Mar 06, 2007 09:50
Et mon fondement, c'est de la chair blanche de batterie ?
Nan mais je vous jure...
Gros débat récent avec mon homme, un de ces enseignants chercheurs qui se sentent de plus en plus désespérés face à ce que le gouvernement envisage comme "la Recherche du futur" et qui est déjà appliquée dans les faits depuis quelques années. En gros : les chercheurs n'ont qu'à trouver les sous dans le privé. Corollaires : les chercheurs français passsent souvent plus de temps à la recherche de financements qu'à faire de la recherche. De plus, l' ANVAR, rebatisée OSEO (cherchez pas !) Innovation, continue de défendre une politique d'aide à la recherche basée sur l'innovation technologique à destination des grands groupes ou des entreprises sous-traitantes dans les grands domaines technologiques (les bagnoles, les avions etc...). Et les budgets sont ridicules, dans les faits. Comme dit mon homme, "tu passes deux mois à monter un dossier scientifique chaque année. Au pire, tu n'obtiens que dalle, au mieux tu as royalement 5000 € pour trois ans de recherche..." Des clous, quoi.
Par contre les entreprises peuvent se frotter les mains, elles se retrouvent avec des chercheurs qui vont bosser pour elles pour trois euros six centimes, et elles peuvent donc réduire en paix le poid de leur recherche en interne...Quant aux chercheurs de l'Etat, ils continuent à vivoter avec des salaires de misère, du moins en proportion de leur niveau d'étude et du ratio du privé...
Bref, la situation désepère nos chercheurs, et les améliorations promises seront surtout au bénéfice des industriels.
D'où la tendance lourde à comparer leurs salaires et leurs conditions de travail avec celles des pays étrangers, en particulier, suivez mon regard, les pays anglo-saxons. Ailleurs, l'herbe etc. ...
Oui, ben, faut arrêter ce genre de connerie, aussi. Non, mon chéri, je ne dis pas ça parce que je n'ai aucune envie d'aller vivre aux Etats Unis. Je te dis, mon amour, que tu ferais mieux de sortir la loupe au lieu de parer la recherche à l'étranger des couleurs de l'Arc-en-Ciel. Je suis myope, me repond le cher et tendre. Il me le dit plus gentiment, c'est mon homme à moi, quand même...mais il le dit - pendant 24 heures.
Parce que justement, ses collègues en reviennent, des Etats Unis. De Standford, pour être précise. Où ils sont allés rencontrer des chercheurs américains dans le cadre d'un échange scientifique.
Douchés.
Froide, la douche.
Standford est une université qui fonctionne sur des fonds privés. Donc, oui, les labos sont bien équipés, ça va avec le prestige des donnateurs (Gates en est, évidemment).
Oui, les chercheurs touchent 3000 dollars par mois.
Mais.
Les directeurs de recherche passent l'intégralité de leur temps à quêter de nouveaux fonds. Ou presque, parce que, pour faire de la recherche, ils ont le temps entre 22 heures et 2 heures du matin. Et pour conserver leur prestige, il faut bien qu'ils en fasse un peu, de recherche. Sont pas couchés les gars. Ils tiennent avec quoi, je me le demande ? On aurait des surprises en leur faisant faire pipi dans des flacons, je parie.
Quand aux chercheurs payés les fameux 3000 dollars, ils n'ont aucune protection sociale, et leur assurance maladie leur coûte 1300 dollars par mois. Ha ! Je me marre !
Les doctorants sont de la chair à canon. Payés des clous rouillés, et chez eux, c'est cinq ans, pas trois. Cinq ans pour faire ses preuves, c'est à dire bosser comme des malades aux ordres des patrons, corvéables à merci : marche ou crève. Et il y en a toujours une tripotée qui attend à la porte, si jamais on a un tantinet des envies de dire qu'il y a de l'abus. Tout ça pour, éventuellement, si on a déplu à personne et qu'on a été sage, gagner enfin un poste à 3000 ( -1300) dollars par mois.
Bon soyons honnête, il y a une vraie différence. Un doctorat, aux States, ça vous rapporte de quoi vivre, même si vous n'obtenez pas de poste de chercheur à l'université. Parce qu'un doctorat de Standford, même sans la consécration au bout, c'est le tapis rouge pour l'industrie. Ce qui veut dire que la seule chose qu'on puisse réellement reprocher à la France si on joue aux comparaisons qui tuent, c'est d'avoir des industriels qui considèrent qu'un doctorat, c'est un diplôme de jean-foutres.
Quand on arrêtera de donner bêtement envie à nos chercheurs d'aller brouter dans le champ du voisin, on aura enfin une recherche française dont on pourra dire qu'elle a tous les talents. Ils ne leur faudrait qu'un peu de motivation : financière et sur la qualité des investissements en matériel. Mais si on continue à filer le pognon au privé en fantasmant sur la reconnaissance dudit, on se condamne, à terme, à ne garder que les moutons et à voir les bêtes de concours obtenir leurs récompenses à l'étranger.
On est cons en France, des fois...
recherche