On arrive à la partie qui m’intéresse le plus dans l’histoire des Fabs : l'après. Pour tout vous dire, si j’ai écrit tout ce qui précède c’était juste pour pouvoir vous raconter la fin. Mais je ne pouvais pas commencer par la fin, ça ne se fait pas. Et si j’ai mis deux mois à l’écrire c’est que je découvre chaque jour de nouvelles citations de Paul, John, George ou Ringo sur cette période post-Beatles et que j’attendais d’avoir tout lu. J’ai fini par me rendre compte que je n’aurai jamais fini d’en découvrir et décidé de me lancer.
Paul et George signant les papiers de dissolutions des Beatles en 1974-75...
On peut voir que Paul en a gros...
John les signant à son tour une semaine plus tard.
«Oh, God, we really have broken up the Beatles. Oh, shit.» - Paul McCartney
Les anciens Beatles ont eu dix petites années entre la séparation du groupe et l’assassinat de John. C’était bien suffisant pour s’entre-déchirer, mais pas forcément assez pour se réconcilier... Quand on connait les quatre personnalités qui viennent de se séparer, on imagine que ça ne va pas se faire sans heurts...
«It proves you're a real family. And that's the truth about the Beatles. You have to look at it like that. We each had very strong opinions. If you look at us individually, I mean come on - give it up. John Lennon. Paul McCartney. George Harrison. Ringo Starr. That's a bunch of talent in a room. And a bunch of egos. So they're not just gonna get on like apple pie. There is going to be the odd argument - and there were. And then there was more serious things towards the end which were basically business things.» - Paul McCartney
«In The Beatles, I had the biggest egos known to mankind.» - George Harrison
«You must not pretend that brothers don't fight, because they fight worse than anybody» - Ringo
Il y a eu plusieurs phases entre 1970 et 1980, et puis il y aura l’après 8 décembre 1980. Début 70, le groupe est officieusement séparé depuis quelques semaines, mais les relations sont encore très cordiales, comme le montre une carte postale envoyée par John à Paul :
«Dear Paul + Linda and Mary and Heather
We love you and will see you soon.
John, Yoko, Kyoko»
Les choses se gâtent sérieusement courant 70 quand Paul sort son album solo ‘McCartney’ en forcing, alors que ses trois camarades lui demandent d’attendre un peu. Ringo se fait messager et se fait mettre malproprement à la porte de chez Paul. Pour ne rien arranger, Macca annonce simultanément officiellement la séparation des Beatles. A partir de là, l’ambiance n’est plus du tout aux courbettes. Paul en veut à John d’avoir dissout le groupe, il en veut aux trois d’avoir essayé de retarder la sortie de son album. George en veut à Paul depuis longtemps d’être Paul, bossy Paul. Ringo a encore un peu à travers de la gorge d’avoir failli se prendre un pain par Macca. John est furieux que Paul ait annoncé la séparation des Beatles ‘pour promouvoir son album’. Et les trois en veulent à Paul d’avoir sorti ‘McCartney’ en force. Bref, c’est la débandade.
En 1970, sur son premier album solo, John écrit une chanson appelée ‘God’ qui liste tout ce en quoi Lennon ne croit pas. Combien il doit être difficile quelques mois seulement après la séparation, pour un fan, et peut-être pour Paul aussi, d’entendre John Lennon chanter «I don’t believe in Beatles, I just believe in me»...
Ringo sortira en 1971 une chanson appelée "
Early 1970" qui résume assez bien les relations entre les quatre. Paul est dans son coin à faire ses albums, John fait aussi son propre truc avec Yoko mais participe aux oeuvres des deux autres, et George et Ringo sont restés très proches. Et Ringo aimerait bien rejouer avec ses potes, il sait que Lennon et Harrison rejoueront avec lui, pour McCartney il n'est plus trop sûr. D'ailleurs ils ont failli se retrouver tous les quatre pour enregistrer cette chanson, mais Paul n'est pas venu...
