Semaine de la Fic #2 : Jeudi

Sep 09, 2010 09:34



Chapitre 4 - Responsabilités
Septembre 2003

Malheureusement, l’éternité s’écoulait lentement.

Severus constata qu’à présent qu’il connaissait la raison de son départ manqué - même s’il avait encore parfois du mal à y croire - il ne pouvait s’empêcher de chercher. Albus en aurait bien ri. Ou alors, il se serait contenté lui aussi de lui tapoter l’épaule, les yeux pétillant.

Quelques années auparavant, Severus avait été persuadé qu’il arrivait au bout du chemin. Ses courtes expériences romantiques, et plus souvent charnelles que romantiques, ne lui avait pas fait regretter sa solitude. Il aimait être seul. Il pouvait faire ce qu’il voulait, et personne ne dépendait de lui. Seul un abruti aurait préféré se coltiner un autre abruti 24 heures sur 24. La vie était trop courte pour faire semblant d’écouter à quelqu’un d’autre.
Mais peut-être que des coucheries entre Mangemorts avaient de quoi dégoûter n’importe qui, musa-t-il. Le sexe n’avait pas toujours été désagréable, mais il devait manquer quelque chose qu’il n’avait jamais connu.

Toujours était-il qu’il commença, dès la fin mémorable de sa thérapie, à soupeser plus ou moins consciemment tous les sorciers et sorcières qu’il rencontra.

C’était épuisant. Jusque là, Severus avait eu une méthode simple pour juger les gens. Il partait du principe qu’ils étaient stupides et sans intérêt, jusqu’à ce qu’ils lui démontrent le contraire. Et voilà qu’il se mettait à supputer leurs qualités.

Heureusement ses interrogations ne concernaient pas ses élèves. Il continua à ôter des points avec allégresse et partialité. Mais il poussa un léger cri de détresse le jour où il se retrouva à considérer Sir Nicholas. Et s’enferma pendant deux jours après avoir observé avec attention le derrière de Minerva.

Le reste du monde sembla ensuite se liguer contre lui. Il avait pensé être relativement à l’abri, ne pouvant sortir de l’enceinte du château, mais comme professait il ne savait plus quelle religion moldue, la montagne vint à lui.

Le printemps suivant, Granger et Weasley se marièrent enfin. La cérémonie se déroula cette fois encore à Poudlard, avec la famille Weasley au complet, et Severus était à présent, sinon aimé, du moins reconnu et respecté et forcé de faire la conversation et il avait toujours eu une faiblesse pour les roux.

Irène - qui était intelligente et charmante mais un peu trop épuisante pour Severus - débarqua à l’automne avec six de ses collègues, étonnamment tous intelligents et charmants, sous prétexte de relancer la coutume du Tournoi des Trois Sorciers. Les professeurs de Durmstang étaient tous mystérieux et ténébreux. Severus commença à se demander si quelque chose n’allait pas bien chez lui.

La naissance du premier rejeton Potter fut l’occasion de grandes festivités officieuses au cours desquelles beaucoup de ses anciens élèves se montrèrent bien trop heureux de revoir leur ex- horrible professeur de Potions. C’était le problème. Quelques années hors de votre vue, et les morveux qui s’écrasaient devant vous devenaient de jeunes gens plus assurés et intéressants.

Neville Londubat fut engagé à la rentrée suivante pour assurer le poste de professeur de Botanique, et il parvenait presque à ne plus sursauter quand Severus rôdait dans les parages, et il était devenu appétissant.

Ses correspondants et collègues en Potions organisèrent un colloque à Poudlard en son honneur et des dizaines de Maîtres et d’étudiants se pressèrent autour de lui pour lui poser des questions sur ses dernières recherches. A sa grande surprise, trois d’entre eux l’invitèrent même à dîner, ce qui prouvait que les gens étaient finalement masochistes. (Il était un fantôme, par Merlin, et en plus un fantôme au mauvais caractère !)

-- J’ai l’impression d’être redevenu adolescent, avoua-t-il un jour à Tesla. Et je ne garde pas particulièrement des bons souvenirs de cette période.

-- Vous êtes… obnubilé ? demanda Tesla en cachant un sourire.

-- Non, pas par ça, dit impatiemment Severus. C’est comme manger ou dormir, je ne ressens pas de besoins physiques. C’est davantage un besoin… émotionnel, conclut-il en se demandant si les fantômes pouvaient vomir.

Sans doute que non, s’ils ne pouvaient pas manger.

-- En plus, si Irène ou Minerva me sort une fois de plus le mot « mignon », je risque de reverser dans mes vieilles habitudes de meurtrier, prévint-il.

