Star Trek - Danse du loup et autres euphémismes, ch 2

Feb 20, 2011 12:47

Danse du loup et autres euphémismes (2/?)
Une étude comparative (mais incomplète) des euphémismes, tabous et obscénités en Vulcain et Standard
Fandom : Star Trek (2009)
Persos : Jim Kirk, Spock
Rating : PG
genre : aventure, slash, linguistique, humour, crack potentiel
Disclaimer : Pazamoi

Cette fic est située dans la même continuité que " Walking Away", " Un petit coin de Paradis", et "Le Problème". Elle peut se lire individuellement.

Chapitre 1

2.

Deux semaines plus tard ils sont en exploration sur Xanarion IV. Les géologues sont à la recherche de gisements de dilitium et l’équipe scientifique fait ses gorges chaudes de l’étude de l’écosystème local qui est, selon les mots de Spock, “tout à fait fascinant”.
Tant mieux pour lui, parce qu’en ce qui concerne Jim la planète est un trou perdu inhabité et une étape de plus dans le grand plan du commandement de Starfleet, qu’il a intitulé dans sa tête “donnons à Jim Kirk des missions de merde le temps qu’il prouve qu’il est capable d’avoir un vaisseau, qu’il ne mènera pas son équipage à la mutinerie (et aussi utilisons le comme pub ambulante et profitons de sa célébrité nouvelle pour l’envoyer serrer des mains dans les mondes alliés)”.
Et même s’il est prêt à faire contre fortune bon cœur parce que hé, l’Entreprise est le vaisseau le plus fantastiquement cool de la galaxie et c’est son vaisseau, cela ne l’empêche pas de râler par devers lui avec un peu de mauvaise foi pendant que Spock a une relation torride avec son tricordeur et que l’équipe mixte de botanistes/géologues gambade dans la nature.
Du moins juste qu’au moment où il apprend exactement où ils ont décidé de monter le campement pour la nuit et qu’un large sourire ravi se peint sur ses lèvres.

Uhura, qui semble parfois lire directement lire dans sa tête, roule des yeux lorsqu’il frappe dans ses mains et annonce à l’équipe de pont que puisque tout se passe bien, il va rejoindre l’équipe d’exploration de Monsieur Spock à la surface.
La mécanique de l’Entreprise est déjà bien rodée et il ne lui faut que peu de temps pour préparer son départ. Seul Léonard y voit une objection. Il refuse d’accompagner Jim parce qu’il est en plein calibrage du matériel de la baie médicale, mais il passe un quart d’heure à lui rappeler que ses allergies peuvent frapper à tout moment et qu’il ne doit rien toucher ou goûter qui n’ait été d’abord vérifié par la section scientifique, qu’il doit rester à portée de l’officier médical accompagnant l’expédition à terre etc. etc…
Jim le traite de paranoïaque, empoche les Epipens que le docteur lui met de force dans les mains, attrape son paquetage et prend le téléporteur la tête pleine des sous-entendus dont il va pouvoir parsemer la conversation.

Il n’est pas inhabituel pour lui de rejoindre les équipes d’exploration, malgré le rappel ferme et récurent de Spock que ce n’est pas sa place en tant que capitaine, aussi son Second ne sourcille-t-il pas quand Jim le rejoint sur la falaise au-dessus du campement.
« Alors Monsieur Spock, comme ça on bivouaque dans la crevasse ? »
Spock fini sans se presser de prendre des mesures avec son tricordeur puis se tourne vers lui.
« En effet Capitaine. Les enregistrements préliminaires indiquent des vents violents la nuit et de par son orientation et sa forme, cette crevasse devrait former un abri naturel adéquat.
- Parfait, je vous laisse à vos mesures alors, je vais aider le lieutenant Laurens à dresser les piquets de tente, il a besoin d’un coup de main.
- Ce ne sera pas nécessaire Capitaine, j’ai fini. Je vais redescendre avec vous. »
Ils négocient ensemble la désescalade de la paroi abrupte et Jim n’est pas totalement surpris de découvrir que Spock a le pied aussi sûr qu’un chamois. Quand il en fait la remarque, Spock explique que dans son enfance sur Vulcain il vivait dans une région semi montagneuse, et qu’il s’éclipsait souvent pour aller marcher dans la montagne.