Lives on a farm, got plenty of charm, beep, beep.
He's got no cows but he's sure got a whole lotta sheep.
And brand new wife and a family,
And when he comes to town,
I wonder if he'll play with me.
Laying in bed, watching tv, cookie!
With his mama by his side, she's japanese.
They scream and they cried, now they're free,
And when he comes to town,
I know he's gonna play with me.
He's a long-haired, cross-legged guitar picker, um-um.
With his long-legged lady in the garden picking daisies for his soup.
A forty acre house he doesn't see,
'Cause he's always in town
Playing for you with me.
I play guitar, a - d - e.
I don't play bass 'cause that's too hard for me.
I play the piano if it's in c.
And when i go to town i wanna see all three
En 1970, chacun vaque à son propre album. Macca est dévasté par la séparation du groupe et se réfugie dans la musique. John vit sa vie d'artiste avec Yoko en militant pour la paix dans le monde. Ringo fait ce qu'il peut en se faisant un peu aider. Et George décide de réunir tous les titres qu'il a écrit ces trois dernières années et dont les Beatles n'ont pas voulu pour les mettre dans un album "All Things Must Pass". Ca fait un bon paquet puisqu'il faut un triple album pour tout caser, et c'est un chef d'oeuvre. D'excellentes chansons que Paul et John s'étaient permis de refuser car ils en écrivaient des meilleures. Harrison a tout mis dans ce premier album solo, la suite sera moins prolixe. "My sweet Lord" "Isn't it a pity" "All things must pass" "What is life" et d'autres... Un album qu'il faut avoir écouté une fois dans sa vie. Et je ne peux pas jamais m'empêcher en écoutant "Isn't it a pity", qu'il a écrit quelque part entre le White Album et Abbey Road, de croire qu'il pensait un peu à son groupe d'amis qui s'effritait en l'écrivant... Peut-être qu'il l'a tout simplement écrit pour sa femme, mais je ne veux pas le savoir.
Isn't it a pity, isn't it a shame
How we break each other's hearts
And cause each other pain
How we take each other's love
Without thinking anymore
Forgetting to give back
Isn't it a pity
Some things take so long
But how do I explain
When not too many people
Can see we're all the same
And because of all their tears
Their eyes can't hope to see
The beauty that surrounds them
Isn't it a pity
Isn't it a pity, isn't is a shame
How we break each other's hearts
And cause each other pain
How we take each other's love
Without thinking anymore
Forgetting to give back
Isn't it a pity
Le 31 décembre 1970, Paul intente un procès aux trois autres pour dissoudre les Beatles. En faisant des raccourcis (car je vous raconterais bien les tenants et les aboutissants de l’affaire, mais je pense que vous préférez que j’abrège un peu), Allen Klein s’en met plein les poches, le seul moyen d’arrêter ça et de délier John, Paul, George et Ringo de leurs accords est de poursuivre les Beatles en justice. On peut imaginer que ça n’arrange pas tout à fait l’ambiance, même si des années plus tard, John, George et Ringo admettront que Paul avait raison depuis le début, que Klein était un escroc et intenteront eux-même en 73 un procès contre lui. Début 71, nous n’en sommes pas encore là, et après avoir annoncé publiquement la fin des Beatles, la dernière chose dont Paul avait besoin c’était d’attaquer John, George et Ringo en justice... C’était tellement facile de le faire passer pour le méchant après ça.
