Quand Michael rencontre Superman - Part 10

Jul 27, 2009 11:09



Part 10

Deux jours plus tard, Clark se préparait à aller interviewer Chloé Gardner. Maria n’était pas la seule à l’envier, sa propre mère avait failli avoir une attaque lorsqu’elle avait su qu’elle serait le prochain sujet de son article. Il avait promis de lui faire signer un autographe pour elle.

Il était environ 9 heures du matin et après un rapide coup d’œil dans le miroir, il était fin prêt. Il sortit de son appartement et fut accueilli par une dizaine de plantes qui agrémentaient dorénavant le patio. Maria, comme promis lors de son arrivée, s’était occupée du petit espace entre leurs deux appartements, et il devait admettre qu’elle avait fait du bon travail. Les plantes étaient d’une taille impressionnante, tout comme les vases qui les contenaient, et cela donnait un aspect assez méditerranéen à l’ensemble.

Il admira pendant quelques secondes l’œuvre de Maria avant de se diriger vers la porte de la jeune fille. Il leva la main et frappa trois coups. Il entendit un bruit de pas et la porte s’ouvrit brusquement, révélant une Maria se tenant sur un pied, essayant d’enfiler une chaussure d’une main tout en essayant de se coiffer avec une brosse de l’autre main.

« Salut, Clark, entre », dit-elle en s’effaçant pour le laisser entrer et en repartant à cloche pied. « Aie, aie, aie, j’adore ces chaussures mais elles me font un mal de chien », se plaignit Maria. « Mais elles sont trop bien, elles me font des jambes superbes et elles vont bien avec cette robe, tu en penses quoi ? » demanda Maria en tournant sur elle-même.

« Hmmm, et bien, tu sais, je ne m’y connais pas beaucoup en mode féminine », répondit prudemment Clark. « Mais tu es très jolie comme ça, ne t’inquiètes  pas», se hâta-t-il d’ajouter afin de ne pas la blesser.

Maria soupira. Clark était bien gentil mais il ne lui était d’aucune utilité dans ce cas-là. Ne se rendait-il pas compte à quel point cette rencontre était cruciale ? Elle allait rencontrer la grande Chloé Gardner, l’égale de Katharine Hepburn ou Elisabeth Taylor ! Il fallait qu’elle soit parfaite pour ce grand jour. Depuis ce matin, elle avait changé de tenue à trois reprises, trouvant à chaque fois une raison de ne pas porter celles-ci.

Maria contempla son image dans le grand miroir sur pied qui se trouvait dans le petit vestibule. Oui, elle allait garder cette robe bordeaux. Elle était courte, en velours fluide et un peu décolletée, avec des liens en soie façon corset médiéval mais vraiment, elle lui faisait une silhouette superbe. Il lui fallait juste trouver les chaussures parfaites. Et celles qu’elles portaient ne conviendraient pas car elles lui faisaient trop mal. Hmm, pourquoi pas ses bottines montantes étroites noires ? Elles faisaient un peu bottines de soldat mais elle avait adoré ce look sur cette actrice qui avait tourné dans les trois clips vidéo d’un de ses groupes de hard rock préférés, Aerosmith.

Maria se rua sur le petit meuble situé juste derrière elle et où toutes les chaussures étaient rangées. Elle ouvrit la petite porte et se saisit rapidement des bottines. Elle s’assit sur les marches qui menaient au salon et elle les enfila rapidement tout en parlant avec Clark.

« On va pas être en retard à cause de moi, pas vrai ? Je me suis dépêchée mais je n’arrivais à me décider sur ce que j’allais porter. J’ai demandé conseil à Liz mais elle voulait que je porte du noir, elle disait que ça allait pour toutes les occasions. Non, mais du noir, pour aller voir une vieille dame originale??? On va pas à un enterrement et je ne veux pas mettre Chloé Gardner d’une humeur triste, tu comprends ? »

Sous ce déluge de paroles, Clark saisit un prénom à la volée, Liz. Probablement Liz Parker. C’était la première fois qu’il entendait Michael ou Maria mentionner quelqu’un de leur passé. Il avait bien fait d’inviter Maria, se félicita Clark. Tout comme il l’avait prévu, elle était tellement excitée qu’elle avait déjà laissé échapper une petite information. Mais il devait être prudent et ne pas alarmer Maria. Il ne lui posa pas de question sur la fameuse Liz, attendant patiemment que Maria soit prête.

