Auteur : chonaku55
Titre : Temps et rituel
Fandom : x-men comic, Nightcrawler (troisième série), Wolverine origin (première série, sur son enfance)
Rating : T (je crois, je n’ai jamais été douée pour saisir le rating de mes textes)
Personnage : Kitty/Shadowcat, Piotr/Colossus, Kurt/Nightcrawler, Logan/Wolverine. Très vagues mentions de Piotr/Kitty et encore plus vagues mentions de Kurt/Logan. Peu compter comme de la simple amitié.
Nombre de mots : 5 249
Attention : mention de violence, absence plus ou moins visible de scénario et squeetage pas très subtil sur un ou plusieurs personnages. Et la scène du réveil est, bien entendu, un clin d’œil à une des scènes d’Astonishing x-men. Bonne lecture
Note : Un merci à Flo_Nelja, soleil_ambrien et Jainas, sans qui, je pense, que l’histoire n’aurait pas pu se finir.
Note supplémentaire : se passe en 2003, à la fin de la troisième série de Nightcrawler. Il y a donc Beast, Colossus, Cyclops, Havok, Nightcrawler, Polaris, Psylocke, Shadowcat, Storm, Emma Frost et Wolverine dans l'équipe des x-men.
***
La vie du cirque était remplie de rituel, de code et de rite qui restaient encore gravés dans son esprit, malgré le temps passant, les souvenirs de plus en plus nombreux s'empilant comme une pile sur le point de s'écraser au sol. Il fallait se lever à une certaine heure, aider à monter le matériel, ranger le chapiteau une fois la représentation finie, faire ses exercices même si l'envie n'y était pas, ne pas voler la boule de cristal de maman Szardos (même pour rire, parce que maman, elle, ne plaisantait pas avec son travail), ne pas embêter les autres ou s'éloigner du campement. Il s'était établi une sorte d'organisation qui flirtait vaguement avec une discipline de fer, sans pour autant atteindre ce dernier stade.
C'était plus un ensemble de choses contraignantes qu'il fallait accomplir et qu'il accomplissait. Si sa vie étant qu'x-men était radicalement différente, il avait toutefois gardé cette sorte d'habitude, ce programme interne qu'il respectait au mieux. Bien entendu, ce n'était guère réalisable : entre les menaces imminentes, les catastrophes imprévues, les gros tracas du quotidien qui pouvaient devenir aussi grands que les gratte-ciels de New-York, il aurait fallu être un brin dingue pour pouvoir respecter un semblant de programme plus de deux mois. Scott Summers lui-même n'y avait pas pensé. Scott Summers. Le chef psychorigide, l'organisation même, l'homme le plus dévoué aux règles des x-men, dont la plus importante, le cœur même de leur combat. Les x-men sauvent, les x-men ne tuent pas. Ne tueront jamais.
Loin de réfléchir à la philosophie propre aux x-men, lorsqu'il se leva ce matin-là, Kurt suivit son programme proprement personnel : lever, petits exercices pour se maintenir en forme, assouplissement, petit déjeuner. Le plancher était lisse sous ses pas, préférant marcher un instant, il ne se téléporta pas et ouvrit la porte. La cuisine était silencieuse ce jour-là, le soleil s'infiltrait par les fentes des volets, jetant des éclats jaunes sur les murs et les meubles rendus gris-noir par la pénombre. Après avoir ouvert fenêtre et volets, préparation du repas : mettre sur la table les céréales des uns, les formules minceurs des autres, le lait et tous autres produits pour le déjeuner. Dans son cirque, il fallait respecter un certain ordre : les enfants servis en premier, ensuite, les hommes et enfin les femmes. Lui, il aurait inversé les hommes et les femmes, mais c'était personnel. Parce qu'il trouvait cela naturel, compte tenu du fait que le chef de famille qu'il avait côtoyé était une femme (papa Szardos étant mort lorsqu'il était tout petit, il n'avait que très peu de souvenir le concernant). L'aspect galant de la chose n'était pas à lésiner non plus.
Lorsque la porte s'ouvrit, la tasse de café était encore chaude dans ses mains. Un grognement répondit à son bonjour. Logan était toujours un peu grognon au réveil. Un jour, Scott avait dit qu'il était un ours mal léché, Sean que parfois Scott ne valait pas mieux, Ororo rien parce que cela ne la concernait pas et qu'elle avait mieux à faire, Piotr dessinait et Kitty passait du temps avec Illyana et Rachel.
