LES SUICIDES POLITIQUES DE MACRON

Sep 07, 2017 13:19


Sergueï JIRNOV, politologue, journaliste et analyste politique

Les suicides politiques de Macron.



Tous les derniers présidents français et, surtout, François Hollande dans l’ombre duquel le jeune énarque Emmanuel Macron a vécu sa courte et brillante vie du haut fonctionnaire puissant, avaient les tendances suicidaires bizarres et inexpliquées. Est-ce que c’est l’ancienne proximité professionnelle avec Hollande qui a contaminé le jeune Macron ou est-ce que c’est le syndrome général du peuple français d’élire les politiciens suicidaires qui a conduit Macron à l’Elysée ? Nous n’en savons rien.

Force est de constater que dans les 4 mois après son arrivée au pouvoir suprême, Macron a déjà commis 3 tentatives majeures de suicide politique. La première était de se mettre au dos la corporation puissante de la caste militaire. La deuxième - en s’attaquant aux millions des plus faibles sans l’histoire avec la coupe mesquine des APL tout en privilégiant quelques riches avec la diminution de l’ISF et en accusant la France entière d’être « irréformable ». Et, enfin, la dernière - en s’attaquant frontalement à la classe médiatique mondiale tout entière.

«Mais les journalistes ont un problème. Ils s'intéressent trop à eux-mêmes et pas assez au pays. Parlez-moi des Français ! Ca fait cinq minutes que vous me parlez et vous ne me parlez que des problèmes de communication et de problèmes de journalistes, vous ne me parlez pas de la France», a-t-il conclu, avant de déjeuner à la cantine avec des parents d'élèves et les enfants.

Emmanuel Macron répondait à une équipe de «Complément d'enquête» de France 2 venue l'accompagner à Forbach le 4 septembre 2017 pour préparer un sujet sur la communication du président de la République.

A l'instar de Donald Trump qui fustige tout le temps la presse des "fake news" le concernant, et répondant aux critiques justes et parfaitement fondées sur son autisme politico médiatique, Macron le jupitérien, trop sûr de son génie et de son énorme intelligence, a lancé devant les caméras de télévision une petite phrase assassine : « Les journalistes ne m’intéressent pas. »

Relisez attentivement cette phrase et pensez-y calmement. Macron n’a pas donné de précisons ni de limite (paparazzi, presse people, tabloïdes, les journalistes corrompus par l’argent et le pouvoir). Non ! Rien de tout ça. Soit disant, les journalistes n’intéressent pas le grand dieu Jupiter Macronovitch. En général. Tous les journalistes ! De la France entière ! Du monde entier !

Le prétendu grand Jupiter de 39 ans n’a même pas réalisé que cette petite phrase risque de l’assassiner lui-même car elle va rester dans les anales de la presse et elle contient tous les ingrédients pour faire sauter Macron avec ses prétendues réformes.


1. De la démagogie pure et simple.

Puisque le candidat Macron a été propulsé de l’ombre des cabinets ministériels sur la grande scène politique française avant tout grâce aux journalistes et à la presse auxquels il doit si ce n’est pas les deux tiers sinon la moitié de son succès et de sa position actuelle. Le candidat élu crache dans la coupe qui l’a nourri.

Puisque en même temps, Macron, soit disant détestant les journalistes qui parlent de lui, nomme précisément… un journaliste (!) comme son propre porte-parole à l’Elysée. Pour essayer de corriger les graves erreurs de communication et manques flagrantes de pédagogie du début catastrophique du quinquennat.

2. De l’idéologie pure et pas de pragmatisme tant réclamé.

Puisque la prise par Macron de position négative, généralisée, massive et injustifiée contre une profession très puissante c’est de la plus pure idéologie ! Cela manque justement de pragmatisme et tente à l’isoler dans une situation politique déjà difficile.