« C’est gentil à toi de penser à Chloé Gardner. Je sais par les recherches que j’ai faites qu’elle a été quelqu’un d’incroyable, dans le milieu glamour du cinéma », répondit Clark.

« Incroyable ? » répéta Maria, stupéfaite. « Tu es loin du compte, cette femme a peut-être été une actrice, mais elle a fait tellement de choses ! Elle a joint une équipe d’alpinistes pour une expédition en montagne en France, elle a sauté en parachute, elle a appris à piloter, elle a fait le tour du monde, elle a aidé à creuser des puits en Afrique, et je ne sais quoi encore, tu te rends compte ? Chloé Gardner est mon modèle ! » s’écria Maria d’un ton agité.

Clark vit à quel point elle admirait la vieille dame et pourquoi elle était si excitée à l’idée de la rencontrer. Il décida de rassurer la jeune fille. « Ne t’inquiètes pas, Maria, d’après ce que m’a dit sa petite-nièce, Chloé Gardner est une personne un peu excentrique mais très accessible. Elle ne fera pas attention à ta coiffure ou à tes chaussures, crois-moi. »

Maria fit la moue, peu convaincue. « Moui, si tu le dis. Mais c’est une histoire de fille, tu ne peux pas comprendre ».

Sans doute qu’il ne pouvait pas comprendre alors Clark n’essaya même pas. Il vit Maria se lever après avoir lacé ses bottines et s’admirer une toute dernière fois dans la glace avant de décider qu’elle était fin prête. Elle prit alors un petit sac en velours noir, du genre bourse que portaient les femmes au début du 19ème siècle et qu’elle avait laissé traîner par terre à côté du miroir. « Voilà, on peut y aller », décréta-t-elle.

« Mademoiselle », plaisanta Clark en lui présentant son bras.

« Monsieur », dit-elle en riant et en acceptant son bras. Et ce fut ainsi que les deux compères quittèrent l’appartement ce matin-là.

*****

Clark et Maria se rendirent tout d’abord au Daily Planet afin de récupérer une voiture du quotidien, que celui-ci mettait à la disposition de ses journalistes. Maria n’était jamais entrée à l’intérieur d’un journal et elle ouvrit de grands yeux en découvrant l’activité qui y régnait. Elle se dirigea vers le bureau de Clark pour l’attendre pendant qu’il réglait les problèmes de paperasse lié à l’emprunt du véhicule. Elle regarda autour d’elle. Comme elle s’y attendait, son bureau était impeccable ; il n’y avait rien qui trainait. Elle poussa avec ses pieds et fit tourner le fauteuil pour s’occuper. Quelques secondes plus tard, elle vit arriver Lois Lane, un café à la main et lisant des papiers qu’elle tenait dans l’autre. Elle jeta son courrier sur son bureau qui, lui, était tout ce qu’il y a de plus sens dessus dessous et elle jeta le gobelet vide dans la poubelle près de son bureau. Elle s’assit et s’apprêtait à dire bonjour à son collègue et ami, Clark, lorsqu’elle vit Maria qui occupait la chaise de son équipier. «Maria, bonjour, quelle surprise, qu’est-ce que tu fais là ? »

Maria s’arrêta de tourner sur sa chaise. « Oh, bonjour Lois, j’attends Clark, c’est tout. Je l’accompagne pour son interview d’aujourd’hui. »

« Une interview, quelle interview, je ne suis pas au courant », dit Lois, vexée. Qu’est-ce que Clark lui cachait, et pourquoi emmener Maria avec lui ? Pour Lois, Maria était associée à Michael, et Michael pourchassait Superman, tout comme elle. Donc Maria = Superman, pour la super journaliste. « Oh, cet espèce de…. Grrrr, il n’aurait pas osé me mettre sur la touche, quand même ? se demanda Lois. Non, il ne me ferait pas ça. Il sait à quel point Superman est important pour moi, et on forme une équipe après tout.