« Café ? »
« Bière. »
Répliqua le plus petit des deux, avant de prendre une canette, de la décapsuler et de boire goulûment. Wolverine. Le glouton. Celui qui ne lâche jamais prise. Logan renifla légèrement l'air lorsque Kurt se téléporta près de lui, les pieds la table, position en tailleur. Avoir des hyper-sens était fort utile en combat, le souci était de devoir supporter quelques désagréments, y compris l'odeur de souffre de votre meilleur ami. Cela ne gâchait pas le goût d'une bière, mais ce n'était pas forcément agréable d'avoir une odeur pareille dès le matin. A croire que l'autre faisait exprès (Hum. Non, Kurt est trop… Kurt pour ça). Le canadien jeta un œil aux alentours, comme un vieux réflexe. Puis, jeta la canette bière dans la poubelle d'un coup sec. En grognant.
« Mauvaise nuit ou mauvais rêve ? »
« Qu'est-ce que ça peut te faire ? »
« Rien, mein freund, mais tu es encore plus rude que d'habitude. »
Le canadien l'ignora superbement et se cala sur la chaise la plus proche. Kurt en fit de même et ils commencèrent à manger, l'un des céréales, l'autre des tartines beurre-charcuterie.
« Kurt. »
L'allemand avala brusquement ce qu'il avait dans la bouche, releva la tête pour voir son ami et le regarda dans les yeux. D'ordinaire, il était « Elf ». Ce n'était pas que Logan n'employait jamais son prénom, c'était juste qu'il le faisait toujours pour des choses sérieuses ou du moins, qui l'étaient à ses yeux.
« Et toi ? »
Pas de ton inquiet, pas de peur dans le regard, pas quelque chose qui pourrait vraiment dire qu'il s'inquiétait. Cela pourrait même passer pour une banale question posée pour faire la conversation. Sauf que Kurt connaissait suffisamment Logan pour comprendre que ce n'était pas exactement ça. Pas vraiment.
« J'ai bien dormi, Logan, j'ai bien dormi. »
Ce n'était pas si vrai que ça.
Les cauchemars arrivaient, c'était normal. Les mauvais souvenirs qui remontent, les paroles qui s'échappent des lèvres. Il lui arrivait de parler dans son sommeil, de bouger un petit peu. Wolverine disposait d'assez de moyens de déceler cela, même avec des détails mineurs comme une obscurité totale, quelques murs et une porte fermée. Maintenant, suffisait de savoir s'il avait fait trop de bruit ou si pour une raison ou une autre, Logan s'était infiltré dans sa chambre. Hum. Soyons réaliste, la première solution est plus probable que la seconde. Logan n'était pas un stalkeur et n'avait aucun intérêt à le regarder roupiller (ce qui, mine de rien, était un comportement que Kurt aurait trouvé déplacé, voire inquiétant. Surtout de la part de son ami). Restait plus qu'à déterminer si ce n'était que Logan qui avait perçu cela ou s'il avait tellement été indiscret qu'il avait dérangé d'autres personnes.
Loin de partager sa réflexion, le canadien fronça brièvement les sourcils, avant de retourner mordre ses céréales. En adressant un léger regard noir à Kurt, qui comprit une chose très simple : soit Logan était plus en rogne que tout à l'heure, soit il le boudait un petit peu. Il avait ce genre de comportement depuis que Kurt était sorti avec Christine Palmer.
Un bruit attira leur attention, une porte s'ouvrait et deux personnes s'avançaient, côte à côte.
« Bonjour. On est les premiers réveillés ? » Demanda Kitty lorsque Piotr semblait encore un peu ensommeillé. Les cheveux noirs en pétard, l'œil un peu fermé, le russe portait un T-shirt aussi bleu que celui de Kitty était noir.
Esquissant un sourire, Kurt répondit d'un ton semi taquin :
« Guten tag Katzchen und Piotr. Nous sommes bien les premiers réveillés. Vous avez passé une bonne nuit tous les deux ? »
Traduire : à deux. Certainement. La rougeur sur le visage russe chassa ce qui restait de sommeil. Il en allait de même pour Kitty.
« On a juste regardé un film, c'est tout. » Répondit Piotr d'emblée. Après les avoir regardé fixement et sentit un peu l’air ambiant, Logan confirma ce qu'il venait de dire. En ajoutant un malheureusement très audible.