« I had to take the other Beatles to court. And I got a lot of guilt off that. But you tell me what you would have done if the entire earnings that you'd made - and it was something like the Beatles entire earnings - was about to disappear into someone's pocket. The guy I'm talking about, Allen Klein, had £5 million the first year he managed the Beatles. So I smelled a rat and thought, £5 million in one year? How long is it going to take him to get rid of it all? And I said, "Well, I want out of this. I want to sue this guy Klein." They said, "You can't, because he's not part of any of the agreements" So it became clear that I had to sue the Beatles » - Paul McCartney
«I had the ultimate bad role of having to save everyone from the wolf. That led to all sorts of unpleasant arguments and things.» - Paul McCartney
«Talk about traumas ! Not only was the Beatles broken up, this fabbest of groups, these three buddies of mine from way way back, these truest friends of mine were now my firmest enemies overnight. But we did rescue the Beatle millions. They had taken us long enough to earn and we hadn’t screwed anyone to earn them, it was very clean money. So we felt good about that and I felt good hanging on to it. » - Paul McCartney
« What happened was I single-handedly saved the Beatle empire ! I can laugh about it now, it was not so funny at the time. It certainly didn’t make me the most popular man in Britain. It was very traumatic and there was no great joy in winning except I knew justice had been done, although in my case, personally, justice hadn’t been done because the others were continuing to slag me off. John was writing ‘How do you sleep at night?’ You could see they were really bitter, they really thought I was to blame.» - Paul McCartney
Finalement, quelques années plus tard, quand les trois autres réalisent que Klein est train de les escroquer et de s’approprier leur argent et leurs chansons, George reconnaîtra que Paul avait flairé le loup avant eux.
«In one meeting George did say ‘Well, you know, thanks for getting us out of that’ It was just one little sentence recognition of that hell I’d been through. It was better than nothing. But they never said ‘Hey man, you really stuck your fucking neck out there. You had to sue us !’ Anyone suing the Beatles would have been immoral, but for one of the Beatles to sue them, it was almost as if I was commiting an unholy act. I’d say it was probably the most difficult period of my life.» - Paul McCartney
En 1973, probablement en partie inspiré par ce procès, George Harrison écrira la chanson ‘Sue me, sue you blues’
«Hold your Bible in your hand
Now all that’s left is to
Find yourself a new band
We’re gonna play the sue me, sue you blues»
Bien plus tard dans les années 90, Ringo et George seront invités sur un plateau télé ensemble et Ringo répondra à une blague de George «Sue me if you want, I’ll always love you !», un clin d’oeil à ce procès intenté par Paul envers les trois autres Beatles ? Le procès a lieu en 1971, mais la signature officielle des contrats dissolvants le groupe et détachants les membres d’EMI n’aura lieu qu’en 1975. De l’eau va encore couler sous les ponts.
Il va falloir bien plus de dix ans à George et Paul pour se réconcilier, s’ils se sont jamais vraiment réconciliés, mais j’aime à le croire. Ringo ne peut pas en vouloir bien longtemps à ses amis, et ce sera probablement le premier à renouer avec Paul, qui participera au premier album de l’ancien batteur des Beatles. Les quatre garçons de Liverpool évoluent toujours dans les mêmes cercles et passent leur temps à se croiser en studio, mais jamais tout à fait en même temps. On ne peut pas vivre dix ans si proches et du jour au lendemain ne plus rien avoir à faire les uns avec les autres. Ringo joue de la batterie sur quelques titres du magnifique triple album de George «All Things Must Pass», ainsi que sur l’album de John et du Plastic Ono Band. George participe au single de Ringo «It don’t come easy» et joue sur quelques titres de l’album de John «Imagine». Et en 73, ils participent tous chacun leur tour à l’album éponyme de Ringo, même s’il apparaissent sur des titres différents. Bref, chacun participe à l’album des autres, enfin presque. On remarque que Paul fait ses albums sans l’aide d’aucun de ses anciens camarades et ne participe guère qu’aux albums de Ringo... La brouille avec John et George semble sérieuse.
La relation entre John et Paul était très forte, ils se sont connus très jeunes, Paul a aidé John a surmonter le décès de sa mère, ils ont vécu plein de choses ensemble et ont écrit près de 200 chansons l’un en face de l’autre, les yeux dans les yeux. C’était tellement intense qu’elle ne pouvait pas se rompre en douceur, on a frôlé le Love / Hate bien souvent. Et entre 70 et 73 on est plus proche du hate que du love.
