Dauphiné Libéré Dimanche 02/09/2018, page 36: A Chamrousse, le blues de l'ex du KGB

Sep 02, 2018 22:25


Par Gilles Debernardi | Publié le 02/09/2018 à 06:05 | Vu 20007 fois
DAUPHINE LIBERE DIMANCHE, SUD-ISÈRE
À Chamrousse, le blues de l’ex du KGB

Sergueï Jirnov à Chamrousse, entouré de ses souvenirs soviétiques, avec notamment sa carte et son numéro du KGB. Il craint toujours un enlèvement, ou pire, après l’empoisonnement de son ancien collègue Skripal à Londres. « Je suis un peu parano, d’accord, mais c’est mieux que d’être mort. » Le DL / Photos - Sylvain MUSCIO





De son balcon, la vue imprenable donne sur le Mont Aiguille. L’appartement, modeste et confortable, sent bon les vacances à la montagne. A priori, ici, il n’y a pas de crainte urgente. À 57 ans, allure sportive et sourire charmeur, Sergueï Jirnov vit à Chamrousse. Et pourquoi pas ? Courchevel, après tout, n’a pas le monopole de l’accueil des Russes dans nos stations alpines. Mais tous ne sont pas réfugié politique, ex-officier supérieur du KGB en disgrâce auprès du Kremlin. De quoi rester aux aguets au moment de prendre le thé. Une goutte de polonium 210 est si vite arrivée…
Sa maîtrise parfaite de la langue de Molière, sans le moindre accent, nous ferait presque oublier qu’il lit Dostoïevski dans le texte. Il connaît aussi l’anglais et l’espagnol. Sergueï a pourtant appris le français sur le tard, à l’Institut d’État des relations internationales de Moscou. Sa professeure lui laisse un souvenir ému : « Elle avait un charme fou et le sourire de Fernandel ». L’élève se trouve définitivement conquis, jusqu’à écouter en boucle les seuls disques francophones disponibles en URSS : « Mireille Mathieu, Joe Dassin et Guy Béart ». Il gagne même un concours radiophonique sur RFI, sans jamais pouvoir toucher son lot : « On m’a reproché, en haut lieu, de tomber dans le piège des salauds de capitalistes ». Ces petits déboires ne l’empêchent pas d’animer bientôt, à la télévision soviétique, une émission sur la France : « Je deviens une sorte de vedette locale ». Le jeune homme est remuant, mais tellement doué que les services secrets le remarquent. Pendant deux ans, à son insu, on mène une enquête sur sa personne, avant de lui proposer l’impensable en 1984 : rentrer au KGB. La même année qu’un certain Vladimir Poutine. C’est l’honneur suprême, qui fera la fierté de ses parents, ingénieurs à Zelenograd, la ville nouvelle interdite aux étrangers.
Un Soviétique à l’ENA
Le voici admis dans le saint des saints de l’espionnage : l’Institut du Drapeau Rouge. Soit, dans l’agglomération moscovite, la mystérieuse « Ecole de la forêt » qui ne figure sur aucune carte. Cursus classique : captation d’informations et traitement des sources, maniement des armes, filatures, résistance psychologique. Dans le même temps, l’élégant journaliste fréquente assidûment l’Ambassade de France à Moscou. On l’apprécie beaucoup là-bas. Il y rencontre plusieurs hautes personnalités tricolores et trouvera matière à ses premières « fiches de renseignements ». Manière de se « faire les dents ».
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