« Vous avez fini bientôt vous deux ? Vous voulez qu'on s'intéresse à votre vie sentimentale ? »
S'exclama soudainement la jeune fille d'un ton plus taquin que colérique. La réponse de Kurt fut brève : elle est partie, il était libre. Celle de Logan était le silence. Il continua de manger ses céréales en regardant droit devant lui, donc, Kurt.
Ne voulant pas prendre part à la discussion, Piotr s'asseye à côté de Wolverine et attendit que Kitty s'asseye à son tour pour commencer à manger. Il n'aimait toujours pas parler, pas vraiment. Les grands discours n'avaient jamais été son fort, non surtout pas. Lui, ce qu'il aimait, c'était la peinture, c'était ainsi qu'il s'exprimait. Kitty était l'inverse, c'était le petit génie, le petit chaton, l'une des équipières avec qui Kurt avait fondé Excalibur et celle qu'il avait aimé depuis le début. Et une sacrée tête de mule ou boule de nerf quand elle s'y mettait ou lorsqu'on la mettait en colère. Piotr était plus doux, plus tranquille, plus candide aussi.
« Au fait, le film était bien ? »
« Plutôt bien, oui. D'ailleurs, je tiens à dire que l'un des personnages m'a fait penser à toi. »
« Oh, qui ? »
« Si je te dis pirate des caraïbes, tu me dis ... ? »
Commença Kitty d'un air faussement mystérieux. Elle s'amusait on dirait. Kurt lui, réfléchissait. Il avait vu le film après avoir découvert ses origines, guéri ses blessures et avouer à Xavier qu'il le considérait comme un père (ce qui était vrai quelque part, l'un « était proprement inqualifiable, l'autre si peu connu qu'il pourrait être un fantôme). Pour en revenir au film, c'était un cadeau, avec d'autres films sur les pirates, les chevaliers et autres. Cadeau pour lui remonter le moral de la part de ceux qui s'en voulaient peut-être de ne pas avoir pu l'aider correctement. Il lui avait plu, surtout un personnage dont il avait repris une des répliques lors d'un entraînement.
(Souvenez-vous de ce jour comme celui où vous avez failli capturer le capitaine Nightcrawler et son commandant en second Shadowcat !)
« ...Jack ? »
« Exact. »
Répondit la jeune fille. Un sourire apparu sur le visage de Kurt.
« Quel beau compliment Katzchen, je suis enchanté, je devrais vous taquiner plus souvent. J'ai dit quelque chose de drôle ? »
« ... Kitty parlait...de l'autre Jack. Celui qui bouge tout le temps... » S'obligea à répondre le russe tandis que la jeune brune riait gentiment.
« Le singe. Je vous fais penser au singe ? »
Répondit Nightcrawler d'une voix faussement outrée, avant de se tourner vers le brun en face de lui.
« Logan, ils parlent du singe. Je ressemble à un singe, dis-moi ? »
« Non, tu ressembles juste à un elfe... qui a trop vu pirate des caraïbes en jouant au singe. »
Répondit Logan sur le ton de la conversation.
Mine boudeuse, sourcils froncés, Kurt Wagner répliqua aussitôt :
« Dès ce soir, je fais mon comint out de méchant. Je vous le jure, j'ai le charisme pour faire le méchant. Et je demanderais Ororo en mariage, comme tout mauvais garçons qui se respectent. Et je... je.... »
Ils souriaient, attentifs. Parfait, tout était parfait.
Maintenant, pose et ton adéquate, mouvement de fausse colère et fumée sortant de nulle part, puant le souffre à plein nez. Nightcrawler esquissa des mouvements d'épée qui auraient rendu jaloux d'Artagnan lui-même.
« Je suis Nightcrawler, seigneur du plus infernal des enfers et je vous condamne à être mes serviteurs pour l'éternité ! Je suis le plus monstrueux, charismatique et beau des seigneurs infernaux, prosternez vous devant moi, pauvres mortels ! »
Ils riaient, tandis qu'il continuait son discours. Du coin de l'œil, le mutant bleu regarda Logan, qui lui aussi souriait, de ce petit sourire qu'il avait lorsque Nightcrawler faisait son « show ». Le sourire de Kurt grandit davantage.
