Le roman de toutes les surprises

Aug 05, 2008 13:25

J'ai cette légère impression de squatter cette noble tribune ces derniers temps, mais nous mettrons cela sur le fait que je n'ai pas le droit à de vraies vacances cette année alors je vis ma vie de nolife...

Et donc pour vous faire partager la terriblement horrible merveille que je viens de me coltiner je vous présente :

Titre : Tatouage
Auteur : Emilie Lepers
Maison d'édition : Les éditions Muffins
Comment se procurer cet amalgame de papier et d'encre : http://www.leseditionsmuffins.com/
Résumé : Iian est un enfant normal et heureux jusqu'à ce que son père ne meure et que son jumeau ne décide de tuer tous ceux qu'il aimait, de s'asseoir sur le trône et de le faire tatouer avant de le jeter dans un cachot pour l'y laisser pourrir. Six ans plus tard il est sauvé de sa prison par Alexander, le jeune empathe et conseiller de son jumeau qui veut lui aussi échapper au tyran. Ainsi commence leur fuite et leur aventure qui les mènera jusqu'à une lutte fratricide pour rétablir l'ordre et le bien sur les Terres de Vaylan.





Ainsi présenté, le roman semble bon et on part d'un bon pied en se disant qu'on va lire quelque chose d'intéressant et en plus avec des messieurs qui s'aiment. Car oui, une fois de plus je suis guidée dans mes lectures par mon soutien indéfectible à la Cause. Des fois être une fanatique ça fait mal aux yeux et nous allons comprendre pourquoi.

Pour des besoins de clarté je vais dissocier le fond de la forme, ce qui signifie oh, lecteurs bien-aimés que je vais déflorer l'intrigue, autrement dit en langue vernaculaire, vous spoiler comme un porc, soyez prévenus.

I. Le fond : l'intrigante intrigue imbriquée d'incohérences.

Notre histoire commence par un prologue dont on a du mal à cerner l'intérêt quand on a lu le résumé puisqu'il se situe bien après l'histoire en elle-même et ne semble rien apporter à la-dite histoire. On en ressort plus embrouillé qu'autre chose et on passe enfin à l'aventure présentée dans le résumé.

Et là on se retrouve face à Pouf le jumeau maléfique, car notre héros Iian a un jumeau appelé Liian avec qui il a vécu toute sa vie et qui le jour de la mort de leur seigneur et père fait : Pouf, je suis méchant et je tue notre nourrice et je te torture et je deviens un tyran. Comme ça, sans raison, à sec avec du gravier. Il n'est nul part question de la folie qui le guettait déjà étant enfant, du fait qu'il était cruel avec les animaux ou qu'il faisait peur à ses nourrices, ou qu'il a subit de terribles sévices dans son enfance. Non, ils vivaient tous deux heureux et leur père était l'homme le plus gentil et le meilleur seigneur du monde et Pouf le méchant qui est méchant parce que, décide d'égorger tout le monde... Une erreur qui ne se pardonne pas, un méchant ça se construit, ça se nourrit au lait de la violence, de la folie et de la vengeance, ça ne s'auto-génère pas de manière spontanée.Et la pseudo explication qu'on a à la toute fin ne tient pas du tout la route.