« They weren’t opposite, they were so alike. The sad thing is John isn’t with us anymore and who knows what could have happened. The friendship, you know it’s the press, you read about history and you know it isn’t really what went on. That’s why I’m glad I got them smiling, I got to show people that they loved each other. They were friends and carried on being friends. It’s deeper than any of us will ever know. But it’s much easier to dismiss it...» - Linda McCartney
« Paul phoned me to say ‘I’ve decided to leave the Beatles’. It was good to hear from him, now that I know he’s not dead... » - John Lennon
« When the Beatles broke up, we became almost ennemies for a time. But I knew we weren’t, and I know for a fact that he knew we weren’t. There was a pride thing, to men it’s very difficult business» - Paul McCartney
En 1971, Macca sort son 2e album solo à nouveau très bien accueilli par le public. Il y a glissé quelques piques pour ses anciens camarades, tout en subtilité. «Too many people» parle de ces "Too many people preaching practises" et dit "You took your lucky break, and broke it in two", clairement adressés à Lennon qui a cassé les Beatles et qui passe un peu trop de temps dans les églises au goût de Macca. «3 legs» parle à mots couverts de la situation à 3 contre un des anciens Beatles
«My dog he got three legs
But he can't run.
When i thought you was my friend.
But you let me down,
Put my heart around the bend.»
Les trois autres prennent moyennement bien les allusions que Paul a glissé dans son album. John le prend même très mal et entraîné par Yoko et Allen Klein qui ne sont pas de très grands amis de Paul, il écrit la chanson «How Do You Sleep ?» qu’il placera sur son album Imagine (qui aura le succès que l’on sait). La chanson est très dure pour son ancien collègue, et après il ose nous dire «Imagine all the people, living life in peace»... Toute l’ambivalence de Lennon, tout et son contraire dans un même album, écrire une chanson assassine vers son meilleur ami même pas vraiment réussie, et enchaîner avec son plus grand chef d’oeuvre prêchant la paix entre les hommes. La version «How do you sleep» enregistrée est pourtant épurée des lignes les plus dures qui étaient directement soufflées par Klein et Yoko, on s’arrêtera à des choses comme «Those freaks were right when they say you were dead, the only thing you’ve done was Yesterday». Ringo qui trainait dans le studio ce jour-là a fini par intervenir «That’s enough John !». George jouera de la guitare sur ce titre, probablement une façon d’évacuer lui aussi son ressentiment envers Paul. La chanson est sans détour, Macca ne peut que comprendre qu’elle lui est destinée, mais connaissant bien son ami, il décide de laisser filer et de ne pas riposter. John essaiera plus tard de faire croire que cette chanson ne parlait pas de Paul...
