Auteur :
camille_mikoBase : Originale
Titre : Red Spy Queen - Le Commencement
Chapitre : 17/18
Disclaimer : Tout est à moi,
Rating : NC-17
Résumé : C'est l'histoire de deux femmes et d'un homme. Au début, ils n'avaient aucune importance. À la fin, ils ont sauvé le monde et le monde n'en sait rien. Sauf vous. Vous, vous savez tout.
Bêta :
tidooo, Laurent
AO3 //
FF.net //
Roxane et Hadrien sortirent de la voiture. La première frotta ses mains gantées l'une contre l'autre ; depuis le début de sa grossesse, c'était l'une des choses qu'elle avait remarquée. Elle craignait plus facilement le froid et elle passait son temps à rechercher la chaleur que ce soit dans ses vêtements, dans son espace personnel, dans son appartement ou même simplement au quotidien. C'était devenu habituel. Ses proches s'étaient habitués à la voir se frotter les mains ainsi. Hadrien et elle avaient attendu qu'elle dépasse les trois mois avant de l'annoncer à leurs familles respectives. C'était plus prudent à leurs yeux. Ils ne voulaient ni donner de faux espoirs à leurs familles, avant que Roxane ne quitte le service actif, ni avoir leurs proches dans les jambes alors qu'ils profitaient de ces mois-ci. Roxane sentait son corps changer, devenir celui d'une autre personne. Il y avait peut-être du psychosomatique dans tout cela, mais pour autant, elle était convaincue que c’était bel et bien vrai. Elle avait la sensation que son ventre bougeait. Il n’était pas gros à proprement parler. Il ne se voyait pas quand elle était habillée, même si elle avait légèrement changé sa garde-robe pour être plus à l’aise. Mais… Elle avait la conviction qu'il avait évolué. Elle n'avait pas envie de partager cela avec sa mère intrusive, sa sœur gaga à l'idée d'un neveu ou d'une nièce et sa belle-mère qui serait certainement hystérique. Sans parler même de ses tantes, qui ne manqueraient pas de s'extasier sur la chose. Objectivement, elle aurait pu en parler à sa cousine, qui était aussi passée par là. Pourtant, il n'y avait qu'une seule personne avec qui elle avait envie de partager cela : son mari. Il était celui qu'elle voulait à côté d'elle le matin dans leur lit. Il rêvait paresseusement à côté d'elle, la main sur son ventre. Ils rêvaient tous les deux à leur futur, mais ils n'avaient pas envie de le partager, à dire vrai.
Pourtant, maintenant, il fallait bien qu'ils abordent le sujet auprès de leurs familles. Ils avaient décidé de commencer par Ophélie et Eleonor Gerbier. Elles étaient le gros morceau quelque part. Roxane craignait de devoir les avoir sur le dos au quotidien, chose qu'elle ne supporterait pas. Ce n'était pas gagné, mais ils pouvaient toujours espérer qu'ils trouvent les moyens de les garder éloignées. Le plus possible. Enfin, peut-être pas, mais simplement ne pas les voir tous les jours et ne pas les avoir au téléphone pluri-quotidiennement. Elle savait que le frère et le père d'Hadrien ne le feraient pas. Ils seraient heureux de savoir qu'elle était enceinte, mais ils ne la couveraient pas à l'excès. C'était deux hommes plutôt taciturnes pour tout dire. Ils arriveraient certainement à couvrir l'enfant avant même sa naissance de cadeaux en tous genres. C'était