile", lol. Enfin,
c'était pas voulu mais tu peux aussi le prendre comme tel...
2)
Paroles de la chanson :
Parlez-moi d'amour (Lucienne
Boyer)
1930
--------------------------------------------------------------------------------
{Refrain:}
Parlez-moi d'amour
Redites-moi des choses tendres
Votre
beau discours
Mon coeur n'est pas las de l'entendre
Pourvu que
toujours
Vous répétiez ces mots suprêmes
Je vous aime
Vous savez bien
Que dans le fond je n'en crois rien
Mais cependant je
veux encore
Écouter ce mot que j'adore
Votre voix aux sons
caressants
Qui le murmure en frémissant
Me berce de sa belle
histoire
Et malgré moi je veux y croire
{Refrain}
Il est si doux
Mon cher trésor, d'être un peu fou
La vie est parfois
trop amère
Si l'on ne croit pas aux chimères
Le chagrin est vite
apaisé
Et se console d'un baiser
Du coeur on guérit la blessure
Par un
serment qui le rassure
{Refrain}