innocent murderer

Apr 19, 2009 13:30

Titre: Innocent Murderer
Fandom : DBSG
Pairing: JaeMin
Rating: G
Genre: slash, polar, deathfic, romance
Résumé: Avez vous déjà été pris dans les filets de l’innocence ?
Un piège où l’ivresse se danse
Où l’amour s’avance…
… si près qu’elle finit par vous délivrer... la démence.



Avez vous déjà été pris dans les filets de l’innocence ?
Un piège où l’ivresse se danse
Où l’amour s’avance…
… si près qu’elle finit par vous délivrer... la démence.

Du satin. De la soie. Du velours. De ces tissus raffinés qui ne se touchaient que du regard, ne se caressaient qu’avec les yeux. L’homme osa à peine les frôler de ses pupilles de peur de les froisser et de gâcher leur si précieuse beauté. Il s’avança doucement dans la pièce baignée d’une lumière matinale. Les rideaux blancs, presque transparents laissaient filtrer un soleil éblouissant qui venait doucement caresser la joue gauche de son hôte et se refléter dans le liquide déjà or de son verre.

Le jeune homme ne semblait pas s’être aperçu de la présence presque profane de l’inconnu. Il laissait ses yeux courir sur la rue au dehors, les dalles salies à cause des pluies passées et pourtant claires sous l’astre solaire. L’homme hésita. Devait-il interrompre cette contemplation silencieuse ? Devait-il le sortir de ses pensées si bavardes ?

« Que voyez vous ? » Demanda soudain le jeune homme, le sortant de ses interrogations.
« Je vous demande pardon ? »
« Vous qui voyiez la vérité derrière les plus grands mystères de cette ville, vous qui voyiez le mensonge avant qu’il ne soit prononcé, voyiez vous au dessus des hautes sphères de la richesse ? »

Il ne détourna pas le regard de ce paysage ne serait-ce que durant une seule et unique seconde. Le temps s’enfuyait et avec lui la douce splendeur du soleil et des ombres qu’il projetait là bas, au dehors. L’obscurité allait l’emporter une fois les heures écoulées et cette vue qu’il admirait tant pour son agitation emplie de quiétude se verrait remplacée par la lourdeur des orages ou l’angoisse de la nuit. Comment lâcher des yeux une beauté si éphémère ?

« Vous êtes ici pour entendre une histoire n’est-ce pas ? »
« La vérité. » Corrigea l’homme.
« Bien entendu. Mais je n’étais pas présent lorsque le… drame s’est produit. »

Le jeune homme trempa ses doigts dans son verre puis les porta entre ses lèvres entrouvertes pour goûter le nectar sucré et alcoolisé. Il laissa son arôme se propager sur son palais pour disparaître, évaporé dans sa bouche. L’homme le regarda faire, les sourcils froncés. Ce genre d’attitude était si spontanée chez ce jeune homme qu’il se demanda pourquoi lui-même ne profitait pas de toutes ses boissons ainsi.

« Nous avons… »
« Vous avez mis tant de temps à le faire parler ? » Coupa le buveur. Son verre remuait légèrement dans sa main pour y faire tourner le liquide qu’il contenait. « Si vous êtes ici, je subodore que cela a un rapport avec lui. » Son ton était parfaitement calme et sa voix mélodieuse.
« C’est exact. Il a sombré dans une profonde démence et jusqu’à ce matin même il ne pouvait que hurler votre prénom et celui de… »
« Qu’a t-il dit ? » Interrompit t-il à nouveau.
« Il m’a apporté certaines informations dont je ne sais si elles sont fiables. J’aurais besoin de votre version des faits. »

S’il n’avait pas été si hypnotisé par l’extérieur, il aurait peut-être pu laisser un faible sourire naître sur son visage. Mais l’homme remarqua cet air songeur qui ne le quittait pas, quel que soit le sujet qu’il ose avancer, poétique comme ce paysage ou sérieux comme sa visite, rien ne changeait. Tout n’était que pour ce soleil éblouissant, là au dehors, roi éternel d’une journée de courte durée. Son corps se détendait contre la fenêtre sans que l’alcool ne coule dans ses veines. Ses vêtements tombaient sur son corps, fine soie sur sa peau hâlée. L’innocence de l’astre l’entourait comme elle l’émerveillait.

« Je ne suis point en mesure de vous faire un récit exact des évènements. » Répondit-il soudainement. « Ce drame s’est produit il y a bientôt un an et sachez que ma mémoire me fait défaut. »
« Racontez moi, je comblerai les manques de mes maigres connaissances. » Sa voix se fit plus puissante, un écho grave dans la chambre, tandis que le jeune homme s’apprêtait à lui répondre. Il prit cela pour une marque d’irrespect, sacrilège étant donné le rang de cet hôte mais il se jura de s’en excuser dès que le moment serait venu. « Je sais que chaque scène que vous allez me raconter s’est déroulée en commun avec les siennes, mais son récit fut incohérent et les paroles d’un fou n’ont que peu de valeur. Il me faut votre confirmation. »

Ses doigts effleurèrent une nouvelle fois le liquide d’or et demeurèrent immobiles, à la frontière entre deux mondes bien distincts bien que mêlés à jamais. Deux éléments qui se combattaient chaque jour sans relâche pour ne laisser aucune trace de cette lutte acharnée. Ni l’eau ni l’air ne pourraient jamais parvenir à mettre l’autre à mort. Le décès de l’un entraînerait la déshumanisation de cette terre pleine de vie.