C'est la première erreur du livre, ce ne sera hélas pas la dernière parce qu'après leur fuite, nos deux héros qui tentent de s'échapper tombent sur une ferme isolée où ils vont voler du pain et où Iian entendant des cris découvre une pauvre fille en train de se faire violer par quatre gars. Il sauve la donzelle et s'enfuit, mais elle court après son sauveur : « Enfilant sa robe au plus vite, elle en ressortit aussitôt [de la grange] pour partir à la poursuite de son sauveur. » Qu'y a-t-il d'étrange là-dedans me demanderez-vous ? Réfléchissons, cette jeune fille se faisait violer, or, elle remet sa robe après, donc elle était nue, et sa robe est intacte, ce qui signifie qu'elle l'avait enlevée avant de se faire violer... Alors soit elle est comme l'héroïne zoophile de La proie du lynx et elle se balade toute nue dans la forêt, soit elle a dit à ses violeurs : « Attendez, j'enlève ma robe pour que vous ne l'abimiez pas, bon allez, vous pouvez reprendre le viol... » Déjà j'ai du mal à digérer ça. Mais le pire vient quand on apprend sa situation : elle vit dans une ferme isolée à la frontière de deux pays et ça fait six mois que ses parents sont morts et qu'elle vit seule. Réfléchissons deux petites secondes, nous sommes dans un monde médiéval, on imagine facilement que des bandits hantent les forêts et la miss ne s'est pas préoccupée une seconde de ce qui pouvait lui arriver, elle n'a pas foncé en ville chercher un mari pour la protéger ou même engager un homme pour travailler avec elle, ou été se réfugier dans un couvent, non, elle est restée là comme une écervelée, pauvre agnelle bêlant dans le vent entourée par les loups et incapable de penser à aller se réfugier près d'un chien ou du berger. Pas étonnant alors que les gars du village prennent ça pour un invitation à venir s'amuser avec elle.

Bien, elle est bête, passe encore, mais là où ce personnage renverse mon estomac c'est quand on se rend compte qu'il s'agit d'une self-insert, vous savez, la projection de l'auteur qui interagit avec les beaux qu'elle a crées, car oui, elle va accueillir les deux fugitifs et ils vont former cette famille de coeur, elle va devenir leur soeur de coeur et le giron dans lequel ils pourront se réfugier et pour la remercier avant de partir pour de nouvelles aventures, ils se couchent tous dans le même lit... A part ça le personnage est vide au possible, c'est juste une copie de l'auteur.

Après avoir soigné leurs blessures pendant très longtemps à la ferme et appris à revivre et à ne plus penser au terrible Pouf le tyran, Iian et Alexander décident de laisser Self-Insert et de partir s'engager dans une troupe de mercenaire. Le truc qui m'a fait grincer des dents dans la troupe de mercenaires c'est que j'avais l'impression de savoir d'où elle sortait cette fichue troupe, tout droit d'un bouquin de Mercedes Lackey. Ne vous y trompez pas, j'adore les mercenaires de cet auteur, ils sont tout bonnement merveilleux et servis par des personnages forts, têtus et charismatiques, or ici rien de tout cela, on a droit à la princesse cachée devenue chef des mercenaires comme Idra de la troupe des Faucons d'Idra dans Les Parjures mais avec le charisme et l'intelligence en moins. On a droit aussi à des tentes doubles pour « les couples » comme Iian et Alexander, comme si les mercenaires n'avaient rien d'autre à faire que de se trimballer des tentes individuelles ou d'accorder des privilèges à des couples juste pour le plaisir. Le seul personnage à peu près potable doit être Arkyle, surement parce qu'on ne la voit presque pas.

C'est pendant leur long séjour chez les mercenaires qu'on s'aperçoit qu'Alexander est le Gary Stu de cette histoire, il est tellement plein de pouvoirs qui déchirent qu'on est en droit de se poser la question restée sans réponse : pourquoi ? On en sait rien, mais il est télépathe, empathe, guérisseur, tisseur de rêves, télékinésique, doué de prescience et stratège et il peut exercer ses dons en même temps et sur plusieurs personnes : il joue aux échec en discutant, en guérissant à distance un lumbago et en voyant par les yeux de son compagnon ce qui se passe ailleurs... C'est le seul personnage à pouvoir lire tous les avenirs possibles que j'ai jamais vu qui ne sombre jamais ne serait-ce que d'un iota dans la folie, et oui, tous les avenirs possibles se jouent devant ses yeux, mais jamais il ne se sent paralysé par l'importance incroyable de ses choix et par toutes les choses qu'il pourrait mal faire. Un vrai dieu.

