Il y a des soirées où je suis bien content d'être sur Paris (comme aux derniers concerts vus récemment : The Sounds à la Boule Noire, et RoBERT à l'Espace Pierre Cardin). Et il y a des fois où je me demande un peu ce que je fais là, comme hier soir au Showcase.
Nous nous étions déplacés pour voir notre amie (et ma future coloc) chanter et danser pour le groupe électro Toxic Avenger. Elle nous avait un peu mis au parfum sur ce qui nous attendait : le Showcase est la nouvelle boîte "hype" (je sais pas si ça se dit encore), dans la droite lignée du Baron ou du Paris Paris. J'étais d'abord un peu émoustillé par le fait de me rendre dans ce genre d'endroit, genre "Mask découvre la vie : aujourd'hui les lieux branchés parisiens", mais également effrayé (qu'est-ce qu'un pauvre gueux comme moi irait foutre là bas?).
Premier faux pas de la soirée : on est arrivés non alcoolisés. Donc pas trop préparés pour le choc des civilisations qui nous attendait. Situé sous le pont Alexandre III, l'endroit est plutôt mignon. Première surprise : dans la file d'attente, beaucoup de jeunes adultes, mais pas genre 25 ans, plutôt 35 avec des gosses chez la nounou. Moi qui pensais bêtement que c'était les jeunes qui sortaient, en fait j'oubliais qu'on était dans un lieu où il est plutôt de bon ton d'être riche (ou de travailler pour Canal+). En effet, à l'intérieur, festival de pétasses mal fagottées sur les conseils pas toujours avisés des magazines pour femelles, toutes avec LA FRANGE, ce qui nous donnait l'impression de croiser Tania Bruna Rosso à chaque seconde (mais la vraie n'était pas là ce soir, dommage car on voulait se filmer en train de lui tirer les cheveux, ce qui aurait constitué notre moment de gloire "happy slapping" - Julien aurait adoré voir ça j'en suis sûr). Pour accompagner les jeunes femmes (plutôt moches et dégueu, à la féminité mal placée), des gars hétéros dans toute leur beauferie vestimentaire et verbale (ça gesticule, ça bombe le torse, ça rigole gras et très fort, et les filles font semblant de s'amuser en dansant mollement un verre de whisky à la main en pensant sans doute à autre chose : "j'ai bien fait de ne rien manger cette semaine, je rentre dans cette robe pour une fois", "toutes mes copines sont là, il faut pas qu'elles captent que je suis déprimée, on va me prendre pour une ratée, surtout Louise qui se marie la semaine prochaine, cette pute").
Assis sur des fauteuils, on assiste au premier concert d'un groupe qui s'appelle Flairs ou The Flairs, ou the Blairs? On ne sait plus et on s'en fout d'ailleurs, c'était ennuyeux à mourir (du Blur remixé à la sauce "rock dansant de 2003" avec des paroles "ironiques" ou quelque chose du genre). Quand le groupe a commencé à jouer, j'ai perdu 1/10 à chaque oreille tellement le son de la basse était exagéremment trop fort, et ce fut le cas pendant presque toute la soirée. A la fin on était devenus tellement sourds qu'on se baladait à côté des grosses enceintes sans sourciller. Un mec genre serveur est venu nous virer de notre table parce qu'on n'avait pas pris de bouteilles, c'était humiliant à souhait. Pour notre part, on estimait que nos bières à 6 euros valaient largement un ticket pour une place assise, mais non.
En attendant le tour de chant (hum) des Toxic Avenger, on a dû se taper le mix d'un DJ barbu qui devait sûrement être trop cool et encensé par la presse, sinon on voit mal ce qu'il foutrait là, c'est quand même le Showcase hein, c'est pas le Bora Bora Club sur la plage nudiste du Cap d'Agde non plus. Sauf que la musique était à chier : des remixes "acid house" de Blondie, des branchouilleries inaudibles, des vieux tubes, du r&b NRJ et surtout "Sexy back" de Justin Timberlake, qu'on aura l'occasion d'entendre une cinquantaine de fois au cours de la soirée. On a aussi entendu "Born slippy" d'Underworld passé au ralenti pendant que le DJ, passablement émèché, a commencé à vouloir se battre avec un gars qui dansait et qui lui avait balancé sa pinte de bière qui était venue s'exploser devant ses platines. Les gens dansaient indifféremment sur Jojo (get out, right now it's the end of you and meeee) ou sur de la techno dégueu, pensant probablement que comme c'est branché ça ne peut certainement pas leur faire de mal. J'ai essayé d'aller bouger mais je suis revenu un quart d'heure après, désespéré par les merdes qui passaient.
On commençait à vouloir la mort de chaque personne présente dans la salle quand les Toxic Avenger ont débarqué derrière les machines. Ils ont joué une sorte d'electro du moment plutôt fun et rentre dedans. Puis les choses ont commencé à dégénérer : le chanteur est arrivé, lui aussi bien alcoolisé, et s'est donné à son public tel un Iggy Pop déchaîné sur des reprises de ... "Sexy back" (ça faisait longtemps), Blur ou Miss Kittin, pendant que ma coloc et son amie se déhanchaient dans leurs tenues d'outrageuses bombasses, une ambiance palpable de tension sexuelle et d'esprit punk se dégageait de l'ensemble et nous a définitivement sortis de notre torpeur dépressive du début de soirée. Un gros beauf qui ressemblait vaguement à Laurent Ournac, "l'incroyable fiancé" de TF1, faisait des commentaires en me tapant sur l'épaule genre "Wah les danseuses elles sont bonnes hein" "Hum, celle de gauche c'est ma colocataire" "Ah ouais? Rah le veinard hahaha" (re-tapage sur l'épaule genre je suis ton super pote depuis 2 secondes et on se marre trop). Mais je faisais pas trop gaffe : les beaufs je connais bien (cf des membres de ma famille) et j'ai appris à faire abstraction. Je dansais, à la fois hilare et un peu inquiet face à la tournure chaotique de la prestation, mais le bilan de tout ça c'est quand même que ça déchirait tout. Malgré le son affreux, malgré un public de merdeux (et moches avec ça), ils ont fait un truc surprenant, excitant, bien plus rock'n'roll que certains groupes à l'appellation rock qu'on programme habituellement dans les festivals.
On est sortis de là épuisés, amorphes et frigorifiés, et on a attendu des heures qu'un taxi daigne s'arrèter pour nous ramener à notre maison. Je ne raconterai pas l'after toute aussi chaotique chez moi avec lancer de raviolis ... blablabla.
Je regrette un peu d'être dans un état d'épuisement physique et moral assez inquiétant ces derniers temps, parce que ça me gache un peu ce genre de moments et très souvent je me sens oppressé et angoissé sans raison (du moins sur le moment car les raisons existent bel et bien). Ca doit pas être très cool à vivre pour les autres non plus car ça doit se voir sur ma façon de me comporter. Je rêverais d'être plus léger, mais pour cela il faut, mais ça fait des siècles maintenant, que je commence à règler mes problèmes sérieusement. Depuis que je suis sur Paris, beaucoup trop de choses (parfois horribles) à gèrer et l'impression que cette ville me pompe le peu de vitalité et de courage qu'il me reste pour me sentir bien. Je voudrais pas trop tirer sur la corde. Ou alors pour pendre le DJ du Showcase à qui je dédie ce clip.
http://www.youtube.com/watch?v=MD1iTDYqNuE