- Alors, où veux-tu manger? me demanda Okura.
Je regardai autour de moi; nous étions en plein cœur de Tokyo. Je pouvais voir plein de restaurants différents, où ils servaient de la nourriture probablement plus délicieuse les uns que les autres.
- Je ne sais pas. Je ne connais pas très bien les environs, en vérité. Je n’ose pas trop m’éloigner de mon quartier.
Et il y avait tellement de gens! C’était fou! J’avais peur de me faire emporter par une vague de Nippon et de perdre de vue les Kanjani8. Ce fut donc avec maladresse que je me collai contre Ryuhei, alors que ce n’était pas du tout mon but. Il me sourit et moi, je rougis…
- Oh! Gomenazai! O////O
- Tu veux un câlin? blagua-t-il en enroulant son bras autour de mes épaules.
- Non, non, non… Enfin oui mais… Mais NON! Ce n’est pas ce que je voulais dire! Je… Ok, je me la ferme. T-T
Tous éclatèrent de rire et me taquinèrent.
- Ah~ Embarrassant. couinai-je en me cachant les joues avec mes mains. J’ai honte.
- Mais non. Ne t’inquiète pas. assura Maru. J’ai toujours voulu une petite sœur. ^^
- J’ai quand même l’air stupide…
- C’est pas juste, Maru. se plaignit Yasu, la bouche en cœur. Moi aussi, je la veux dans mes bras.
- Tu peux me prendre la main, si tu veux. offris-je en la lui tendant.
- Hai! ~ ♪ chanta-t-il en l’empoignant.
Le spectacle devait être, certes, étrange pour tout ceux croisant notre route. Une jeune Occidentale un brin perdue entourée par sept beaux Japonais; on ne voit pas ça à tous les jours. Cependant, voyant que je restais encore un peu dans ma coquille, les garçons essayèrent de me rendre le plus à l’aise possible. Je finis par me laisser aller, à me sentir plus moi-même, comme avec Ryo et Yoko. L’attention qu’ils me portaient tous me surprirent plus qu’elle me fit plaisir. Je ne m’attendais pas à ce qu’ils soient aussi charmants et généreux avec moi. «Ils sont vraiment extras!»
À la fin d’une belle balade dans les rues de Tokyo, nous trouvâmes un sympathique restaurant de grillades. Heureusement, car je commençais à mourir de faim. Nous nous installâmes le long du comptoir-barbecue, moi, étant au milieu des Kanjani8, et on nous apporta rapidement des assiettes de viandes que l’on pouvait faire griller. Je posai prudemment un morceau de bœuf sur la longue plaque brûlante et suivis les nombreuses conversations que les garçons entamaient. À certains endroits, leur kansai-ben me déstabilisa, alors je mangeai gentiment jusqu’à ce que Subaru remarqua mon silence.
- Oh! Pauvre toi! Tu dois être perdue, gomen.
- Daijoubou, Subaru. rigolai-je. Ça ne me dérange pas; je n’ai juste pas encore appris le kansai-ben, c’est tout.
- Depuis combien de temps parles-tu japonais, Katou? voulut savoir Hina.
Je réfléchis en comptant avant de répondre :
- Deux ou trois ans que j’écoute de la musique et regarde des drama ainsi que des anime… Mais étudier la langue en tant que telle; je dirais un an et demi.
- Sugoi! Tu apprends vite. sursauta Tacchon, de la viande plein la bouche.
- Nah! J’avais plutôt beaucoup de temps libre. x)
- Tu as quel âge? demanda Ryo.
Je redoutai de lui dire mais je finis par le faire.
- Dix-sept ans.
Certains s’étouffèrent ou échappèrent leurs baguettes mais ils finirent tous par me dévisager de la tête aux pieds.
- Dix-sept?! s’écria Maru. Si jeune!
- Comment peux-tu être au Japon, alors? Parce que tu m’as bien dit que tu habitais seule, non? fit You, la bouche béante.
