Un nouveau post : I'm on fire today!
J'ai été plutôt consistante dans l'écriture de critique pour mes dernières lectures, même s'il m'en reste encore quelques unes à écrire (note à moi même : Crash & Burn, Mytho t2, Rhapsody t2, Uprooted... et je crois que c'est tout). Les voici donc dans l'ordre de postage sur Babelio.
Une histoire vieille comme la pluie, par Saneh Sangsuk, ★ ★ ★ ★ ★
Une histoire vieille comme la pluie est un livre étrange, à moitié fable, à moitié faux récit autobiographique, à moitié thiller de chasse (oui, je sais, ça fait trois moitiés) qui commence dans un petit village Thaïlandais en cours de désertification, dans tout les sens du terme, mais surtout qui commence sur un style narratif foisonnant et quelque peu surprenant (voir même rebutant) de premier abord, qui va pourtant vite se révéler immersif, et va en s'atténuant au fil de la lecture.
L'ouverture du livre nous décrit le village et ses habitants, tels qu'ils sont mais également leur devenir, la trajectoire de leur vie et parfois leur fin, quelques anecdotes, le tout en phrases immenses qui débordent parfois sur plusieurs pages, scandées de répétitions et d'aller-retour dans le temps. Et c'est au détour de ce premier aperçu de la population, en arrière-plan des destins de ses condisciples, que le lecteur fait la connaissance du révérend père Tiane, moine bouddhiste de son état, sur lequel la narration va progressivement se focaliser.
Le vieil homme est aimé de tous, mais plus particulièrement des enfants, pour lesquels il a toujours des histoires incroyables et fascinantes, que ces derniers se plaisent à écouter et à répéter, à entendre encore et encore. Mais peut-être plus intéressante encore est l'histoire du révérend père Tiane lui-même, qu'il raconte un soir au coin du feu.
La narration s’apaise et se fluidifie une fois que la voix du révérend père prend le relais et qu'il raconte sa propre vie. Car c'est là le cœur d'une Histoire vieille comme la pluie : le récit haut en couleur et en détails d'une époque où la jungle s'étendait encore à perte de vue, et dont, enfant, son père lui a appris tout les secrets. La jungle est un personnage presque aussi important que Tiane, un milieu foisonnant dont il parle avec émerveillement et un respect rétrospectif, mais aussi avec une familiarité presque pédagogique car il a appris à y pécher, y chasser, il en connait tous les animaux et ne les craint pas plus qu'il ne craint l'orage... sauf les tigres, qui sont depuis le début un thème récurent dans les histoires que raconte le vieil homme.
De la première rencontre de l'enfant avec un fauve, l'auteur parvient au tour de force de mettre en place une tension montante dans la narration, qui force le lecteur à tourner page après page. Le récit est toujours prenant et intéressant en lui-même, mais petit à petit au fur et à mesure que Tiane avance dans sa propre vie s'installe une angoisse sourde, dont le dénouement dramatique n'a rien à envier à celui d'un thriller.
On peut regretter une fin un peu abrupte, mais Une histoire vieille comme la pluie n'en reste pas moins un excellent livre que je recommande tout à fait.
De ma terre à la Terre, par Isabelle Francq et Sebastiao Salgado ★ ★ ★ ★ ★
Je me suis vu offrir le livre magnifique qu'est "Genesis" sans rien connaître de Sebastião Salgado ou de son œuvre en tant que photographe. Aussi, quand au détour d'une librairie je suis tombée sur De ma terre à la terre, je l'ai acheté par curiosité... Un achat impulsif que je ne regrette absolument pas à présent que j'ai fini la lecture de cette courte biographie.
De ma terre à la Terre est en fait presque une autobiographie, puisqu'elle reproduit et met en forme des échanges avec Salgado : c'est donc l'artiste lui-même qui revient sur son parcours, ses origines, comment il est arrivé à la photographie, les grands projets photographiques qui ont marqué sa vie et ce qu'il en a tiré, ses démarches créatives, ses engagements militants avec sa femme Leila, sa vie de famille, un peu.