«I always got angry. If there was a game going on between Paul and me, I was the one who would get furious and emotionnal about it, and would just do it subtly. There was stuff on his previous album and we were all annoyed by it, George, Ringo and me, but I answered back.» - John Lennon
«When the split of The Beatles happened, we were really bitchy with each other. John became sort of the tough one and I became just the sappy one writing the old ballad thing. And John of course contributed to that by slagging me off. At the time it was ‘Oh God... who needs all this ?’ But I didn’t really want to come back at him and say ‘Let me tell you about you’, because I knew we would just have a big media round and I was just not for that. I’m really glad now that I didn’t get into all of that.» - Paul McCartney en 1984
« It’s not about Paul, it’s about me. I’m really attacking myself. But what’s to regret ? He lived through it. The only thing that matters is how he and I feel about these things. Him and me are okay.» - John Lennon
«I have to say the most hurtful stuff came from John. It was like a mate betraying me. I think he was a sod to hurt me. He knew exactly what he was doing, and because we had been so intimate he knew what would hurt me and he used it to great effect» - Paul McCartney
«I used my resentment against Paul that I have as a kind of sibling rivalry, to create a song. Rivalry between two guys, it was always there, it was creative rivlary, it was not a terrible vicious horrible vendetta... I used my resentment and withdrawing from Paul and the Beatles and the relationship with Paul to write ‘How do you sleep?’ I don’t really go round with those thoughts in my head all the time» - John Lennon
« I knew there was the kind of support that I'd though he felt for me. But obviously, when you're getting slagged off in public, it shakes that faith. Nah, it's just John mouthing off. I know him. But, well, the name-calling coupled with the hurt--it became a bit of a number, you know?» - Paul McCartney
Toujours en 1971, John donne une longue interview à Jann Wenner pour Rolling Stones et cingle pas mal les Beatles. Quand on le questionne plus tard à ce propos il semble un peu revenir sur ce qu’il a dit. Finalement, on s’aperçoit que John dit beaucoup de choses, parfois blessantes pour les autres, mais il a souvent changé d’avis le lendemain. Et ce n’est pas parce qu’il dit du mal de ses anciens compagnons qu’il ne les aime plus...
Question: "In retrospect, what do you think of the whole "Lennon Remembers" episode?"
John: "Well, the other guys, their reaction was public. Ringo made some sort of comment that was funny, something like, 'You've gone too far this time, Johnnie.' Paul said (stuffy voice), 'Well, that's his problem.' I can't remember what George said. I mean, they don't care, they've been with me for fifteen or twenty years, they know damn well what I'm like. It just so happens it was in the press. I mean, they know what I'm like. I'm not ashamed of it at all. I don't really like hurting people, but Jann Wenner questioned me when I was almost still in therapy and you can't play games."
«I ignored John’s interview» - Paul McCartney
Et il a raison de faire comme si cette interview n’existait pas, car c’est clairement le venin d’un Lennon en colère contre tout le monde, ça ne vaut pas un clou, on sait qu’il estimait ses anciens collègues plus que ce qu’il dit... Il accuse Paul d’avoir voulu sortir son premier album en force pour prouver qu’il était le plus fort, et il descend cet album qui était pourtant très bon. Je ne suis pas sûre que George ait très bien pris cette interview non plus, c’est peut-être par là que la brouille entre John et George a commencé...
«George has not done his best work yet. His talents have developed over the years and he was working with two fucking brilliant songwriters and he learned a lot from us. I wouldn’t have mind being George the invisible man, and learning what he learned. And maybe it was hard sometimes for him, because Paul and I are such egomaniacs, but that’s the game. He’s not the kind of person I would buy the records of. But I don’t want to say this about him. It will hurt him. I don’t want to hurt his feelings. But just personally, I think it’s nothing. ‘Something’ was a nice tune, but it doesn’t mean anything to me. I don’t consider my talents fantastic compared with the fucking universe, but I consider George’s less. As an artist I can only consider myself.» - John Lennon
Lennon : I was surprised ‘McCartney’ (the album) was so poor. I expected a little more, because Paul and I are sort of disagreeing and I feel weak, I think he must feel strong. Not that we’ve had much physical argument, I mean when we’re talking - but you expect the opposition so-called. So I was surprised. And I was glad, too. I sudenly got it all in perspective.
Rolling Stones : What do you think Paul will think of your new album ?
Lennon : I think it’ll probably scare him into doing something decent. I think he’s capable of great work. I think he will do it. I wish he wouldn’t. I wish nobody would. I mean in me heart of hearts I wish I was the only one in the world. But I can’t see him doing it twice.
«Paul thought he was the fucking Beatles ! And he never fucking was ! Never, never. None of us were the fucking Beatles. Four of us were !» - John Lennon
Cette interview c’était juste un Lennon blessé qui levait son armure de protection, sa carapace. Il baissait en fait rarement la garde, mais Paul parle assez bien de ces moments où John se révélait. Un instant ils se disputaient, John pouvait être assez glacial, puis il abandonnait soudain sa carapace et s’adoucissait. Il a passé les 10 ans post-Beatles à faire ça, à lancer des déclarations cinglantes sur Paul, et à dire qu’il était un frère pour lui le lendemain. J’ai appris qu’il ne fallait jamais prendre les déclarations de Lennon pour argent comptant.