**
Kurt aimait le vide. C'était un fait et nul, surtout pas Logan, ne pourrait le nier. Kurt aimait le vide et celui-ci le happait continuellement. L'allemand y plongeait avec délice, bougeant, sautant, se rattrapant, esquivant, filant, se téléportant et sautant encore avant de se rattraper. Personne, ou presque, ne bougeait comme lui, comme on respire, si facilement qu'il semble né pour cela. Si facilement que parfois, cela en devenait presque irréel, comme si la gravité n'avait pas de prise sur lui.
Logan aimait les entraînements du mardi, ceux où ils sont seulement un contre un, pas de téléportation, pas de griffe et le prix des bières à payer pour le perdant. Pendant ce laps de temps, il n'y a que lui qui voyait bouger Kurt. Pas qu'il veille que personne ne voit (ridicule, Kurt n'était pas fait pour être prisonnier dans une cage, comme un foutu animal, loin de là) ou qu'il aime tellement le regarder qu'il pourrait rester là, comme un abruti à le regarder se mouvoir dans la salle. Non. Ce qu'il aimait, c'était l'entraînement en lui-même, pouvoir ne pas être dérangé par n'importe qui, devoir combattre poing contre poing, sans sentir la douleur des griffes qui vont et viennent.
C'était bouger avec Kurt.
Parce que les mouvements de l'ancien acrobate ne sont jamais plus fluides et souples que lorsqu'ils accompagnent d'autres, que lorsque le x-men combat. Cela devait être dû à ses années d'entraînement, de combat, à l'envie de l'égaler, de le battre, Logan n'en savait rien. Il aimait juste ces moments-là, sans trouver forcément les mouvements de l'elfe « beaux » ou autres. Il aimait juste les entraînements du mardi. Juste voir Nightcrawler se mouvoir ainsi et passer du temps avec lui, dos à dos pour les combats, côte à côte durant leur soirée bière et un contre un durant les entraînements.
Kurt aussi les aimait ces entraînements, pour des raisons presque semblables. Affronter Logan, c'était ce qu'il aimait faire depuis longtemps, depuis qu'ils étaient devenus amis en fait. Relever des défis faisait partie de sa nature et Wolverine en était un, presque imposant parfois.
Cela donnait davantage de valeur à son but.
Il n'avait jamais considéré Logan comme un monstre, loin de là. Pas plus que le canadien l'avait vu comme tel. Pouvoir attaquer Logan n'était pas comme attaquer un autre ennemi ou une menace, bien au contraire. Entre eux, cela tenait davantage du spectacle, du jeu et de l'exercice à la fois. Ils ne se faisaient jamais véritablement mal. Faire du mal à Logan était difficile, voire impossible à certains moments. Il n'y avait pas de faille dans sa façon de se battre ou si peu, sans parler de sa manie de vous envoyer contre le mur d'en face. Ses coups étaient puissants et Kurt était persuadé que ce n'était pas que de la faute de l'adamantium.
Logan était fort. Les muscles de sa tenue moulante le soulignaient fort peu subtilement, la façon qu'il avait de le serrer dans les bras lorsque cela n'allait pas aussi. Logan était fort, comme ses griffes, comme ses principes.
Kurt était fort, plus fort que quiconque. Logan en était persuadé. L'attraper était en soi difficile, l'elfe savait comment et où bouger pour ne pas se faire prendre. Il n'avait pas besoin de doser ses coups puisque l'autre savait les esquiver, les détourner pour mieux le frapper plus fort encore que la dernière fois. Bien entendu, en force physique, il ne faisait presque pas le poids, mais il était si souple, si flexible que Logan ne se sentait jamais supérieur. Ni inférieur. Un égal, voilà ce qu'était Kurt. Plus que ça, plus important, plus fort. Kurt était Kurt.
Comme Logan était Logan. Une personne importante pour Kurt.
Avec ses bons côtés, son don d'ubiquité sous-jacent qui lui permettait d'être dans quatorze équipes en même temps, en plus de la leur, ses soirées bières, son humour, ses discussions, le fait d'être bien à ses côtés, son courage, son côté tendre, son air bougon, le fait qu'il soit là lorsqu'on a besoin de lui. Mais avec ses mauvais côtés, aussi.
Loin de la semi insouciance de l'entraînement du matin, une atmosphère lourde se faisait sentir. Une boule lui serrait la gorge, l'empêchant presque de respirer. Les x-men sauvent, les x-men ne tuent pas. C'était leur credo, leur valeur, leur principe, leur foi. C'était de belles paroles non ? Bien assez pour avoir envie de continuer, bien assez pour tomber quelques fois.