Beaucoup de choses, donc, et nécessairement survolées plutôt qu'explorées en profondeur puisque le livre n'est guère long, mais suffisantes déjà pour permettre de se faire une bonne idée de l'homme, de découvrir des anecdotes passionnantes et comprendre beaucoup mieux la démarche derrière ses photographies splendides, de découvrir ses engagement écologiques comme humanistes, avec notamment le reboisement de sa terre Brésilienne. La formation d'économiste de Salgado lui permet en outre d'avoir un regard analytique et pondéré sur les situations qu'il photographie, plus particulièrement dans le cadre de ses grands reportages sur les populations travailleuses et sur l'évolution de l'outil industriel et de son impact sur l'homme au cours du 21ème siècle. Mais c'est un homme qui a également photographié la misère comme l'horreur - Sahel, Rwanda -, et le livre explore aussi cet aspect plus noir, plus viscéral, en proposant des réflexions sur le rôle du photographe, sur le photojournalisme, mais aussi la manière dont Salgado a finalement su surmonter l'impact durable - physique comme mental - qu'ont eu chez lui certains de ses reportages...
Un livre qui donne envie de découvrir plus en avant son œuvre, mais peut-être aussi de trouver des ouvrages entrant plus dans le vif de certains sujets, qui offriraient peut-être un aspect moins lissé.
Les Gardiens du Louvre, par Jirô Taniguchi ★ ★ ★ ★ ★
Après le Période Glaciaire de Nicolas de Crécy, Les gardiens du Louvre est la seconde bande dessinée du Louvre en coédition avec Futuropolis que j'ai eu l'occasion de lire.
L'idée a priori est plus que plaisante : une collection où des auteurs, souvent reconnus, confrontent leur univers à celui d'un des plus prestigieux musée au monde... Mais aussi donc un travail de commande, dont même les plus grands ne se sortent pas toujours bien...
Nulles craintes à avoir ici, on retrouve en ouvrant les gardiens du Louvre ce qui fait la beauté de toutes les œuvres de Tanigushi, que ce soit au niveau de la poésie ou du rythme, mais aussi du trait, et de la couleur - sortir du noir et blanc est me semble-t-il rarissime chez Tanigushi, mais le résultat n'en n'est pas moins superbe. Le récit en lui-même a ce petit aspect contemplatif qui est à mes yeux la marque de fabrique de l'auteur, et nous entraine dans un joli voyage instructif, à la rencontre de certaines œuvres, artistes et de pans d'histoire du musée. Je recommande tout à fait.
Brute, par Kim Fielding ★ ★ ★ ★
Brute est le héros - ou du moins l'antihéros - éponyme de ce roman : véritable géant à la physionomie inquiétante, illettré, vivant de travaux de forces, il porte bien son surnom, du moins en apparence. Car le lecteur se rend vite compte que s'il est asocial c'est plus par absence d'occasion que par réelle inclinaison, et que malgré sa force colossale il est de nature plutôt placide, gère inclinée à la violence et persuadé qu'il ne vaut pas grand chose.
Et Brute vit donc sa vie misérable sans aucun recours ou espoir d'amélioration, jusqu'au jour ou une visite royale et un accident vont changer sa vie, le propulsant dans un nouveau milieu, en tant que geôlier d'un seul prisonnier, aveugle et en piteux état, dont les rêves ont fait fuir tous les prédécesseurs de Brute.
Le roman est très bien écrit, avec un style très agréable et beaucoup de justesse dans les sentiments de Brute et dans son point de vue, une construction d'univers riche et des personnages secondaires solides. Malgré ce que le titre et la nature de notre personnage principal pourrait présager, c'est également un roman dans lequel il n'y a guère d'action explosive, malgré une évolution constante de la situation.
C'est un roman que j'ai trouvé d'une étrange manière à la fois très original et très prévisible, sans que toutefois ce dernier aspect ne nuise vraiment au plaisir de lecture. Il a beaucoup de marqueurs du roman initiatique et l'on sait très rapidement que la faible estime en lui-même de Brute va peu à peu être vaincue et que tout sera bien qui fini bien pour notre gentil géant. L'un des seuls point négatifs que j'aurais d'ailleurs à formuler est qu'au début l'auteur appuie a mon sens un peu fort sur le clou du misérabilisme de la situation de Brute dans son village où il n'a connu aucune relation humaine un tant soit peu positive depuis des années, sans doute pour contraster plus fortement avec l'évolution qui va suivre... mais pour autant, la solitude de Brute n'en sonne pas moins très juste, et son évolution très réaliste et subtile, au fil de ses rencontres et de ses choix.