ainsi. Ils les couvraient de petites attentions depuis longtemps. L'air de rien. Elle avait une chance exceptionnelle, avec sa belle-famille. Bon, d'accord, peut-être qu'elle était un peu dure avec sa belle-mère. C'était le genre de femme qu'elle ne voudrait jamais devenir. Elle était à la maison et heureuse de l'être. Elle n'avait jamais aspiré à rien d'autre et… Cela dérangeait Roxane, qui ne comprenait pas comment passer ses journées à attendre son mari pouvait être supportable. Bien évidemment, cela lui arrivait de le faire lors de ses jours de repos. De temps en temps. Mais certainement pas tous les jours de sa vie de femme mariée. Oh, bien sûr, il y avait le club de bridge, celui de couture, celui de théâtre, sans oublier le club paroissial qui se réunissait tous les mardis et vendredis. Tout cela faisait que sa belle-mère sortait tous les jours, pendant deux à trois heures pour faire la dînette avec quelques charmantes rombières qu'elle ne supportait pas mais qu'elle devait absolument côtoyer en tant qu'épouse au foyer de notable local. Elles parlaient de tout et surtout de rien autour du thé -jamais de café, voyons- avant de toutes retourner à leurs dîners pour leur petit mari. Roxane ne comprenait même pas comment l'on pouvait s'épanouir dans ce genre de vie. Elle avait besoin d'être indépendante, de pouvoir prendre ses décisions, faire ses propres choix, agir à sa guise. Oui, à cause de son travail, elle ne rentrait pas tous les soirs. Il lui arrivait même de décider des dépenses sans en parler à Hadrien. Sa belle-mère ne le faisait jamais. Elle soupçonnait même qu'elle n'ait pas de carte bancaire pour utiliser leur compte joint. Elle ne l'avait jamais vu payer autrement qu'en espèces. Les rares fois où les sommes étaient coquettes, son beau-père était là et sortait immédiatement sa carte bleue. Il n'était pas macho ou un de ces hommes qui empêchait les femmes d'agir à leur guise en les enfermant dans un monde où les femmes étaient là pour les servir. Simplement, il n'était pas très… Bon, il était de son époque. Et voir sa femme rester à la maison, trouver le repas fait à son retour, tout cela ne le choquait pas. Roxane était fermement convaincue que si sa belle-mère avait décidé de ne pas cuisiner un soir, cela ne l'aurait pas traumatisé et qu'il serait allé commander au camion pizzeria du coin. Certes, il se serait inquiété de voir sa femme agir différemment de ses habitudes, mais si elle lui avait dit que c'était par flemme, manque de temps ou que savait-elle encore, il n'en aurait pas été choqué. L'exemple typique était leurs deux fils. Tous les deux avaient des compagnes qui n'étaient pas là pour eux constamment. La femme de son beau-frère était chirurgienne et il arrivait qu'elle soit appelée à des heures parfaitement indues pour procéder à une opération urgente. Ou tout simplement, elle avait des gardes qui s'éternisaient. Le plus marrant était que leurs deux fils étaient de bons cuisiniers. Ils étaient loin de rivaliser avec leur mère, qui était réellement excellente à cela, mais ils savaient faire des repas fantastiques au quotidien, aussi bien avec des trois fois rien qu'avec de nombreux ingrédients.
