May 05, 2005 12:20
Dans ma tête, la musique n'arrête pas.
Le morceau, toujours le même, recommence, encore et encore, sans se lasser de jouer.
Ça commence par deux blanches conversant tranquillement, jouant sur leurs notes respectives, s'accordant sur une mélodie sinueuse de sanctuaire, mais sans église. Ah non, ça commence toujours par une Clé de Sol, un morceau... enfin, de toutes façons, la clé a pris la porte assez vite.
Les doigts se posent calmement sur les bonnes touches, leur propriétaire est serein. La mélodie continue, dans sa lenteur introspective, les notes chantent bien, chantent juste.
Une liaison malaisée, un soupir empressé et finalement une trille, un doigt glisse, et les autres doivent rattraper l'erreur, camoufler la mesure irréfléchie, aller un peu plus vite, taper un peu plus fort sur les touches.
Des croches se mêlent à la partition, des silences, des dialogues composés au hasard d'un spasme du poignet, bien trop mineurs pour la vitesse de la ritournelle qui tourne à la fugue.
Mais par un chemin encore inconnu du pianiste, les doigts s'aventurent dans les noires. Chemin risqué. Des émotions s'échappent, incontrôlables. Le pianiste n'en a cure, la tournure que prend son récital l'exalte. Il ne caresse plus les touches, ils les effleurent, dans une hâte où on ne prend que rarement le temps de faire des pauses, respirer, pour mieux écouter le métronome qui nous dit que le refrain ne colle plus à la pièce. Cela se change en canon, où le rythme ne suit plus, où la fugue évoque un hymne à la surdité, où la pédale ne répond plus et où d'ailleurs elle ne sert plus à rien dans cette mélodie où on ne peux plus rien freiner.
À chaque noire, une émotion. À chaque temps, une occasion perdue. Plus de pauses, la musique va trop vite.
Les doigts courent, trébuchent, se blessent, les noires et les blanches ne s’entendent plus, se mélangent, se disputent, se détestent, se séparent. L’air de romance que le pianiste avait imaginé tombe dans les graves, ralentit, des contretemps vibrent par leur mutisme, la musique s’arrête, faute de finale.
Aucune note majeure dans cette cacophonie.
Le pianiste, perdu dans son souvenir, cherche quel tournant, quelle double-croche, quelle main est responsable de cet échec.
Le silence le rend mal-à-l’aise. Un musicien a besoin de musique.
Dans le fond, comme en arrière du piano, montent des notes. Une, deux, trois. Toujours les mêmes. Toujours les mêmes.
Le pianiste reprend ses gammes. Honteux de sa représentation minable.
Ayant appris que les noires étaient dangereuses, il s’en tient à la conformité de ses morceaux fades et poussiéreux.
En dessous des ongles, il a encore le souvenir de ces notes sombres qui s’égrènent avec une force inhabituelle, intense et unique.
Toute cette histoire est bien ancrée dans ma mémoire
et si quelqu'un vient s'en mêler je crois que je vais craquer.
(Toute cette histoire, Louise Attaque)
et le sourire de dépression
ça c'est con
quand ça vous prend
ça vous colle au corps
ça vous gratte partout, tout l'temps
et vous
est-ce que vous avez le temps
de boire un café au port
c'est là que j'habite vraiment
et tant pis pour le confort...
(Vous avez l'heure, Louise Attaque)
tu sais j'ai pas confiance
j'ai pas confiance en moi
j'ai pas d'espérance et je merde tout ça tout ça
si tu veux on parle de toi
si tu veux on parle de moi
parlons de ta future vengeance que tu
aura toi sur moi
disons entrecoupé d'silence
qu'on est bien seul pour une fois
qu'on est bien parti pour une danse
ça ira pas plus loin tu vois
J'ai accepté par erreur ton invitation
j'ai dû m'gourer dans l'heure
j'ai dû me planter dans la saison
(Ton Invitation, Louise Attaque)
pattern,
poésie,
xavier