« Commencez je vous prie. » Murmura t-il, les sourcils haussés, ses doigts posés sur ses lèvres.
« Malgré tout le respect que je vous dois Monsieur, je pensais que… »
« J’aimerais avoir le récit de son point de vue. » L’homme se reprit, honteux de cet écart de conduite face à un jeune homme d’un tel rang.
« Il raconte que tout a commencé il y a un an… »
« Non. Racontez cela comme si vous étiez lui, oubliez les conventions, je veux l’entendre à travers vous. »

Londres…
30 octobre 1900…

Le salon ouvrait ses portes à tous les plus riches hommes de la société. Raffinement, luxe, cette sainte richesse y était la reine. Quiconque entrait se retrouvait face au défis de traverser le nuage si délicieux de la fumée des cigares présente ici à tout jamais comme gardienne de ces lieux sacrés. Parfois, lorsque le liquide coulait à n’en plus finir, l’odeur âcre de l’alcool venait se mêler à cet épais brouillard. Elle s’élevait doucement dans la pièce pour venir enchanter les narines avant de régaler les palais.

La nuit était tombée et la lumière désormais faite d’artifices se répandait contre les murs. Le tableau que peignait la décoration des lieux voguait entre le noir de jais et l’ocre. Des couleurs foncées bien qu’élégantes et parfaites pour l’endroit.
« La vie d’un homme n’est-elle pas faite de chance ? » Un rire s’éleva au milieu de la bonne humeur ambiante.
« Laissez donc la chance aux pauvres, Hero, vous n’en avez point besoin. »
« Qui vous dit cela ? Peut-être dois-je toute ma fortune à la chance, peut-être lui dois-je même mon existence. »
« Dans quelques années, les hommes crieront que celui qui est chanceux au jeu ne le sera jamais en amour. »
« J’oublie donc ma chance, Yunho. »

Un sourire partagé, une gorgée de brandy et la conversation n’était plus qu’une infime partie de cette fumée qui les entourait. Elle s’envolait pour ne laisser qu’un souvenir flou et lointain qui ne serait plus présent dès le lendemain matin.
« Veuillez excuser mon retard messieurs. » Ils se saluèrent comme tout homme riche de cette époque le faisait, d’un simple mais élégant signe de la tête.
« Xiah, nous nous demandions quand est-ce que vous alliez arriver. »
« J’avais quelque affaire à régler. » Un petit rire s’échappa de ses lèvres entrouvertes avant qu’il ne reprenne sa phrase, le tintamarre des conversations ne couvrant qu’à peine le son haut perché de sa voix. « Du à certaines circonstances, je suis venu accompagné de mon jeune frère, Max. » Ses lèvres remuèrent pour former des mots muets dont les trois autres convives ne mirent que peu de temps à entendre la sonorité. « N’ayez crainte, il est aussi riche que nous le sommes. »

Il était de notoriété publique que dans un monde tel que la capitale de l’Angleterre, particulièrement celle de la Belle Epoque, les riches n’étaient que de viles créatures vivant dans un monde si différent du simple peuple qu’ils pouvaient parfois passer pour des étrangers perdus dans leur propre communauté. Or, raffinement et plaisir. Telle était la mélodie répétée par tous ces hommes en costume confortablement installés dans leurs fauteuils de riches.

Des regards flamboyants aux prunelles curieuses se levèrent vers la silhouette fine derrière Xiah et les trois compères froncèrent les sourcils avec discrétion pour dévisager ce nouveau venu. Quiconque voyait Max pour la première fois ne pouvait qu’être aveuglé de cette sorte de halo de lumière qui semblait ne jamais pouvoir le quitter. Il était la délicatesse personnifiée, comme si cette chimère dont tous rêvaient se présentait devant eux sous les traits innocents du frère de Xiah. Micky voulut échanger un regard avec Hero pour partager son avis avec son aîné, mais il trouva celui-ci captivé, incapable de lâcher Max des yeux.

« Messieurs. » Les salua poliment le jeune homme s’asseyant sur un des sièges de velours. Xiah s’installa à son tour, se laissant aller dans le confort des lieux. Yunho fut le premier à sortir de son inspection muette et de son admiration déjà naissante. Si une question à propos de Max lui brûlait les lèvres, il n’en laissa rien paraître et lança la conversation sur un tout autre sujet.
« Savez vous quelle est la dernière passion de Ruth ? » Des haussements de sourcils et des sourires amusés l’invitèrent à continuer. « Ma chère femme s’intéresse à l’art. » Annonça t-il avec un hochement désapprobateur de la tête.
« Peut-être y trouve t-elle une certaine poésie. »Intervint la douce et timide voix de Max.
« La poésie est comme la chance, tout à fait inutile. » Lui répondit Micky sans le lâcher de son regard devenu suspicieux. « Mais vous Max, de quoi vivez vous ? »

Hero observa le jeune homme tandis que celui-ci serrait son verre de brandy entre ses doigts fins. Il avait rarement vu un sourire aussi innocent que le sien tel celui d’un enfant ignorant du monde cruel au dehors.
« Je vis de la richesse de ma famille. » Répondit Max. Le rire de Xiah s’éleva à ses côtés et les deux frères échangèrent un long regard. Yunho rit avec eux, partageant cette bonne humeur devenue presque maladive en ces lieux. Mais les symptômes ne semblèrent toucher ni Hero ni Micky. Le premier était trop captivé par ce nouveau venu si différent et pourtant pleinement ancré dans ce monde de riches. Quant à Micky, il lisait plus que de l’admiration dans le regard de Hero et cela lui fit peur, si bien qu’il se tourna vers Max pour lui lancer un regard dangereux dont il crut que le plus jeune ne le vit point.

