Remerciements à Sergueï Lavrov et au MID de Russie pour la publicité gratuite

Dec 20, 2019 12:00


Consécration et légitimation par Sergueï Lavrov et le Ministère des affaires étrangères (MID) de Russie d’un seul ancien espion russe réfugié en France.
Published on December 5, 2019
Sergueï JIRNOV (Sergey ZHIRNOFF)
Colonel de réserve, ex-espion de carrière (Service des illégaux du KGB et SVR), politologue, journaliste, consultant médias, TV
La version russe du texte

L’article du « Monde » du 4 décembre 2019 racontant que la Haute Savoie sert de base arrière pour des dizaines d’espions russes spécialisés dans les assassinats a relancé la polémique sur l’espionnage de Poutine non seulement en France, mais aussi en Suisse.
En septembre 2018 la Confédération helvétique et la Fédération de Russie ont vécu une très grave crise dans leurs relations bilatérales. Les suisses ont découvert avec stupéfaction que plusieurs équipes d’espions du GRU (espionnage militaire) qui ont attenté à la vie de Sergueï Skripal et de sa fille Youlia à Londres le 4 Mars 2018, avaient transité à plusieurs reprises par la Suisse. Mais aussi que les espions russes avaient essayé de hacker le laboratoire suisse qui analysait les échantillons du Novichok utilisé en UK. Et encore d’infiltrer à Lausanne en mars 2017 le symposium de l’Agence mondiale antidopage (AMA) au SwissTech Convention Center de l’EPFL, réunissant plus de 700 experts de la lutte contre le dopage et le ministre russe des sports, qui se prononçait sur l’exclusion des sportifs russes des compétitions internationales.
Bien évidemment, les suisses n’étaient pas contents de trouver les preuves d’une telle activité d’espionnage et l’ont fait savoir aux russes assez brutalement. C’était l’une des plus graves crises d’espionnage russe en Suisse qui a duré plusieurs mois en automne 2018 et les russes ont eu du mal à calmer les esprits des helvètes furieux. On ne sait pas exactement combien ça a coûté à Poutine et Lavrov mais on peut aisément deviner que cela a valu très, très cher à la Russie, en dehors des 152 espions supposés sous la couverture diplomatique expulsés des 25 pays et de l’OTAN.
Le 9 septembre 2019 j’ai accordé une petite interview au JT de la RTS sur la menace russe en Suisse. En affirmant tout haut ce que tout le monde sait parfaitement et pense tout bas - à savoir, que malgré toutes ces expulsions il restait toujours plusieurs dizaines d’espions russes travaillant en Suisse sous la couverture diplomatique (le contreespionnage suisse parle d’un tiers sur 160 diplomates russes accrédités à Berne, Genève et Lausanne) et qu’il y a toujours des dizaines des « illégaux » (#clandestins russes sous les couvertures étrangères) en Suisse, - j’ai ravivé la dispute diplomatique et interétatique russo-helvétique vieille d’un an. Cette petite interview a été reprise, traduite en russe, anglais ou italien, plusieurs langues et largement diffusée par différents sites et réseaux sociaux, y compris ceux de la diaspora russe en Suisse, et a provoqué un écho médiatique et diplomatique retentissant.



En tant qu’un des rares anciens officiers supérieurs de carrière du KGB et du SVR vivant à l’étranger, publiquement connu et officiellement reconnu en France et en Suisse, je me prononce régulièrement depuis 25 ans et sans la langue de bois sur les questions d’espionnage, y compris dans les grands médias internationaux. D’habitude, les officiels russes préféraient m’ignorer pour ne pas augmenter ma légitimité et l’importance de mes déclarations, légitimes et pertinentes et, donc, très gênantes.
Mais cette fois-ci, ils se sont comportés différemment. Mon interview a provoqué un énorme scandale diplomatique entre le Russie et la Suisse. Et pour me salir et désavouer le ministère dirigé par Lavrov a sorti le grand jeu.
J’ai eu pour la première fois droit à plusieurs démentis officiels du Ministère russes des affaires étrangères et des mission diplomatiques russes qui m’accusaient « d’allégations mensongères » (« fake news ») voire des « propos purement diffamatoires », en voulant provoquer une crise de « l’espionnite aigu antirusse à la télévision suisse ». D’abord, sur le site officiel du MID, et ensuite sur les profiles officiels de plusieurs ambassades russes dans les réseaux sociaux:



Ce tir groupé de la propagande poutiniste était trop important pour ma personne si « insignifiante ». Mais surtout cette attaque médiatique s’est révélée très peu professionnelle : elle était trop émotionnelle et niant les évidences.
Bien évidemment, la diplomatie russe ne pouvait pas confirmer publiquement qu’elle viole ouvertement et depuis des décennies la Convention internationale de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques en acceptant sous le toit des missions russes à l’étranger bénéficiant de l’immunité diplomatique les antennes des services spéciaux russes, tels que le SVR (espionnage général), le GRU (espionnage militaire), le FSB (contre-espionnage extérieur et police politique), le Département des relations extérieures du Patriarcat de Moscou et les églises orthodoxes dites « locales » à l’étranger (espionnage religieux et police politique de la diaspora russe à l’étranger) et d’autres.
Pourtant, les directeurs respectifs de ses agences et Poutine en personne pavoisent régulièrement dans les médias russes en chantant la gloire, l’efficacité et les opérations globales des espions russes actuels dans le monde entier. Mais ils ne pouvaient pas supporter qu’un ancien professionnel du renseignement du KGB et SVR, bénéficiant du statut de réfugié en France et considéré comme un « traître » par ses anciens employeurs, en fasse autant.
En gros, Lavrov a tenu des propos juste stupides en faisant croire que personne ne travaillait dans le nouveau QG du GRU inauguré en grande pompe par Poutine en personne en 2006 et qui a coûté un fric fou au peuple russe ? Que personne ne travaillait dans les nouveaux bâtiments opérationnels du SVR, puisqu’il n’y a pas d’espions russes l’étranger ? Que ce sont alors les emplois fictifs payés en vain par les contribuables russes ? Qu’un tiers du budget de l’Etat russe réservé officiellement aux forces armées, services spéciaux et armements est juste du vol budgétaire ? Lavrov y apparaît alors comme un guignol !




Le MID de Lavrov a fait ce que même les FSB et SVR n’ont jamais osé faire lors des scandales avec mes procès à Moscou en 1997-2001 sur le diplôme d’espion du KGB. C'est-à-dire : remettre en cause la réalité de mon ancienne appartenance au KGB et SVR. C’est une chose tout simplement stupide de la part de Lavrov et ses sbires. Parce que je possède et j’exhibe sur Internet des centaines de documents authentiques qui le prouvent à 200%, y compris, ma photo avec le général Drozodv, 11 lettres officielles signées par 4 généraux du SVR et 3 décisions de la justice russe, y compris 2 - de la Cour Suprême de Russie. Personne ne peut nier l’authenticité de ces documents officiels. Sauf… Lavrov qui visiblement n’a pas peur du ridicule et d’incompétence.
Le ministère russe des affaires étrangères en essayant de nier l’évidence pour la première fois et contre toute logique, y compris judiciaire et administrative russe, se discrédite totalement. Le reste des protestations de Lavrov et ses subordonnés n’intéresse donc plus personne.
Pire encore…
En m’attaquant de cette manière stupide, agressive et non fondée, le MID de Lavrov produit l’effet inverse : il confirme ma légitimité d’expert dans les questions d’espionnage russe, notamment en France et en Suisse, me consacre et me rehausse sur l’échelle d’importance de tels experts qui sont assez rares.
En voulant ainsi combattre et/ou faire discréditer les affirmations d’un personnage soit disant « douteux et insignifiant » qui sont du simple bon sens, le MAE de Lavrov renforce également les suspicions occidentales sur l’espionnage russe en Suisse et en France. Si je suis vraiment si « insignifiant », pourquoi le grand MID de Lavrov me fait autant d’honneur de faire de moi une cible privilégiée pour la machine de la propagande du régime poutiniste ? Donc, mes « affabulations » sont en réalité trop gênantes pour le régime. Manifestement, j’ai mis le dois sur quelque chose de très juste et honteux pour Poutine. Exactement là où cela fait le plus mal.
Bien évidemment, lorsque le journal « Le monde » sort début décembre 2019 un grand article sur la base arrière opérationnelle des espions russes en Haute Savoie française, frontalière avec la Suisse, toutes mes précédentes affirmations sur RTS prennent un sens encore plus général, profond et pertinent. Les sources et les déclarations se convergent et se confirment.
Donc, finalement je dois remercier Sergueï Lavrov et ses subordonnés du MID de Russie pour un grand service qu’ils m’ont rendu en voulant ainsi me combattre, en vain et d’une manière stupide.
Merci, Camarades ! Spassibo, tovaritchs !
Sergueï Jirnov,
politologue et expert en géopolitique et renseignement, ancien officier supérieur de carrière du Service des « illégaux » de la Première direction générale du KGB de l’URSS et du SVR de la Fédération de Russie, auteur du « Pourchassé par le KGB : la naissance d’un espion » paru aux éditions Corpus Délicti en mars 2019

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