Le pourquoi du comment...

Dec 05, 2006 22:46

Je vais raconter tout ce qui s'est passé ce soir-là. Et pourquoi je me suis retrouvée dans ce personnage. Parce que je n'arrête pas d'y penser.

Tout a commencé le 31 décembre, il y a bientôt deux ans.

A Paris devait être tiré un feu d'artifice pour le passage à la nouvelle année. J'ai décidé de m'y rendre, parce que ça faisait un petit moment que j'espérais en voir à nouveau un organisé là-bas. J'ai quitté mon domicile vers 16h30, et j'ai pris le train de 17h02 pour Paris. Quand j'y suis arrivée, j'espérais avoir le temps de passer à Junku, une librairie japonaise. Sauf qu'ils fermaient plus tôt, ce qui m'a poussée à me rabattre sur Gibert Jeune à Saint-Michel. J'y ai acheté des livres. J'ai même discuté un petit moment avec un SDF à la sortie de la bouche de métro. De Saint-Michel, je suis allée sur les Champs-Elysées, où je me suis aperçue que j'avais oublié ma bouteille d'eau. Si j'avais su, j'en aurais acheté une sur place plutôt que de rentrer chez moi. C'est le prix qui m'a arrêtée.

Depuis les Champs-Elysées, j'ai repris le métro en direction de La Défense. Arrivée à La Défense, le train que je voulais prendre était trop tard. J'ai donc repris le métro pour Montparnasse. Et à Montparnasse, j'ai pris le train de 22h32. Je suis descendue à Saint-Quentin, ma station. Et c'est là que tout a commencé.

Je n'ai pas appelé chez moi parce que je ne voulais pas déranger ma famille qui était en pleine préparation du repas du réveillon. J'aurais peut-être dû. J'ai décidé de rentrer à pied. J'ai quitté la gare, traversé le centre commercial, puis je me suis engagée dans la petite rue.

Je n'ai pas eu le temps d'aller au bout. Un homme a surgi derrière moi, m'a attrapée par derrière et m'a mis un couteau sous la gorge. Je n'ai pas eu le temps de comprendre ce qui m'arrivait. Il a resserré sa prise et a fait passer son couteau devant mes yeux. Il m'a murmuré à l'oreille "Ce n'est pas la peine de crier, parce que personne ne t'entendra. Tu vois les gens qui sont là-bas, et ben ils ne viendront pas. Mais si tu cries pour appeler à l'aide, je te tuerai". J'ai encore sa voix dans ma tête. Il a serré encore un peu plus, m'étranglant presque. J'ai vu ma vie défiler devant mes yeux, me disant que jamais je ne reverrai ma famille, que jamais je ne pourrais leur dire que je les aime. Que j'allais mourir.

Je crois qu'il a commencé à m'entraîner avec lui. Ses intentions étaient claires depuis le début. Je n'ai jamais eu de doute à ce sujet. Je ne sais pas d'où m'est venu cet instinct de survie qui m'a poussé à réagir avant qu'il ne soit trop tard. Je me suis débattue, je lui ai crié de me lâcher. De surprise, il l'a fait. Puis il m'a regardée fixement, comme si il était étonné que j'aie osé. Nous sommes restés à nous regarder durant quelques secondes à quelques mètres l'un de l'autre. Je lui ai hurlé après en lui demandant ce qu'il voulait. Il a commencé à s'éloigner calmement, comme si il ne s'était rien passé, au cas où sans doute. Sauf que j'ai sorti mon portable et que j'ai appelé la police. Que quand il m'a entendue, il s'est mis à courir.

La suite est simple. La patrouille qui était en cours ce soir-là m'a rejointe sur le trottoir en moins de deux minutes, m' demandée si j'étais blessée (j'avais qu'une entaille au doigt), et ils ont appelé des renforts qui sont arrivés en voiture. Les policiers m'ont accompagnée au commissariat, où j'ai déposé plainte dès que j'ai été un peu calmée. Dans un bureau, j'ai raconté ce que je viens de vous dire. Un policer de garde a rejoint son collègue dans le bureau alors que j'étais en train de dire ce qui s'était passé, et il s'est tourné vers moi en me posant une question à propos d'un détail sur l'agresseur. Je n'ai pas pu répondre à sa question. En revanche, j'ai compris que la façon d'agir de mon agresseur correspondait à d'autres cas
qu'ils avaient eu les jours précédents. Ils ont appelé ma famille pour qu'elle vienne me chercher. J'avais rendez-vous le lundi suivant pour établir un portrait-robot à l'aide de la description que je leur avait donnée.

Deux jours après, j'ai reçu un appel du commissariat me disant qu'ils avaient peut-être interpellé une personne correspndant à l'homme qui m'avait agressée. J'y suis allée, et là, derrière la vitre, je l'ai reconnu. Je vous fais grâce de la procédure qui a duré près de deux ans. Ce n'est pas le plus important.

Durant ce laps de temps de deux jours, j'ai pensé à ce qu'il était en train de faire, à celle sur laquelle il était peut-être en train de se venger pour ne pas avoir réussi à me violer. J'ai pensé à elle, pas à moi.

En deux ans, jamais je n'ai pu oublier les heures auxquelles j'ai pris les différents trains. Jamais je n'ai pu oublier les mots que j'avais échangé avec ce SDF. Jamais je n'ai pu oublier la peur que j'ai eue. Je me retourne encore dans la rue, même en plein jour (chose que je ne faisais jamais avant). Je me sens mal à l'aise dès que je suis seule avec un homme, même si je le connais.

De là le choc que j'ai eu en lisant Trauma. J'ai lu cette fic d'une traite, malgré les 9 chapitres et le demi-million de mots qu'elle comptait déjà alors. J'ai eu le sentiment qu'un miroir m'était tendu. Draco était mon double fictif. Je tenais un cahier bleu, comme lui. J'avais un ami prénommé Karim, comme lui. Et surtout, je portais cette incapacité à parler de ce qui s'était passé le soir de l'agression même si je donnais aux autres l'impression de bien aller. Là où Draco s'affamait pour pouvoir sentir ce corps dont il s'était détaché le jour où il a été violé, je me privais de sommeil pour ne plus penser. L'épuisement était une solution comme une autre. Les seules différences que j'ai avec Draco sont que je ne me drogue pas et que je ne passe pas de bras en bras pour compenser. Autrement, Draco est mon double fictif. Tout y est. La culpabilité que je ressens d'être ce que je suis avec les autres, la haine que j'ai ressenti sur le moment, la peur d'avoir à me dévoiler devant les autres, l'envie de fuir, la colère et la lassitude face au regard des autres...jusqu'au mot. Je peux l'écrire, mais toujours pas le prononcer.

Demain j'affronte tout ça. Je sais que c'est un passage obligé pour peut-être arriver à tourner la page. Mais je voudrais me trouver très loin de toute cette merde. Parce que j'en ai assez, et que même si il est condamné, viendra un jour où il ressortira et je suis perduadée qu'il recommencera.

Voila. Il ne me reste plus qu'à espérer de ne pas craquer demain devant le tribunal entier.

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