- C’est vrai, je n’ai pas menti. Le propriétaire de l’immeuble où j’habite est un vieux bougre qui, si on le paie à tous les mois, il se fiche bien de qui occupe ses appartements. Alors, j’ai la paix. Avant de déménager ici, j’ai terminé mon secondaire et après un long processus à distance, j’ai pu atterrir au Japon. Je travaille à tous les jours à l’Otaku Lounge, de sept heures à dix-neuf heures, je cuisine moi-même mes repas, je ne sors pratiquement jamais, je ne connais pas beaucoup de personnes…
- C’est dur? osa Yasu.
Je me grattai l’arrière de la tête, pensive, avant de hausser les épaules.
- Je suis une fille autonome. Et indépendante. Vivre avec moi-même n’est pas un problème. Ce qui est difficile, c’est de savoir que ta famille et tes amies sont à l’autre bout du monde et que tu ne peux plus les revoir… Et, je dois dire que la solitude commençait à me peser… Maki (celle qui me photographiait) est probablement ma seule amie, aussi...
Je sentis que j’avais créé un léger malaise et je tentai de la faire disparaître en souriant de toutes mes dents, mais cela fonctionna à moitié.
- Ne vous en faîtes pas. assurai-je en secouant mes baguettes dans les airs. Je vais malgré tout très bien. J’ai toujours voulu habiter au Japon est c’est fait! Je ne vois pas pourquoi je m’en plaindrais.
- Mais… marmonna Okura. Si ce n’est pas trop indiscret, pourquoi être partie de chez toi?
Je lui souris, touchée par sa gentillesse.
- Tu n’as pas à te sentir embarrassé. Si tu veux savoir quelque chose, demande-le moi carrément. ^^
- Alors… Pourquoi? demanda Maruyama.
- Et bien, pour commencer, j’adore écrire! C’est ma passion depuis des années. J’ai toujours rêvé de publier mes œuvres et de vivre ma vie de cette manière. Alors, dès l’âge de quinze ans, j’écrivais des livres et les envoyais à des maisons d’édition. Après la conclusion d’un roman, c’était le début d’un autre, et d’un autre, et d’un autre… Jusqu’au jour où j’ai réalisé qu’aucune des maisons d’édition ne me répondaient. Même pas une petite lettre pour me dire qu’ils avaient reçu mes manuscrits mais qu’ils ne pouvaient pas les publier. Au moins, j’en aurais eu des nouvelles.
J’avais arrêté de manger, l’estomac noué.
- J’étais déprimée. D’après mes parents, mon esprit semblait avoir quittée mon corps. J’étais comme une coquille vide. D’ailleurs, je me rappelle vaguement de cette période…
Je remarquai que les garçons avaient cessé de manger aussi et qu’ils m’écoutaient. Je me sentis mal de ruiner cette atmosphère de joie mais je n’étais pas capable de me taire.
- Soudain, un soir, moi et ma famille écoutions la télévision quand un communiqué spécial nous relata les derniers événements suite au tsunami. Cela devait faire plus d’un mois… Tout d’un coup, les yeux rivés à l’écran, j’ai dit : «Je veux y aller.»
Pianotant nerveusement sur mes jambes, je me mordis la lèvre inférieure, baissant un peu mon regard.
- Selon ma mère, mon regard pétillait. Et elle m’a répondue : «Très bien. Tu vas y aller.» Voilà pourquoi je me trouve devant vous aujourd’hui.
Je levai les yeux. Ils avaient l’air mal à l’aise…
- Mais pourquoi ces têtes d’enterrement? m’exclamai-je en souriant avec difficulté. Ne vous en faîtes pas; je vais très bien.
- Demo… commença Ryo.
- Allez, allez! Mangez avant que je ne vide vos assiettes!
