La vague - chapitre 3

Jun 25, 2007 23:57

Titre : La vague [3/?]
Auteur : AnnaOz
Personnages : Amjad, Ouadid, Aster, Fahd, Chokri
Rating : PG-13 (par habitude)
Nombre de mots : 1200 et à peine plus

Note : des couples seront susceptibles de se former au cours de l'histoire, qu'ils soient éphémères ou taillés pour la pérennité ; cependant, j'ai pris le parti de ne jamais annoncer les pairings dans la présentation du chapitre, afin de ménager le maigre effet de surprise, mais il faut bien garder à l'esprit que cette fic est du slash ^^;;



Le soleil est haut dans le ciel, il fait, en plus de poussière et tapage, chaud et soif. Ouadid, pourtant, n’ose prendre une gorgée d’eau à l’outre qui pend contre sa poitrine : le maître doit boire en premier, ce serait un outrage que le serviteur s’abreuve avant lui, ça mériterait sans doute qu’il offre son dos indigne aux sabots des chevaux ! Et ça, l’homme n’en a pas tellement envie… il y a, en plus de celui du très noble Amjad, trop de montures autour.

« De l’eau, Grand Cadi ? » tente-t-il une nouvelle fois, débouchant la panse de brebis glougloutant comme un supplice sous l’ardeur sauvage des rayons du midi et la portant à hauteur d’encolure pour attirer l’attention du vieil homme.

Mais Amjad le très juste ne daigne pas baisser son regard vers l’humble sloughi qu’il est, il contemple l’horizon tourmenté avec un tremblement de barbe.

« Le Victorieux n’aura pas honoré son surnom, aujourd’hui. » murmure son maître, la voix lourde. Ouadid a appris à laisser dire sans trahir l’insignifiance de ses pensées, mais il lui semble à lui que le très magnifique Al Mançour a taillé en pièces depuis ce matin assez de roumis pour que honneur et gloire s’attachent à ses babouches sans la moindre contestation… Il garde pour lui son soupir : son maître a parfois des états d’esprit qu’il peine à comprendre.

« Le très sage désirerait-il se désaltérer ? » lance-t-il, un peu sans finesse, avec la certitude que, de toute façon, il ne lui sera pas répondu.

« Ou peut-être quelques dattes… ? »

Si le très sage en question posait seulement les yeux l’espace d’un souffle de vent sur sa tête nue rouge de chaleur, il comprendrait certainement et aurait pitié de son serviteur, il est un homme bon après tout, mais Amjad a toujours la vision attentive à la seule nuée fumante, au loin, vers laquelle est parti au galop son fils la Panthère, quelques heures plus tôt.

« Ou du… »

« Peux-tu marcher pour moi, Ouadid ? »

Ouadid est confus. Marcher pour le très sage, bien sûr qu’il le peut, mais il ne compte pas l’envoyer là-bas , tout de même ?!

Accablé, s’efforçant de ne le montrer guère, il rebouche son outre, pose un genou en terre et déclare, baissant la tête : « Ouadid peut conduire ses pas là où son très noble maître le souhaite. » …mais pas par là supplie-t-il pour lui-même !

« Tu es bien mon brave et fidèle Ouadid, sois certain que je te témoignerai de ma reconnaissance quand nous serons de retour à Azahara ! » dit le vieil homme avec du soleil dans la voix qui lui fait ressentir de la honte à avoir malgré tout si peu d’envie d’entendre la suite de la requête de son maître.

« Je.. je… tout ce que le Grand Cadi attend de moi, je le ferai ! » s’exclame-t-il, profil plus bas que terre.

« Je m’inquiète pour Fahd, sois assez habile pour le retrouver et me le ramener. »

Ouadid se redresse à regret, prêt à mettre la main sur la carne qui supporte ses transports et à filer dans la direction de la cité en cendres quand son maître l’arrête d’une main ridée posée sur son épaule : « Laisse-moi donc à boire avant de t’en aller, il fait soif ! »

&&&

Aster sent dans son cou la fraîcheur du sang qui vient tacher son scapulaire ; il n’a pas vraiment mal, ça le surprend un peu.