L’honnêteté soudaine perturbe Jim, comme à chaque fois que Spock se confie un peu, parle de Vulcain. Il ne sait pas vraiment comment réagir, ce qui est un sentiment inhabituel et potentiellement désagréable.
« Je n’étais pas vraiment du genre sport en plein air, » confie-t-il en retour, choisissant de mettre de côté pour l’instant toute histoire impliquant délinquance juvénile ou abus domestiques, ce n’est pas exactement l’esprit du moment. « J’étais plus vélo, ou courses de moto… ou de voiture ensuite… N’importe quoi qui allait vite en fait, qui plaquait le vent contre mon visage. Il n’y a pas de meilleur trip que de chevaucher une grosse cylindrée dans un désert, la sentir vibrer, savoir qu’on peut continuer tout droit aussi loin que dure la route... Ça vaut presque l’espace et c’était tout ce que je pouvais me permettre à l’époque… » Il hésite un instant. « J’imagine que les enseignements de Surak ont un paragraphe spécial sur l’irrationalité de rouler très vite juste pour le plaisir…
- Vous vous méprenez Capitaine, la logique vulcaine reconnaît le bien-être que l’on peut trouver dans une activité physique ainsi que la nécessité pour l’équilibre individuel de ménager des moments dédiés à la poursuite d’activités non-productives… Toutefois, le rapport gain/risque sans compter le gâchis de carburant me paraissent effectivement irrationnels.
- Ça ne serait pas à moitié aussi bien si ce n’était pas au moins un peu dangereux, » réplique Jim avant de réaliser que ce n’est probablement pas le genre de remarques que Starfleet aime entendre de ses Capitaines, même ceux justement promus pour leur audace et leur approche innovatrice face au danger… « Mais j’ai toujours pris très soin de mes motos et je suis un excellent pilote ! », ajoute-t-il hâtivement. Spock a déjà bien largement assez d’éléments pour décider que Jim n’est qu’un casse-cou irresponsable avec une pulsion de mort et un vaisseau qu’il va mener à la perdition sans qu’il rajoute de l’eau à son moulin. « Il n’y avait pas plus de risque que de se faire écraser par une chute de pierre en montagne ou de tomber dans un fossé ! »
La seule réponse Spock est un haussement de sourcil qui pourrait tout vouloir dire, et après cela la conversation revient sur des considérations plus professionnelles tandis que les équipes se rassemblent et dressent le camp avec une efficacité qui emplie Jim d’une fierté probablement un peu irrationnelle.

La nuit tombe brutalement et en une poignée de minute la crevasse est glaciale, parcourue de courants d’air sifflants qui s’infiltrent dans les manches de la veste de Jim. Ce n’est rien par rapport au hurlement du vent en surface, qui résonne et geint entre les parois de pierre, mais les tentes sont néanmoins solidement arrimées et toute idée d’allumer un feu est rapidement abandonnée. Les tissus sont ignifugés, mais un accident est trop vite arrivé pour prendre le risque.
À la place, les sachets de nourriture lyophilisée sont réchauffés sur le fourneau solaire de la tente d’intendance, qui a emmagasiné suffisamment d’énergie pendant la journée. Mis à part l’équipe de garde qui reste surveiller les capteurs que Jim a fait installer autour du campement (ce n’est pas parce que la planète n’a a priori pas de formes de vie plus dangereuses qu’un équivalent de lapin qu’il faut baisser sa garde), chacun se retire rapidement à l'abri des deux grandes tentes pour traiter les résultats du jour et planifier la suite des opérations. Jim profite de l’occasion, et tandis que Spock vaque à ses devoirs d’officier scientifique, il passe une demi-heure en communication avec l’Entreprise pour s’assurer que tout va bien à bord.
