On a les amis qu'on mérite

Apr 27, 2011 15:35

Attention, aujourd’hui, je parle de Moi. Avec un grand M et beaucoup d’égocentrisme.

J’ai beaucoup déménagé dans ma vie. A vrai dire, avant 18 ans, je n’ai jamais passé plus de 4 ans dans le même pays. Jamais plus de 4 ans dans le même établissement scolaire, la même ville ou la même maison.


A partir de là, il est facile de comprendre que ma famille est mon point fixe. Mes parents, ma sœur, mes frères. Et en France, mes grands-parents et mes cousins. Les maisons de famille où on allait l’été. Les tableaux de la maison. Ca, c’était fixe et permanent. Pas (enfin, disons peu) d’amis d’enfance, ma sœur est sans doute ma plus vieille amie. Et l’une des meilleures.

Les amis, justement , c’est une autre histoire. Petite, j’en avais plusieurs, sans trop me poser de questions. Le retour à Paris à 9 ans a été un sacré choc. Tout d’un coup, que des blancs dans la classe (ou presque), et surtout, surtout, des gens qui vivaient encore là où ils étaient né, et qui n’avait jamais mis les pieds dans un avion. Je n’ai pas compris leurs questions, eux n’ont pas compris mes réponses… Dure dure l’adaptation !


Après ça, l’adolescence, époque bénie… Disons que si je me suis fait des amis partout, rares sont ceux avec qui j’avais l’impression de partager tant de choses que ça. Au Kenya, C. était presque aussi solitaire que moi, et si nous nous entendions très bien, je ne sais même plus de quoi nous parlions. Les autres… J’étais une intello qui passait le nez plongée dans ses livres… Je m’entendais assez bien avec quelques garçons, mais sans plus.

Quant au Niger, si la 1° a été assez sympathique, les départs de R. et L. m’ont fait vivre une Terminale assez solitaire, malgré C. Et dans une angoisse diffuse de devoir grandir et quitter la maison. Je n’avais pas tellement envie, et en même temps si…


Et finalement, c’est bien dans le post-bac que j’ai rencontré celles et ceux qui comptent. Dès la première année de prépa, à l’internat, Lau et Tallia dont j’ai déjà abondamment parlé. Sans elles, cette année aurait été très différente. Elles ont été présentes dans les coups durs, on a beaucoup ri, parfois pas travaillé, terrorisé (à notre corps défendant) les autres filles de l’internat, regardé des films, écouté de la musique, déliré sur des sujets variés… Tout d’un coup des gens qui me suivaient dans mes délires et avaient les mêmes, m’écoutaient sans me juger. A Tallia et Lau, je dis tout, sans barrière ni censure, y compris ce dont j’ai honte ou peur et que je cache au plus profond de moi. Et c’est réciproque. On peut ne pas se voir pendant plusieurs mois et on se retrouve toujours avec autant de joie et sans la moindre gêne. Je crois que je pourrais leur consacrer un roman sans réussir à dire tout ce que je voudrais.

Dans le même temps, les copines de classe (Lau et Tallia étaient en prépa Sciences Po, moi HEC). De toutes, M. est celle qui a continué en 2° année puis à Grenoble où nous avons été en collocation. Une vraie amie, sans doute, mais avec qui je ne partage pas autant. Est-elle moins bavarde, moins fofolle que les autres ? Je ne crois pourtant pas. Mais nous n’avons pas cette relation-là, même si je l’adore et que je sais pouvoir compter sur elle.


L’année suivante, changement d’internat, et je me suis rapprochée de C. et A. La pionne nous appelait « les triplées », parce que nous étions toujours ensemble, même pour travailler. Incidence directe, je leur ai dit beaucoup à elles aussi. Faut dire, outre l’angoisse de la prépa, ce n’était pas une période facile pour moi. Et ça n’allait pas s’améliorer.

Je précise quand même que la prépa n’est pas en cause, hein. J’ai aimé la prépa. J’ai appris énormément de choses, j’avais des profs géniaux et une ambiance de classe super sympa. La pression, bien sûr, et les mauvaises notes et le boulot monstre, mais c’est normal. Donc j’ai aimé la prépa. Un peu maso peut-être.

Bref, C. et A. ont été là, on a bien ri toutes les trois. Maintenant, on maintient le contact de loin en loin et on se voit de temps en temps, mais à chaque fois, c’est comme si on s’était quittées la veille après les petites minutes d’adaptation et de prise en compte de l’évolution de chacune.