Les hommes tout à côté ne parlent plus, il ignore si c’est parce qu’ils ont déjà décidé de qui se débarrasserait de lui.

Parce qu’il est déjà agenouillé, il prie, pour frère Juan d’abord, dont il se souvient d’avoir vu la tête roulant sur le sol : il n’avait pas fait de suite le rapprochement entre le corps et le reste, mais à présent, les deux se rassemblent très nettement, et il a à l’esprit, pendant un instant qui lui paraît interminable mais ne doit pas peser bien lourd, l’image de son cadet qui lui sourit, sa grande bouche toute ouverte et toute rouge.

Quand il a dit assez de prières pour le petit Juan d’Alicante, il prie pour lui, pour que son grand sourire rouge ne soit pas douloureux trop longtemps.

Il est encore occupé à recommander son salut au Seigneur lorsque le plus grand - le plus âgé aussi, certainement - des deux Sarrasins, celui qui a détaché la main nouée dans ses cheveux, s’approche de lui, le relevant avec moins de brusquerie que de vigueur physique, et lui tend un morceau de tissu dont il ne comprend en premier pas l’usage qu’il doit en faire.

Puis l’homme lui désigne sa gorge blessée et il saisit.

Le voile devient vite souillé et collant, il aimerait, s’il en avait le courage, demander qu’on le mouille d’un peu d’eau. Il n’en fait rien, parce que l’autre derrière l’observe avec une telle manifestation de haine qu’il lui en vient une sueur glacée lui coulant le long de l’échine ; son intention est tellement claire qu’elle lui brûle les iris de pure incandescence… il a les yeux du démon qu’il doit être, caché sous sa tenue chargée de cordons d’or, et Aster, d’un seul regard, a plus peur de lui que de tous les soldats de terreur engorgeant la cité.

&&&

« Et maintenant quoi ? » gronde Fahd, toujours adossé au mur, toujours contemplant le chrétien à demi tailladé, toujours la joue lui cuisant d’avoir reçu de plein fouet la main de son ami.

« Et maintenant, on cherche les couleurs du Vizir, on rase à ses côtés si les fourmis démangent à ce point tes membres de vive panthère, et tu t’en vas rejoindre ton père que tu n’aurais jamais dû quitter. » assène Chokri en passant à sa taille le cimeterre qu’il lui a arraché. « Je garde ceci par précaution, mon ami, tu as assez de tes griffes si tu veux me les planter dans le dos ! » conclut-il en souriant presque plaisamment.

Fahd aussi lui sourit, lèvres étirées, mine apaisée ; les deux bras soulevés au-dessus de son corps arc-bouté, il prend une pose que Chokri reconnaît mais met néanmoins une minute traîtresse à ne pas voir venir : agile, souple comme un félin, le jeune homme s’est détaché du mur, rapide à se jeter sur lui, le serrant entre son propre corps et le flanc de son cheval. Suavement, sauvagement, il l’embrasse, mangeant tout l’espace qui subsistait entre eux pour se coller à lui, buvant son souffle et toutes ses pensées modérées ; il a, c’est indéniable, le même talent qu’autrefois à lui faire perdre la raison…

Seul, il n’y serait certainement pas arrivé, mais Fahd l’aide à se détacher, relâchant la pression de ses lèvres, de ses mains sur son torse, pour doucement, avec la grimace réjouie du chat qui a repéré une souris grasse, lui désigner le roumi devant eux qui les dévisage avec des yeux grands comme des astres.

« Le fils de chien nous a vu… » murmure-t-il d’une petite voix sucrée, « …tu vas peut-être me laisser le tuer, à présent ? »

pg-13, fic originale

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