Ce n’est que quelques heures plus tard, alors qu’une moitié des scientifiques est allé se coucher et que l’autre est serré en petits groupes autour des chauffages en buvant du chocolat chaud (ou dans certains cas, un thé noir et âcre suffisamment fort pour réveiller les morts) que Jim s’étire et se tourne vers Spock avec un large sourire. La tente d’intendance est déserte, et la table pliante n’attend qu’eux.
« Seriez-vous partant pour une partie d’échecs Monsieur Spock ? » Devant le regard dubitatif du vulcain, il ajoute : « J’ai prévu un plateau de campagne, tu sais, le genre petit, pliable et aimanté... C’est très pratique.
- Avec plaisir Capitaine, » concède Spock avec sérieux. « Il ne faudrait pas qu’une telle préparation se révèle inutile.
- Ha, mais il n’est jamais inutile d’être préparé, Spock, » renvoie Jim, tout sourires, en dépliant le plateau et en mettant les pièces en place. « J’irais même jusqu’à dire que ne pas l’être serait irrationnel, qui sait quand la chance peut frapper ! Blancs ou noirs ?
- Après vous, Capitaine.
- Jim, » corrige Jim. « On est plus en service, mon tour de garde n’est que dans deux heures. » Il n’est pas du genre à laisser ses hommes faire tout le boulot, et puisqu’il s’est imposé au sein de l’expédition scientifique, la moindre des choses est qu’il fasse sa part du travail.
Il ouvre la partie sur un mouvement classique, auquel Spock répond de manière prévisible. Cela ne fait pas longtemps qu’ils jouent aux échecs ensembles, à peine trois mois, alternant entre jeu classique et échecs en trois dimensions, et Jim en est encore à explorer la manière de jouer de Spock.
Ce dernier est un joueur brillant qui semble capable de prévoir un nombre de coups tout à fait ridicule à l’avance et Jim le soupçonne d’avoir le niveau d’un grand maître, à défaut du titre lui-même. Heureusement, lui-même n’est pas manchot aux échecs et sa manière de jouer en apparence erratique lui a pour l’instant permis de s’approprier une bonne moitié des victoires et de ne concéder ses défaites que de haute lutte. Cela faisait longtemps qu’il ne s’était pas autant amusé aux échecs et il est à peu près certain que Spock trouve également son compte dans leurs affrontements. La moitié du temps c’est lui qui propose une partie le soir, quand leurs heures de repos correspondent et qu’il n’est pas enterré au fond d’un labo à faire des expériences.

La partie trouve vite un rythme de croisière rapide, les deux hommes ayant décidé d’un commun accord silencieux de jouer à la pendule. Jim fait confiance à Spock pour garder une trace précise du temps.
Le jeune homme prend une tour noire avec son fou, Spock réagit avec un mouvement imprévu de sa reine et Jim mordille pensivement sa lèvre, décide de changer de tactique en cours de route, et roque son roi et sa tour.
« Ça fait du bien de varier les positions, » commente-t-il tandis que Spock examine la nouvelle configuration avec un sourcil levé.
« Un choix intéressant, Jim.
- Évidemment. C’est toujours intéressant d’échanger les places. »
Spock saisit un pion, puis s’immobilise en plein mouvement, avant de l’avancer sur l’échiquier avec un petit claquement sec. La lumière tamisée émanant de la lampe-tempête pendue à la poutre faîtière de la tente souligne la contraction infime d’un muscle sur sa tempe.
« Capitaine, êtes-vous en train de faire des sous-entendus d’ordre sexuel ? »
Jim écarquille les yeux et prend son air d’innocence le plus visiblement factice.
« Moi Monsieur Spock ? Des sous-entendus sexuels ? Je ne vois absolument pas ce dont vous voulez parler et que vous m’en pensiez capable me navre.
- C’est un comportement puéril et l’antithèse du professionnalisme Capitaine.
