Comment Sorkin est devenu mon héros

Feb 05, 2013 19:36

Ceykiçuilà encore ?


Aaron Sorkin est un scénariste. Il a fait quelques films (The social network, sur facebook, étant le plus célèbre auquel il ait participé). Mais c'est surtout pour ses séries qu'il est connu - et quand je dis ses séries, je devrais plutôt dire pour SA série, celle qui l'a rendu célèbre et qui lui a apporté je ne sais combien de récompenses.

A la maison blanche. The West Wing, en version originale.

Mais présentons ses séries dans l'ordre chronologique, voulez-vous ? Puisque je les ai toutes vues. Sisi. Et même qu'après je vous ferai un comparatif en présentant ses thèmes et obsessions.


Sports night
Première sitcom dont il est le scénariste, le créateur, et le producteur exécutif. On suit ici les aventures d'un "journal des sports" sur une chaîne imaginaire. Sur un format court, de comédie, on aborde plein de questions intéressantes (corruption, dopage, relations entre les sportifs et les journalistes) et on apprend plein de choses. C'est enlevé, drôle, et même si on n'y connait pas grand-chose en sport - voire qu'on n'aime pas particulièrement ça - c'est assez intéressant. Les intéractions entre les personnages sont croquées, drôles, un peu suréalistes, mais pas plus (et plutôt moins) que dans d'autres séries.

A la maison blanche (the west wing)

Le chef-d'oeuvre de Sorkin, donc. Non, vraiment, je n'exagère pas.
Pendant sept saisons, on va suivre l'équipe du président Bartlet. On les voit naviguer entre les scandales, l'administration, le Congrès qui a la bonne idée d'être Républicain alors que Bartlet est Démocrate, bref, gérer le pays.
Alors, je sais, on a dit que Sorkin présentait une vision magnifiée du monde politique, des personnages trop bons, trop idéalistes... Certes, c'est un peu le cas. Mais en même temps, je trouve qu'il ne cède jamais à la facilité. Ses personnages se collètent avec des réalités et des décisions pas faciles, on voit quand même au plus près les tractations qui peuvent amener au vote d'une loi - et qui ont parfois bien peu à voir avec la loi en tant que telle, et tout à voir avec les intérêts personnels ou carriéristes des uns et des autres.
Si j'idolâtre cette série, c'est donc parce qu'elle nous fait voir cette réalité là - et qu'elle le fait bien. Les personnages sont géniaux, attachants, véritablement construits, se développent sur sept ans, et fonctionnent incroyablement bien ensemble.Et si Sorkin va parfois un peu loin dans ce qui peut arriver en deux mandats à un président (guerres, fusillade, prises d'otage, etc) ça reste passionnant et bien mené.
Sans compter qu'évidemment, pour comprendre la complexité de la vie politique américaine (à défaut de la nôtre), c'est exactement ce qu'il faut. J'attends la réciproque française. Ca des côtés un peu exaspérants, parfois, parce que certaines des réalités américaines sont à mille lieues des nôtres et que ce qui est évident pour nous (contrôle des armes, pas de peine de mort, un système de santé et de retraite étatisé et généralisé, pour ne prendre que le plus basique) ne l'est pas du tout pour eux. Et on piquerait parfois des crises à les voir débattre de tels sujets. Ce qui fait aussi tout l'intérêt.
Mention spéciale, au passage, pour l'épisode 3x00, sobrement intitulé Isaac et Ishmael. Tourné en trois semaines entre les attentats du 11 septembre et la reprise de la série, ne s'insérant pas de façon claire dans la timeline de la série, cet épisode tente d'apporter des réponses aux questions et au choc qui secouent alors l'Amérique, sans tomber dans la démagogie, la critique facile ou la mise au ban d'une communauté. L'une des plus belles pages de la télévision américaine, et comme il peut se voir seul, je vous conseille au moins celui-là, si vous ne voulez pas regarder toute la série.
La saison 5 baisse un peu, mais la saison 6 et la saison 7 sont sublimes, avec un certain changement de rythme, puisqu'une partie de l'administration Bartlet quitte le navire pour essayer de trouver LE candidat qui pourra le remplacer. Il manque une saison 8, je trouve - mais je n'ai jamais su dire au revoir à une série que j'adore.