Roxane était souvent rentrée à la maison après une journée où sa garde avait été folle ou simplement une mission compliquée, et il y régnait une odeur délicieuse, du type de celles qui mettaient l'eau à la bouche. Une fois, elle avait trouvé une portion de gratin dauphinois fait dans les règles de l'art sur la table. Une autre fois, cela avait été un bœuf bourguignon. Hadrien était une source de surprises exceptionnelles et cela la rendait définitivement heureuse. Qu'aurait-elle pu demander de plus ? Réellement ? Elle avait un mari attentif, qui l'aimait, qui acceptait son travail et ses collègues et qui en plus la couvrait de petites choses spécialement faites pour elle et son bien-être. Depuis qu'elle était enceinte et qu'il le savait, il lui massait les pieds tous les soirs. Il lui avait dit que c'était ce que son père faisait pour sa mère lors de ses deux grossesses car elle avait les pieds qui gonflaient et cela la faisait horriblement souffrir à l'époque. Roxane en était ravie car cela lui permettait de se réchauffer un peu les pieds qu'elle avait gelés comme le reste de son corps. Pourtant, ce n'était pas faute d'essayer de mettre des chaussettes épaisses ! Elle portait actuellement des chaussettes de ski, pour la neige ! Elle avait fini par apprendre qu'Hadrien s'était tourné vers son père pour savoir comment sa mère était lors de ses grossesses, sous couvert qu'ils envisageaient d'avoir des enfants. Roxane trouvait l'attention absolument adorable. Il avait aussi acheté des ouvrages tels que "comment faire en sorte que la grossesse de votre femme soit fantastique pour elle" ou "Bébé arrive bientôt, comment accompagner votre femme". Si elle avait eu le moindre doute, il était en effet l'un de ces pères qui seraient présents, bien loin de l'attitude de leurs pères et grands-pères qui déléguaient tout cela aux femmes. Il avait fait disparaître de leur alimentation tout ce qui pourrait l'indisposer. Elle avait par contre vu revenir avec plaisir son résultat positif de toxoplasmose. Elle n'aurait pas envisagé de se priver durant encore de nombreux mois de salade et de tomates. Elle grignotait souvent au bureau, quand ils étaient de service de nuit. Ils essayaient dans la mesure du possible d'éviter cela, mais c'était ainsi, et rien ni personne ne pouvait complètement éviter les fringales nocturnes. Après tout, il ne restait plus qu'une seule solution : faire passer le temps. Depuis qu'elle était officiellement enceinte, elle avait été rayée des planifications des gardes de nuit. On estimait que ce n'était pas adéquat. Isabelle avait hurlé en apprenant cela. Elle avait trouvé la nouvelle dégueulasse, surtout qu'elle devait continuer à s'y coller à son plus grand désespoir. Les gardes étaient généralement l'occasion de faire du tri et du rangement, car il n'y avait guère autres choses à faire, hormis attendre. Il y avait aussi la hantise de bien des soldats : faire des papiers administratifs. Pour les agents, il y avait le fantastique formulaire 4928-b. C'était la paperasse qu'ils devaient remplir chaque fois qu'ils tiraient des coups de feu. Ils se devaient de les justifier. Une rumeur voulait que quelques années auparavant, ils n’avaient pas à justifier la salve dans sa globalité, mais tir par tir. Autant dire que c'était une véritable incitation au suicide que de remplir quarante ou cinquante fois le même formulaire et de n'y changer que le numéro du coup de feu. Parce que oui, et c'est là où l'histoire était fantastique, c'était qu'il fallait remplir tous les formulaires à la main et qu'ils n'était pas autorisés à les photocopier. Que du bonheur, comme diraient les jeunes. Donc, durant les nuits de permanences, généralement, c'était le boulot chiant qu'ils faisaient. C'était le truc que personne ne voulait faire, mais là, ils n'avaient guère le choix, donc ils agissaient ainsi. C'était presque devenu une expression dans le milieu. "Je suis de 4928-b, ce soir". Isabelle trouvait que Roxane soit libérée de cette corvée immense qu'étaient les nuits de garde, absolument scandaleux et elle râlait auprès de qui voulait l'entendre à ce propos. Jok' était une victime toute désignée du fait qu'il se trouvait avec elle durant ces fameuses et problématiques gardes.