- Puéril je ne nie pas… Quant au professionnalisme, il me semble me souvenir n’être plus de service… »
Spock reste silencieux un instant, les lèvres pincées en une ligne qui est très manifestement désapprobatrice. Aiguillonner Spock et le pousser dans les retranchements de sa maîtrise est toujours un exercice aussi délicat que distrayant. Il s’agit de tester son calme vulcain (auquel Jim ne croit pas une seconde, juste pour dire) et faire ressortir son merveilleux sarcasme ou ce haussement de sourcil si expressif sans pour autant franchir la ligne entre simple irritation et offense véritable. C’est peut-être bas et pas très malin de la part de Jim de chercher ainsi son Second, mais l’expérience a prouvé que c’est une tentation difficile à résister. C’est la faute de Spock aussi, si Jim a gagné le plus grand respect et une confiance absolue en ses compétences et que les aperçus de sa personnalité et l’intelligence qu’il laisse transparaître sous sa carapace de logique rigoureuse sont d’un attrait quasiment irrésistible ! Surtout quand Spock est lui aussi capable (il l’a amplement prouvé) de le pousser loin dans ses retranchements. (Et c’est sans parler de ses saillies si dévastatrices et de son sens de la répartie cinglant dissimulée sous l’apparente froideur vulcaine. Jim ne pensait pas qu’il soit possible pour un vulcain de dire “Longue vie et Prospérité“ et de le faire sonner comme un “aller vous faire foutre”, et pourtant… Comme quoi, on en apprend tous les jours. Cette mission précise reste un souvenir précieux.)

« Cet après-midi, votre remarque sur le bivouac dans la crevasse était une périphrase sexuelle.
- Correct. » Jim se retient de sourire d’une oreille à l’autre. Spock est loin d’être stupide et possède en outre une excellente mémoire : maintenant que Jim est découvert, il remonte la journée avec aisance, localisant les sous-entendus qui lui avaient auparavant échappés.
« Ainsi que je présume votre remarque sur le fait de “donner un coup de main pour dresser les piquets de tente“ sans parler que votre description d’un trajet en moto…
- Ho, ben… Les piquets oui. S’il y avait des sous-entendus dans la partie sur la moto, ce n’était pas intentionnel. Mais, hum, maintenant que tu les dis…
- Vous êtes conscient qu’un tel comportement pourrait vous valoir des accusations de harcèlement sexuel.
- Rassure-toi, mon comportement est impeccable avec le reste de l’équipage. Tu te sens harcelé, Spock ?
- Bien sûr que non, » coupe le vulcain avec ce qui est définitivement de l’irritation. Il est suffisamment perceptif pour voir le petit jeu de Jim pour ce qu’il est, « mais cela reste un comportement irrationnel.
- Disons que c’est une expérience sur le terrain suite à notre discussion de l’autre jour. N’était-ce pas toi qui trouvais le nombre de sous-entendus fascinant ?
- Ce n’était pas pour autant une invitation à en semer dans toutes nos conversations Capitaine, » réplique Spock, drapé dans la raideur de la raison bafouée.
« Je croyais que discuter de la sexualité des humains ne posait pas de problème ? », demande Jim en se disant qu’il a peut-être poussé le jeu un peu plus loin qu’il ne l’aurait dû. « C’était un passe-temps innocent de ma part et je ne l’entendais pas autrement que comme une activité non productive, destinée à l’entretien de mon équilibre individuel.
- Innocent ? » réplique Spock, et bien que son ton soit totalement inexpressif, le sarcasme déborde tellement de ce seul mot que Jim sent ses oreilles rougir.
« Bon, peut-être pas innocent, » convient-il. « Inoffensif dans ce cas. Et c’est l’occasion pour toi de travailler ton argot, tu te plains tout le temps que les locutions idiomatiques en Standard sont incompréhensibles et irrationnelles.
- Elle le sont. Bivouaquer dans la crevasse, vraiment ?
- C’est une métaphore aventureuse et inventive ! », proteste Jim avec un certain soulagement. Spock n’a pas l’air mortellement offensé. Il secoue la tête pensivement.
« Vous êtes un humain des plus inhabituels, Capitaine.
- Ho, heu… Merci ?
- Ce n’était qu’une remarque factuelle et non un jugement de valeur.
- Peut-être, mais je décide de le prendre comme un compliment. Tu es toi-même un vulcain des plus inhabituels, si je puis me permettre.