-- Je crois qu’il vous faut un peu de temps pour vous habituer au fait que vous avez tout le temps devant vous, conseilla paisiblement Tesla.

Noël passa et en effet, son obsession se mua progressivement en attente tranquille.

Les choses allaient plutôt bien, constata-t-il avec surprise un matin en lisant la Gazette. Il ne s’ennuyait pas. Personne ne voulait le tuer. Il échangeait des nouvelles avec des personnes dont le cerveau parvenait à fonctionner correctement. Ses collègues se montraient civils, ses élèves n’étaient pas pires que d’habitude. Certes, les Weasley continuaient à proliférer, constata-t-il en survolant l’avis de naissance de la petite Rose Weasley-Granger, mais c’était malheureusement un processus inexorable. Un jour, les Weasley domineraient le monde, il en était convaincu.

Puis Minerva mourut, et sa disparition le bouleversa davantage que celle d’Albus. Albus était supposé mourir, tout comme lui, mais Minerva était supposée rester pour remettre les choses en place après eux. Minerva était un point fixe. Minerva ne mourait pas paisiblement dans son lit en abandonnant la place de Directeur, et en l’abandonnant lui.

L’enterrement eut lieu dans le parc du château. Dans un testament où elle lui léguait sa collection de whiskies écossais - qu’il ne pouvait plus boire - Minerva McGonagall exposa que Poudlard était devenu sa maison et ses occupants sa famille. Sa tombe se retrouva à la gauche de celle d’Albus. Celle de Severus se trouvait sur la droite, et il resta longtemps à contempler les trois pierres après que tout le monde fût partie. Il n’était pas encore retourné sur les lieux. Pas depuis la cérémonie qui avait suivi la mort d’Albus. Il se demanda comment s’était déroulé son propre enterrement et si quelqu’un avait pleuré.

Par chance, Delmas avait abandonné la place depuis deux ans à Shakebolt, et le Ministre ne leur imposa pas un idiot en remplacement.

Il offrit la place à Severus.

-- Poudlard a déjà eu un fantôme comme Directeur, prononça tranquillement l’homme. A deux reprises. Je ne vois pas en quoi cela pourrait poser problèmes.

Mangemort, songea Severus. Mangemort, crétin !

-- Bien entendu, certains irréductibles ont opposé quelques arguments concernant votre passé. Mais Potter et le jeune Malfoy vous ont annoncé comme le parrain de leurs futurs enfants, et ça a fait réfléchir. Vos anciens élèves commencent à avoir de l’influence.

Quoi ?! bafouilla le cerveau de Severus. Les impudents petits -

-- Je vois, dit-il calmement.

-- Vous êtes le plus indiqué, Severus.

Et Severus Snape devint pour la seconde fois, quoiqu’en des circonstances bien différentes, Directeur de l’Ecole de Magie et de Sorcellerie de Poudlard.

-- Severus, mon garçon, quel plaisir de vous revoir, pépia le portrait de Dumbledore quand il pénétra dans le bureau pour la première fois.

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Il conserva cependant ses appartements dans les cachots. D’abord parce qu’en plus de vingt ans il avait eu le temps d’y accumuler un chaos considérable, ensuite parce que la vue directe sur le Lac et la Forêt lui donnait l’impression d’habiter au milieu de nulle part. (Une sensation agréable, le soir, quand il pouvait enfin ignorer le reste du château et les trois cents monstres qui en hantaient les couloirs.)

Il conserva également son laboratoire. Il pouvait - avec joie - se résoudre à ne plus enseigner, mais pas à cesser ses recherches.

Il se lança ensuite dans la paperasse et eut deux bonnes surprises.

La première, c’était que l’efficacité de Minerva lui avait permis de rattraper le bazar des années Potter/Voldemort et qu’elle lui laissait une situation sinon simple, du moins organisée.

La seconde, c’était qu’en tant que fantôme, le Ministère ne pouvait pas le convoquer au moindre prétexte et qu’il gagnait ainsi un temps précieux.

Il hésita à embaucher Sir Nicholas en tant que Directeur Adjoint, se dit qu’il ne fallait pas exagérer et qu’il serait bon d’avoir quelqu’un de vivant afin de lui déléguer les tâches les plus ingrates, et proposa le poste à Sinistra, qui accepta.

Le choix du nouveau professeur de Potions fut plus délicat et il continua à assurer les cours jusqu’à la fin de l’année avant de se résoudre à faire un choix. Il accepta finalement la candidature spontanée d’une étudiante qu’il avait rencontrée lors du colloque, et qui avait des hypothèses acceptables concernant l’utilisation des matériaux chimiques moldus dans l’élaboration de potions de premier rang. Comme il passait absolument par hasard devant la classe de Potions à la fin du premier cours de la rentrée, il vit les élèves - Quatrième Année - sortir plus pâles que des linges. Certains sanglotaient. Il retourna dans son bureau, rassuré et satisfait.

