Etat de grâce, II : Cedric Diggory, la peine et la mort

Aug 07, 2011 21:49


Suite de mes one-shots joyeux et entraînants, ahem, voilà voilà. Les dialogues sont ceux du canon de HP4, traduits en français par Jean-François Ménard. Si vous voulez tenter une relecture avec ambiance musicale, je vous conseille Lily's Theme, d'Alexandre Desplat, pour la B.O. de Harry Potter & The Deathly Hallows partie II.

Bonne lecture ! 


Ils toucheraient au but ensemble, avaient-ils dit. C'est ainsi qu'ils se saisirent d'un même mouvement de la Coupe tant convoitée. Il y eut alors un choc assourdissant et les étoiles dansèrent devant les yeux de Cedric, tandis qu'il tentait tant bien que mal de les garder dans ceux du petit Harry. Ils atterrirent avant même de l'avoir compris et se relevèrent promptement. Cedric sentit la peur s'insinuer dans sa chair et son estomac comme la pluie infiltre sournoisement un vêtement, et il ne put retenir un frisson plus violent qu'il ne l'espérait. Son regard ricocha alors sur les différents éléments du paysage alentour - un cimetière. Des pierres tombales à perte de vue, la lune seule pour éclairage, et l'impression grandissante et malsaine d'un mauvais roman qui ne tarderait pas à devenir le leur. Il se tourna vers son camarade, secoué par le choc de leur départ inattendu.

« Où sommes-nous ? » demanda Harry.

Cedric ne put répondre que par une grimace mal assurée, puis se remit debout afin de pouvoir mieux détailler l'endroit. Il n'avait jamais aimé les cimetières et n'en avait jamais visité de nuit. Mais cette fois, il y avait quelque chose d'autre, de pire, d'odieux, qui semblait courir entre le repos éternel d'anonymes vaincus. Il remit sur pieds son condisciple tout en essayant de mettre au clair ses idées. Non seulement ils n'étaient plus à Poudlard, mais ils avaient été projeté au milieu d'un cimetière inidentifiable, visiblement moldu à en juger par l'église à leur droite. La chair de poule sur ses bras gonflait douloureusement sous l'effet du froid et de la peur. Le silence le terrifiait, la brume entre les stèles étreignait sa gorge telle une réminiscence de Détraqueur et il sentait ses jambes défaillir sous le déferlement d'une terreur qu'il n'avait jamais connue. Pour la première fois, Cedric perçut la présence d'une influence au moins mutante, si ce n'était inhumaine et fondamentalement mauvaise.

Il tourna le regard vers la Coupe - était-ce même la Coupe de Feu, ou une simple imitation que l'adrénaline leur avait imposé de saisir ? - et s'adressa à son partenaire, en quête d'une réponse dont il savait pourtant qu'elle ne pouvait venir de lui.

« Est-ce que quelqu'un t'avait dit que le trophée était un Portoloin ? questionna-t-il avec une neutralité contrôlée.

- Non », répondit simplement Harry.

Il a peur, se dit Cedric, il est tout aussi terrifié que moi, mais lui n'a rien demandé à personne. Il a quatorze ans et il est là, dans un cimetière moldu, avec moi. Il faut que j'assume. Il se devait de le protéger et il le savait. Et pourtant, en cet instant si long, malgré la loyauté et l'amitié qu'il ressentait pour le Survivant, Cedric tremblait comme un chat sorti de l'eau. Il ressentait la présence de ce que son instinct lui faisait appeler la quintessence du mal, de ce que son éducation et son intuition lui avaient toujours dicté de fuir. On avait beau dire ce qu'on voulait, lorsque les effluves de la mort et de la souffrance se profilaient, il n'y avait plus grand chose d'autre que les tripes et les souvenirs face au néant assuré.

« Est-ce que ça fait partie de la tâche ? interrogea Harry, toujours aussi peu rassuré.

- Je ne sais pas. Tu crois qu'il faut sortir les baguettes ?

- Oui. »

Sa question sonnait faux et creux mais elle avait permis à Harry de surmonter sa propre peur, en tirant du courage de la faiblesse de l'autre. C'était lui le Gryffondor, lui le Survivant, et pour un fragment de seconde, Cedric se demanda si ce n'était pas lui, le faux champion. Il devenait complètement irrationnel. La mort, pensait-il, ne lui réussissait pas.

« Quelqu'un vient », souffla-t-il.

Harry s'effondra brutalement sur le sol, comme une masse privée de vie, mais avant même qu’il n’ait pu se pencher vers son cadet, une voix, la pire, la plus odieuse, la plus contre-nature qu'il n’ait jamais entendue, claqua dans l'air sec et froid :

« Tue l'autre », ordonnait-elle, et la condamnation de César aux jeux du cirque n'aurait pas eu effet plus terrible.

Ce fut à cet instant que la balle élastique du temps s'étira au maximum de ses capacités, au point que Cedric se demanda brièvement s'il n'y avait pas eu une déchirure irrémédiable dans l'espace-temps. Il réalisa, en ce moment arrêté par la magie de sa conscience, qu'il savait depuis le début. Ils étaient dans un cimetière, ils auraient dû être à Poudlard, Harry était gravement blessé et Krum avait agi d'une manière inqualifiable et incompréhensible. Il avait entendu le hurlement de Fleur, il savait qu'il y avait quelque chose qui dépassait les imprévus d'un tournoi magique. Il était à côté du Survivant, dans un cimetière moldu qu'ils ne connaissaient pas et tous ses sens lui hurlaient de rebrousser chemin ; surtout, il ne savait pas ce qu'il se passait. Cependant, il allait de soi qu'il était cet autre, et que c'était à lui de mourir aujourd'hui. Une seconde voix se fit jour. La baguette toujours levée, alors qu'il sentait la sueur perler sur ses épaules, Cedric repensa fugitivement à la chaleur des Trois Balais, à son poste d'attrapeur et aux soirées de la salle commune de Poufsouffle. Assailli d'une peur qu'il ne pouvait nommer, il rassemblait furtivement quelques souvenirs avant de se tourner vers l'irrémédiable. Il aurait aimé, pensa-t-il en guise d'adieu au monde, pouvoir se battre et affronter un adversaire digne de ce nom. Il aurait souhaité prouver sa valeur et vendre chèrement sa peau, mais son assassin n'avait pas l'étoffe d'un combattant loyal et honnête.

« Avada Kedavra ! »

Cedric Diggory mourut sans savoir que dans l'immobilité de ses dix-sept ans, il avait été bien plus courageux que beaucoup d'adultes s'agrippant à la vie de déshonneur des traîtres.

queudver, guerre, harry potter, cedric diggory, voldemort

Previous post Next post
Up