La Vague - chapitre 7

Jan 23, 2011 14:59

Titre : La vague [7/?]
Auteur : AnnaOz
Personnages : Chokri, Fahd, Ouadid, Subh, etc..
Rating : PG-13
Nombre de mots : +/- 1500

Hum, hum, La Vague est loin d'être le tsunami espéré, à peine une petite vaguelette qui réapparaît timidement tous les deux ans :/// Voici néanmoins une toute petite suite ridicule au chapitre précédent (FLASHBACK de la mort qui tue, blablabla) qui ouvre normalement sur un prochain chapitre plus vavavoum et la fin du flashback.


Plutôt que d'opter pour la mosquée au sortir du hammam, Chokri choisit d'abord de flâner dans les vergers abondants qui encadrent les magnifiques jardins du palais califal, le parfum capiteux des fleurs de bigaradier apaisant doucement ses sens énervés par sa rencontre avec le jeune Fahd.

La medina est grande, accueillante, elle attire le guerrier dans ses cours carrées toutes plus exubérantes de beauté, il se perd avec délice dans sa contemplation, la comparant avec la cité d'al-Zâhira toute proche, réplique orgueilleuse érigée pour le bon plaisir d'al-Mançour à l'est de Cordoue. Tout ici lui semble aussi superbe que là-bas, pourtant, tout lui semble différent, comme si le défunt Al-Hakam avait apposé son sceau de bienveillance sur la medina avant de l'abandonner aux bons soins de son fils. Il se sent presque honteux des émois qui taraudent encore ses reins tandis qu'il musarde le long des fontaines mais, Allah le pardonne, ça fait trop longtemps qu'il n'a pas aimé de garçon aussi beau - ou de fille, pour ce que cela change.

Quand il rejoint enfin la mosquée, il est conscient qu'il mériterait de se replonger à nouveau dans un bain, son esprit n'ayant cessé de voguer en direction d'improbables ébats, il s'astreint cependant à la prière de l'après-midi avec un détachement imperceptible aux yeux des autres pénitents.

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Une esclave plus très jeune et sans grande beauté s'occupe plus tard de lui ouvrir le chemin vers une salle de repos où il retrouve ses armes et son barda rangés précautionneusement sur un coffre. Au premier coup d'œil, il sait que ses affaires ont été fouillées, il sait également que personne n'a rien pu y trouver puisque l'entièreté de son plan - encore vague et indéfini - se trouve dans sa tête. Qu'il la lui coupe celui qui saura y déchiffrer quelque chose !

Même s'il s'y attendait, la fouille l'agace et c'est en vain qu'il essaie de faire dire à l'esclave qui en a donné l'ordre : la femme est maladroite à sa langue, baragouine deux trois mots d'arabe qui lui font comprendre qu'elle vient de plus haut que le royaume des Francs. Il décidera de blâmer Subh une fois de plus.

Pour le repas du soir, il a résolu de se montrer sous son jour le plus attrayant auprès du Calife et de sa mère, d'être le beau parleur fanfaron et charmant qui égaye tellement ses camarades de camp. C'est pour cela qu'Al-Mançour l'a désigné, cela et son habileté au combat, sa capacité à tuer sans se poser de questions, du moins, sans s'en poser trop pendant trop longtemps.

« Toi joli, plaire beaucoup beaucoup... » bredouille l'esclave en découvrant un sourire aux dents rares.

« A qui ? » s'étonne Chokri.

« Toi beaucoup joli dire al mara » recommence-t-elle en souriant encore plus largement.

« Al mara ? La femme ? Quelle femme ? Ta maîtresse ? »

La vieille hoche la tête et Chokri ne peut pas décider si ça signifie un oui ou un non mais il est trop tard pour creuser plus loin les confidences, le souper du Calife l'attend. Il ne portera pas ses armes, pas ce soir, il mettra juste sur lui sa plus belle tunique et masquera son visage derrière son air le plus enjôleur, endormira le serpent, la séduira peut-être avant de la mordre, s'il est vrai qu'il lui plaît.

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En rejoignant les convives à la table du Calife, Chokri est obnubilé par la concubine, par les différents moyens qu'il envisage afin de la faire passer de vie à trépas et d'en finir soit avec sa mission, soit avec sa pauvre existence. Tellement obnubilé qu'il ne fait que la regarder elle, seulement elle et qu'il perd de vue le reste de l'assemblée, le grand Cadi, sage vieillard à la barbe blanche - dont il est dit dans les rangs qu'il a plus de cent ans et qu'il a épousé tout autant de femmes, la dernière seulement lui donnant descendance - à ses côtés, une jeune fille très brune dont Chokri vanterait certainement la beauté s'il lui avait jeté le plus petit regard, et, enfin, plus loin encore, dans la suite du Cadi, un garçon félin, gourmand, curieux, qui le mange des yeux sans perdre une seule miette du manège du soldat.