Pour se faire pardonner, elle rapportait souvent des biscuits pour les aider à tenir durant la nuit, avec du café. Elle avait appris à en faire au tout début de leur partenariat. Elle n'y tenait pas réellement, mais elle avait appris à en boire pour se tenir éveillée. Seulement, depuis qu'elle était enceinte -et que cela lui était donc fortement déconseillé- elle se retrouvait à en avoir envie. Bien évidemment cela ne pouvait pas avoir lieu après sa grossesse quand elle aurait le droit de humer et de boire une tasse de café. Non, certainement pas. Cela aurait été bien trop simple et bien moins drôle très clairement. Pourtant, c'était ainsi et elle devrait se faire à cette idée. Ou plus précisément, trouver une manière discrète et subtile pour assouvir sa soudaine et subite envie. Cela passait donc par alimenter ses collègues en caféine, mais aussi en achetant du décaféiné. Il n'y avait pas la principale substance qui lui était déconseillé et cela avait plus ou moins le même goût. La dernière solution consistait -et c'était sa préférée- à mastiquer de la gomme à mâcher au café toute la sainte journée. Elle faisait venir cela d'Italie, car elle n'en avait trouvé nulle part ailleurs. Elle s'autorisait cette petite folie. En fait, chaque fois qu'elle voyait l'état de leur compte en banque, elle se disait qu'elle avait parfaitement raison de se l'autoriser. Sans vivre chichement, ils ne dépensaient pas forcément beaucoup. Roxane était bien souvent crevée quand elle était en week-end et Hadrien n'avait pas particulièrement envie de courir les magasins de son côté. Cela faisait qu'il passait du temps chez eux, allaient se balader le long de la Seine, se payaient de temps en temps un bon restaurant. Ils allaient une ou deux fois par an à l'opéra -ce qui était source d'un immense stress pour Roxane car très invariablement, une énorme mission leur tombait dessus à cette période de l'année- et partaient de temps en temps en voyage. La seule chose était qu’entre le salaire de cadre au sein d'une banque d'Hadrien et le salaire de Lieutenant de Roxane, avec ses primes de risque durant ses missions, ils étaient loin de tout dépenser. Depuis qu'elle était enceinte, elle pensait à ce qu'ils pourraient faire de leur argent. Enfin, d'une manière de se servir de cet argent. Elle avait regardé un peu les annonces, les offres de crédit et elle se disait de plus en plus qu'ils pourraient acheter une petite maison en banlieue. Ce serait réellement sympa et ce serait bien mieux pour les enfants. Ils pourraient respirer un air un peu plus pur, et surtout s'ils avaient un petit jardin autour, ce serait l'occasion pour eux de jouer dehors sans surveillance. La base était en extérieur de Paris, ce qui ne poserait pas de problème et Hadrien avait évoqué la possibilité d'être muté en banlieue, pour arriver à obtenir la direction d'une banque. Cela pourrait bien marcher pour tout le monde. Simplement, elle ne lui en avait pas encore parlé et ce n'était certainement pas ce soir, avec sa mère sur le dos qu'elle le ferait. Elle préfèrerait attendre qu'elle ait eu le temps de plus se renseigner et qu'ils soient simplement ensemble tous les deux.
Elle commençait à se projeter de plus en plus loin dans l'avenir avec son mari. Elle avait toujours su qu'il y aurait un futur, mais ils n'avaient pas souvent fait des projets précis ou aussi complexes. Cela était un peu nouveau et pour être honnête, Roxane trouvait cela bien agréable. Attrapant la main de son époux, elle sonna à la porte de chez sa mère, un sourire sur les lèvres.
Quelques secondes plus tard, Eleonor Gerbier ouvrait la porte et ils s'engouffraient dans la chaleur agréable de l'appartement. Elle leur fit la bise pendant qu'Ophélie leur criait un bonjour depuis la cuisine où elle finissait de préparer le repas. Roxane se dirigea vers celle-ci pour lui faire la bise et aller fureter dans les plats. Se récoltant au passage un coup de spatule sur les doigts, elle découvrit ainsi du gibier en sauce. Un plat que sa sœur faisait merveilleusement bien. Il était accompagné de pommes boulangères pour son plus grand plaisir. S'il y avait une chose qui lui était devenue incompréhensible depuis le temps qu'elle était partie de la maison, c'était pourquoi -et surtout comment- sa sœur faisait pour rester avec leur mère. Ophélie soutenait qu'elle était devenue bien moins casse pied depuis son départ de la maison, mais c'était ainsi, elle n'arrivait pas à s'imaginer sa mère soudainement agréable et charmante, ne cherchant pas à tout savoir et surtout ne s'infiltrant pas systématiquement dans les affaires de ses filles.