L'histoire suit son cours et je lisais paisiblement jusqu'à ce que je manque de recracher mes poumons quand ils trouvent par le plus grand des hasards une étrangère qui répond au nom de Yuki Kakito. Et oui, une japonaise perdue dans notre histoire, juste comme ça parce que c'est tellement cool... Elle est là pour compléter le tatouage sur le corps d'Iian, donc on va dire qu'elle a une raison, mais je ne sais pas, ce lancé de japonaise dans la figure du lecteur me paraît du plus mauvais goût, ça respire l'otaku, j'en ai grincé des dents.

Au bout d'un moment on revient aux côtés de Liian le démoniaque tyran maléfique et on découvre qu'il est devenu : Pouf le Masochiste. Eh oui, le tyran surprise s'est transformé en dominé surprise qui se fait prendre dans le sang par un homme mystérieux sur lequel je reviendrai dans quelques lignes. Restons donc avec Pouf le Maso qui jusque-là s'amusait à prouver sa vilénie en violant tous ceux qui étaient sous ses ordres, je ne rigole pas : « Quelques temps après l'engagement [l'embauche en bon français] du mentaliste, Liian ressentit le besoin de le soumettre. Il était un fait établi que l'héritier des Loy désirait dominer quiconque travaillait sous ses ordres. » On plaindra tous ces pauvres gardes qui se sont fait violer à tour de bras... Donc voilà, il essaye de le violer et se fait violer et se met à aimer ça, c'est un peu l'arroseur arrosé, vous ne trouvez pas ?

Mais intéressons-nous au mystérieux personnage aux dons super forts que nous nommerons Pan-dans-les-dents l'elfe qu'on ne comprend pas. En effet, cet être pour qui le temps ne passe pas, est resté dix ans à coucher avec Pouf le Maso pour attendre l'arrivée d'Alexander auquel il a appris de nouvelles capacités de super mage avant de partir sur des paroles énigmatiques et des promesses de nouvelle rencontre qui ne se sont pas réalisées dans le livre (un prochain tome en préparation ?). Bref, le perso beau et mystérieux qui ne sert à rien...

Intelligent comme vous êtes, vous avez déjà deviné que Iian réussit à mettre fin à la folie de son frère avec une bonne dose de métal dans le corps et donc puisque tout va bien les héros vont enfin pouvoir consommer l'union physique qui représente leur union mentale. Et là où ça me travaille c'est que nos héros sont le seul couple homosexuel de cette histoire et que leur amour n'est né que de leur traumatisme avec Pouf le méchant qui a torturé l'un et violé l'autre. Le traumatisme est à la base de leur relation, autrement dit, l'amour du même sexe ne peut naître que d'une situation horrible, il n'est pas possible dans une vie normale et découle forcément de quelque chose d'affreux. Je trouve que le fait qu'ils soient le seul couple homosexuel (on ne parlera pas de Pouf le Maso et ses petits violés, ni de Pan-dans-les-dents et ses raisons mystérieuses) renforce cette idée d'anormalité. C'est encore un point qui m'a gênée.

Mais après l'union des corps vient le problème d'un héritier pour le royaume et les fins lecteurs que vous êtes ont dû la voir arriver à des kilomètres, la solution pour avoir un héritier c'est : le retour de la Self-Insert, car oui, ce charmant couple va faire un enfant à la Self-Insert, réalisant ainsi son fantasme : « Tout cela pour dire que nous allons régler notre dernier souci en répondant à mon plus vieux fantasme. » Cher auteur, je ne voulais pas le savoir. Donc après quelques nuits passées ainsi, la gentille Self Insert se rend compte qu'en fait elle préfère coucher avec un autre homme dont elle avait déjà été l'amante et va donc se marier avec lui après avoir mis le bébé au monde histoire qu'elle ne s'interpose pas entre le petit couple qui fait glapir les fangirls.

