Арган. Поговорим, братец, серьезно. Значит, вы совсем не верите в
медицину?
Беральд. Нет, братец, и не думаю, чтобы для моего блага мне следовало в
нее верить.
Арган. Как! Вы не верите в истину, установленную всем миром и
почитаемую на протяжении многих веков?
Беральд. Я не только далек от того, чтобы верить в нее, но считаю,
что это самая большая глупость, придуманная людьми. И если посмотреть
на вещи с философской точки зрения, то я не знаю худшего
лицемерия и большей нелепости, чем когда один человек берется вылечить
другого.
Арган. Почему же вы не допускаете, братец, чтобы один человек мог
вылечить другого?
Беральд. По той причине, братец, что пружины нашего механизма -
это тайна, в которой до сих пор люди никак не могут разобраться:
природа опустила перед нашими глазами слишком плотные завесы, чтобы можно
было через них что-либо разглядеть.
Арган. Значит, по-вашему, доктора ничего не знают?
Беральд. Знают, братец. Они знают гуманитарные науки, прекрасно
говорят по-латыни, умеют назвать все болезни по-гречески, определить
их и подразделить, но что касается того, чтобы вылечить их, - этого
они не умеют.
Argan
Mais raisonnons un peu, mon frère. Vous ne croyez donc point à la médecine ?
Béralde
Non, mon frère, et je ne vois pas que, pour son salut, il soit nécessaire d'y croire.
Argan
Quoi ! vous ne tenez pas véritable une chose établie par tout le monde et que tous les siècles ont révérée ?
Béralde
Bien loin de la tenir véritable, je la trouve, entre nous, une des plus grandes folies qui soient parmi les hommes ; et, à regarder les choses en philosophe, je ne vois point une plus plaisante mômerie, je ne vois rien de plus ridicule, qu'un homme qui se veut mêler d'en guérir un autre.
Argan
Pourquoi ne voulez-vous pas, mon frère, qu'un homme en puisse guérir un autre ?
Béralde
Par la raison, mon frère, que les ressorts de notre machine sont des mystères, jusques ici, où les hommes ne voient goutte ; et que la nature nous a mis au-devant des yeux des voiles trop épais pour y connaître quelque chose.
Argan
Les médecins ne savent donc rien, à votre compte ?
Béralde
Si fait, mon frère. Ils savent la plupart de fort belles humanités, savent parler en beau latin, savent nommer en grec toutes les maladies, les définir et les diviser ; mais, pour ce qui est de les guérir, c'est ce qu'ils ne savent pas du tout.
Argan
Mais toujours faut-il demeurer d'accord que, sur cette matière, les médecins en savent plus que les autres.
Béralde
Ils savent, mon frère, ce que je vous ai dit, qui ne guérit pas de grand'chose : et toute l'excellence de leur art consiste en un pompeux galimatias, en un spécieux babil, qui vous donne des mots pour des raisons, et des promesses pour des effets.
Argan
Mais enfin, mon frère, il y a des gens aussi sages et aussi habiles que vous ; et nous voyons que, dans la maladie, tout le monde a recours aux médecins.
Béralde
C'est une marque de la faiblesse humaine, et non pas de la vérité de leur art.
Argan
Mais il faut bien que les médecins croient leur art véritable, puisqu'ils s'en servent pour eux-mêmes.
Béralde
C'est qu'il y en a parmi eux qui sont eux-mêmes dans l'erreur populaire, dont ils profitent ; et d'autres qui en profitent sans y être. Votre monsieur Purgon, par exemple, n'y sait point de finesse ; c'est un homme tout médecin, depuis la tête jusqu'aux pieds ; un homme qui croit à ses règles plus qu'à toutes les démonstrations des mathématiques, et qui croirait du crime à les vouloir examiner ; qui ne voit rien d'obscur dans la médecine, rien de douteux, rien de difficile ; et qui, avec une impétuosité de prévention une raideur de confiance, une brutalité de sens commun et de raison, donne au travers des purgations et des saignées, et ne balance aucune chose. Il ne lui faut point vouloir mal de tout ce qu'il pourra vous faire : c'est de la meilleure foi du monde qu'il vous expédiera ; et il ne fera, en vous tuant, que ce qu'il a fait à sa femme et à ses enfants, et ce qu'en un besoin il ferait à lui-même.