La voix de Maria, remplie d’excitation, interrompit ses pensées. « Il va interviewer Chloé Gardner, non mais tu imagines, LA Chloé Gardner ? Quand il m’a dit ça, je n’y croyais pas. Je devais avoir l’air si jalouse que Clark m’a invitée à venir avec lui aujourd’hui, il va me faire passer pour son assistante, c’est pas génial ? » s’exclama Maria en tapant dans ses mains dans son enthousiasme, un large sourire aux lèvres.

« Qui est Chloé Gardner ? » questionna Lois en fouillant parmi les papiers qui encombraient son bureau. Ce nom lui était vaguement familier mais elle ne se rappelait pas où elle l’avait entendu.

Maria s’immobilisa, la bouche grande ouverte, les yeux écarquillés, muette de stupeur. Si Michael avait été là, il aurait applaudi au miracle qu’avait réussi à accomplir Lois. « Qui, qui est Chloé Gardner ? Non mais tu plaisantes, là ? » dit Maria d’une voix sans timbre.

Aie, elle avait commis une gaffe. Est-ce qu’elle était une de ces pop stars qui surgissaient tous les ans ? se demandait Lois. Elle n’eut pas à attendre bien longtemps la réponse.

« Ne me dis pas que tu n’as jamais entendu parler de cette star d’Hollywood des années 30, 40 et 50 et qui a tout laissé tomber au début des années 60 pour mener la vie qu’elle voulait ? Elle a survolé l’Afrique en ballon dirigeable, elle a photographié les girafes et les éléphants dans leur élément naturel, elle a combattu les contrebandiers de l’ivoire, elle a participé à des rallyes automobiles, elle a vécu dans la jungle indonésienne pendant des mois avec des ethnologues pour étudier une tribu en voie de disparition, elle a -»,

« J’ai compris, j’ai compris, cette femme a tout fait et a tout vu », dit Lois en souriant. Maria avait l’air de vénérer cette ancienne actrice et si elle avait vraiment vécu cette vie-là, alors elle était un sacré personnage et Maria aurait pu se trouver un modèle bien pire. En fait, elle enviait presque la jeune fille de rencontrer ce monument d’Hollywood.

Maria opina du chef. « Oh, oui, elle a vraiment vécu cette vie-là. A cinquante ans, elle a plaqué Hollywood, au milieu des années soixante, et elle a juste décidé de faire ce qu’elle avait toujours voulu faire. Et puis, elle ne trouvait plus de rôles intéressants alors elle s’est dit : ‘Au diable ces machos de directeurs de studios et l’injustice faites aux femmes de mon âge, je ne vais pas les supplier, j’ai suffisamment d’argent pour ne plus avoir à travailler alors je m’en vais. Je plaque tout et bonjour la vraie vie’ ».

« Bravo, bravo », cria Lois qui s’était mise debout en entendant le speech de Maria. « Voilà une femme de caractère, pas vrai ? Ca c’est une sœur! »

« Et comment ! », rit Maria qui se leva et topa dans la main levée de Lois en signe d’accord.

C’est à ce moment-là que Clark revint. Il trouva les deux jeunes femmes debout, excitées et riant comme des folles. Elles s’entendaient très bien mais il ne pouvait s’empêcher de frissonner en les voyants aussi complices. Séparément, elles pouvaient être dangereuses, mais travaillant ensemble ? Ces deux-là seraient imbattables.

Il s’approcha de Maria et agita les papiers du véhicule sous son nez. « Tout est en ordre, on peut y aller ».

« Super, je suis si impatiente », confessa Maria, ce que Clark et Lois savaient parfaitement.

Clark et Maria se mirent en route. Alors qu’ils allaient atteindre l’ascenseur, Lois sembla se rappeler quelque chose et elle se mit à crier en direction de la nouvelle ‘assistante’ de Clark : « Hé, Maria, dis à Michael que je l’attends toujours, si il a un peu de cran. Je suis prête à lui mettre une raclée. On peut se donner rendez-vous au gymnase de la 25ème rue, il est tenu par un ami alors transmets le message à ton copain, d’accord ? »

Maria, interloquée, regarda Lois avant de se retourner vers Clark. « De quoi elle parle ? »

Clark la prit par le bras car l’ascenseur venait d’arriver. « Viens, je vais t’expliquer en chemin ».

