Tu verras qu'au fond je ne pars pas vraiment

Feb 05, 2016 20:35

On a plein de gens dans nos vies, des gens qui passent, des gens qui restent, des gens que le temps a éloigné mais qui restent chers à nos coeurs. Ce soir je pense à ces personnes qui étaient dans ma vie avant même que je ne sois née, ceux qui ont entouré mon enfance, l'ont rendue plus douce, plus amusante. C'était des amis de mes parents, de mes oncles et tantes, ils m'ont vue naître, apprendre à marcher, à parler, m'ont raconté des histoires, m'ont bordée, emmenée me promener, appris à pêcher des poissons-chats, ils ont consolé les bobos et le divorce des parents. Et puis les années ont passées, ils sont un peu plus loin mais m'embrassent toujours sincèrement quand on se retrouve autour d'un café, d'un apéro, d'un aïoli en Bretagne. Ils sont là avec un regard affectueux, la famille au sens large, et je sais ce que je leur dois, tous ces rires et ces bras qu'ont m'ont construit. Jusqu'au jour où ils ne sont plus là.

En novembre on a perdu cette amie chère. "La femme du parrain de ma soeur", ça ne lui rend pas justice, ça ne dit pas tout ce qu'elle a été dans nos vies. Ca ne dit pas ces journées passées avec elle, ces semaines où elle m'a pris dans sa maison et où je me sentais chez moi. Elle s'occupait bien de nous, j'étais bien chez elle. Tous ces souvenirs dans cette maison... Les après-midi à jouer aux dinosaures avec son fils, les disputes avec sa fille et ma soeur le soir quand on dormait là-bas et qu'elles bavardaient trop. "Eteindez la loumière !!!" je leur disais. Et les jeux de playmobils "Que tous les soldats qui veulent faire pipi sortent du fort !". Elle m'achetait mon Astrapi et avec son fils on mangeait ses sucrettes en cachette, on trouvait ça bon. Et puis j'ai grandi, souvent elle passait prendre le café chez Maman, j'étais toujours contente de la voir. En juillet, je l'ai embrassée sans savoir que c'était la dernière fois, on a parlé de mon travail, de l'hôpital, elle avait cette oreille attentive. Elle nous manque déjà.

Et puis il y a quelques heures, j'ai appris que c'était Tonton qui nous avait quitté il y a quelques jours. Je l'ai appris par un message sur facebook d'une de mes cousines à plusieurs personnes de la famille. Maman n'osait pas m'appeler, m'entendre pleurer au téléphone toute seule chez moi, pas deux fois en 3 mois, c'est un peu trop pour une maman... Tonton ce n'était pas mon oncle, mais c'était cette famille étendue, le meilleur ami de ma tante. Il était toujours là dans les weekends familiaux de mon enfance. Il y avait ma mère et ses trois frère et soeurs, ma mère venait avec mari et enfants, mon oncle avec femme et enfants, mes tantes avec leurs potes. J'ai autant d'écart avec ces tantes qu'avec les aînés de mes cousins paternels, on est proches, elles ont longtemps été nos tantes sans enfants, elles faisaient plein de trucs avec nous. Et Tonton aussi. J'ai un souvenir brumeux de cette petite enfance, mais je me souviens qu'il était souvent là, qu'il était rigolo et que j'adorais quand il venait. J'ai grandi, la maison des weekends a été vendue, les tantes ont eu des enfants, on a moins vu Tonton. Mais il était toujours là aux anniversaires de ma tante, à dîner chez elle quand j'allais passer des vacances là-bas. Toujours là avec ses "La p'tite Lulu !" et sa bouteille de ricard... Il y a eu ces vacances en Bretagne quand j'avais 22 ans, j'en garde de bons souvenirs, on a beaucoup rit, comme toujours, et c'était le Tonton de mon enfance. Et puis les années ont continué à passer, je ne suis plus très sûre de la dernière fois où je l'ai vu, je sais juste qu'il a bu toute la bouteille de whiskey qu'il avait ramené, et qu'il n'y avait pas que sa main qui tremblait quand il se servait. La fin a sûrement dû être triste et dure, l'alcool ça rend seul... Je pense à cet homme qui riait il y a longtemps, avant de s'auto-détruire, et j'espère qu'il est mieux maintenant. En pensant à Tonton, j'ai pensé à Minou, le premier mari de ma tante, pas vu depuis quinze ans, une même figure affectueuse de mon enfance, qui faisait le canard avec ses joues. Dans leurs soirées de jeunes vingtenaires j'étais la nièce de 4 ans qu'on fait tourner dans ses bras. Ma soeur l'a vu cet après-midi à l'enterrement de Tonton, il a dit d'embrasser "la p'tite Lulu".

La p'tite Lulu est un peu triste ce soir... Mais elle se dit qu'elle a eu bien de la chance, d'avoir tous ces gens dans son enfance pour la prendre dans leurs bras et l'embrasser. Au-delà de la famille de sang, de tous les oncles et tantes, des grands-parents et des grands cousins, il y a aussi tellement d'autres gens qui ont compté. Deux viennent de partir, mais il en reste tant... Je me dis que c'est un bien petit prix à payer de verser des larmes toute seule chez moi, à côté de tout ce que je me suis sentie aimée en grandissant. Que je crois que c'est une chance, d'avoir autant de gens à pleurer...

"Prendre un enfant par la main, pour l'emmener vers demain. Pour lui donner la confiance en son pas, prendre un enfant pour un roi.
Prendre un enfant par le coeur, pour soulager ses malheurs. Tout doucement sans parler, sans pudeur, prendre un enfant sur son coeur"
- Yves Duteil -

retro-time

Previous post Next post
Up