Studio 60 on the Sunset Strip
Retour dans l'univers de la télévision, cette fois sur une émission de style "late night show", typiquement américain : un peu d'info, un peu de critique, un peu de sketch, des invités prestigieux... Et un show par semaine qu'il faut écrire entre le lundi et le mercredi, répéter les sketchs, et tout produire en direct le vendredi ou le samedi soir. Un rythme effréné.
On retrouve là encore le rythme, les thèmes et les obsessions de Sorkin, mais j'y reviendrai plus tard, j'ai dit. Là, on explore un peu plus les relations entre media, public, politique - et stratégie d'entreprise. Quant doit-on virer le producteur d'un show comme ça parce que le scénariste critique la guerre en Irak, moins de 6 mois après qu'elle ait commencé ?
La série n'a malheureusement connu qu'une saison (en 2006) mais vaut vraiment la peine d'être vue.


The newsroom
Après the social network, cette série est annoncée comme le grand retour de Sorkin à la télévision. Surtout qu'il passe des chaînes publiques à HBO, et que donc, il va (enfin ?) pouvoir faire ce qu'il veut !
Là aussi, télévision. Un journal d'info qui prend le pari, suite au pétage de plomb de son présentateur vedette qui annonce à une salle pleine de jeunes élites de la nation, que les Etats-Unis ne sont pas le meilleur pays du monde - shocking ! - de revenir à la vraie information, celle qui renseigne les gens, leur apprend des choses, et surtout leur parle de vrais sujets. Des sujets qui fâchent, qui posent question, avec enquêtes et chiffres à la clé. Plutôt que de parler des chiens écrasés et des concours de cookies.
Là encore, très belle galerie de personnages, tous plus attachants, timbrés et brillants les uns que les autres, un rythme enlevé sans être décousu... Et des sujets d'actualité. La saison 1, diffusée à l'été 2012, couvre la fusillade qui a failli coûter la vie d'un membre du congrès, l'élection du tea party, la capture et la mort de Ben Laden...
Bref, autant vous dire que j'attends la saison 2, prévue pour juin (après Game of Thrones ?) avec une impatience exacerbée. Surtout que j'en attends beaucoup, puisqu'on nous a promis (nouveaux personnages à l'appui) de suivre de près la campagne de Romney. Et même si je sais qu'on  est maintenant un peu limites pour le tournage, j'ai du mal à ne pas me demander comment la série va gérer la fusillade dans l'école primaire du Connecticut - ou la guerre au Mali (s'ils en parlent). Peut-être en saison 3 ? Toujours est-il que j'y pense.

Les obsessions
Chaque scénariste, chaque auteur a les siennes, et je ne tiens absolument pas ici à critiquer celles de Sorkin. Simplement à souligner les points communs qu'on peut trouver au fil de ses oeuvres.


D'abord, les médias. Ca semble une évidence rien qu'à lire les résumés de ses séries : 3 d'entre elles se passent sur des plateaux télé. Et la dernière, si elle est côté politique, s'intéresse quand même à cet aspect des choses, en particulier à travers le personnage de CJ Cregg, porte-parole du Président.
C'est une relation malgré tout assez houleuse, que Sorkin entretient avec les médias, quels qu'ils soient. Il est connu pour quelques sorties assez savoureuses sur internet, par exemple... Et les médias le lui rendent bien. C'est assez visible dans son oeuvre, puisqu'il présente à la fois les aspects positifs (combien d'allusion à la liberté de la presse, au 4° pouvoir, au rôles des journalistes dans le Watergate) et négatifs (les excès, les faiblesses, les facilités, les conflits d'intérêt), tant pour la presse écrite que pour la télévision.
Et il fait dire à son personnage principal, dans the newsroom "I'm going to single-handedly fix the internet!"... Tout en trouvant un journaliste pour raconter le printemps arabe en Egypte grâce au web.


La politique ensuite, évidemment, c'est au centre d'à la maison blanche - mais aussi de beaucoup d'épisodes de The Newsroom, évidemment. Sorkin est démocrate et ne le cache pas, même s'il présente quelques très belles figures de républicains dans ces deux séries (Arnold Vinick et Will McAvoy, rien que pour commencer). Pour mieux fustiger les membres du tea party, qu'il a l'air de détester profondément - à raison, à mon avis de petite Française.
Quoi qu'il en soit, les débats sont la plupart du temps nuancés, bien expliqués (même pour une petite Française) et bien renseignés, appuyés de chiffres... Mais débités à toute allure. Faut parfois s'accrocher - ou se refaire la scène. Et avec de bons sous-titres, c'est encore mieux.

Le rythme, donc, également. Les personnages de Sorkin parlent vite, en marchant, et sont très intelligents. Je vous jure que faire sans sous-titres, c'est pas évident.