Parce que tout le monde ne pouvait être sauvé. Parce que tout le monde ne le voulait pas.
Lentement, le mutant bleu s'avançait lorsque tout le monde n'était pas encore là, lorsque la journée n'était plus aussi belle, malgré le soleil dans le ciel. Certaines habitations n'étaient simplement plus habitables et le goût du sang dans sa bouche ne voulait tout simplement pas partir. Devant, il y avait Logan. Devant, il y avait des griffes encore sanglantes.
« Elle s'appelait Rose... »
De la douceur dans la voix, de l'amertume aussi, une tristesse sans nom. Comment parler d'une tristesse de plusieurs années, de plusieurs siècles inconnus ? Une tristesse que Kurt ne pouvait comprendre, pas entièrement, jamais. Sa mémoire n'était pas fragmentée, n'avait pas servie de jouet à des savants fous, il n'avait pas de passé particulièrement horrible, de son propre avis. Ce n'était pas le cas de Logan, encore debout. Encore la tête baissée. Les griffes, le sang, les corps qui ne bougent pas. La rage qui avait fait son retour, aussi grande qu'incontrôlable, aussi folle que triste, quelque part. Kurt n'avait pas ça, ses démons n'en étaient pas vraiment, il pouvait les dompter, les maîtriser pour qu'il ne lui fasse pas aussi mal que ceux de Logan, pas aussi mal.
« Rose ... ? »
Les roses avaient des épines, les roses étaient rousses et se prenaient pour les reines d'un monde qu'il fallait guérir ou détruire. Les roses.... Rose... rosaire. Hum, non, cela ne voulait rien dire. Rien à part que quelqu'un n'était plus là, alors qu'un souvenir venait sans de réapparaitre. Les mains ne tremblaient pas, les griffes étaient encore là. Aucun des deux ne pleurait, c'était inutile ou alors, ils avaient oublié comment faire.
Il posa une main sur l'épaule massive. Cela non plus ne servait à rien. Mais c'était quelque part nécessaire, sans qu'il su pourquoi exactement.
Ce n'est pas ta faute.
On ne sauvait pas tout le monde, tout le monde ne voulait pas être sauvé. Et parfois, il arrivait que personne ne le veuille ou que toute la volonté du monde n'y change rien. Pourtant, le Seigneur savait que de la volonté, Logan en avait.
Celui-ci se tourna vers Kurt, l'œil bleu un peu plus dur que d'habitude, plus sombre. Les griffes encore là, froides et tranchantes. Meurtrières. Pourtant, il n'y avait plus personne à combattre, à secourir. À tuer... l'allemand détestait ce mot, il le détestait véritablement. Il détestait le meurtre, détestait qu'on prenne la vie des autres, qu'on traite la vie comme si ce n'était rien, absolument rien. Il détestait quand Logan tuait. Tout comme il ne supportait pas l'éclat triste de son regard.
Je suis là.
Les griffes aussi étaient là, toujours. Le sang aussi, sur les mains, les vêtements, coulant de la chair. Qu'est-ce qu'il disait dans ces cas-là ? Que disait-on déjà dans ces cas-là ? Lorsqu'un autre vient, lorsque les vies brisées masquent celles qu'on a sauvées, lorsqu'un souvenir revient ?
« Je vais bien Elf, arrête de me regarder comme ça. »
Un grognement. Kurt en a connu d'autre. Il avait aussi vu les poings toujours fermés, les griffes toujours là. Ses épaules elles-mêmes semblaient sous le point de s'affaisser un peu plus chaque seconde. Il y croyait à son optimisme des premiers jours, à leurs idéaux, leurs combats, malgré les cassures et blessures, il y croyait avec la même foi qu'il mettait dans ses prières, dans ses jeux de cape et d'épée. Le problème avec la foi, c'était qu'elle pouvait s'ébranler, jusqu'à tomber comme un château de carte. Il n'y avait rien à faire contre ça. Ou peut-être pas.
« Ce n'est pas de ta faute... »
Un grognement, des poings qui ne se détendaient pas, les griffes encore là. Wolverine fronça les sourcils, la colère se lisant dans ses yeux. De la douleur au fond, toujours. Elle était aussi dans les yeux jaunes, comme un écho. Cela aurait dû se passer autrement. Bon sang, elle était du même âge de Kitty ! Elle avait juste rencontré les mauvaises personnes aux mauvais moments, s'était retrouvée au mauvais endroit au mauvais moment.