"One of my great memories of John is from when we were having some argument. I was disagreeing and we were calling each other names. We let it settle for a second and then he lowered his glasses and he said: "It's only me." And then he put his glasses back on again. To me, that was John. Those were the moments when I actually saw him without facade, the armour, which I loved as well, like anyone else. It was a beautiful suit of armour. But it was wonderful when he let the visor down and you'd see the John Lennon that he was frightened to reveal to the world." - Paul McCartney
Playboy: "In his Playboy interview, John said that ‘When I’m 64’ was a song he didn't like and never could have written."
Paul McCartney: "Who knows what John liked? You know, John would say he didn't like one thing one minute and the next he might like it. I don't really know what he liked or didn't like, you know! It would depend on what mood he was in on a given day, really... I don't care, I liked it!"
John n'en a pas tout à fait fini avec Paul, même après l'interview "Remembers John Lennon" et "How do you sleep ?". Lorsque Paul sort son deuxième album Ram, avec en couverture une photo de lui tirant sur les cornes d'un bélier, John s'empresse de le parodier en glissant dans son propre album une carte postale représentant Lennon tirant sur les oreilles d'un porc... Et il en profite pour égratigner le nouvel album de Macca.
"The first time I heard it I thought it was awful, and then the second time, I fixed the record player a bit and it sounded better. In general I think the other album he did was better in a way. At least there were some songs on it." - John Lennon
Après avoir dit quelques mois avant que l'album "McCartney" ne valait pas un clou, il dit que le second album solo de son ancien compagnon "Ram" est encore pire. Pourtant à son anniversaire en 1971, il fera un boeuf sur une de ses chansons "Uncle Albert" avec Ringo et d'autres dans une chambre d'hôtel, preuve
ici. Je ne crois pas qu'on connaisse par coeur les paroles et les accords d'une chanson qu'on déteste...
John et Paul se livrent ensuite à un combat par interviews interposées dans le magazine Melody Maker. Etalage de leurs différends sur la place publique dont ils auraient franchement pu se passer... Le procès, la dissolution des Beatles, "How do you sleep ?", tout est évoqué. Morceaux choisis...
"I just want the four of us to get together somewhere and sign a piece of paper saying it's all over and we want to divide the money four ways. No one else would be there, not even Linda or Yoko or Allen Klein. We'd just sign the paper and hand it to the business people and let them sort it out. That's all I want now, but John won't do it. Everybody thinks I am the agressor but I'm not, you know. I just want out."
"John's whole image now is very honest and open. He's alright, is John. I like his 'Imagine' album but I didn't like the others. 'Imagine' is what John is really like but there was too much political stuff on the other albums. You know, I only really listen to them to see if there's something I can pinch." (laughs)
"'How Do You Sleep'? I think it's silly. So what if I live with straights? I like straights. I have straight babies. It doesn't affect him. He says the only thing I did was 'Yesterday.' He knows that's wrong. (Paul motions to the studio below) I used to sit down there and play, and John would watch me from up here, and he'd really dig some of the stuff I played to him. He can't say all I did was 'Yesterday' because he knows and I know it's not true."
"John and Yoko are not cool in what they are doing. I saw them on television the other night and thought that what they are saying about what they wanted to do together was basically the same as what Linda and I want to do."
Paul McCartney
"Dear Paul, Linda et all the wee McCartney's,
Thanks for your letter.
(...) For the millionth time in these past few years I repeat, 'What about the TAX?' It's all very well, playing 'simple honest ole Paul' in Melody Maker but you know damn well we can't just sign a bit of paper.
