Je poste ici la ficlet que j'ai écrite à l'occasion du calendrier de l'avent de FINTE. Il fallait imaginer, dans le cadre d'un jeu d'écriture sur le Cluedo, comment le meurtrier s'était débarrassé de l'arme, en l’occurrence le revolver. J'en ai fait une fanfic sur Sherlock.
« L’arme du crime a été retrouvée dans la boîte aux lettres de Mr Smith. Cinquième maison en partant sur la droite de l’autre côté de la rue de la demeure de la victime, pour être précis. »
John Watson leva des yeux ronds au-dessus de son journal.
« Mais… comment a-t-elle pu se retrouver là ? Vous l’avez vu vous aussi, Holmes : tout le quartier résidentiel est parcouru en permanence par des agents de sécurité, il y a des petites vieilles épiant tous les mouvements cachées derrière leurs fenêtres et les chiens du voisinage qui rodent… surtout ce molosse qui a manqué de vous arracher la jambe lorsque nous nous sommes aventurés de ce côté-là de la rue. Sans parler du pourquoi d’une telle cachette !
― Justement, John ! Réfléchissez. Il est évident que l’auteur du crime n’avait pas prévu de cacher son arme à cet endroit. Comment feriez-vous pour vous débarrasser d’un objet gênant comme celui-ci sachant que, sitôt fait un pas hors de chez vous, dix paires d’yeux vous suivront pas à pas ?
― Eh bien, je suppose que j’utiliserais quelque chose pour cacher le dit-objet. L’a-t-on retrouvé enveloppé dans un tissu, par exemple, ou…
― Non, trancha Sherlock. L’arme était déposée bien à plat dans le fond de la boîte aux lettres.
― Mais alors comment ? »
À l’intérieur des yeux de Holmes, brillait une lueur de jubilation.
« Ça », asséna-t-il en tapotant les pages du journal que tenait Watson.
Perdu, celui-ci reporta le regard sur les grands titres, espérant y voir une piste. Alors qu’il tendait distraitement la main pour saisir sa tasse de café, Sherlock lui ôta cette dernière.
« Oh, faîtes un effort, John ! Quel est l’objet que vous pouvez emporter le plus aisément dehors en ce quartier où tous les matins le facteur passe déposer un journal devant chaque maison ?
― Dans le journal ?
― Mais bien sûr ! L’assassin y a enveloppé son arme, est sorti comme si de rien était de la maison, et s’est dirigé tranquillement du côté droit de la rue, là où se trouve le conteneur à papier du quartier.
― Malin…
― Et ? »
Watson s’essuya brièvement le front. Cet interrogatoire de bon matin lui était particulièrement pénible. S’il avait seulement pu boire une gorgée de café… Sherlock Holmes poussa un long soupir d’agacement avant de se pencher, la tasse de John toujours dans une main, pour secouer de l’autre son pantalon à grand gestes théâtraux. Les déchirures y étaient si vives qu’il en paraissait frangé et un mollet violacé se voyait derrière.
« Le chien ?
― Bien sûr !!! » exulta Sherlock. Il se mit à boiter à grands pas dans la pièce, chacun dévoilant si haut l’état de sa jambe derrière les franges de son pantalon qu’on lui voyait presque la naissance des fesses. « 7 heures : l’assassin va chercher son journal sur le gazon de son terrain. 8 heures : il tue la victime. 8 heures 15 : il enveloppe l’arme du crime dans le journal du matin et sort pour aller déposer son paquet dans le conteneur du bout de la rue mais Michel, le chien du voisin, le voit et lui fonce dessus. Le paquet tombe au sol. L’assassin fuit. Puis enfin…
― La… boîte aux lettres ?
― La boîte aux lettres. Michel, comme à son habitude, ramasse ce qu’il prend pour le journal de son maître, enserre au passage le pistolet dans ce que l’on sait depuis être des mâchoires particulièrement puissantes, et va le déposer dans sa boîte aux lettres. Le maître se lève, prend le journal dépassant de l’ouverture de la boîte…
― Mais pas le pistolet qui est tombé au fond !
― Et qu’il ne retrouve que le lendemain. »
Ce qui expliquait l’information qui venait de leur parvenir. Watson soupira de soulagement. Enfin, il était parvenu à retrouver le fil du raisonnement de son acolyte. La dernière remarque, cinglante, de celui-ci fit cependant disparaître le sourire de satisfaction qui avait fini par naître sur ses lèvres.
« Vous devriez faire des efforts, John ! Je sais que vous n’êtes pas d’une intelligence exceptionnelle, mais tout de même. »
Maussade, Watson se redressa de toute sa fierté et s’empara de la tasse de café qui lui avait été enlevée. Puis il se rassit pour entreprendre d’en boire enfin le contenu en ouvrant de nouveau bien en grand son journal.