***
L’inconnu dans la chambre sentit ses mains se crisper bien malgré lui sur son chapeau tandis que dans son esprit des scènes apparaissaient encore et encore, les unes après les autres pour construire de leur filin d’or une histoire qui lui fit peur. Il en connaissait à présent le début et en ce jour, la fin lui était aussi dévoilée. D’autres éléments flous venaient s’ajouter à ce capharnaüm de récits pour ne le troubler que davantage. Ainsi, des mots dont il se souvenait, des mots prononcés par un homme fou venaient obscurcir sa vision des choses d’habitude si claire et précise.

« Je vois que vos souvenirs sont toujours emplis d’une certaine précision. » Remarqua t-il doucement.
« Vous êtes le conteur de cet événement, IL l’est à travers vous. » Répondit le jeune homme. « Je ne fais qu’apporter à cette vérité quelques éléments que son jugement trop subjectif a dû rapidement effacer. »
« Jugement trop subjectif ? » Interrogea l’invité.

A cet instant, pour la première fois depuis son arrivée, l’homme croisa le regard de son hôte. Ses prunelles ambrées ne lui offrirent qu’une confirmation de ce qu’il avait pu voir jusqu’à présent. Son regard était songeur, mélancolique. Ses yeux appelaient quelque chose que plus jamais ils ne pourraient voir, se raccrochaient à un espoir ou un désespoir dont ils semblaient pourtant débarrassés depuis longtemps. Puis l’inconnu put voir un vague sourire se dessiner lentement sur ses lèvres, sa tête se penchant sur le côté jusqu’à toucher la vitre contre laquelle il était toujours appuyé.

« Aurait-il omis de vous parler d’un détail ? » Demanda le jeune homme.

Et l’autre fronça les sourcils, conscient qu’il pénétrait à présent dans une erre dont il ne connaissait pas le secret, celle du mystère de trois hommes, celle de la déchéance pour l’un d’eux. Il réalisait à présent que malgré son statut quelque peu particulier et son habituelle faculté à voir la vérité derrière le mensonge, il n’était à présent plus qu’une marionnette de cette vérité qu’il chérissait tant.

« Je vois. » Le buveur répéta son procédé, amenant ses doigts trempés dans l’ocre de l’alcool jusqu’à ses lèvres pour en savourer le goût si spécial. « Selon vous, qu’est ce qui peut mener un homme tel que lui à la démence ? » Questionna t-il, sincèrement intéressé par sa réponse.
L’homme n’hésita pas une seule seconde. « L’amour. »
« D’une femme ? »
« D’une femme. » Confirma l’inconnu. Le jeune homme retourna soudain à sa contemplation, son visage de nouveau impassible.
« Et comment savez vous cela ? »
« Il me l’a dit. Il m’a dit être tombé fou amoureux, il y a donc bien une femme derrière toute cette histoire. »
« Alors pourquoi cherchez vous à entendre la vérité de ma bouche ? Allez donc interroger cette infâme diablesse. »

L’homme fut étonné par le contraste créé entre les mots prononcés et la façon dont ils le furent. La voix du jeune homme était restée si douce, si posée. Comme des flèches lancées en sa direction qui ne feraient que l’effleurer doucement avant de tomber sur le sol à ses pieds.

« Son nom m’est inconnu. » Avoua t-il. « Je vous l’ai dit, il n’a fait que répéter le votre et celui de… » Il s’interrompit soudainement, incapable de prononcer un simple nom. Il fit le choix de le taire et continua. « C’est pour cela que je suis ici, lorsque je lui ai demandé si vous seriez capable de m’éclairer sur cette affaire, il n’a cessé d’affirmer mon hypothèse. Ainsi, il semblerait que vous en sachiez vous même bien plus que cette femme ayant capturé son cœur et son âme. »
« Vous m’avez vous même annoncé que chacun de ses récits coïncide avec un moment où je me trouvais à ses côtés, où était donc cette femme ? » Interrogea le jeune homme.
« Je viens de vous le dire, dans son cœur et mes conclusions me laissent penser qu’elle était présente pour le drame. »

« Il vous l’a dit ? »
« Non. J’ai cru le deviner. » L’homme se racla faiblement la gorge, presque honteux de produire un autre son que celui créé par les mots qu’il échangeait avec son hôte. « Mais je vous en prie, continuons donc ce récit afin de, peut-être, parvenir à comprendre ce qu’il s’est passé. » Proposa t-il et le jeune homme esquissa un léger froncement de sourcils avant de lui apporter une réponse.
« Très bien mais je pense pouvoir continuer le récit tout seul, vous n’aurez qu’à me dire si ma mémoire correspond aux évènements dont un fou peut se souvenir. »

Il y eut un court silence avant que le jeune homme ne reprenne. « Je ne pense pas que la soirée de notre rencontre soit d’une grande importance, tout ne fut que conversations sur la politique et les affaires. Allons un peu plus loin dans le temps. » Il murmura quelques mots supplémentaires, à la grande surprise de son invité qui n’en comprit qu’un certain nombre. « Vous allez peut-être comprendre à quel point vos conclusions vous ont dupé. »

20 décembre 1900…

Les douze coups de minuit vinrent transpercer le silence de la nuit de leur chant presque strident. La grande et majestueuse Big Ben vint rompre ce calme environnant, chassant les pauvres âmes de leur torpeur, réveillant les endormis dans les ruelles pour leur murmurer au creux de l’oreille de rentrer chez eux ou si cela leur était impossible, de se réfugier le plus loin possible du dangereux brouillard, prêt à les engloutir à chaque nouvelle seconde qui passait.

