Dernier jour à Trifouillis sur mer où le wifi n'est qu'un lointain rêve, ayant fini d'écrire mon premier roman (prétentieux n'est-il pas) j'ai un gros trou dans mon emploi du temps que je comble non par la lecture heureuse et addictive des aventures de Miles Vorkosigan mais par
L'élégance du hérisson.
Titre : L'élégance du hérisson
Auteur : Muriel Barbery
Editeur : Gallimard
Prix : des libraires 2007
Où le trouver : Chez un brocanteur ou Gibert, mais aussi près du rayon charcuterie.
J'avais déjà eu un aperçu du livre par la merveilleuse
sevenswells http://chibilou.blogspot.com/2009/09/mary-sue-passion-concierge.html (qui a été heureuse maman d'un petit tome 2 cet été, félicitations et n'hésitez pas à feuilleter son dernier bébé) et je savais que ce ne serait pas une lecture plaisante, mais, que voulez-vous que je vous dise ? Je suis masochiste de la lecture, les Muffin, les Harlequin, les pigeons et maintenant les hérissons.
L'élégance du hérisson est donc l'histoire à la première personne (oh joie) d'une concierge autodidacte de cinquante balais qui camoufle son intelligence supérieure sous des allures de concierges parce que de toutes façons personne ne voie au delà des apparences et d'une gamine de douze ans autoproclamée surdouée qui a l'intention de se tuer pour ses treize ans parce que... grande révélation : le monde est pourri et ne la comprend pas (oh la souffrance ! Terrible, si seulement la lumière pouvait être plus sombre !)
Donc le récit à la première personne de deux incomprises qui se cachent du monde mais qui en même temps lui en veulent de ne pas reconnaître leur supériorité intrinsèque... Est-ce que ça vous rappelle quelque chose ? Moi oui, mon adolescence tout simplement, ce sentiment d'être quelqu'un d'unique, de promis à tant de chose et qu'on ne le voit pas en vous, mais en même temps cette idée de s'isoler d'une société qui ne vous mérite pas... Je l'ai vécu à 15 ans et je crois que des journaux intimes toujours cachés chez mes parents (puissent-ils ne jamais sortir) doivent en garder la trace. Mais au moins j'ai eu la décence de ne pas faire partager ma verbosité et ma crise d'égo... Bref, continuons.
La concierge veuve et avec un chat aime les films japonais d'auteur parce que... oh mon dieu ces japonais ils ont tout compris à la vie, nous on est que des sous bouses, le zen c'est kyool ! La beauté du monde c'est un camélia sur de la mousse, pas le château de Versailles tu comprends, il faut aller vers la simplicité et l'authentique de la cérémonie du thé... Mouais...
La petite emo de douze ans que personne ne comprends aime les mangasses japonais parce que : Taniguchi c'est trop profond tu vois, on meure en escaladant des montagnes, on fait les choses de manière grandiose et on joue au go qui est un jeu où il faut construire et non tuer comme dans les échecs, tu vois les japonais ils ont tout compris !
Vu qu'elles aiment le Japon elles vont être contentes parce que justement un japonais très très riche vient habiter dans leur immeuble. Chouette alors ! Et immédiatement il devient l'ami de la concierge, dont il devine qu'elle a appelé son chat Léon d'après Léon Tolstoi et non le film de Luc Besson qui est pourtant super, et qu'elle aime Anna Karenine parce que les romans russes c'est tellement plus classe que ce pécore de Balzac.
Il devient aussi l'ami de la petite parce qu'ils se retrouvent ensemble coincés dans un ascenseur et il voit qu'elle est intelligente et en plus elle a pris japonais en deuxième langue au collège, trop kakkoi !
Bref le japonais qu'il est bien il va changer leur vie, déjà en faisant vraiment se rencontrer la concierge et la future suicidée qui vont se reconnaître comme des âmes soeurs presque. Et puis il va draguer la concierge parce qu'il est comme ça le japonais, les différences sociales il s'en fiche puisqu'il est étranger et ne vient pas du tout d'un pays hyper hiérarchisé. Donc la concierge est amoureuse mais aussi trauma parce que voyez vous et bien quand elle était petite, sa soeur est tombée amoureuse d'un riche fils de bonne famille alors qu'elle était domestique et elle est tombée enceinte, a été renvoyée et est morte en couche... Je tiens à préciser que la concierge à cinquante balais en 2000 et des bananes... et pourtant sa soeur sort tout droit du XIXè siècle, pas grave.
Donc la concierge a un problème avec les classes. Elle passe tout son temps à nous dire qu'il faut voir au-delà des classes, que nous sommes tous des animaux qui avons les mêmes besoins et les mêmes ressorts biologiques, d'ailleurs elle ouvre le bouquin avec Marx, mais il n'empêche qu'elle est toujours dans le déterminisme social. La vilaine gouvernante des bourgeois du quatrième est un torchon même si elle se donne des airs, alors que le fils de bonne famille même camé jusqu'à la gueule est de la soie, quant à elle c'est un tablier élimé...
Le japonais, grand seigneur essaie de la convaincre de lutter contre ce déterminisme social et lui dit qu'elle n'est pas sa soeur, que les temps ont changé et gnagnagni...
Et bien devinez quoi, alors qu'elle a enfin accepté d'outrepasser les barrières sociales et de rêver avec son japounais d'amour... elle se fait renverser par un camion.
La concierge ne couchera pas avec le japonais riche. Non. Elle ne peut pas.
Et sa mort sert de déclencheur pour emo-girl qui décide de renoncer à son suicide parce que la mort c'est le néant et ça t'empêche à tout jamais de faire des choses et en plus c'est définitif... Puissant comme réflexion n'est-ce pas. La mort de la concierge pauvre et vieille aura fait prendre conscience à la bourgeoise riche et jeune qu'il ne faut pas se suicider. Fin de l'histoire.
Chères concierges, ce livre vous invite à faire acte de mesure, rappelez-vous que le camion de la vie vous guette au cas où vous décideriez d'outrepasser votre condition. La lutte contre la poussière prime sur la lutte des classes.
Je vous laisse le blog de
sevenswells pour aller rigoler un bon coup sur les apparitions des mangas dans ce merveilleux ouvrage.