Les roses avaient des épines, d'autres la haine, d'autres des méchants qui l'entourent, des démons qui la hantent. Tout le monde ne pouvait être sauvé, tout le monde ne voulait pas l'être. Bon sang, qu'est-ce que Kurt déteste quand Logan doit tuer. Quand dans sa rage, il faisait un massacre, quand un souvenir devait lui revenir de loin, très loin.
« Laisse tomber, tu veux. »
Toi aussi, tu te sens mal, arrête de faire comme si tout allait bien.
Les autres arrivèrent. La boule dans la gorge de Kurt n'était toujours pas partie. Il leva les yeux vers le ciel. Il était bleu, bleu comme une orange, comme les yeux de Logan. Et le soleil était jaune, comme les siens. Cela aurait dû être une journée ordinaire. Ou du moins, une bonne journée.
**
Et dimitte nobis debita nostra
Sicut et nos dimittimus
Prier lui avait toujours paru naturel, comme de boire ou manger. On priait beaucoup chez lui en Allemagne, en Bavière. Les gens étaient pratiquants là-bas, mais on lui avait aussi appris à respecter la foi de l'autre, à ne pas juger inférieur ce qui était différent. C'était important. Ici plus qu'ailleurs. Papa Szardos avait été assez clair et intransigeant là-dessus, c'était une des rares choses que petit Kurt avait retenu de lui. Il n'était pas en mesure de juger les autres, personne ne l'était. Maman Szardos le disait aussi, d'une autre manière. Kurt en avait fait sa Vérité, un de ses fondements. Depuis, il essayait de comprendre. Parfois, il n'y arrivait pas.
Debitoribus nostris
Et ne nos inducas in tentationem
Agenouillé, un chapelet à la main, il récitait le noter pater d'une voix faible, laissant ses yeux se fermer un peu. Il n'aimait pas prier à voix haute, cela dérangeait les autres. Il s'en souvenait encore, des gens qui se plaignent du petit qui parle trop fort. Il ne pouvait pas aller à l'église, voyons, les gens allaient lui faire du mal. Il avait toujours su qu'il était différent, cela ne lui avait jamais posé de problème, jusqu'à ce que... non, mieux valait ne pas y penser. Pas après le cauchemar, pas après le fiasco. Kurt continua de réciter, de prier. La prière lui faisait du bien. Ensuite, il semblait avoir l'esprit plus clair, voir plus justement les choses. Confier ses problèmes aux autres, il pouvait le faire, mais il ne le faisait que rarement. Par politesse. Il n'était pas le seul à souffrir. Il préférait aider. Il n'était pas le seul à souffrir et l'enfance la plus heureuse du monde, de son point de vue, il l'avait eu. Bien entendu, il y avait ces temps-ci les cauchemars, le fiasco, celle qui n'avait pu être sauvée. La haine, encore elle.
Sed libera nos a malo
L'envie de vomir était toujours là. La boule dans la gorge aussi.
Amen... Ah, Logan ! Je ...« ... ne t'ai pas vu entrer. »
Il était encore agenouillé, tandis que Logan était debout, le jaugeant sans méchanceté, au contraire. C'était étrange, d'habitude, c'était lui qui regardait Logan de haut . Pas au sens figuré, mais au sens littéral. Comparé à lui, Logan faisait minus, plus large que haut. D'ailleurs, avec énormément de personnes, il faisait minus. Cela expliquerait-il davantage son mauvais caractère ?
Les petits chiens avaient peur, par conséquent ils grognaient toujours, donc...
Hum. Non. Juste non. Ne surtout pas imaginer Logan en bouledogue ou en chihuahua. Le mutant bleu se leva, tandis que le canadien lui tendait une canette de bière, tout en répondant à sa remarque.
« Technique de ninjutsu. Je t'en ai déjà parlé, tu te souviens ? »
Oh oui. Logan utilisait parfois les techniques apprises d'Ogun dans leur combat. Parfois, Kurt considérait cela comme de la triche. Surtout quand il était sur le point de gagner Maintenant, Kurt aurait bien fait une mine boudeuse s'il n'avait pas eu la bière, s'il n'y avait pas eu le sourire de son ami. Léger le sourire, comme un peu mal-à-l'aise. Le mutant bleu lu l'étiquette de la bière et sourit. Une Löwenbräu. Une bière bavaroise. Une bière des environs de Munich.
Parmi toutes les bières européennes, Logan préférait les belges. Kurt était un tout petit peu moins objectif.