Ses pas résonnèrent tandis qu’il traversait la rue et l’épaisse couche de gris dont Londres semblait ne pouvoir se passer. Il laissa son regard vagabonder sur les multiples enseignes qui l’entouraient sans cependant prendre le temps de les lire. Le temps était bien trop insaisissable pour le perdre à de telles occupations inutiles. Il en détourna le regard et resserra son manteau à son cou et en ferma un bouton supplémentaire. Une infime vapeur s’échappa de ses lèvres lorsqu’il expira profondément avant d’accélérer le pas afin d’atteindre sa destination à l’heure voulue. Le retard était un luxe qu’il ne pouvait se permettre.

Ses pensées suivaient toutes le même cours telle l’eau calme de la Tamise, fleuve aussi mystérieux que les longues nuits de Londres. Il gardait à l’esprit ce pourquoi il traversait les rues dallées d’un pas si pressé, si vif. Les journées se succédaient depuis le début véritable de son histoire et jamais il n’oubliait cet objectif devenu aussi unique que vital. Voilà ce qui pouvait conduire un gentleman à traverser Londres par une telle nuit à la recherche d’un autre promeneur vagabond, perdu derrière la brume éternelle.

Depuis que son frère les avait présentés, il avait eu tout le loisir de l’observer à travers cette amitié naissante qui les lia de plus en plus chaque jour qui passait. Il l’observa des heures durant de loin comme de près, pendant leurs rencontres ou des moments volés. Il n’eut jamais le moindre remord face à ses actions parce qu’il en connaissait la cause et n’éprouvait point le besoin de culpabiliser. Il n’était coupable que de son innocence, tout le monde le répétait.

Et lorsque leurs pas se croisèrent en cette nuit, il feignit la surprise avec une remarquable agilité.

« Hero. » Murmura t-il, une main sur son cœur alors que celui-ci, enveloppé dans sa cape, écarquillait les yeux à sa vue.
« Max. » Lui répondit-il. « Que faites vous donc dehors à une heure si avancée de la nuit ? »
« Je vous retourne la question. » Il eut une courte hésitation, comme pour chercher les mots le moins offensants possibles. « Sortez vous pour vous encanailler avec une… » Il s’interrompit et honteux de sa question baissa la tête. A sa grande surprise, Hero se mit à rire de sa touchante innocence .Il s’apprêta à excuser sa présence dans les rues de Londres à une heure aussi tardive mais il n’en eut point le temps.
« Je vous dois la vérité. » Lui annonça Max soudainement.

Hero l’observa, toute envie de prendre la parole soudain envolée. Le visage de Max en partie dissimulé par la noirceur de la nuit n’avait jamais été si sérieux tout en gardant cette candeur si particulière. Il demeura immobile, attendant patiemment des mots qu’il savait par avance doux mais dont il ne parvenait à deviner l’essence.

« Je vous aime. » Avoua Max. L’autre le dévisagea, cherchant un signe ou ce démon qui s’était emparé de son âme afin de libérer de telles folies de sa bouche. Peut-être était-ce lui-même le possédé qui entendait là l’écho de ses rêves les plus secrets. Un touché aussi léger qu’une plume vint effleurer sa joue et à peine un battement de cils plus tard, des doigts vinrent doucement serrer les siens. Hero baissa les yeux pour voir sa main prisonnière de la douce fermeté de Max.
Ce dernier cessa tout mouvement pour le fixer et lire au plus profond de son âme telle une poupée de cire, incapable du moindre mouvement mais aux yeux pourtant si perçants. « Vous… m’aimez ? » Demanda t-il, sa voix similaire au murmure du vent. Tout cela n’avait rien d’un songe.

Le silence qui s’en suivit ne fut en rien effrayant aux yeux de Max. Bien au contraire. Seul l’ignorant pouvait avoir peur de cette entité chargée de sens qui venait lui apporter la promesse d’un oui plutôt que d’un non. Le silence était son ami parce qu’il n’était en rien le rejet auquel il s’attendait. Et enveloppé dans cette sensation, Max leva la main pour caresser de ses doigts la joue de Hero. Le touché de l’innocence était telle la plus douce des plumes tout en symbolisant le partage de sentiments plus forts que l’amitié.

Il laissa ses doigts se perdre dans l’ébène des cheveux de Hero et alors qu’il voulait aller goûter la saveur de ses lèvres rosées, un mouvement près d’eux lui fit redresser la tête. Le noir de la ruelle ne lui laissa rien percevoir si ce n’est le son de pas s’éloignant pour ensuite disparaître au loin, happés par le brouillard.

***

La chambre était luxueuse, les draps de soie, les meubles en ivoire. Blanc, pourpre. Les couleurs s’harmonisaient pour la première fois sous sa vue désormais changée à jamais. Sa propre chambre n’était plus la sienne, chaque meuble était devenu un fantôme de lui-même tout en étant cependant plus parfait que jamais. Ses yeux ne lui appartenaient plus à présent, prisonniers d’une chimère à laquelle il n’osait croire.

Sa main passait et repassait dans ses cheveux, caresse éternelle d’un amour qui ne pouvait faiblir une seule seconde. Les jours s’étaient succédés depuis cette nuit et l’aveu coupable d’un innocent murmuré au plus profond des rues de Londres. Deux mois étaient rapidement passés, si vite que les souvenirs des moments éteints se fondaient les uns aux autres. Un sourire s’étira malgré lui sur ses lèvres tandis que le corps, étalé de tout son long au dessus de lui, remuait doucement, se libérant des vapeurs troubles du sommeil.

Max laissa ses cils papillonner le temps de s’habituer à la lueur éclatante de l’aube. Ses sourcils se froncèrent brièvement et son corps se détendit quand une bouche se frotta contre sa tempe. S’étirant tel un chat, il ouvrit la petite boite posée sur la table de nuit, délivrant aussitôt la petite figurine d’une danseuse et une mélodie aussi enchanteresse qu’une berceuse.

