Le livre et la Révolution électronique : le point de vue d'un éditeur...

Mar 18, 2007 18:55

...qui n'est pas celui de tous, je le sais, mais qui relève chez moi de l'intime conviction.

On a beaucoup parlé de l'e-book il y a quelques années. L'echec des attentes de l'époque à quelque peu contribué à laisser penser que l'e-book était un serpent de mer qui ne fonctionnerait jamais, un de ces marroniers destiné à rester dans les cartons des médias avides de nouveautés clinquantes.

Or l'echec des premiers e-book (et je parle ici du média technologique, pas du texte en lui même) était prévisible. Ceux qu'on trouvait sur le marché aux Etats Unis avaient plusieurs défauts : ils étaient conçus avec un écran rétro-éclairé, fatigant pour les yeux, et leur format d'écran était ridiculement petit, à peine une demi page poche. Leurs capacités mémorielles n'étaient pas non plus extraordinaires...Le "Cytale", l'e-book à la française sur lequel il fut beaucoup investit, a fait lui l'objet d'un mauvais calcul : plus grands que ses concurrents (un format A4), il s'est vu ajouter un modem au dernier moment qui a eu pour effet de le rendre plus lourd, et surtout, beaucoup plus cher. Raté. La société à mis la clé sous la porte, et cela a contribué à refroidir bien des ardeurs... d'autant que d'autres se sont mis à loucher vers l'e-paper, qui fonctionne sur un principe très différent. Il s'agit de feuilles de plastique souples sur lesquelles s'inscrivent les pages en fonction d'un processus binaire.

Techniquement, l'e-paper est désormais quasi opérationnel, du moins pour le noir et blanc. Il est distribué dans les pays asiatiques depuis plus d'un an, aux états unis depuis cette année, et devrait arriver en europe en 2008. Tout ça pour un prix avoisinant les 350 €.

Légereté, facilité d'utilisation, mémoire impressionnante (jusqu'à 1500 ouvrages stockés) connection avec l'ordinateur extrêmement simple, il est évident que l'e-paper a tout pour lui. Les contre-arguments présentés par les afficionados du livre papier, à part bien sûr le lien affectif qui ne se discute pas, ne tiennent plus la route aujourd'hui. Aucune pénibilité à la lecture, au contraire, puisqu'il est même plus léger que les bouquins, que son affichage n'entraîne aucune fatigue visuelle, qu'on peu le glisser dans sa poche encore plus facilement qu'un livre de petit format...Et plus de bibliothèques qui envahissent même la salle de bain chez les accros à la lecture...

Qu'est-ce donc qui pourrait empêcher l'essort définitif de l'e-book ?

A vrai dire, un obstacle demeure. Celui du format. Aujourd'hui, la bébête existante est distribuée par Sony qui impose son propre format, comme Mac a imposé son format i-pod, mais le livre étant plus cher à l'achat que la musique, la bibliothèque Sony est encore bien faiblarde. Et les numérisations de Google, par exemple, ne sont pas compatibles.

Mais il est difficile d'imaginer que cet obstacle là puisse perrdurer très longtemps. De même que d'autres ont lancé un format plus universel en musique, et que le piratage a entraîné l'ouverture des formats (même fnacmusic se met au mp3 aujourd'hui !) il est évident qu'on en viendra à trouver des formats communs, ne serait-ce que pour tenter, là encore, d'empêcher le piratage des ouvrages.

Le piratage, en effet, est ce qui guettera très vite le système. Si les éditeurs veulent éviter les déboires de l'industrie du disque, ils ont intérêt à réagir vite et bien. Cela passe par la mise en place d'un format commun, et l'évitement de l'écueil qui a finalement coûté cher au producteurs de disques : en voulant profiter de la manne financière que leur offrait le passage du vinyl au CD, ils n'ont pas vu venir les habitudes de téléchargement que la technologie offrait à tous ceux qui ont eu l'impression de se faire gruger en devant racheter leurs classiques à un tarif presque double de leur achat original, alors même que les coûts de production étaient divisé par deux. Qaund on prend les consommateurs pour des vaches à lait...

Ceci étant, pour ce qui est des e-book, cette révolution numérique me paraît incontournable, et sans aucun doute, une vraie chance pour l'avenir. D'abord, elle devrait faire sensiblement baisser le coût du livre. Tout ce qui rend plus accessible la culture est, de mon point de vue, une chance immense pour la société. D'autant que les éditeurs s'y retrouveront mieux, et sans doute, les auteurs aussi. Si on devait aujourd'hui faire payer un livre avec la même marge de bénéfice que n'importe quel autre objet de consommation, un livre coûterait actuellement entre 30 et 35 € !

Ensuite, la disparition de l'essentiel des coûts de production et de distribution permettrait aux éditeurs d'avoir des politiques éditoriales à la hauteur des enjeux intellectuels du monde d'aujourd'hui, d'explorer de nouvelles pistes, ou de revenir à des publications aujourd'hui réduites à peau de chagrin (poésie, nouvelles, anthologies, etc...) pour cause de non rentabilité. De mon point de vue, croyez-moi, le pied absolu !

Maintenant, qui va souffrir de cette révolution pour moi incontournable ?
Au premier chef, la librairie traditionnelle. Elle a encore un peu de marge devant elle, mais elle ne tiendra pas la route à long terme. Les librairies en ligne sont toujours plus nombreuses, et prévoient d'ors et déjà de modifier fortement leur mode de fonctionnement. Les plus grosses ont déjà commencé, ayant conscience qu'il est temps pour elles de passer à la vitesse supérieure en faisant réellement office de "conseilleur" et multiplient depuis un an les opérations de mise en valeur des ouvrages. Et parfois, en prenant des vilaines habitudes - d'aucuns s'arrogent déjà le droit de récupérer l'ensemble des droits de diffusion electronique en échange d'une mise en valeur des textes, vous les voyez venirs, les sagouins ???
Les diffuseurs pourront, s'ils sont assez malins pour s'y prendre à temps, jouer encore un rôle de relais entre éditeurs et librairies en lignes, mais les distributeurs peuvent songer déjà qu'ils ont mangé leur pain blanc...

Et le livre papier ? Il perdurera encore le temps que les générations qui ont encore des réticences à abandonner leur plaisir charnel d'avoir l'objet-livre dans leur mains passent le relais aux jeunes déjà fortement habitués à lire sur écran - ou qu'ils vieillissent assez pour se rendre compte de l'avantage de pouvoir continuer à lire tous les livres dont ils ont envie en augmentant la taille des caractères pour leur confort visuel...
Restera, sans doute, le livre "bel objet" et je crois que d'aucuns peuvent déjà jeter un oeil à certains artisanats délaissés, comme la reliure, qui fera du livre papier un cadeau de luxe, destiné autant à être vu dans une bibliothèque, qu'à être lu...

L'e-book, l'avenir du livre ? Oui. Pour moi, sans hésitation aucune, c'est oui.

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