- Sans doute parce que je ne le suis pas entièrement, » réplique Spock platement, et sans savoir pourquoi Jim a l’impression d’aborder soudain un sujet plus risqué encore que le sexe.
« Parce que tu es à demi humain ?
- Et parce que j’ai été en parti élevé par une humaine. Cela va plus loin que les différences physiologiques.
- Tu as l’air parfaitement vulcain à mes yeux, » commente prudemment Jim, pris entre un vague désir de fuir à toutes jambes ce qui est en train de prendre le tour d’une discussion terriblement personnelle et la réalisation honorée que Spock lui fait suffisamment confiance pour s’ouvrir ainsi.
« Extérieurement peut-être, mais ma physiologie interne est hybride…
- Et cela fait une différence ?
- Il semblerait que oui. Ou du moins les autres vulcains le pensent. Et j’ai choisi de tourner le dos à mon héritage Vulcain, d’abord en refusant d’entrer à l’Académie des Sciences Vulcaine pour rejoindre Starfleet, puis en tournant le dos à la colonie alors mon peuple avait besoin de moi. » La bouche de Spock est une ligne fine, ses épaules sont rigides.
« Le regrettes-tu ?
- Regretter ce qui a été n’a pas de sens, on ne peut influer que sur les choix à venir.
- C’est très vulcain comme réponse.
- Peut-être.
- Moi je ne regrette pas les choix que tu as fait, » annonce Jim. « Si tu n’avais pas été à Starfleet Dieu sait comment les choses auraient évolué quand Nero a attaqué. Et je suis heureux de t’avoir comme Second, que tu sois vulcain, » il agite vaguement une main en l’air, « ou autre chose. Les tiens ne sont-ils pas censé respecter l’Infinie Diversité dans ses Infinies Combinaisons ?
- Malheureusement, même chez les vulcains, la théorie ne rejoint pas toujours la pratique, Jim.
- Vraiment ? Si ça peut te rassurer, les humains aussi ont leur content d’hypocrites…
- Je n’en doute pas, mais d’après mon expérience les humains ne se cachent pas derrière la logique pour justifier leur irrationalisme.
- Tu serais surpris, » ricane Jim avec amertume avant de pouvoir se retenir. « Nous sommes très doués pour nous mentir à nous-même et tenter de justifier des positions moralement ou rationnellement indéfendables…
- Néanmoins les humains sont plus ouverts sur leur irrationalité, ils savent la reconnaître et parfois la revendiquer, c’est un trait que je trouve à la fois incompréhensible et à la fois étrangement… admirable dans son honnêteté.
- Dans ce cas tu dois me trouver particulièrement incompréhensible et admirable, » plaisante Jim qui n’est effectivement pas du genre à se mentir à lui-même (ou qui quand il le fait en est généralement tout à fait conscient).
« En effet, bien que plus incompréhensible qu’admirable, » réplique Spock au tac au tac avec un calme parfait, et Jim ne peut s’empêcher de sourire.
« Dans quels cas les vulcains masquent-ils leur irrationalité ? »

Spock reste un instant silencieux, étudiant manifestement la question, et au moment où Jim commence à regretter de l’avoir posée il lace ses longues mains devant lui, se recule sur sa chaise. « Tu as laissé passer ton tour, » fait-il remarquer, et Jim réalise que oui, le jeu d’échec a été totalement abandonné au profit de la conversation.
« Je suppose que la victoire te revient dans ce cas. Partant pour une revanche, ou tu préfères en rester là ? » Il hésite puis ajoute : « Tu sais que tu n’es pas obligé de répondre si tu ne veux pas.
- Je t’assure que je n’ai aucune hésitation à te faire savoir lorsque que tu outrepasses les limites, » réplique Spock avec sècheresse, mais il est évident aux yeux de Jim qu’il est mal à l’aise. « Quand j’étais plus jeune, mes rapports avec mes pairs étaient… tendus. Ils me reprochaient mes origines humaines, et jugeaient que cela me rendait… inadéquat. Inférieur. C’est un sentiment que j’ai souvent rencontré en grandissant. »
Jim ravale les trois premières répliques insultantes qui lui viennent à l’esprit, se mord la langue sur la quatrième et demande finalement : « Du racisme ? Et par quel miracle parvenaient-ils à le justifier de manière rationnelle ?