Le roman se clôt sur un épilogue aussi plat que le prologue dans lequel on présente des descendants dont on a rien à faire. Et j'en profite pour me poser la question de quand se passe cette histoire, parce que nous sommes dans une société féodale avec des pouvoirs psychiques, mais la Self-Insert a un déshabillé de soie fine et Iian lit un livre sur la petite enfance pendant que Alexander discute de la théorie de Helbin sur la gestion du mouvement des foules. Des anachronismes inexplicables et qui rendent le récit encore plus mou parce qu'on en vient à se dire juste bof.

Après toutes ces longues critiques sur l'histoire, passons à la forme, la façon dont ce livre fut écrit.

II. La forme : l'orthographe peu orthodoxe sans horticulteur.

Ce sera une partie de grands regrets puisque nous regretterons tout d'abord l'absence de notre cher ami le correcteur orthographique pourtant tellement utile aux auteurs en herbe comme vous et moi. Ainsi nous liront dans ce texte un superbe passé simple du verbe agir qui n'est autre qu'agissa forme que mon correcteur à moi me souligne, mais bon, tout le monde ne peut pas se relire ou mieux, se faire relire.

Et là, me voilà à pleurer la bêta ou les bêta-lectrices qui ne lurent jamais ce texte, qui ne firent jamais remarqur les erreurs d'homonymes : souffrirent à la place de souffrir, qui ne crièrent jamais qu'il fallait que le méchant ait des raisons d'être méchant, qui ne demandèrent jamais pourquoi ceci ou pourquoi cela. Bref, une absence terrible qui se fait sentir autant dans la forme que dans le fond.

Autre chose qui m'a fort chagriné : on prend les lecteurs pour des imbéciles légumineux. Ainsi, chaque flash-back est précédé de la mention : flash-back en italique et le retour à la temporalité normale est signalé par un très beau : fin du flash-back parce que nous sommes trop stupides pour nous en apercevoir sinon. Mais bon, laissons passer, cela pourrait presque se comprendre, par contre ce que je ne comprends pas c'est que la temporalité n'apparait pas dans le corps du texte mais en dehors avec la mention en italique : Six mois plus tard ou Deux heures de l'après-midi. Pourquoi ne pas intégrer ça dans le paragraphe, ce n'est quand même pas sorcier et ça fait moins amateur.

Pour finir notre petite critique avec un aperçu de choses incompréhensibles, nous allons parler de la scène de relation sexuelle entre nos deux héros, scène qui ne m'a fait ni chaud ni froid et m'a semblé tomber à plat, la seule chose qui ait attiré mon attention est qu'entre deux paragraphes de caresses, tout à coup, nous nous trouvons confrontés à ceci :
« Ses yeux pâles.
Baisers sur la peau fine de ses paupières.

Son cou si fin.
Mordillement à la naissance de sa mâchoire, pour mieux laper la fine blessure.

Ses mains si douces quand elles se posaient sur lui.
Lèvres aposées au creux du poignet pour remonter le long des bras couleur d'albâtre.

Ses jambes se frottaient aux siennes en une caresse intime.
Mains glissant de bas en haut pour mieux les inciter à venir se coller à lui. »
Je vous ai recopié le texte dans son intégralité déroutante, on ne comprend pas pourquoi tout à coup la typographie change et pourquoi ce n'est pas intégré dans un paragraphe plus normal, avec en plus cette alternance de typographie normale puis en italique... Un mystère.

III. La conclusion concluante.

Il y a quelques points positifs heureusement à cette histoire:
- ce n'est pas écrit à la première personne du singulier du présent.
- l'histoire reste cohérente tout du long et possède un début, des protagonistes qui évoluent et une fin.
- il y a certains moments de grâce où on se laisse porter par l'histoire jusqu'à ce que le prochain manque de relecture de l'auteur vienne vous plomber votre transe de lecture.

Pour en finir, je serais ravie de prêter ce livre mais je ne pourrais pas vous recommander de l'acheter. Peut-être le prochain sera-t-il meilleur, espérons-le en tout cas.

roman

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