- Tu n'aurais pas pris du poids, toi ? Demanda Ophélie à sa sœur.
- Dis tout de suite que je suis grosse, va ! Protesta celle-ci. J'ai simplement changé d'entraînement. Mes muscles se développent différemment.
- Si tu le dis… Tu permets d’être dubitative ? Moi, j'ai plutôt l'impression que l'entraînement ne suffit plus à te faire éliminer ce que te mijote Hadrien. Et comme ils doivent être bien plus sympas avec toi qu'avec un vrai militaire, tu t'empâtes, maintenant. Tu verras, dans quatre ans, tu auras pris vingt kilos et on ne pourra plus rien faire pour toi. Tu te lamenteras. "Et si j'avais écouté mon adorable petite sœur quand elle m'avait dit à juste titre que je grossissais…"
Sa sœur et sa mère ne savaient pas quelle était sa place réelle au sein de l'armée. Elles pensaient qu’elle était une simple administratif. Elle n'avait aucune envie de gérer la question et cela n'était aucunement nécessaire. Après tout pourquoi mettre au courant les deux personnes les plus casse-pieds et angoissées de sa vie, si elle désirait continuer à la vivre ainsi, comme elle l'avait voulu, depuis toujours ? Hadrien avait confirmé sa décision de ne pas les mettre au courant. Il avait aussi reconnu que c'était bien mieux ainsi. Lui-même n'était pas certain de supporter les encouragements de sa belle-mère disant à sa femme de stopper ce métier, de faire réellement quelque chose de sa vie ou quoi que soit ce qu'Eleonor Gerbier puisse envisager de lui dire. Car elle lui dirait forcément quelque chose. Elle avait même trouvé quelque chose à redire lors de leur mariage ! Le champagne n'était pas assez frappé selon elle. Heureusement que Roxane ne l'avait pas entendu, sinon, elle aurait certainement perdu patience et aurait frappé le champagne elle-même directement sur le crâne de sa mère et de sa belle-mère, histoire de faire régner un certain équilibre au sein des deux femmes qui l'avaient rendue plus chèvre que le traiteur lui-même. La chose n'avait pas été particulièrement aisée, vu que le traiteur avait été maudit sur quinze générations durant plusieurs jours avant qu'il ne soit presque étranglé avec le lacet du bustier de la mariée ou encore noyé directement dans la soupe au champagne. Il avait été désagréable toute la soirée, dès l'instant où on lui demandait quoi que ce soit, cela revenait à entrer dans une guerre ouverte avec lui. Si seulement, elle avait eu le droit de lui tirer dessus… Mais non, une loi lui interdisait et cela avait largement rassuré Hadrien, qui se voyait mal expliquer que sa femme avait ni plus ni moins craqué et assassiné leur traiteur pour cause de caractère insupportable et odieux. Encore que cela aurait fait un merveilleux fait divers. Néanmoins, il n'était pas convaincu que cela eut été au goût de tous. En somme autant garder sa femme en liberté et sans meurtre sur sa conscience. Enfin, sans meurtre de traiteur. Il ne savait pas réellement ce qu'il en était lors de son travail, mais il se doutait qu'il lui était arrivé de tirer sur des gens et de -parfois- les tuer. Souriant à sa belle-mère, il écrasa soigneusement ses pensées. Elles n'étaient pas de celles qu'il souhaitait explorer. Il débouchait la bouteille qu'Eleonor lui donna, quand Roxane et Ophélie entrèrent dans la pièce, se chamaillant. Visiblement la seconde soutenait que la première avait pris du poids, quand la première répondait que c'était du muscle, ce que la seconde réfutait. Levant les yeux au ciel, leur mère le proposa de boire l'apéritif. Hadrien déclina le verre de porto, comme il devait conduire et qu'il désirait boire un verre de vin pour accompagner le repas. Roxane se servit du Coca, comme elle le faisait presque systématiquement, alors qu'Ophélie et Eleonor se servaient l'une un verre de vin autrichien et l'autre un verre du fameux porto.