« Tu aimes vraiment cette boite à musique. » S’amusa Hero. Ses lèvres avaient quitté le visage de son jeune amant. Max posa sa joue sur son torse, juste au niveau de son cœur.
« Elle me fait penser à toi… cette mélodie. » Chuchota t-il
« Pour quelle raison ? » Interrogea Hero dans un haussement de sourcils. Mais Max ne daigna point lui répondre. Il opta pour une solution bien plus agréable et passa ses mains sur les hanches de l’homme qui soupira d’aise sous ce doux traitement.
« Tu m’appartiens. » Susurra t-il tout contre l’oreille de Hero, ses lèvres humides près de sa peau d’albâtre.

Comment protester face à une phrase sortie d’une bouche si candide ?Là était le piège de l’innocence qui venait se refermer sur lui. Mais comment lutter quand l’amour s’en mêlait ? Si toute une vie ne reposait pas sur la chance, il voulait croire à la théorie de l’amour. L’âme d’un rêveur sommeillait au plus profond de lui, en combat constant contre cette part d’ombre qu’était celle d’un homme riche, d’un homme d’affaires. De ce qu’il était depuis sa naissance et serait tout le reste de sa vie.

Mais la vie était comme une partie de cartes, comme la bourse, un infime élément pouvait venir changer toute une existence pour ne la laisser que saccagée et vide de tout sens. Ou au contraire, réanimée de ce petit quelque chose dont elle avait toujours été privée pour telle ou telle raison. L’ivresse était une danse, l’amour en était une aussi mais d’une toute autre sorte. Parce qu’elle envoûtait autant le corps que l’esprit sans pour autant s’évaporer dans la bouche ou couler dans les veines.

Hero en était victime, il le savait et pourtant restait aveugle à toutes ces préventions et choisissait de se perdre dans ce brouillard là. Si l’innocence de Max n’était que feinte, son statut d’homme de haut rang n’avait plus la moindre importance. Il ne s’était point fait avoir par un fourbe mais par un simple sentiment dont il avait découvert qu’il était le sens de sa vie. Au diable la lucidité.

« Monsieur ? » Une voix, quelques coups tapés contre la porte. Les deux amants se figèrent.
« Qu’y a t-il ? » La porte ne s’ouvrit point, mais la voix hésitante se fit entendre une nouvelle fois.
« Monsieur Park souhaiterait s’entretenir avec vous. Il vous attend dans le hall. »
« Dites lui que j’arrive. » Il n’y eut soudain plus de voix, d’hésitation. La boite à musique continuait sa lente ascension vers la fin de la chanson pour n’être que l’unique source de bruit dans un monde de paroles. Puis des pas, lents. L’homme derrière la porte s’éloignait pour apporter la réponse du maître des lieux à son nouvel invité.

« Reste. » Max resserra sa prise autour de son ventre comme pour l'enchaîner de ses bras, de sa voix, de sa volonté. Il savait pertinemment qu’il avait ce genre de contrôle sur Hero, un ordre déguisé en supplication le faisait frémir d’amour et trembler de terreur. Quelques mots prononcés tout doucement pouvaient différencier le jugement d’un homme.
« Je n’en ai que pour quelques instants. » Lui promit-il. Il frôla ses lèvres des siennes pour un court moment et s’habilla à la hâte afin de rejoindre son invité, à présent confortablement installé dans le grand salon.

« Micky, que me vaut l’honneur de votre visite ? Votre client vous causerait-il quelque ennui ? » L’avocat eut un sourire amusé mais secoua élégamment la tête.
« Je pense que toutes les chances sont de notre côté. »
Le sourire de Hero se fit éblouissant. « Vous m’en voyez ravi. » Mais la curiosité n’était malheureusement plus de mise, il fallut aborder le sujet véritable de cette visite impromptue.
« Je souhaiterais vous parler de Max. »
« Le jeune frère de Xiah ? »
« Votre amant. » Une vérité pouvait blesser de bien des façons mais un secret révélé était de loin la pire des attaques.
« Je vous demande pardon ? »

Micky fit tourner son chapeau entre ses mains sans ne jamais détacher son regard de braise de la silhouette de son ami, tendu comme si à présent chacun de ses mots pouvait venir déchirer son âme. Hero demeurait immobile sur le seuil de la porte, sa main posée contre le précieux bois et chaque part invisible de son être tirait la sonnette d’alarme face à cette révélation dont les conséquences pourraient s’avérer désastreuses.

« Depuis combien de temps cette mascarade dure t-elle ? » Il se concentra sur la petite statuette de cristal posée sur le guéridon juste à ses côtés. « Combien de temps va t-elle encore durer ? » Micky dirigea son regard vers son hôte, ses yeux plus meurtriers et froids que des pics de glace. « Je vous ai vu lorsqu’il s’est déclaré à vous, j’ai vu vos regards quand vos corps se frôlaient… » Une brève pause, le temps d’une grimace sincèrement dégoûtée, lui permit d’entretenir son mystère. « Je me suis entretenu avec Xiah. » Annonça t-il finalement.
Le mur du silence érigé autour de Hero se brisa se transformant aussitôt en des émotions qu’il aurait préféré garder dissimulées. De la colère entrelacée à un sentiment de confusion. « Pourquoi avez vous fait cela ? »
« Max est un manipulateur de la pire espèce, son innocence n’est que mensonge. Il va faire de vous sa chose. » Ces mots venimeux furent libérateurs du corps de Hero qui se détendit tout à coup, sa tête désormais baissée vers le sol.
« C’est déjà le cas. » Avoua t-il dans un souffle.