Ils pénétrèrent dans l’ascenseur et Clark expliqua à Maria les mots qu’avaient eus Michael et Lois, quelques jours plus tôt, comment ce dernier avait traité Lois de « vieille » et comment Lois avait failli lui mettre une trempe en pleine rue. Elle attendait toujours sa revanche, d’ailleurs.

Maria éclata de rire. C’était tout à fait typique de Michael !

*****

Clark écouta Maria babiller en chemin. Il sentait qu’elle parlait à tort et à travers pour évacuer son nervosité. Elle avait raconté la journée que Michael et elle avaient passé à l’orphelinat St Joseph, comment Michael se comportait avec les enfants et qu’il avait pris des tonnes de photo qu’il comptait offrir en cadeau à Sœur Diana et Sœur Gabrielle.

« Maria, j’ai l’impression que Michael a comme un lien avec ces enfants, je ne me trompe pas ? » s’enquit-il en jetant un rapide coup d’œil vers sa passagère. Il la vit confirmer de la tête ses dires et il continua. « Est-ce que c’est parce que il a lui-même été abandonné par ses parents ? »

Maria se tourna complètement vers Clark, étonnée. « Michael t’as parlé de ça ? »

Clark hocha la tête. « Il l’a juste mentionné, mais si j’ajoute à cela le fait qu’il ne parle pratiquement jamais de l’homme qui l’a élevé, j’en ai déduit que son enfance n’avait pas été rose. Et cela expliquerait pourquoi il se sent si proche des enfants de l’orphelinat. »

Maria sourit. « Tu as tout compris. Michael dissimule bien son jeu. Il cache un cœur d’or sous une apparence d’ours mal léché. Il faut creuser pour découvrir le vrai Michael. Mais c’est quelqu’un en qui tu peux avoir confiance. Et quelqu’un qui sera toujours là pour ceux qui souffrent, même s’il n’est pas capable de s’exprimer verbalement. Michael sera là dans les moments difficiles, pour ceux que la vie blesse ».

Clark approuva d’un signe de la tête. Décidément, ce trajet en voiture avec Maria lui en apprenait beaucoup sur la personnalité de Michael Micelli, alias Michael Guerin. Jusque-là, rien ne laissait supposer que celui-ci était un monstre, bien au contraire. Si tout allait bien, il aurait pris sa décision d’ici la fin de la journée.

Il stoppa la voiture devant une immense maison de style manoir, bordée de buissons fleuris et d’arbres centenaires. « Voilà, nous sommes arrivés. Tu es prête ? »

La gorge de Maria se serra. « Prête », répondit-elle d’une voix étranglée.

*****

Une heure plus tard, l’interview touchait à sa fin. Clark était plutôt satisfait. La vieille dame avait refusé que sa photo soit prise, arguant qu’elle voulait rester jeune dans l’esprit de ses fans et des lecteurs du Daily Planet, mais à part cela, elle s’était volontiers confiée au jeune journaliste sur sa vie de star à Hollywood. Elle avait partagé avec le jeune couple en face d’elle des anecdotes croustillantes ! La vie n’était pas triste à Hollywood en ce temps-là, songea Clark.

Il jeta un regard en coin vers Maria. Celle-ci s’était tenue relativement bien, trop bien même, parlant rarement, ce qui était rare. Chloé Gardner elle-même semblait avoir remarqué le malaise que sa présence provoquait chez Maria.

« Dites-moi, jeune fille, vous avez une langue ou bien vous vous contentez d’être une jolie potiche pour votre patron ? » demanda brusquement l’ancienne star.

Surprise que Chloé Gardner s’adresse directement à elle, Maria bafouilla. « Huh, n, non, je, je ne suis pas, en fait, je suis juste venue pour… ». A sa grande honte, elle fut incapable de terminer sa phrase.