La discussion allait bon train au milieu de tout cela. Ophélie expliquait comment son travail la rendait folle. Elle travaillait pour une société de prestataire qui traduisait des documents ou des conférences en temps réel. Malheureusement, les gens avaient tendance à la confondre avec la bonne à tout faire, ce qu'elle ne supportait absolument pas. Pas plus tard que la semaine d'avant, un grand ponte d'une société de cosmétique lui avait demandé d'aller lui chercher à l'autre bout de Paris un sandwich saumon-aneth-beurre de bourrache de chez telle boulangerie haut de gamme. Elle avait dû lui expliquer avec un certain manque de calme qu'elle était ici pour traduire la conférence qui était donnée auprès de tous les directeurs européens de la structure et non pas pour lui servir de bonne. La hiérarchie d'Ophélie n'avait pas été pas parfaitement ravie de sa manière d'expliquer les choses, mais pour autant, ils ne la désavouaient pas. Ils avaient parfaitement conscience que bien des patrons -et des patronnes, car cela n'était pas l'apanage unique de la gente masculine- se moquaient éperdument de la véritable qualification des personnes autour dès l'instant où elles leurs étaient inférieures et plus encore quand ils les payaient en supplément. A partir de ce moment-là, on aurait pu croire qu'elles leur appartenaient et qu'ils pouvaient leur exaucer leurs quatre volontés. Il fallait reconnaître que c’était le cas d'un certain nombre de traductrices qui n'osait pas se rebeller et envoyer balader leurs patrons temporaires. Le métier était très féminin et cela semblait justifier tous les abus, les illogismes et les irrespects. Les rares hommes présents au sein des corporations de traducteur ne faisaient pas face à de tels problèmes. Enfin pas aussi souvent. Il n'était pas rare qu'Ophélie rentre du travail dans une rage folle après avoir vu et entendu certains hauts responsables se comporter comme des salopards envers toutes les petites mains qui faisaient en sorte que leurs projets, leurs réunions ou que savait-elle encore soient réussis et ne virent pas immédiatement au fiasco. Hadrien avait l'habitude d'entendre cela. Il lui arrivait de prendre un verre après le travail avec sa belle-sœur quand celle-ci travaillait dans le même quartier que lui et bien souvent, ils parlaient travail. S'il y avait une chose qui prouvait bien que les deux sœurs ne pouvaient pas se renier, c’était leur côté "bourreau de travail". Elles étaient autant l'une que l'autre accroc et accrochée à leur boulot, toujours prête à râler après ceux qui ne le faisaient pas comme il faut par flemme ou incompétence. Autant dire que la jeune sœur de sa femme le faisait sourire, vu combien il voyait son épouse à travers elle. Pour autant, les râleries étaient généralement bien moindre quand Eleonor était là. Leur mère ne tolérait que très peu ce genre de choses, répondant parfois d'une manière extrêmement agressive à l'égard de son aînée sur ce sujet. Au tout début de leur relation, Roxane avait haussé les épaules, quand il lui en avait fait la remarque. Isabelle lui avait dit une fois où elle était là et où il l’avait évoqué, que c'était la façon de Rox de garder cela à distance, qu'elle supportait parfaitement sa mère à toute petite dose et avec plusieurs centaines de kilomètres en elles. Il n'était pas certain de comprendre la logique qu'il pouvait y avoir derrière tout cela. Pour être honnête, il savait que sa famille à lui était spéciale -et que Roxane était horrifiée par le fait que sa mère s'épanouisse à être une femme au foyer, si elle ne lui avait jamais dit son air de biche prise entre les feux d'une voiture chaque fois que sa mère évoquait la possibilité que Roxane soit aussi une femme au foyer parlait très clairement pour elle- pour autant il n'avait pas l'impression que ce soit systématiquement la guerre entre son père et ses fils. Certes, son père n'était pas très causant ou expansif, mais pour autant, il était toujours prêt à soutenir ses fils dans leurs démarches, les écouter en parler ou même être simplement à leurs côtés. Avec Eleonor, il avait l'impression qu'elle cherchait à dominer son petit monde et refusait toute possibilité que ses filles soient différentes de modèles qu'elle avait "commandés" avec l'éducation qu'elle leur avait imposée. Il devait reconnaître que Roxane avait su s'en éloigner à son plus grand soulagement. Il espérait simplement que cela ne resurgirait pas dans l'éducation de leur enfant.