Micky resta muet, frappé en plein cœur par cet aveu tant il ne s’attendait absolument pas à l’entendre. Malgré son statut haut placé d’avocat, habitué de cas particulièrement difficiles, peu bavards ou résolus à mourir, il se retrouvait là dans une impasse. Son ami était l’esclave d’un homme et avant tout d’une force dont il ne connaissait point les secrets ni même les remèdes. Son visage laissait entrevoir les traits d’un homme triste à l’idée de ce qu’il s’apprêtait à faire.

« Hero, mettez un terme à cette histoire tant qu’il en est encore temps. Cessez tout cela. Il va jouer avec vous, il va vous ruiner et vous détruire. » L’avocat se dirigea d’un pas déterminé vers son ami, posant ses mains sur ses épaules comme pour davantage le convaincre par ce simple geste. « Cessez cette mascarade. » Répéta t-il, refrain d’une chanson sans mélodie qu’il ne pourrait jamais se lasser d’interpréter.

***

« Je croyais que vous n’aviez point assisté au drame, comment pouvez vous m’en faire le récit ? » Intervint l’homme dans la chambre, coupant la parole du jeune homme qui n’aimait certainement pas être interrompu. Son souffle demeura bloqué au fond de sa gorge lorsqu’il réalisa l’erreur qu’il venait de commettre et il fit un pas en arrière, effrayé de sa propre audace, de son contrôle perdu et du regard de son hôte à nouveau posé sur sa personne. Flamboyant. Tel était le mot qui lui venait à l’esprit en se perdant dans les flammes de ses yeux. S’il n’avait pas encore compris son erreur, cela lui était à présent inévitable. Il n’aurait pas dû l’interrompre, il aurait dû se taire et écouter pour ne parler que lorsqu’il en aurait la muette autorisation. « Veuillez m’excuser. » Marmonna t-il. « Mais je dois avouer que cela m’intrigue. »
« Peut-être auriez vous pu comprendre si vous aviez été doté d’un peu plus de perspicacité. N’êtes vous pas censé déceler les menteurs même lorsqu’ils se cachent avec aisance ? » Son invité fronça les sourcils.
« Je… je ne comprends pas ce que vous voulez dire par là, je ne suis tout de même pas sans faille. »

Le buveur recommença son élégant rituel, portant ses doigts jusqu’à sa bouche et l’inconnu le regarda faire, hypnotisé par sa grâce et par ce liquide dans le verre de cristal dont il semblait qu’aucune goutte n’avait disparu depuis le début de leur entretien. C’était comme si tout ce qui était absorbé se renouvelait instantanément, comme une source sans fin.

« Eh bien c’est très simple. » Reprit le jeune homme, son ton toujours aussi calme, sa voix mélodieuse. « Vous avez été incapable de voir que je fais partie de ces menteurs tant redoutés. Ne savez vous point que l’innocence est le pire des masques ? » L’autre resta sans voix, ses mains crispées sur son chapeau, son regard devenu hagard, à la recherche d’un objet quelconque sur lequel se poser pour fuir à tout prix les yeux de l’enfer. « J’ai assisté au drame, je devrais même dire que j’y ai participé. »
« Pourquoi me dire la vérité alors que je croyais à vos mensonges sans aucune hésitation ? » Il frissonna.
« Parce que vous êtes impuissant face à moi. »
« Mais… »
« La vérité mérite d’être contée, voilà mon opinion. » Le coupa le maître des lieux en se tournant totalement vers le fenêtre pour ignorer royalement son invité et se plonger dans un récit qu’il avait voulu secrètement narrer depuis que la scène s’était déroulée pour la première fois, il y avait un an de cela.

La vision de l’homme fut troublée à cet instant bien qu’il n’eut consommé aucun alcool quel qu’il soit. Cependant, la façon qu’avait le jeune homme de se tenir, ajouté à ses mots et à ceux de ce fou toujours enfermé dans sa cellule, lui firent imaginer soudain un tout autre décor. C’était comme si un voile noir venait entraver la blancheur immaculée de la pièce. La lueur éclatante du soleil dessinait comme une douce aura pâle tout autour de sa silhouette tandis que les rideaux et les murs semblaient tout à coup teintés de noir.

Le récit ne changeait pas uniquement sa vision des temps passés mais aussi de ce présent dans lequel il se trouvait. Et il sut bien avant d’en avoir la moindre confirmation que la fin de cette triste histoire lui montrerait le vrai visage de l’innocence comme celui d’un jeune homme debout devant une fenêtre dans un décor devenu gothique, oscillant entre le noir et le blanc. L’inconnu n’eut point peur puisqu’il ne pouvait se permettre ce genre d’émotion, mais il repensa à cette homme emprisonné de démence et entouré de murs infranchissables qui hurlait deux prénoms comme s’ils étaient devenus le seul sens de tout une vie.

***

De l’innocence découlait sans faute la confiance. Cette faculté de croire à la perfection du monde comme à la gentillesse infaillible des hommes et à leur bon cœur en quelle que situation que ce soit. Son masque était ainsi mais certainement pas l’homme qui se cachait sous ce soi disant halo de perfection candide. Ainsi, la confiance faisait partie de ces croyances que l’âge adulte lui avait fait oublier pour la remplacer par la mortelle suspicion.

Max descendit les escaliers faits de ce précieux marbre, ses pieds nus silencieux, ses pas furtifs comme s’il fut sur un nuage. Il ne voulait pas mettre fin à une discussion sûrement quelque peu secrète par sa simple présence. Il ne savait point si ce qui se cachait sous le masque allait trop loin ou si son instinct n’était que trop bien aiguisé mais il soupçonnait son amant et son invité de s’entretenir à son propos.