You say, 'John won't do it.' I will if you indemnify us against the tax man! Anyway, you know that after we have OUR meeting, the fucking lawyers will have to implement whatever we agree on, right?
(...) It's up to you, as we've said many times, we'll meet whenever you like. Just make up your mind! Eg. two weeks ago I asked you on the phone, 'Please let's meet without advisors, etc. and decide what we want,' and I emphasized especially Maclen (Lennon and McCartney's songwriting company) which is mainly our concern, but you refused, right?
(...)Now I was quite straight with you that day, and you tried to shoot me down with your emotional "logic." If YOU'RE not the aggressor (as you claim) who the hell took us to court and shat all over us in public?
As I've said before, Have you ever thought that you might POSSIBLY be wrong about something?
(...)You were right about New York! I do love it; it's the ONLY PLACE TO BE. (Apart from anything else, they leave you alone too!) I see you prefer Scotland! (MM) -- I'll bet you your piece of Apple you'll be living in New York by 1974 (two years is the usual time it takes you -- right?)
So you think 'Imagine' ain't political? You obviously didn't dig the words. Imagine! You took 'How Do You Sleep' so literally
Wanna put your photo on the label like uncool John and Yoko, do ya? (Aint ya got no shame!) If we're not cool, WHAT DOES THAT MAKE YOU?
No hard feelings to you either. I know basically we want the same, and as I said on the phone and in this letter, whenever you want to meet, all you have to do is call.
John Lennon
P.S. The bit that really puzzled us was asking to meet WITHOUT LINDA AND YOKO. I thought you'd have understood BY NOW that I'm JOHNANDYOKO.
P.P.S. Even your own lawyers know you can't "just sign a bit of paper." (or don't they tell you?) "
En 1972, Lennon commence à s’agacer qu’on lui parle sans arrêt de McCartney en interview, et voudrait qu’on arrête de monter en mayonnaise tout ce qu’ils disent l’un sur l’autre dans les médias. (enfin surtout John, Paul ne dit pas grand chose à l'époque, il s'exprimera surtout sur cette période après la mort de Lennon)
John : If I can’t have a fight with my bestfriend, I don’t know who I can have a fight with !
Interviewer : Is he your bestfriend, Paul ?
John : I guess he... he was. I don’t know about now because I don’t see much of him.
«I’m entitled to call Paul what I want and vice versa - it’s in our family» - John Lennon
«I'm the only person who is allowed to say nasty things about Paul. I don't like it when other people do so.» - John Lennon
"I knew there was the kind of support that I'd though he felt for me. But obviously, when you're getting slagged off in public, it shakes that faith. Nah, it's just John mouthing off. I know him. But, well, the name-calling coupled with the hurt--it became a bit of a number, you know?" - Paul McCartney
La trêve semble réelle quand cette même année John propose à Paul de monter sur scène avec lui. Certes c'est parce que ses tickets de concerts ne se vendent pas, mais c'était un premier pas. Paul a décliné l'invitation (il a autre chose à faire, en pleine tournée européenne avec les Wings, et puis c'est peut-être encore un peu tôt pour se retrouver en public...). Les places restantes ont été données gratuitement discrètement... Paul aussi, de son côté, avait lancé une perche à John, une chanson appelée "Dear Friend" sur son dernier album, qui invite Lennon à un cessez-le-feu.
La guerre faiblit donc entre Lennon et McCartney. Ca tombe bien, 1973 arrive, et l'ombre de Yoko va un instant s'éloigner de John, laissant d'anciens amis revenir auprès de lui. Le couple célèbre bat sérieusement de l'aile et après une dispute publique, John lance à Yoko "I wish I was back with Paul", ça promet de meilleurs jours pour les deux amis.
La prochaine fois 1973-1980. Ou 1973-2012, ça dépend de la place que ça prendra ;-)
Si quelqu'un me lit encore, on arrive bientôt au bout.