- Il y a des disparités incontestables entre humains et vulcains. Résistance physique, force, ouie supérieur, taille du cerveau, durée de vie, capacité -et volonté- de contrôler ses émotions, prédispositions psy…
- Penses-tu que les vulcains soient supérieurs aux humains ? » demande Jim, et en posant la question il réalise qu’il ne sait pas comment il réagira si la réponse de Spock est oui, parce qu’il ne sera pas simplement furieux et outragé (et bien décidé à lui prouver son tort). L’opinion de l’autre homme est importante à ses yeux.
« C’est ce que l’on pourrait penser à première vu, n’est-ce pas ? Des avantages indéniables en faveur des vulcains. » Jim se mord de nouveau la langue et son poing se noue contre sa cuisse, sous la table. « Mais c’est une logique incomplète et imparfaite. Un syllogisme basé sur des prémisses tronquées. La supériorité est une notion irrationnelle et relative, elle change selon le cadre d’étalonnage qu’on lui applique. Les humains ne sont pas inférieurs, simplement différents, et selon les situations ces différences peuvent les rendre plus adaptés à la survie que les vulcains, parfois moins. Parfois de manière différente. Ni plus ni moins.
- L’IDIC, » résume Jim, et sa main se relâche. « L’Infinie Diversité dans ses Infinies Combinaisons. Je suis heureux de t’entendre dire cela. Mais les vulcains considèrent malgré tout qu’une vie dédiée à la logique à plus de valeur qu’une vie qui s’en détache, n’est-ce pas ? »
Spock hésite, manipule machinalement la reine blanche dans une démonstration de tension inhabituelle.
« L’adhésion aux principes de Surak est pour les vulcains une nécessité qui ne peut être contourné en plus d’un choix de vie, » dit-il finalement. « Vous… Tu connais les grandes lignes de l’histoire vulcaine, je suppose ?
- Vulcain, terre de violence et de combats tribaux jusqu’à l’Eveil, mené par la philosophie de Surak et l’avènement de la Raison et du Pacifisme ? Oui.
- Alors tu sais que l’Eveil est le vrai moment qui a vu naître la civilisation vulcaine, avant nous n’étions pas mieux que des animaux, barbares et sans maîtrise. Aspirer à la rationalité et à la logique est pour les vulcains le seul moyen de se tenir éloigné de ces bas instincts qui sur une planète comme la nôtre ne pouvaient que mener à la catastrophe collective. Les humains ont eu de nombreux philosophes qui ont prôné des philosophies similaires.
- Cuture contre Nature donc. La logique étant une stratégie de survie dans un environnement hostile…
- Pas seulement. Les… » Il hésite un instant, puis semble prendre une décision et poursuit, d’un ton aussi froid et détaché qu’il est possible de l’être. « Les vulcains sont par nature prédisposés à des émotions erratiques et volatiles, violentes. Elles peuvent être non seulement intenses, mais aussi terriblement destructrices, annihilant toutes autres considérations, submergeant l’esprit.
- Je sais, » murmure Jim qui se souvient avec une clarté douloureuse de l’intensité des sentiments du vieux Spock à travers la fusion mentale qu’ils ont partagée. « Je le sais.
- Alors vous comprenez la nécessité pour nous de réprimer nos émotions, d’aspirer et de tendre vers l’idéal d’une vie gouvernée par la raison plutôt que par la subjectivité inégale d’émois qui peuvent nous détruire.
- Certains humains partagent le sentiment de cette nécessité, » convient Jim. « Après tout, même s’ils sont moins intenses, nos sentiments n’en sont pas moins des moteurs puissants…
- Mais pas toi.
- Mais pas moi. Pas totalement du moins. Je conçois la nécessité et… hé bien, la raison de la logique et de la sublimation. Mais pour moi-même, mes émotions sont ce qui m’anime, me pousse. Je crois en l’instinct, en la résolution individuelle et en la nécessité parfois de suivre ses émotions plutôt que la raison.