Le dos de Hero l’empêchait de distinguer cette personne malheureusement et encore inconnue mais leur conversation, elle, ne put être retenue par aucune force aussi puissante soit elle. Les deux hommes ne se doutaient point de sa présence coupable et échangeaient des paroles comme s’ils étaient seuls au monde. Il saisit sans la moindre hésitation cette opportunité afin d’en savoir plus sur cette soudaine visite. Bien vite, il fronça les sourcils en reconnaissant la voix suave et agréable porteuse de mots dangereux de Micky.

Il n’eut pas besoin de le vérifier pour savoir qu’il ne se trompait point sur son identité. Sa voix ne mentait point, ses mots étaient bien plus révélateurs que sa simple apparence. Son avertissement dont il faisait de Hero la cible était totalement détestable et Max se vit confirmé toutes les raisons de haïr cet homme. Ce que d’autres humains auraient pu nommer paranoïa sans difficulté lui avait ici permis de percevoir Micky tapis dans l’ombre à les suivre, son regard froid, son expression dégoûtée face à leur relation secrète.

Max demeura dans les escaliers, immobile, tel un chat attendant le moment propice pour sauter sur sa proie et la faire enfin taire. Plus les minutes passaient, emportées par la main élégante du temps, et plus le remord de son écoute espionne devenait une chimère dont il ne voulait point. Ses yeux devenus aussi sombre que la nuit suivait chacun des pas effectués dans le salon comme si une étrange danse se déroulait sous ses yeux. Mais la chorégraphie n’avait rien de gracieux tandis que les deux amis se trouvaient pris dans une dispute qu’aucun d’eux ne parvenait à contrôler.

Un bruit sourd résonna soudain dans toute la demeure tel l’éclat du tonnerre au dessus d’un ciel bien trop calme, annonciateur de catastrophes et de changements brutaux. La dispute était devenue tempête et personne n’avait pu gérer ces nuages sombres s’amoncelant au dessus des deux hommes. Max descendit les escaliers pour rejoindre le salon, feignant toujours aussi parfaitement l’ignorance bien qu’il eut vu toute la scène. Micky avait voulu faire entendre raison à Hero et puisque les mots n’avaient pas d’impact, il avait choisi la force. Seulement là était une capacité qu’il ne connaissait pas suffisamment et son hôte et ami se retrouva étendu de tout son long sur le sol, un mince filet de sang sur son front après que sa tête eut heurté la table basse.

Micky leva vers Max un regard horrifié lorsque ce dernier pénétra dans le salon.
« Je ne… » Commença t-il la voix rauque, le ton incertain. « Il a trébuché, je n’ai point voulu… »
« Le tuer ? » Suggéra Max, s’approchant de l’avocat de plusieurs pas, sa démarche lente et féline. « Qui vous dit qu’il est mort ? » Il haussa les sourcils.
« Ce… ce n’est pas ce que je voulais dire. » Micky recula d’un pas et cela fit sourire le jeune homme. Quel doux parfum que celui de la peur, quelle douce saveur que celle de la victoire à venir.
« Auriez vous peur d’un être aussi naïf et innocent que moi Monsieur Park ? » Demanda t-il dans un ton doucereux. S’il ne savait pas où ses mots allaient le mener, Max avait parfaite conscience de ce qui lui restait à faire. Il voyait là la seule solution pour être enfin débarrassé de cette âme monstrueuse de dégoût et pour vive en paix à jamais. Cette idée, qui ne lui traversa pas juste l’esprit mais l’envahit davantage à chaque seconde qui s’écoulait ne lui fit point peur. Il était prêt à tout pour préserver son masque face au monde et se savait pertinemment capable de commettre le plus atroce des crimes pour conserver ce qui lui appartenait. Hero.

D’un geste gracieux, Max défit le nœud du long ruban noir enroulé autour de ses cheveux bruns. Le visage de Micky déjà rendu horrible de frayeur devint l’image même d’un homme qui en arrivait peu à peu à la sordide conclusion. L’histoire se terminerait sans lui, il ne serait point présent lorsque la foule acclamerait les acteurs de ce qui était désormais une tragédie. Il recula mais le cadet fut beaucoup plus rapide et passa ce qui ne devait être qu’un fil élégant autour de son cou.

Max serra aussi fort qu’il le put et bien vite le corps de l’avocat se mit à trembler avant que ses jambes ne deviennent trop faibles pour supporter un tel poids. La poupée de chiffon qu’il était à présent s’écroula sur le sol et Max s’agenouilla lentement, suivant chacun de ses mouvements comme s’il était devenue son ombre. Il était celle de la mort levant haut sa faux dans le ciel noir avant de l’abattre sur sa victime pour lui ôter la vie. Quelle satisfaction que de voir ses soucis s’envoler en même temps que le souffle d’un individu. La mort n’était qu’un apaisement, le châtiment apporté à un homme pour qu’un autre puisse continuer sa route le cœur plus léger.

Le ruban ne bougea pas de son poing fermé et son autre main passa avec douceur sur le visage de Micky pour fermer ses yeux révulsés à jamais. Max leva son regard vers le corps de Hero qui commençait à remuer, sortant peu à peu des limbes profondes dans lesquelles il s’était enfoncé. Avant que sa conscience ne soit parfaitement de retour pour l’aider à comprendre des actions dont il n’avait été témoin, Max dû faire un choix. Ses pas l’avaient mené jusqu’à la croisée des chemins et une décision devait être prise.

Il était désormais un meurtrier et le voile de l’innocence glissait lentement loin de lui, voletant au grès de sa culpabilité qui surgissait. Sa main, cage de chair du ruban noir, s’ouvrit alors, laissant le fin tissu mortel tomber sur le cou de Micky. Il ne pouvait laisser son masque disparaître parce qu’en le perdant, il renonçait à tout.