La vieille dame renifla de dédain. « Pfff, les jeunes d’aujourd’hui, tout dans le corps et l’apparence, rien dans la tête ! »

La colère monta en une fraction de seconde Maria et elle répliqua, folle de rage. « Non mais dites-donc, vous êtes peut-être vieille et une ancienne star mais ce n’est pas une raison pour me parler sur ce ton ! »

Elle prit son sac à côté d’elle, se leva et se tourna vers Clark. « Désolée, Clark, j’ai fait de mon mieux mais je crains d’avoir cassé l’ambiance alors je te laisse avec cette… cette », Maria chercha ses mots et renonça, craignant de dire quelque chose qu’elle allait regretter. Elle était déjà un peu honteuse de son éclat. « Enfin bref, je t’attends dans la voiture. »

Clark ouvrit la bouche mais elle ne lui laissa pas le temps de parler et elle passa devant son ancienne idole lorsque la canne de celle-ci se mit en travers du chemin. « Une minute, jeune fille, asseyez-vous », dit-elle d’un ton impérieux.

Il était évident que cette vieille dame avait l’habitude d’être obéie au doigt et à l’œil mais Maria avait l’habitude d’un certain Michael Guerin, alien autoritaire s’il en était, et elle n’allait pas s’en laisser compter. « Dites s’il vous plaît et peut-être, PEUT-ETRE, que je me rassoirai », asséna Maria, debout les bras croisés sur sa poitrine, le regard fulminant. Dieu quelle désillusion. La grande actrice n’était qu’une emmerdeuse qui se croyait tout permis ! Maria en aurait pleuré de déception. Ca lui apprendrait aussi, à son âge, à adorer une star, quelle qu’elle soit ! Elle ne connaissait que les images que celles-ci renvoyaient, après tout, une image travaillée par les « public relations » !

Un large sourire s’épanouit sur le visage de la vieille dame. « Et bien, voilà, il suffisait d’insister un peu. Je savais bien que vous aviez de la personnalité. »

Maria l’observa en plissant les yeux. « Vous voulez dire que… que vous m’avez fait passer une sorte de test ? Mais pourquoi ? »

« Pourquoi ? Mais parce que je m’ennuie et que ma seule occupation consiste à étudier les gens autour de moi, voilà pourquoi. J’avais cru déceler une étincelle en vous, au vu de votre accoutrement original », dit-elle en lorgnant sur la robe et les bottines de Maria, « et je voulais vérifier si je ne m’étais pas trompée », conclut calmement Chloé Gardner.

Soufflée, Maria se rassit et elle pivota vers Clark. Celui-ci haussa les épaules en levant les sourcils, tout aussi surpris qu’elle.

« Bien, maintenant que tout le monde s’est révélé sous son vrai jour, pourquoi ne pas aborder des questions plus personnelles, hmmm ? » demanda-t-elle, surprenant Clark.

Ce dernier se mit à tripoter ses lunettes, signe de nervosité. Avec la double vie qu’il menait, ce genre de question le mettait mal à l’aise. « Plus personnelles ? Hé bien, c’est-à-dire que, je croyais que vous ne voudriez pas parler de ce genre de choses alors je n’ai pas préparé de questions. Vous êtes sûre de vous ? » acheva-t-il avec un sourire contraint.

« Tout à fait, jeune homme » affirma l’ancienne actrice, l’air déterminé.

Maria s’interposa. « Très bien, il n’a peut-être pas de question mais moi si. Alors, qu’est-ce que ça fait d’être obligée de dépendre d’une canne et de sa famille, quand on a été une personne si active comme vous ? »

Clark grimaça devant la question cruelle de Maria. Ce n’était pas son genre à lui, mais à voir la tête de Chloé Gardner, celle-ci n’avait pas l’air d’en vouloir à la jeune fille. « C’est terrible, croyez-moi. On passe sa vie à la vivre pleinement, dépendant de notre corps pour nous transporter et agir selon notre volonté. Et puis un jour, ce corps nous lâche. C’est une telle injustice ! »

« Vous auriez préféré mourir d’une piqure de serpent en Afrique ou d’un accident d’avion en pleine jeunesse? » demanda Maria, surprise.