Et de même que dans l'univers du m/m Brute est un héros très atypique tant par sa stature que par sa laideur et son handicap, il est très rafraichissant de lire un livre dans lequel les éléments perturbateurs sont presque toutes le résultat d'une bonté toute simple, irréfléchie, dans laquelle le personnage principal forge son destin non pas par les armes ou des stratégies, mais par des décisions principalement informées par une humanité sans calcul, des choix qui le mette sur des voies nouvelles.
Sans vouloir en dire trop, c'est également cette simplicité et cette candeur qui font que le roman évite l'écueil du consentement ambigu et du différentiel de pouvoir entre Brute et Gray, qui est après tout son prisonnier. Mais Brute agit sans calcul, par simple humanité et parce qu'il ne lui en coûte rien de rendre la vie de Gray un peu moins difficile. De même, le reste leur relation évolue à partir de là d'une manière très organique, très naturelle, que Brute ne questionne pas ; sa solitude émotionnelle rétablie en partie l'équilibre des forces et fait qu'ils s'apportent au final mutuellement beaucoup, ce qui n'en rend leurs rapports que plus réalistes.
En conclusion un roman initiatique très atypique doublé d'une jolie histoire d'amour. Je recommande.
Les Aventures de Jack Aubrey, Tome 1 : Maître à bord, par Patrick O'Brian ★ ★ ★ ★
Un bon roman d'aventure maritime, qui donne une image précise et bien vivante de la partie maritime des guerre Napoléoniennes et du fonctionnement de la Royal Navy. L'on suit avec intérêt les aventures de la Sophie, de son Capitaine Jack Aubrey et de son Docteur Stephen Maturin, tous deux des narrateurs très sympathiques, et de leur amitié grandissante.
La lecture peut sembler un peu aride si on n'y entend rien à la navigation et aux descriptions techniques des manœuvres et autres mouvement maritimes, mais cela ne m'a pas gêné outre mesure et je ressort de la lecture plutôt satisfaite et résolue à me procurer le tome 2 à l'occasion, ainsi qu'à voir le film Master And Commander qui a été tiré de la série.
Nimona de Noelle Stevenson ★ ★ ★ ★ ★
Autant le dire tout de suite, je suis fan. Fan de l'énergie et de l'humour qui se dégagent de cette histoire pas comme les autres, où dans un univers qui est un étrange mélange de fantasy, de magie et de technologie anachronique, l'on suit les aventures de Nimona, métamorphe de son état et stagiaire supervilaine pleine de volonté auprès du renommé et craint Ballister Blackheart.
Il se révèle vite que Nimona est adorable et complexe, et nettement plus va-t-en guerre que Ballister, qui est un méchant à l'ancienne, scientifique féru avec passé tragique, code d'honneur et de conduite, et même ancien meilleur ami devenu ennemi, l'inénarrable Goldenloin, avec lequel il entretient une relation compliquée... Choses que Nimona à du mal à accepter (le code de l'honneur et l'ancien meilleur ami), elle qui est plus du genre à provoquer des explosions d'abord et à poser des question ensuite.
Entre action, humour et métamorphoses imprévues, Ballister se fait peu à peu à son sidekick impromptue... mais Nimona à elle aussi des secrets, qui risquent de sérieusement secouer le statu quo.
Le style graphique est enlevé, expressif et maitrisé. Il met deux trois planches à se trouver, et ensuite ce n'est que du bonheur.
J'ai suivi la publication de Nimona en ligne, avant qu'une édition soit envisagée, et c'est un grand plaisir d'avoir à présent la bande dessinée dans ma bibliothèque. C'est une lecture que je recommande chaudement aux grands comme aux moins grands, qui y trouveront chacun leur compte : sous le verni jeunesse, aventure et humour, l'histoire développe aussi des aspects plus sombres, notamment dans le passé des personnages et de leurs bagages psychologiques...
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