« Ouadid, j'ai faim. » dit le garçon, « Nourris-moi jusqu'à ce que j'explose... » ordonne-t-il encore, pressant et capricieux comme peut l'être communément un enfant de cet âge, joyeux et en colère tout à la fois. Le serviteur s'empresse auprès de l'adolescent, lui présente un plat de mouton rôti qu'il dédaigne d'une moue écœurée, tente sa chance avec des pigeons qui semblent mieux l'agréer, désosse la volaille délicate en se retenant de se lécher les doigts dégoulinant de graisse parfumée - il s'est déjà gavé de nourriture plusieurs fois aujourd'hui et se délectera des restes du repas à leur retour en cuisine, mais son ventre gargouille discrètement pour lui signaler que ce sont là les meilleurs morceaux qu'il tient entre ses mains, qu'il pourrait habilement laisser tomber une aile, une toute petite aile sur le sol et l'engloutir, ni vu ni connu, en un rapide voyage sous la table, si seulement il était rapide, s'il pouvait...

« J'ai faim, j'ai dit, remue-toi gros ballot, ou je demanderai à mon père de te remplacer... » menace le fils de son maître, et bien que Ouadid doute grandement qu'Amjad le clément le punisse pour un peu de concupiscence envers un morceau de volatile grillé, il se méfie assez de la finauderie du jeune Fahd pour prendre le moindre risque.

« Tout de suite, seigneur, goûtez donc du pigeon, il a l'air fort tendre et juteux et... »

« Tu n'espères quand même pas que je vais me salir les mains avec ton oiseau de malheur ? Porte-les jusqu'à ma bouche ! Et gare à toi si c'est trop chaud ! »

« Oui, seigneur Fahd. » soupire le pauvre Ouadid, conscient que l'humeur de l'adolescent est encore une fois au caprice.

De l'autre côté de la tablée, Chokri s'applique à plaire à tous, dégustant les viandes succulentes et vantant la richesse du banquet avec des paroles enjôleuses qu'il a apprises à la cour d'Al-Mançour.

« Très puissant, votre accueil me comble de félicité, je n'espérais pas faire si plantureux repas en compagnie aussi plaisante. » dit-il en offrant à Subh un sourire aussi large que possible. Il ne doute pas que la chamelle ne sera pas dupe de son effort, surtout après sa mine noire de la matinée mais elle répond à son sourire avec beaucoup d'affabilité.

Le Calife, quant à lui, semble à peine présent, dorloté par une large femme qui lui essuie le menton après chaque bouchée et le concentre sur la suivante, il donne à voir l'image d'un homme secoué de tremblements saccadés paraissant toujours sur le point de s'effondrer de sommeil.

« Mon fils te remercie pour tes paroles sucrées, al-Namaani, et veut s'assurer que ton séjour à Azahara te sera le plus doux possible. »

« Merci très puissant. » dit-il, cette fois en direction de Subh, renouvelant encore son offensive de charme par une courbette emplie de déférence.

« Il espère que la medina te dévoilera tous ses enchantements et que tu rapporteras à notre ami et protecteur Al-Mançour que ses envoyés sont toujours bien traités chez le Calife quand ils ne viennent armés que de bonnes intentions. »

Chokri, à cet instant, déglutit visiblement, se voyant déjà perdu, étêté ou pendu mais sa crainte s'estompe très vite quand il entend la suite de la conversation de la concubine.

« Pour s'assurer que tes nuits à Azahara t'apporteront la même béatitude, il t'a réservé un choix de compagnes issues de son propre harem, al-Namaani, il te suffira de te laisser emporter par tes préférences. Quelles sont-elles ? Tu les aimes plutôt pâles ou foncées comme l'ébène, plutôt grasses et ventrues ou fines comme les gazelles, dis-moi, soldat, comment sont tes femmes ? »

A l'entente de ces mots, tous les notables de ce côté de la tablée ont les yeux tournés vers lui, envieux sans doute de l'honneur qui lui est fait de pouvoir profiter des beautés cachées dans le harem du Calife.

« Je... je ne veux pas de femme, gracieuse Subh, c'est trop de bonté pour moi... »

« Alors, tu préfères peut-être un homme ? Ou un garçon souple et cajoleur ? Nous avons aussi de très jolis jeunes gens parmi les esclaves de la medina ! Ou bien, oh, j'ai trouvé !! » dit-elle en battant des mains. « Al-mançour nous a ramené d'une précédente expédition un très joli couple, tellement beaux et blonds qu'on les croirait frère et sœur, je suis certaine que tu vas les adorer ! »

Dans un même mouvement, elle fait se lever Chokri et appelle une de ses servantes à qui elle murmure des mots inintelligibles à l'oreille. Contraint et quelque peu attisé aussi, Chokri salue avec un début de rouge aux joues l'assemblée goguenarde qui lui lance des regards admiratifs.

Et c'est à cet instant, à cet instant seulement, quand il est au bout de la grande salle parée de soieries, qu'il aperçoit le jeune garçon rencontré au hammam, ce Fahd sombre et captivant qui le regarde partir avec ce qu'il faut de chagrin et ce qu'il faut de rage pour qu'il emmène son souvenir avec lui jusqu'à sa couche.

Le glossaire sera mis à jour ce soir (j'espère j'espère) et celui pour le chapitre précédent itou.

pg-13, fic originale

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