Car cette caste médiatique puissante sert de seul interface réel entre Macron et les français. Car cette profession forme ou déforme l’opinion publique. Car elle porte, interprète, analyse, décortique et critique la politique de Macron devant les français. Sans elle les français ne sauront même pas ce que pense, planifie ou fait Macron et son gouvernement. Sans elle Macron n’existe pas dans l’opinion publique. Avec elle comme ennemi global et principal Macron va exister mal dans l’opinion publique.

3. De l’injustice.

Puisque une corporation entière est visée et discriminée par Macron sans raison apparente et du simple fait d’y appartenir. Ce n’est plus seulement une faute politique mais un délit (crime) - discrimination généralisée, violation de la convention européenne des droits de l’homme.

4. De l’anti-démocratie.

Puisque les journalistes et la presse dans tous les pays civilisés forment ensemble une institution - le « quatrième pouvoir » dans une démocratie du type occidental, assurent la liberté générale de la société et la critique des gouvernants, vitales pour le bon fonctionnement des institutions et le partage du pouvoir en servant de contre-pouvoir.

ARTICLE 10: Liberté d’expression
"Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière."

En s’attaquant à la presse toute entière et à tous les journaliste, sans limites ni exceptions, le président français Macron se place automatiquement, qu’il le veuille ou non, du côté de tous les dictateurs actuels et anciens - des poutines, trumps, asads, castros, maduros, stalines, hitlers et francos.

Comment voulez-vous après qu’il puisse faire pression sur le dictateur turc Erdogan pour libérer un journaliste français emprisonné illégalement et illégitimement pour l’exercice de sa profession ? Comment voulez-vous qu’il puisse se définir après cela comme un chef d’Etat démocratique ?

Prévisions.

Beaucoup de gens pensent que les erreurs de cette sorte peuvent être facilement corrigées. Que ce n’est pas très grave. Que la langue de Macron est juste allée plus loin que sa pensée. Que le journaliste nouvellement chargé de sa communication à l’Elysée pourrait vite rattraper les fautes politiques majeures de Macron. Que les cyclones et les tempêtes tropicales vont détourner l’attention du public des déboires de Macron. Mais c’est faux. Justement là Macron démontre sa totale incapacité d’être réactif avec l’aide des journalistes et concerné par les malheurs des gens sans tomber dans les perversions d’un hyper-président à la façon de Sarkozy.

Moi, je pense que Macron qui a chuté dans la considération des gens de 24 points en 100 jours, s’il continu comme cela, est totalement foutu. Parce que le génie Macron, propulsé trop brutalement à la fonction suprême, semble avoir pété les plombs face au pouvoir absolu. Parce que l’intellectuel Macron a déjà fait preuve de ne pas du tout comprendre certaines valeurs fondamentales démocratiques et, hélas, n’est pas finalement à la hauteur de sa fonction.

On peut sans fin lui concéder les avances et dire ce que l’on veut sur ses « erreurs de jeunesse », mais les jeunes gens brillants parmi les hauts fonctionnaires, cachés dans l’ombre des cabinets ministériels qui n’ont jamais exercé les fonctions électives pendant des années et n’ont pas mesuré les conséquences politiques de leurs petites phrases et petits gestes, finalement ne sont pas capables d’exercer les pouvoirs suprêmes d’un pays.

C’était déjà le problème d’un petit peintre raté Hitler,  d’un petit fonctionnaire du KGB Poutine, d’un homme d’affaires avec un ego démesuré Trump et d’un petit médecin Asad. Maintenant c’est celui d’un jeune énarque Macron, manifestement beaucoup trop jeune et visiblement immature pour la fonction suprême.

Le pays doit-il et peut-il se permettre le luxe de risquer son sort dans la formation professionnelle d’un petit apprenti de la politique poussé par le sort aux manettes du pouvoir suprême ? Le brillant Macron, avec tous ses talents, est-il capable d’apprendre sur le tas et très vite les limites de l’individualité face au pays tout entier ? Pas sûr.

France, Septembre 2017.


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