Sur la fin - et je regrette que ça ait été aussi tardif - j’ai aussi bien sympathisé avec O. Il semblait un peu abasourdi par la folie douce que je montrais, mais me suivait volontiers. J’ai beaucoup ri avec lui, et il lui arrive encore de me manquer. On ne s’est pas vus depuis un moment par manque d’opportunités, et je le regrette…


Je pourrais parler encore longtemps de la prépa et des gens que j’y ai rencontrés. J’ai un peu perdu le contact avec beaucoup d’entre eux. Et pourtant, en septembre, M., C., A. et moi avons organisé un restau à Paris où ils sont nombreux à être venus. Bonne ambiance, souvenirs de prépa, nouvelles des uns et des autres… Comme une odeur de nostalgie et « On s’était dit rendez-vous dans 10 ans » dans la tête. Une chouette soirée le sourire aux lèvres, meilleur signe sans doute des bons souvenirs que je garde de cette époque.

Mais il est temps de parler de GEM et de la Bande ! Puisque c’est M. qui m’a réclamé ce billet, sur le ton de « Tu parles beaucoup de Tallia et Lau mais pas de nous ! ». Et c’est vrai que c’est sans doute un peu injuste.


J’ai rencontré la Bande à l’école, donc. Une bonne partie d’entre eux étaient dans mon TD, et par le hasard de l’alphabet, des travaux de groupe et des associations, le petit groupe s’est formé. Certains qui semblaient périphériques se sont accrochés, d’autres sont partis sans trop prévenir, peu importe. La semaine de vacances au ski, dans un grand appart’ où nous étions 8, a sans doute scellé définitivement certaines amitiés. Sans exclure certains absents pour autant.

L’année d’après, TD très différents. Quelques nouveaux ont intégré la Bande, certain(e)s sont parti, quelques couples se sont formés… On a vécu sans doute l’une des plus belles années de notre vie. La 2° année d’école, c’est la meilleure, on est les rois du monde et celui du travail semble encore loin. On profite à fond. Soirées en tout genre (grosses et arrosées avec l’école ou posées chez quelqu’un), sorties au ski, cinés, simples balades en ville ou shopping… Bref, la belle vie.

L’été suivant, à Paris, n’a fait que renforcer les liens avant un nouvel éclatement, moi à Madrid certains à Londres ou Paris et d’autres à Grenoble.

Malgré tout, les liens restent, à mon plus grand bonheur. Pour le Nouvel An organisé chez moi avec ma sœur, ils étaient là. Pour mon anniversaire… presque tous. ^^ J’ai envie de les voir, ils donnent des nouvelles, je sais qu’ils sont là quelque part. On se prévoit des week-ends pour la fin de l’année, et j’ai hâte d’y être.

Alors cette bande, c’est qui ? M., toujours survoltée mais entraînante, la meilleure pour chasser ma mauvaise humeur. En y réfléchissant, il y a peu de choses que je ne lui dit pas, et elle est la première à qui j’ai parlé des fanfics. Et de ce blog. J., avec sa franchise absolue et son absence de censure, qui m’a sûrement bien décoincée. A. qui dit tout ce qui lui passe par la tête, son discours faisant parfois contraste avec ses tenues chics. L’autre A., tellement Parisienne qu’elle est attachante. C., fêtarde invétérée, qui a beaucoup trop d’idées et veut les mettre en place dans l’instant. V. qui vit à 100 à l’heure (et ne sait pas boire). P., un jour là un jour pas, mais qui a fait sa place. J., discret mais qui supporte nos conversations et nos soirées de filles avec le sourire crispé. R. et son humour unique (heureusement). A. (encore un !! Il y a trop de A dans mes amis), sa passion du cinéma et son humeur parfois changeante. H., le Marocain qui oublie parfois qu’ici, il est hors de question pour nous de porter un voile. Un autre A., tout récemment entré dans le groupe mais déjà bien intégré. X., toujours très calme, sauf quand il décide que non. E., qui observe nos délires avec un sourire en coin et note les meilleurs dossiers pour les ressortir aux moments les plus (in)opportuns.

Avec eux, c’est vraiment l’amitié qu’on ne raconte pas, je crois. « Les gens heureux n’ont pas d’histoire »… Rires, sorties, débats parfois enflammés, bêtises, conversations parfois sérieuses, alcool, vieilles chansons françaises et délires communs qui se partagent d’un regard. Bref, l’amitié, quoi, le plaisir des moments passés ensemble et le sourire qui naît rien qu’aux évocations. Ma vie à GEM n’aurait pas été la même sans eux. En dehors non plus, d’ailleurs, c’est injuste de ma part de les restreindre à ça.


Alors voilà. Malgré une adolescence un peu solitaire, je suis bien entourée, je crois. Et je me trouve bien chanceuse. Je ne sais pas s’ils le savent ou le sentent, et j’ai parfois envie de le leur dire. Mais je ne suis pas très douée pour ce genre de déclaration. Les gens, je vous aime. Vous pouvez m’appeler à 4h du matin pour que je vous aide à enterrer un corps et que je vous fournisse un alibi. Je suis mauvaise pour parler de sentiments, je le sais. Mais avec vous je me sens bien, heureuse, acceptée. Bon, sauf quand vous me faites attendre une heure sur un banc à Bagatelle, en oubliant de me prévenir que l'heure du rendez-vous a changé, et alors que j'habite à plus d'une heure de trajet...

