Lorsque j'étais en classe de seconde, notre prof de français nous avait donné comme devoir de présenter en cours notre livre préféré.
Cet exercice m'avait beaucoup plu au premier abord, jusqu'à ce que je m'aperçoive que mes livres préférés d'alors n'étaient guère "présentables" pour une élève de seconde, ils l'auraient plus été en classe de cinquième. J'ai donc présenté un livre lambda de ma bibliothèque. Mais ce qui m'a vraiment marqué ce jour-là, ce fut le livre d'Elsa "
L'oeuvre de Dieu, la part du diable" de John Irving.
Dans l'année qui a suivi, Irving est devenu mon auteur préféré et "L'oeuvre de Dieu..." mon livre de chevet.
J'ai remis la main sur ce pavé livre il y a quelques mois, assez amusée de le redécouvrir. Car si au lycée il avait été corné à souhaits par les séjours répétés dans mon sac, il était resté au fond de mon étagère depuis mon entrée à la fac, et je n'y avais pas retouché.
Et ce que je trouve plutôt drôle, c'est que finalement un des sujets principaux de ce livre c'est... l'obstétrique !
Je pourrais dire que c'est ce roman qui m'a menée faire de ma vie l'obstétrique, inconsciemment, mais en réalité c'est le hasard de la vie qui m'a menée à l'obstétrique.
Non, ce qui est amusant, c'est qu'aujourd'hui je comprends ce livre 1000 fois mieux que lorsque je l'ai découvert il y a 7 ou 8 ans. Et parfois ma vie quotidienne m'y ramène par flashs, car il y a des choses de mon métier dont j'ai eu connaissance dans ce livre bien avant de l'apprendre à l'école. Et la vie, régulièrement, me ramène à mon ancien roman fétiche. Et alors j'ai un petit sourire que personne à part moi ne sait interpréter.
Lorsqu'on nous a appris comment se pratiquait une IVG, dilatation puis curetage, j'ai pensé "D & C, comme Dr Larch l'apprennait à Homer, alors que Nurse Caroline se contentait de la D sans la C." Quand on a tenté de nous décrire la sensation qu'on devait avoir après avoir fait une délivrance artificielle, pour être sûr qu'il ne restait plus de morceaux de placenta dans l'utérus, c'était assez confus. J'ai alors cité Homer qui décrivait la curette qui faisait "un bruit de papier de verre", et c'est exactement ça, probablement chaque fois que j'aurai ma main dans l'utérus pour en ôter le placenta je penserai à ça. Pendant la guerre le Dr Larch se servait de son livre "L'anatomie de Gray" comme d'une carte routière. Et dès que j'ai entendu parler de Grey's Anatomy j'ai compris le jeu de mots en me rappelant Homer qui citait des passages de cet ouvrage à tout bout de champ. Quand on a parlé de l'accouchement sous X et des sages-femmes qui donnaient alors les prénoms aux enfants, j'ai pensé à Nurse Edna et Nurse Angela qui nomment les bébés de l'orphelinat.
Bref, vous l'aurez compris désormais "L'oeuvre de Dieu..." fait partie intégrante de ma culture obstétricale. Et c'est amusant de penser qu'il était déjà mon livre préféré alors que l'obstétrique n'était pour moi qu'un mot un peu abstrait, que je ne m'y intéressais ni de près, ni de loin.
Et maintenant, pour les curieux un rapide résumé de ce livre et pourquoi entre lui et moi ce fut le coup de foudre.
Au début du XXe siècle, le Dr Larch a voué sa vie à ce qu'il appelle L'oeuvre de Dieu (mettre des enfants au monde) et à l'oeuvre du diable ( avorter les femmes). A Saint Cloud's, perdu en pleine campagne du Maine, il dirige un orphelinat avec l'aide de Nurse Angela et de Nurse Edna. C'est un médecin avec ce qu'il a d'excentrique, dégoûté de tout ce qui est acte sexuel, il est abstinent par choix, mais sa drogue à lui c'est l'éther avec lequel il anesthésie ses patientes, de main de maître il se l'administre régulièrement à travers un cône de gaze. Tout marche plutôt bien à Saint Could's, les femmes y viennent de loin et il leur donne ce qu'elles veulent : un orphelin ou un avortement. Mais ce qui est tout à la fois l'échec et la plus grande réussite du Dr Larch c'est Homer Wells. Homer a connu trois tentatives d'adoption traumatisantes, et depuis il est devenu "l'orphelin vrai, parce que son seul foyer sera toujours Saint Cloud's" le plus vieux des orphelins du Dr Larch. Sa seule préoccupation était d'être "utile", alors le vieux Larch lui apprit tout ce qu'il savait et à même pas 16 ans, Homer était un accoucheur accompli, il apprenait sa médecine loin des universités, sur la vieille anatomie de Gray et sur Clara, le cadavre que le Dr Larch avait commandé pour lui. Jusqu'à ce qu'arrivent Candy et Wally ...
On dit qu'
Irving est un auteur dickensien, ce qui est certain c'est que Dickens est ouvertement présent dans cet ouvrage, un des orphelins s'appelle David Copperfield et Homer lit chaque soir aux enfants le roman homonyme ou "Les grandes espérances" avant que le Dr Larch n'éteigne les lumières "Bonne nuit petits princes du Maine, rois de la Nouvelle Angleterre."
Irving c'est surtout des personnages étonnants, burlesques, comme toujours, c'est sa patte. Il y a parmi tant d'autres Melony, l'orpheline du même âge qu'Homer, un peu vulgaire, responsable des premières découvertes sexuelles d'Homer, victime d'une faute de frappe dans les registres, elle aurait du s'appeler Melody. Et puis il y a Fuzzy Stone, cet orphelin qui ressemble à un foetus jamais développé, maladif, chétif, avec sa machine pour respirer. Auparavant il me faisait un peu peur, maintenant je comprends c'était juste un grand préma grandi. Nurse Edna qui se croit amoureuse de Saint Larch, l'adorable Curly Day, Rose Rose...
J'ai trouvé
l'adaption hollywoodienne avec le type qui joue dans spiderman. J'ai commencé à la regarder hier soir et elle rend bien l'atmosphère du roman. La première moitié en tout cas, car je n'ai pas fini, je me suis arrêtée à l'arrivée d'Homer dans la pommeraie des Worthington, car j'avoue ce n'est pas ma partie préférée. Ils ont supprimé Melony et Ange, dommage !
Bientôt une petite fiche sur un autre très bon Irving,
l'hôtel New Hampshire. En attendant si vous 'avez rien à lire et envie de plonger les deux pieds dans un autre univers, vous savez ce qu'il vous reste à faire !