La drogue, et l'addiction d'une manière générale, font aussi partie des thèmes que Sorkin aime aborder. Ce n'est jamais au coeur même de ses histoires, et il n'est pas du genre à enfoncer un de ses personnages pour qu'il en ressorte puis pour qu'il y retourne, etc etc, à la manière d'un soap classique, mais il n'est pas rare qu'au moins un de ses personnages ai ou ait eu des problèmes liés à l'addiction. En fait, il y en a un dans chacune de ses séries. C'est traité avec sérieux, délicatesse et sans trop insister... Mais c'est là.

Tout comme la question du père. Deux pères violents dans deux séries différentes, ne me faites pas croire que c'est un hasard. Sans compter que dans les deux autres, on a deux pères qui ne comprennent pas leurs fils. Oh, et j'oublie un ou deux pères morts, indignes ou absents... Je sais que c'est un classique en série télé, parce que ça permet de donner facilement des failles à un personnage... Mais quand même.


Ce n'est pas vraiment un thème, mais je vais aborder la question des femmes... Parce que certains ont taxé Sorkin de sexiste, en particulier à la suite de the newsroom. Pour des raisons fallacieuses, à croire que c'est vraiment la nouvelle insulte à la mode (des deux côtés de l'Atlantique).

Les femmes de Sorkin sont ambitieuses, puissantes, douées dans leurs métiers, jonglent avec vie professionnelle et vie personnelle. Elles aiment ce qu'elles font et elles le font bien, elles ont fait de bonnes études et peuvent en démontrer à n'importe quel homme. Elles gaffent, parfois - comme les hommes. Et sans que cela remette en cause leur professionnalisme. Alors on va peut-être arrêter de dire des conneries et s'en prendre à ceux qui le méritent vraiment, hein?
(Et je n'en ai mis que deux histoire de les montrer un peu, mais il y en a bien plus - et à tous les niveaux)

Et je rajoute enfin que Sorkin écrit merveilleusement bien les groupes. Il est génial pour créer une ambiance de groupe en très peu de temps. Je ne connait que Whedon pour le faire aussi bien.


Oh, si, une dernière chose !! Il a ses acteurs. Il y en a plusieurs qu'on retrouve dans plusieurs de ses oeuvres, c'est assez sympa. Ainsi, Martin Sheen a joué dans un de ses films avant de devenir le président Bartlet de tww, Joshua Malina se retrouve dans Sports Night et tww, Bradley Whitford et Timothy Busfield dans tww et Studio 60... Matthew Perry, croisé brièvement dans tww, est régulier dans Studio 60... Et quelques grands noms ont également commencé ou joué dans certaines de ses séries, mais je vous laisserai découvrir ça vous-même. C'est un peu moins vrai pour the newsroom, évidemment, qui débute, mais je ne perds pas espoir d'y recroiser des anciens.

Et moi là-dedans ?
Quant on s'intéresse un peu aux séries et à l'histoire des séries, comme j'ai commencé à le faire, vu le nombre que j'en engrange, difficile de ne pas trébucher régulièrement sur A la maison blanche, considérée par beaucoup comme un exemple en matières de séries à tous les niveaux, écriture, sujet, acteurs, etc. Le pitch me tentait très moyennement, mais, prise un jour de l'envie de me lancer dans les séries politiques et devant le néant quasi absolu de choix... J'ai tenté.
Je crois qu'il m'a fallu moins de deux épisodes pour adorer. Le rythme, l'ambiance, tout, j'ai accroché très très vite. Et j'ai continué. A toute allure. Et je continue de me refaire certains épisodes, régulièrement, parce que c'est trop bon.
La première fois que j'ai entendu parler de the Newsroom, je ne savais pas que c'était de Sorkin, et je commençais à peine the west wing. J'ai regardé les trois premiers épisodes en une fois, me bouffant une partie de nuit, et en criant au génie. Quand j'ai appris de qui c'était... Ouais, évidemment, j'aurais dû m'en douter, hein ?
Du coup, après avoir fini l'une comme l'autre, j'ai regardé Studio 60 - puis Sports Night, même si cette dernière sent ses débuts de carrière et pêche un peu par moments.
Toujours est-il que Sorkin a rejoint le trio de tête de mes scénaristes préférés de série de tous les temps, avec Whedon et Moffat. Voilà. Rien que ça.

Tout ça pour vous dire qu'il faut regarder. Et que si les sept saisons de 22 épisodes chacune de The west wing vous font peur - ce que je peux comprendre - regarder au moins the Newsroom. Vous ne le regretterez pas.

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(Je vous jure, Scandal, à côté, c'est de la rigolade)

mes amours, séries

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