Ce fut autour du dessert, que Roxane commença à montrer des signes de nervosité. Il était assez évident qu'elle voulait aborder la question maintenant. Il était suffisamment tard pour qu'ils aient une raison valable de ne pas rester pendant encore des heures et des heures. S'il avait un doute, il aurait rapidement compris que sa femme était un des stratèges dans l'armée. Elle avait régulièrement ce genre de technique "je dois annoncer quelque chose, mais je n'ai aucunement envie que l'on me casse les pieds pendant des heures, donc je dois trouver un moyen valable pour me débarrasser de cela". C'était une sorte d'immense spécialité chez sa femme en particulier quand sa mère entrait en ligne de compte.
- Eleonor, Ophélie, avec Roxane, nous voulions vous parler de quelque chose à toutes les deux.
Il était certain d'avoir leur attention à toutes les deux à cet instant. Ce n'était pas très compliqué à deviner, mais pour autant, il savait parfaitement que c'était la condition sine qua non pour obtenir quoi que ce soit.
- Il se trouve que Roxane est enceinte.
Ophélie sauta immédiatement dans les bras de sa sœur avec un cri relativement perçant, tout en s'exclamant "je savais que tu avais grossi !!!", alors qu'Eleonor semblait vexée d'avoir été coiffée au poteau pour le mouvement vers sa fille. Immédiatement les questions leur tombèrent dessus. Depuis combien de temps étaient-ils au courant ? Savaient-ils si c'était un garçon ou une fille ? Avaient-ils choisi des prénoms ? Quand devait-elle accoucher ? Avaient-ils commencé à acheter des vêtements ou des jouets ? Et la chambre ?
Roxane répondit patiemment à tout cela. Eleonor ne manqua pas de faire quelques remarques à sa fille sur le fait qu'elle avait mangé de la salade et des crudités durant le repas, ce à quoi Rox expliqua qu'elle avait fait les tests de toxoplasmose et qu'elle était immunisée, ce qui lui permettait de continuer à manger normalement. Sa mère eut une moue à cette réponse. Typique, pensa Hadrien. Il se demanda dans quelle mesure il n'aurait pas intérêt à attraper l'occasion au vol pour expliquer que Roxane était fatiguée par sa grossesse et qu'il serait plus prudent qu'ils rentrent pour qu'elle puisse se reposer. L'intérêt était notable, mais il n'était pas certain que sa femme le prenne forcément très bien. Elle n'aimait pas qu'on la résume à sa grossesse -ce qu'il comprenait très bien- et prenait généralement assez mal qu'on justifie leurs actes par rapport à celle-ci. En privé, elle acceptait qu’Hadrien la chouchoute et l'aide. Elle se contentait de sourire, amusée, quand cela arrivait en présence de Jok' et d’Isabelle. Elle n'avait rien contre le fait qu'il ait eu la lubie d'adapter leurs repas en fonction des besoins d'une femme enceinte. Elle aurait même juré qu'il suivait les conseils d'un livre sur la question. Hadrien ne l'aurait jamais admis, mais en réalité, il était allé voir son propre médecin généraliste pour lui poser des questions et obtenir les références d'un bon livre sur la question. Celui-ci lui avait fourni l’adresse du site du Programme National de Nutrition-Santé. C’était selon lui le site le plus à même de répondre à toutes ses questions. Pour autant, quand ils avaient un public, elle n'aimait pas que cela se voie. Roxane avait toujours joué sur sa prétendue faiblesse féminine. Sur la base, elle