Certain de son choix et du peu de risques que cela entraînerait, il laissa des larmes démunies de sincérité emplir ses yeux alors que Hero se redressait, ses mouvements flous tout comme l’était son esprit.
« Max ? » Demanda t-il en se figeant, telle une statue de sel, devant le corps de plus en plus froid de Micky. « Que s’est-il passé ? »
« Hero… tu… tu l’as tué. » Mentit son jeune amant.

***

« La vie n’est qu’un sombre tissu de mensonges. » Murmura l’homme lorsque son hôte fut resté silencieux pour de longues minutes, marquant ainsi la fin définitive de son récit. Un drame qui avait coûté la vie à une personne qui ne voulait que le bien de son ami, menant celui-ci à la démence.
« Les mensonges sont faits pour être détruits par des hommes comme celui que je croyais voir en vous. »
« Je n’ai que faire de… »
« Comprenez vous, à présent, à quel point chaque histoire racontée a sa part de mensonge ? Celle qui vous a mené ici vous fit croire à l’amour d’une femme, le mien vous trompa sur mon innocence, tout n’est que vérité masquée. » Le coupa le jeune homme. Son invité se rendit une nouvelle fois compte que dans ce monde où tous deux vivaient, une règle reste la même quelle que soit les classes : la hiérarchie faisait tout.

Si la perspicacité était de son côté, le pouvoir lui avait été ôté il y a bien longtemps. Il n’était rien face à ce buveur devant sa fenêtre. Quelles que soient les paroles qu’ils échangeaient, lui, l’invité, se retrouverait perdant à jamais parce qu’il n’avait ni la richesse ni le rang. Peu importait ce qu’il ressentait, la justice qu’il voulait rendre ou la vérité qu’il souhaitait faire triompher, il n’était rien. Plus misérable encore qu’un homme enfermé dans une cellule jusqu’à ce que la mort ne vienne le libérer.

« C’est à cause de vous si Hero a perdu la raison. »
« Je ne pensais pas que l’idée d’avoir tué son ami le rendrait fou, sachez bien que si je l’avais su j’aurais trouvé un mensonge bien plus aisé. » Lui répondit le jeune homme, sa voix légèrement plus puissante que précédemment. « Je ne voulais pas le perdre, il était à moi mais, même mort, Micky a réussi à me l’ôter. »
« Vous parlez de lui comme s’il était une chose. » Remarqua l’inconnu, plaçant toute sa volonté sur cette constatation pour en oublier une autre.
« Il m’appartenait. » Son ton était triste, mélancolique face à cette perte irrémédiable.

Le silence enveloppa le regret d’un amour qui n’avait pu être sauvé, d’un amant qui lui avait échappé malgré le savant filet dans lequel son innocence l’avait enfermé. Il regarda au dehors, cette fenêtre et cette vue devenues ses seules amies. Tout était éphémère, un paysage, une boisson, des sentiments, une vie. Rien ne pouvait durer pour l’éternité, pas même ces mensonges que chacun entretenait, tous persuadés de pouvoir les garder pour toujours.

Le jeune homme rompit soudain le silence et son invité sursauta. « Vous mentez vous aussi, n’est ce pas Yoohwan ? » Il n’eut pas de réponse mais cela ne lui était en rien nécessaire pour continuer. « Vous n’êtes en rien un inspecteur, vous ne faites pas partie de la police. Il me semble que vous êtes le frère cadet de Micky, celui qui fut déshérité. »
« Comment… ? »
« Votre naïveté vous a perdu. De plus, vos poings se sont serrés sur votre chapeau lorsque j’ai raconté l’assassinat. »
« Vous êtes très observateur… Max. » Constata Yoohwan mais son hôte ne releva ni son ton ni le réel sens de ses mots.
« Pourquoi être allé voir Hero ? Pourquoi maintenant ? Une année ne vous a t-elle pas suffit pour faire votre deuil ? »
« Vous l’avez dit vous-même, je suis déshérité, mes parents viennent à peine de m’apprendre la nouvelle. De plus, je vous ai exprimé la vérité à ce propos, votre amant n’a cessé ses folies qu’hier matin. Il n’est pas suffisamment lucide pour être considéré comme guéri mais il l’est assez pour me raconter ce qu’il croit être la vérité. »

Les mots de ces deux versions de la même tragédie s’entrelaçaient encore dans son esprit mais plus rien ne pouvait le rendre confus à présent puisqu’il savait ce qui s’était passé. Ses craintes s’étaient confirmées d’une façon qui l’effrayait et si au départ il ne connaissait pas le réel but de sa visite, à présent il se retrouvait face à ce qu’il avait cherché dans les paroles de Hero durant de longues heures sans jamais ne pouvoir le dissimuler ne serait-ce que dans un seul sous entendu. Ce fut son hôte, Max, qui lui apporta la solution à deux mystères bel et bien liés tels que la mort de son frère et la démence de son ami.

« Que comptez vous faire à présent que vous avez ce que vous cherchiez ? » Lui demanda le jeune homme. « Vous venger ? »
« Malheureusement vous aviez raison, je suis impuissant face à vous. »
« Cela signifie donc que notre entrevue est terminée. » Conclut Max. « Je présume que vous savez déjà où se trouve la sortie. » Yoohwan hocha la tête comme l’être misérable qu’il était devant le rang si important de son hôte. Mais cette conversation laissait une seule question planer pour un temps infini dans son esprit. Quelle était donc l’importance de la vérité si une fois révélée, elle n’apportait que de la faiblesse ?

genre:slash, genre: romance, genre:polar, genre:oneshot, fandom : dbsg, rating:g, genre:deathfic, auteur:simp_anna

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