Essayant de les rassurer, je pris une bouchée enjouée de bœuf et la soirée reprit là où elle s’était interrompue. Nos délires et nos rires se faisaient probablement entendre à l’extérieur du restaurant. Il devait être neuf heures du soir quand, repus par la succulente viande grillée, nous quittâmes l’endroit pour retourner chez nous. Les rues de Tokyo étant un peu sombres, Hina et Subaru offrirent de me raccompagner jusqu’à mon appartement.
- J’ai vraiment passé une très belle soirée. Arigato gozeimasu. ^^
Je m’inclinai avec respect et Yoko m’ébouriffa les cheveux.
- Gnaha! >.<
- La prochaine fois, on t’amènera à Tokyo DisneyLand. dit-il.
- Eh?! Honto ni? O.O
- Hai! On adore passé du temps avec toi. ^^
- Tu es, comment dire… Rafraîchissante. avoua Okura.
- Venant de toi, c’est un sacré compliment. rougis-je.
Ils rigolèrent et me donnèrent leurs numéros de cellulaire. Malheureusement, n’ayant pas de portable, je leur laissai cependant mon numéro de téléphone.
- Si tu veux parler ou te confier, murmura Yasu à mon oreille, appelle-moi quand tu veux.
- Tu es gentil. Arigato. ^^
Sur ce, ils traversèrent la rue en m’envoyant la main et je me tournai vers mes deux accompagnateurs.
- Vous savez, vous n’êtes pas obligés de me ramener… Je ne veux pas être un poids.
- Mais non! Ça nous fait plaisir! assura Baru, tout sourire. Et en plus, je vais savoir où tu habites.
- Oi, Subaru! Ça ne se dit pas, ça. gronda Murakami en le tapant sur la tête.
- Sumimasen… >.<
J’habitais à deux quartiers de l’Otaku Lounge, à côté d’une petite superette et non loin de deux ou trois restaurants. Quand j’avais signé le contrat, je m’étais dit que peu importe ce qui arriverait, je ne serais pas à court de nourriture.
- Est-ce que tu m’en recommandes un en particulier? fit Shingo. Je veux amener mes Kouhai à diner mais je ne sais pas où…
Je réfléchis un instant et sortit mon cahier avec un stylo.
- Je n’en connais pas spécialement mais je vais toujours manger au Ramen Fever. expliquai-je en ouvrant le carnet et en arrachant une page au hasard. Attends, je vais te faire un plan…
Je dessinai le quartier, l’ Otaku Lounge et inscrivis le nom des rues avant de marquer le restaurant avec une croix. Le temps de finaliser la carte improvisée, nous étions déjà devant mon immeuble. Je la lui remis donc et les remerciai de nouveau pour le repas.
- Prenez soin de vous, d’accord? :3
- Hai! firent-ils. Ja ne! ^^
Je les regardai descendre les escaliers et sortis mes clés. Mes mains tremblaient encore d’excitation.
∞ ∞ ∞
- Elle me plait, cette fille. lâcha Subaru. Elle a l’air de quelqu’un de bien et de sincère.
- Elle est surtout très jeune, baka. -.-‘
Shibutani dévisagea son ami et s’esclaffa.
- Franchement, je parlais en général. x) Je la considère comme une petite sœur.
Murakami rit à son tour.
- Tout le monde à cette image d’elle, ne?
- Je ne sais pas pourquoi. Mais je n’oublierai jamais son costume.
- Hahahaha! Moi non plus.
Il sortit le plan de Katou de ses poches et l’examina.
- Je me demande s’ils ont des ramen avec des piments rouges…
- Probablement. Mais n’abuse pas trop. Rappelle-toi quand Tacchon a… Hey! C’est quoi?
Il désigna le verso de la feuille.
- On dirait un poème.
Curieux, Hina la tourna et constata les dires de Baru.
- Ouais, tu as raison. Mince, c’est en franç… Oh mais! Il y a la traduction en-dessous!
Sans qu’ils ne s’en rendent compte, les deux Kanjani8 avaient commencé à lire le texte. Et ils l’ont adoré.