devait certainement se trouver quelques jeunes recrues naïves et inexpérimentées pour lui porter ses cartons dès qu'elle devait en déplacer un ou deux trop lourds à son goût. Il devait en être de même pour amadouer de potentiels adversaires lors des entraînements de combats rapprochés. Pour autant… En fait, elle n'était rien de tout cela. Elle était parfaitement apte à porter des cartons lourds (ou à trouver un diable pour les transporter sans se faire mal) ou à se défendre face à un homme. Elle choisissait simplement quand et face à qui elle décidait de se faire passer pour une faible femme ou qu'elle montrait l'amazone en elle. Hadrien devait reconnaître que si ses jours étaient plus soucieux depuis qu'il savait quel était le réel métier de sa femme, ses nuits n'en étaient que plus sympathiques. Visiblement, le fait qu'il soit au courant avait libéré quelque chose en elle, et elle montrait avec un certain plaisir l'amazone qui sommeillait en elle, lorsqu'ils faisaient l'amour. Elle n'avait pas radicalement changé après qu'il l'ait appris, mais cela avait été l'évolution la plus intense, la plus notable et la plus agréable. Ce fut Roxane qui finit par jouer la carte de la fatigue, le souper à peine fini. Il la regarda étonné durant une fraction de seconde de la voir agir ainsi, mais il ne commenta pas.
Alors qu'ils sortaient dans le froid nocturne, Hadrien enlaça sa femme sur les quelques mètres qui les séparaient de leur voiture.
- Alors ? Qu'en dis-tu ?
- Disons que cette corvée est finie et c'est avec un certain plaisir que je la vois filer bien loin derrière nous. Par contre, cela signifie toujours que nous déjeunons chez tes parents demain matin et qu'il va falloir faire de même. Mais il faut reconnaître que normalement, l'exercice sera moins stressant.
Il rit durant un instant contre elle. Il l'adorait. Elle était terrible comme personne.
- Bon, est-ce que tu as une idée de ce qu'il faudrait faire pour t'aider à te détendre un peu d'ici demain midi ? Demanda-t-il, moqueur.
- Mmm… Je ne sais pas. Qu'est-ce que tu proposerais comme idée ? La questionna Roxane.
- Je ne sais pas, moi aussi. Peut-être je pourrais commencer par te masser les pieds, parce que j'ai bien vu que tu avais mal aux pieds et qu'ils avaient gonflés, vu comment tu bougeais avec tes pieds sous la table. Après… Je vais finir de te déshabiller petit à petit, en te caressant tout le corps. Une fois que tout cela sera fait, je te ferai l'amour comme jamais. Et demain matin, tu auras le plaisir d'un petit déjeuner au lit, pendant que ton corps profitera encore du bien-être de tes heures de sommeil et des ondes de ton orgasme de la veille, que j'aurais eu le plaisir de réitérer avant d'aller faire ton petit-déjeuner.
- Mmm…
Elle eut un léger gémissement simplement à l'idée de ce merveilleux programme.
- Ceci est des plus délicieux, murmura-t-elle à l'oreille de son mari, alors qu'il lui ouvrait la portière de la voiture.
Hadrien éclata de rire. Elle connaissait parfaitement son mari et inversement, celui-ci la devinait sans aucun problème. Autant dire que la nuit promettait d'être tout à fait délicieuse.
A suivre...
La fin approche de plus en plus.
Il y aura normalement, deux scènes "off" (et bien kinky) qui seront publiés avant que la deuxième partie puisse être publiée.
Pour commencer au début :
AO3 //
FP.com //
LJ