Chloé réfléchit quelques secondes. « Peut-être pas en pleine jeunesse mais en tout cas, vieillir n’a rien d’une partie de plaisir. Alors oui, j’aurais préféré partir en plein ciel, brutalement, plutôt que de partir à petit feu et en me dégradant lentement, me rendant dépendante de cette canne et de ma famille comme vous dites», dit-elle sur un ton un peu amer. « Mais on n’a pas le choix ».

Sans doute. A à peine 21 ans, Maria n’avait jamais pensé à la vieillesse, mais elle pouvait comprendre ce que ressentait la vieille dame.

« Est-ce que vous avez des regrets ? » questionna Maria, prenant en main l’interview de Clark sans que celui-ci ne s’en formalise.

Chloé Gardner eut un grand soupir et regarda par la fenêtre. Elle semblait plonger dans ses souvenirs. Clark et Maria se consultèrent des yeux mais décidèrent de la laisser parler quand elle serait prête. « On pourrait croire, avec la vie si longue et si pleine que j’ai menée, que je n’aurai pas de regrets. Mais oui, j’en ai. Je regrette surtout de ne pas avoir croisé le GRAND AMOUR. Celui qui vous fait tout plaquer, qui vous fait vous lever le matin, qui vous aide à soulever des montagnes. Ooooh, j’ai connu bien des hommes, et je me suis mariée à trois reprises mais avec le temps, j’ai compris que ce que j’avais vécu avec eux n’était pas de l’amour. De l’attirance physique, c’était tout ce qu’il y avait. Et puis, si j’avais vraiment rencontré l’homme qui m’était destiné, peut-être que j’aurais eu des enfants et des petits-enfants, maintenant. Mais je n’ai jamais trouvé le bon alors j’ai refusé d’avoir des enfants ».

« Vous ne vouliez pas d’enfants ? » Maria était offusquée.

Chloé Gardner sourit devant le visage consterné de Maria. «Je vous ai choquée, jeune fille ? Et pourtant, c’est la vérité. Je n’ai jamais voulu d’enfants. Ou plutôt, je n’ai jamais voulu d’enfants des hommes que j’aie épousés ou que je fréquentais. Je crois que tout au fond de moi, je ne les aimais pas vraiment et que j’avais peur que des enfants nous lient à tout jamais et que je raterais le coche, si jamais MON homme venait à frapper à la porte. Egoïste, n’est-ce pas ? Oui, je l’ai été, je l’avoue. Mais c’est une vie cruelle que celle de ne pas connaître l’amour, même si cette vie vous permet de vivre une belle existence dans d’autres domaines. Il y a toujours ce manque de cet être mystérieux qui vous complèterait. J’espère que vous trouverez cette personne.»

Maria eut un large sourire. « Ne vous inquiétez pas, je l’ai trouvée et depuis fort longtemps. Et je me suis battue pour l’avoir, croyez-moi. Michael n’a jamais été facile, mais il est… celui que je veux, le seul que j’aie jamais voulu et ce, depuis près de six ans, croyez-le ou non. »

« Six ans ? Mais vous l’avez rencontré alors que vous étiez au lycée ! » S’exclama Chloé, ébahie. « Et vous êtes toujours ensemble ? »

« Toujours. Cela demande du travail, mais je ne regrette rien. Et j’espère bien que Michael et moi aurons des enfants plus tard ».

La vieille dame se pencha et tapota la main de Maria. « Alors continuez à vous battre. L’amour vrai, ce n’est pas la facilité ou le conte de fées, cela demande des compromis et beaucoup de travail, mais cela, vous en êtes déjà consciente donc vous êtes sur la bonne voie ».