Alors si on a les « amis qu’on mérite », comme le prétend le proverbe, je dois vraiment être quelqu’un de chouette !! Pour sortir de l’humour, je dois surtout vous remercier de m’apprécier malgré mon caractère, mes faux plans, mes silences parfois, ma flemme, mes grands airs et mes passions douteuses. Merci.

A GEM encore, je ne peux pas ignorer les filles avec qui je suis partie au Bénin, l’été qui a suivit la première année. Je reviendrai sans doute sur ce voyage, mais les liens qu’on a forgé là-bas, alors qu’on se connaissait à peine au moment du départ, restent forts et précieux. On se voit peu, mais à chaque fois, qu’est-ce qu’on rit ! Et le Bénin se lit dans nos yeux. « Tu sais, quand on est rentrées dans nos familles, on a pas pu raconter. On comprend ce que tu voulais dire. »

Dernièrement, avec le FOF, j’ai aussi rencontré des gens que je n’aurais jamais croisés ailleurs. Etudiants en bio, littérature ou infirmerie, plus jeunes et plus vieux… Bref, tout un monde qui s’est soudain ouvert. Au fil des discussions, on se rapproche des uns plutôt que des autres, les IRL s’organisent… Et tout naturellement, certain(e)s deviennent des amis que j’appelle aussi facilement qu’un de la Bande. Et je trouve ça génial aussi. Alors merci à eux également.

Tout ça pour dire quoi, au final ? Outre les grands violons et les remerciements ? (D'ailleurs, pour ne pas en rajouter dans les grands sentiments, j'ai évité les images pour la suite de l'article. Juste histoire de ne pas mourir étouffée sous le rose, le violet, les coeurs, les fleurs et autres poneys et licornes qui peuplent google si vous avez le malheur de taper "amitié" dans votre recherche d'image. Mes yeux me brûlent)

Que pour moi, l’amitié, c’est quelque chose d’extrêmement fort et important. Et je regrette que ce ne soit pas autant abordé et développé - dans les séries et les romans mais surtout dans les fanfics.

Alors oui, je comprends l’attrait de la romance. L’amour, finalement, c’est ce qui fait marcher le monde. On a tous les mêmes aspirations à ne pas finir seul. Instinct ancestral qui nous pousse vers l’autre, parce qu’on est plus fort à plusieurs (et qu’il faut perpétuer l’espèce, mais je ne vais pas entrer dans ce débat-là. Faisons taire la S en moi).

Je comprends donc l’attrait de la romance, disais-je. D’autant que les variations sont presque infinies et que les clichés eux-mêmes (première rencontre, premier rendez-vous, premier baiser, déclaration, etc) ne cessent d’être réinventés. Certes. Et une histoire d’amour, c’est sympa.

Mais enfin, pourquoi délaisser l’amitié ? Pour moi, il y a autant de choses à en dire. Bien sûr, il y a un côté exclusif dans l’amour qui n’est pas obligatoire en amitié. Est-ce que ça donne l’impression que le sentiment amical est moins fort ? Moins passionné ? Et donc moins intéressant ?

Je ne suis pas d’accord. Même si on a plusieurs amis, une vraie bande, quoi que ce soit, la fin d’une amitié fait toujours mal. Et elle peut se faire sans raison ni explication, comme la fin d’un amour. Et si on peut « rester ami » avec un ex-amoureux… Difficile de rester ami avec un « ex-ami », ça paraît clair. Soudain, il faut faire le deuil d’une relation qui était déjà débarrassée du sexe. L’amitié est souvent fondée sur des discussions, une part de nous qu’on confie à l’autre, des choses et des expériences partagées. Et il faut oublier ça, en faire le deuil, passer à autre chose. C’est difficile.

Et même sans aller jusqu’à la tristesse de la fin d’une amitié, il y a des choses à dire ! Comment elle naît ? Sur quoi, pourquoi, dans quelles circonstances ? Comment évolue-t-elle ? Quelle place elle tient dans la vie de chacun ?

Alors oui, c’est peut-être moins passionnel, moins douloureux, moins tragique, moins sublime qu’une histoire d’amour. Mais quand on n’est pas amoureuse et seule, c’est quand même merveilleux d’avoir des amis.

Et qu’est-ce que les Chroniques sinon une histoire d’amitié ?


        

A croire que le thème m’inspire.

(Dessins de Jenny Dolfen  et  Mara)

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