Sa première année en tant qu’A-Nouveau-Directeur se déroula sans incident notoire, à l’exception bien entendu des quelques crashs traditionnels lors des matches de Quidditch. Aucun chaudron n’explosa, à son grand plaisir, mais il se dit que ce petit bonheur ne durerait sans doute pas plus de onze ans quand Londubat et Pernell, l’enseignante d’Etude des Moldus, lui annoncèrent leur intention de se marier.

L’année suivante, il décida qu’il était temps de faire un peu de changement.

-- Une quoi ? demanda Sinistra en écarquillant les yeux.

-- Une classe préparatoire, répéta-t-il sèchement. Il s’agit d’une année transitoire pendant laquelle les futurs étudiants peuvent approfondir les matières dans lesquelles ils souhaitent poursuivre leurs études. Je reconnais que le niveau des NEWTs est correct, mais il n’est pas comparable à ce qui est demandé aux étudiants de première année dans la plupart des grandes écoles britanniques.

-- Cela ne concernerait qu’une quinzaine d’élèves par an, précisa Pernell qui, d’origine moldue, lui avait la première suggéré le projet. Et seulement les matières principales : Potions, Métamorphoses, Botanique et Sortilèges.

Severus contempla les visages encore sceptiques de ses collègues et joua son va-tout.

-- Vous auriez l’occasion d’enseigner des sujets bien plus avancés, bien entendu, avec des élèves sincèrement motivés.

Un chorus d’accords s’éleva.

-- J’ai entendu parler de votre projet, lui dit un peu plus tard Sir Nicholas. Qu’est-ce qui vous a décidé à adopter des idées moldues ?

-- J’ai entendu dire que les classes préparatoires ressemblaient à l’enfer sur terre, répondit-il sans cesser de rédiger une réponse bien sentie au Ministère qui insinuait timidement que, peut-être, il aurait pu les consulter avant de prendre des décisions concernant le programme scolaire.

Il songea à engager un psychologue scolaire quand, trois mois après la rentrée, les dix premiers élèves à tester le principe commencèrent à enchaîner les dépressions nerveuses, mais décida de patienter un peu. Un an plus tard, les malheureux cobayes, endurcis et prêts à affronter le reste du monde, passèrent leurs concours d’entrée haut la main et commencèrent à briller dans leurs écoles respectives.

-- Je ne sais quand même pas si c’est vraiment une bonne idée, émit timidement Londubat pendant un déjeuner. Le programme est très lourd, et Nathalie Simms à encore pleuré ce matin.

-- Nathalie Simms n’est pas obligée d’être ici, répondit-il Severus en remplissant une demande de fonds supplémentaires. (Il n’avait toujours pas besoin de manger, mais il aimait être présent pendant les repas. Il appréciait les regards nerveux des élèves.)

-- Severus, les élèves ont trente-quatre heures de cours par semaine.

-- Et ils en auront autant l’année prochaine. (Il jeta un coup d’œil au visage de son plus jeune professeur, étonnamment compétent, et soupira en avisant ses yeux de chiot. Il s’attendrissait avec l’âge.) D’accord, supprimez le module sur les orchidées. Ou encore mieux, faites un module au choix entre orchidées, flore préhistorique et plantes grasses. Mais débrouillez-vous pour organiser vos horaires.

Londubat lui fit un sourire étincelant.

Cette année-là, Severus accepta la demande du professeur de DCFM de monter un club de karaté. Il accepta la demande de Pernell de monter un club d’informatique - qui fut immédiatement populaire, particulièrement chez les Serdaigles. Les Poufsouffle annexèrent le club de théâtre de Trelawney, qui s’était enfin découvert un domaine où exceller, tandis que les Serpentard montaient leur propre club de débat qui fournirait sans doute une redoutable génération d’hommes politiques. Severus s’offrit tout de même le plaisir de refuser la fondation d’un club de football. Il ne fallait pas exagérer. Les Gryffondors faisaient assez de dégâts sur leurs balais et le tatami d’Inami-san pour leur permettre de détruire les pelouses de l’école.

Sa troisième année se termina. Il passa son été à échanger de la correspondance avec Beauxbâtons, discutant méthodes d’enseignement avec Olympe Maxime et histoires de fantômes avec Irène.

Puis il revint et c’est alors que l’invasion, sournoisement, commença.

A suivre.

*edit* Je viens de me relire et, shit, grosse boulette. Severus ne peut pas aller à Beauxbâtons o_O
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