Elle se tourna alors vers Clark qui avait suivi leur échange avec intérêt. « Et vous, jeune homme, y a-t-il quelqu’un dans votre vie ? »

Clark avala de travers le verre d’eau qu’il était en train de boire. Il se mit à tousser. « Hmm, et bien en fait, non, il n’y a personne. »

Maria émit un petit raclement de gorge, ce qui lui valut un regard noir de la part de Clark. Les yeux de Chloé allèrent de l’un à l’autre, songeurs. Elle chuchota dans l’oreille de la jeune fille. « Dites, Maria, vous n’allez pas me faire croire qu’un aussi bel homme est célibataire ? »

Maria se redressa et fixa Clark droit dans les yeux, un sourire aux lèvres. « Désolée, Clark mais j’ai joué au jeu de la vérité alors c’est ton tour. Si, Madame Gardner, il y a deux femmes dans la vie de Clark mais je crois que lui-même est un peu perdu et qu’il ne sait pas laquelle choisir. »

Chloé Gardner eut un petit reniflement très peu élégant. « Hmmm, typique d’un homme, ça ! »

Clark jaillit hors de son fauteuil, pressé de mettre un terme à cette discussion. « Bien, je crois que j’ai tout ce dont j’ai besoin alors on va y aller. Prête, Maria ? »

Maria se leva à contre cœur pour partir. Ajustant son sac en bandoulière, elle eut soudain une idée. « Je sais que vous ne voulez pas qu’on prenne votre photo pour le Daily Planet mais vous ne voudriez pas qu’un photographe talentueux prenne des photos d’artiste de vous ? Vous pourriez choisir le style de photo, noir et blanc, couleur, chez vous ou dehors… », suggéra-t-elle.

La vieille dame pencha la tête, considérant l’idée. « Des photos rien que pour moi ou ma famille ? » demanda-t-elle.

« Tout à fait ».

« Hmmm, il y a du potentiel, surtout que…, », elle hésita et eut un petit rire. « Cette maison contient trois pièces remplies à ras bord des costumes que j’ai porté durant ma carrière d’actrice. Ca me plairait bien de les remettre et de faire la comparaison avant et après.»

« Vous plaisantez ? » cria presque Maria. « Vous ne voulez pas dire que vous possédez la robe de bal de ‘Nuits d’été à Savannah’ ? Ou bien les costume du film ’Les pirates’ ? Ou bien -»

« Oui, oui, jeune fille, j’ai tout racheté », dit-elle en riant de l’excitation de Maria. « Cela faisait partie d’ailleurs de mon contrat. Je voulais avoir la possibilité de garder les costumes ou autres bibelots et objets de mes films, et les studios ne pouvaient rien me refuser en ce temps-là ». Elle se tut et après mûre réflexion, elle dit : « Bien, dites à votre photographe de me contacter et on prendra rendez-vous. Et venez avec lui. Je suis sûre que cela vous plairait d’essayer quelques-uns de mes costumes. » Elle eut un sourire abattu. « Mon arrière-petite-nièce a 15 ans et ne voudrait pas les porter pour tout l’or du monde. Pour elles, ce ne sont que des vieilleries sans intérêt et elle ne s’habille qu’en mini-jupes, et tout en noir en plus ! Quelle triste génération ! » Déplora la vieille dame.

Cette dernière plainte fit sourire Clark qui se rappelait la tirade de Maria à propos de son amie qui lui avait conseillé de porter du noir pour rencontrer Chloé Gardner et la conviction qu’avait Maria que celle-ci aurait détesté une visiteuse en vêtue de cette couleur, que ce serait trop déprimant.

Maria se pencha vers Chloé Gardner pour la serrer impulsivement dans ses bras. « Je me ferai une joie d’essayer vos costumes, promis ».

Chloé eut un sourire reconnaissant et se rassit sur son canapé, visiblement fatiguée. Elle attrapa une petite clochette qui était posée sur un guéridon de style empire et qu’elle agita. Aussitôt, une infirmière surgit. « Raccompagnez ces deux jeunes gens à la porte, Madame White. L’interview est terminée ».

« Bien, madame », répondit docilement la nurse.

Clark et Maria la suivirent et quittèrent donc la superbe demeure, chacun plongé dans ses pensées. Ils restèrent quelques secondes en face de la porte qui venait de se refermer.

« Quelle femme extraordinaire, tu n’es pas d’accord, Clark ? »

« Tout à fait extraordinaire, Maria, tout à fait extraordinaire », dit Clark. Il prit les clés de la voiture que leur avait prêtée le journal et il se dirigea vers elle, Maria trottinant derrière lui.
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