« Oui. Danke mein freund. »
Il prit la canette bleue, la décapsula et commença à boire. La première fois qu'il avait bu une bière, il avait pris une Löwenbräu. Cela lui rappelait des souvenirs.
Logan sourit davantage, puis, se posa sur le lit de Nightcrawler, cherchant dans sa poche quelque chose. Sans doute un paquet de cigare.
« Cela ne te dérange pas si je fume dans ta chambre ? »
« Oh, tu sais, je me téléporte souvent ici, ce n'est pas quelques fumées qui vont me déranger. »
« C'est vrai que cela sent vraiment mauvais ici. » Réplica amicalement le mutant avant de sortir un cigare, de l'allumer et de le prendre en bouche. Bouder ne servant à rien, Kurt se posa près de lui, deux mains sur le matelas, sa queue tenant la bière. Il tourna la tête vers Logan.
« En quel honneur ? La bière je veux dire ? »
« On n'a plus le droit d'offrir des cadeaux aux copains, maintenant ? »
« Nein. C'est très gentil, merci. »
La fumée s'échappait du cigare. Logan regarda Kurt.
« A propos de ce qui s'est passé tout à l'heure... »
« Tu as vraiment envie d'en parler, Logan? »
« Non, pas du tout. Tu as envie de parler de tes cauchemars ? »
« Ton souvenir ? »
Un silence les sépara. Puis, Logan remarqua :
« Tu me demandes toujours de parler. »
« Je ne force jamais personne ! »
« Tu es trop subtil et gentil pour ça. Tu invites à la discussion et l'autre doit déballer. »
« Je ne veux embêter personne avec... »
Et qui te dit que tu m'embêtes ?
Il connaissait la réponse. Autant ne rien dire. Normalement, il aurait sourit. A force de fréquenter Logan, il pouvait prévoir certaines de ces réactions. C'était amusant. Le mutant canadien parut sur le point de dire quelque chose, mais se ravisa, avant de reprendre la parole.
« Je me suis souvenu d'une fille. J'étais amoureux. »
« Rose ? »
Pas de réponse. Courte pause.
« Elle... avait le même visage que l'autre. Je... je devais être jeune, je crois. Je me souviens plus très bien. Une bagarre contre un type défiguré. J'ai tiré mes griffes. Elle s'est interposée. »
Je l'ai tuée.
Kurt avala sa salive.
« C'était un accident Logan, juste un accident. »
Logan eut soudainement l'air très vieux, très fatigué aussi. Sans doute l'était il toujours, sans oser le montrer.
« Je crois que c'est la première fois que je tuais une personne. »
« Un accident... » Répéta Kurt dans un souffle. Le regard de Logan était indéchiffrable. Alors, Kurt parla. Tout bas, comme s'il était honteux.
« Je rêve d'une cage, qu'on me ramène à ma cage, qu'on me traite de nouveau comme un monstre. Je rêve de chaîne, de laisse, de... de ce que j'ai vécu avec Jardine. C'était la première fois qu'on me traitait comme un monstre. Ce n'est pas très agréable. »
De l'effarement dans les yeux (c'était donc vrai, vraiment vrai ?), de la colère dans les poings (si je tenais ce type, si je le tenais...), le visage crispé, il sortit son cigare de sa bouche.
« C'est pourquoi tu as quitté le cirque. Ça et l'histoire avec ton frangin. »
Ce n'était pas une question et Kurt n'avait pas envie d'en parler. Il resta silencieux. Puis, sentit une main sur son épaule, tiède et forte. Étrangement, il aima ce contact.
« Je suis doué pour remuer le couteau dans la plaie et pas vraiment pour consoler... excuse-moi. »
« Ce n'est rien. Je suis pas mal non. »
« Dis pas de connerie. »
« Est-ce que dire « tu es là, mein freund, cela me suffit » compte ? »
« Je ne pense pas. »
Un petit sourire en coin. Une sorte de silence qui s’installait. Il n’avait pas de lourdeur pourtant, pas de maladresse. Cela arrivait entre amis de ne rien avoir à dire. Puis, à quoi servaient les amis si on craignait les silences entre eux. Un ami, c’était censé avoir confiance en vous, assez pour ne pas s’inquiéter pour rien. Buvant sa bière, il rangea un peu la chambre, toujours un peu en bazar, des chaussettes et chaussures trainant partout, gisant même en haut de l’immense structure en métal avec laquelle il faisait ses exercices, des DVD pas encore rangés et parfois un verre de vin était là, apparemment sans raison apparente. Oui, sa chambre était loin de l’univers rangé et sobre de Wolverine, qui avait calqué sa chambre sur le modèle nippon, calligraphie incluse. Etrangement, Kurt se sentait bien dans la chambre de Logan et vice-versa.
