Sep 02, 2012 23:42
J'arrive au boulot hier et regarde le livre des réservations : il y a une table de deux, et une réservation pour une personne. Mon chef me demande "So, how many people do we have?" Je lui réponds bêtement "three". "A table of three, or a two and a one?", "Two and a one". "How sad, a person eating alone". "Well, I often eat alone in restaurants, I don't think it's sad."
À six heures moins quart, Louise - la femme seule - entre dans le restaurant. C'est une cliente habituelle qui vient toujours avec son mari. Cette fois elle est seule, les épaules basses. Elle s'approche tranquillement et je sens la nervosité grandir : "Vous souvenez-vous de moi? Je venais régulièrement avec mon mari, on a même célébré notre anniversaire de mariage ici le mois dernier" "Oui, oui, bien sûr, vous prenez toujours un pisco sour en apero..." "Bin je suis venu prendre un pisco sour seule ce soir, parce que mon mari est décédé..."
Je regarde la femme dans les yeux, je la fixe solidement. Je vois sa chair trembler, déboussolée, à la recherche d'oubli, de réconfort, d'amour, de n'importe quoi parce qu'osti que c'est pas facile à vivre. Non, y'a rien qui te prépare à ça. Ni pour moi qui ne sait pas quoi lui dire, mais surtout pas pour elle qui doit dorénavant dormir seule dans le lit qu'elle partageait avec l'homme de sa vie.
Ça m'a fessé dans la poitrine. Je lui ai offert le pisco sour, c'était la moindre des choses. Si cette gentillesse pouvait lui apporter quelconque réconfort... Et je lui ai dit que moi, c'est la natation qui m'aide à garder la tête quand les choses ne vont pas bien, qu'il faut trouver des moyens pour se recentrer. Je l'ai écoutée du mieux j'ai pu, je l'ai prise par le bras, tenté de la réconforter du mieux je peux. Mais que puis-je faire? Sinon vous dire qu'il faut apprécier tandis que nous y sommes.
Savourez.