Le goût de la bière encore dans la bouche, il proposa à son ami de boire un coup, en échange, celui-ci lui tendit son cigare. Kurt ne fumait pas, cela ne l’avait jamais tenté. Néanmoins, il prit le cigare dans sa main, l’infiltra dans sa bouche. Quelques temps plus tard, il toussait un petit peu, la saveur acre de la fumée lui étant monté à la tête (peut-être avait-elle touché le cerveau, mince). Logan souriait pourtant, lui donnant quelques petites tapes dans le dos.
« Je suis pas doué pour fumer… »
« D’après les médecins, mieux vaut que je te l’apprenne pas. Tu n’as pas d’auto-guérison. »
« Aucune inquiétude, l’idée ne m’était même pas venue à l’esprit. »
Petit rire, sourire.
« Tiens et si on sortait faire un tour, on se sent à l’étroit ici. Puis, il y a les étoiles, c’est beau. Logan, tu savais que l’une de mes ex doit être là-bas, derrière une étoile, je veux dire. »
« Non, je ne savais pas Elf. Mais je suis d’accord pour sortir. »
« Logan. »
« Quoi ? »
« C’est moi qui paye la bière, ce soir. »
« Si tu veux. Je conduis. »
« Ja. »
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La vie du cirque était remplie de rituel, de code et de rite qui restaient encore gravés dans son esprit. Il s'était établi une sorte d'organisation qui flirtait vaguement avec une discipline de fer, sans pour autant atteindre ce dernier stade. C'était plus un ensemble de choses contraignantes qu'il fallait accomplir et qu'il accomplissait. Si sa vie étant qu'x-men était radicalement différente, il avait toutefois gardé cette sorte d'habitude, ce programme interne qu'il respectait au mieux. Bien entendu, ce n'était guère réalisable : entre les menaces imminentes, les catastrophes imprévues, les gros tracas du quotidien qui pouvaient devenir parfois aussi grands que les gratte-ciels de New-York. Entre les journées qui évoluaient radicalement mal, avant de finir dans un bar, l’atmosphère chaude, la bière dans la bouche, dans les choppes, dans les mains. Un ami avec qui parler, avec qui rire. Le temps qui s’enfuyait, emportant le froid, les prières et les étoiles. Un meilleur ami qui le raccompagne et lui qui se calait sur le siège, à moitié assoupi. Logan le regarda un peu, espérant qu’il se sentît mieux.
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Notes
Sinon, Christine Palmer est l’une des très nombreuses conquêtes de Kurt, celle-là même qui a rendue Logan jaloux au point qu’il stalker Kurt, tout en essayant de le faire rire en disant des blagues sur Casper le petit fantôme. Tout en se découvrant un amour pour les comédies musicales rien que pour venir avec eux. Et en amenant Ororo au passage, qui ne sait pas vraiment pourquoi elle est là, apparemment. Bref. C’est canon et je m’en suis servie (et Kurt, ben il ne voit rien, c’est canon aussi)
Rose est le premier amour de Logan (non partagé, en plus), quand il était encore tout petit et qu’il découvrait ses pouvoirs. Je ne vais pas spoiler, mais disons que oui, leur histoire est triste.
La prière que récite Kurt fait partie du rosaire, elle s’appelle le Pater Noster (Notre Père) . Voici la traduction en français :
Pardonne-nous nos offenses/ comme nous pardonnons aussi/ à ceux qui nous ont offensés/ et ne nous soumets pas à la tentation/ mais délivre-nous du mal /Amen.
L’histoire de Jack le singe et Jack le pirate vient d’une boutade que j’ai dite une fois, selon laquelle, Kurt était un Elf bleu qui a trop vu Pirate des Caraïbes, mais aussi d’un dessin où les membres des x-men (pas tous) sont en animaux et… devinez qui est le singe ? :)
J’espère que ce one vous aura plu un petit peu.
(pour les tags : Nightcrawler, Wolverine, fic ? Comme on ne voit pas beaucoup Piotr et Kitty, j'hésite à les mettre)