- C’est…
- Si tu as lu mon dossier, tu sais qu’avant d’entrer à Starfleet j’ai eu un parcours plutôt… tumultueux.
- Délinquance juvénile, violence, absentéisme scolaire, ébriété sur la voie publique et conduite erratique malgré des résultats brillants… Tumultueux, en effet.
- Mais maintenant j’ai un but, une mission. J’ai l’Entreprise et mon équipage, et c’est une sublimation suffisante. Ce que m’apportent mes émotions est trop précieux pour que je veuille les réprimer. » Au fur et à mesure que les mots quittent sa bouche Jim réalise qu’ils sont justes. La contemplation de son nombril ou la philosophie existentialiste n’étant pas son fort il n’y avait pas vraiment réfléchi jusque-là, mais à présent qu’il le dit cela lui paraît évident. « C’est un bon équilibre. Il marche pour moi en tout cas, et la plupart des humains considèrent de même, que malgré les inconvénients des émotions, ce qu’elles nous apportent compense l’aspect négatif. Tu sais ce qu’on dit : “mieux vaut avoir aimé et perdu ce qu'on aime, que de n'avoir jamais connu l'amour”...
- Je suis familier avec ce vers de l’humain Alfred Lord Tennyson. Ma mère se plaisait à le citer occasionnellement.
- Elle devait être une femme remarquable. » dit Jim avant de réaliser que venant de lui, c’est peut-être une réflexion risquée. Mais Spock se contente de hocher la tête, une réponse étrangement expressive qu’il n’aurait pas eue il y a huit mois de cela, Jim en est certain.
« Elle l’était. Malgré son adhésion aux principes de Surak et sa capacité à se maîtriser, elle tenait à conserver ce qu’elle appelait son humanité et pouvait parfois se comporter avec un illogisme confondant.
- Il y a parfois un grand plaisir à être sciemment illogique, » dit Jim à défaut d’autre chose. Il a des questions sur le bout de la langue, mais elles sont trop intimes, trop susceptibles de blesser et malgré la confiance qu’implique la conversation qu’ils sont en train d’avoir, il a peur d’outrepasser ses droits, de pousser plus loin que ce que Spock pourrait accepter. Seigneur, songe-t-il, que cette discussion manque d’alcool ! Une tasse de chocolat est loin d’être un remontant suffisant.
« Sans doute, sinon les humains n’auraient pas des comportements aussi déraisonnables.
- Hé !
- Je vois que tu te sens concerné, » commente gravement Spock, et cette fois il n’y a aucun doute, c’est une taquinerie, Spock est en train de le taquiner !
« Ça ne te paraît déraisonnable uniquement parce que tu ne vois pas la logique interne.
- Je doute qu’il y ait aucune raison valable pour dépenser votre énergie à inclure des métaphores obscènes dans la conversation.
- C’est ma participation à la lutte ancestrale contre les tabous qui n’ont pas lieu d’être.
- Jim…
- Ca entretien aussi mon sens de la répartie et participe à mon bien être général. Un esprit sain dans un corps sain.
- Un corps sain peut-être, mais votre esprit apparaît excessivement libidineux, Capitaine. »
Un éclat de rire lui échappe.
« C’est Jim. Et pas tant que ça, vraiment, je ne vois simplement pas la logique de le dissimuler. Baiser est naturel, nécessaire et plaisant, si les gens voient du mal si je leur propose de nettoyer leurs tubes de Jefferies ou de venir dans ma cabine admirer mes estames Andoriennes, ça les regarde.
- Je n’ai jamais vu d’estampes Andoriennes dans tes quartiers et je suis certain à 96,9 pourcents que tu n’en possèdes pas. Une telle invitation serait de fait non seulement illogique, mais aussi mensongère…
- Tu sais ce que je veux dire.
- Mais ton point de vue n’est valable que parce que les relations sexuelles ont une connotation positive pour toi. Ce n’est pas le cas pour toutes les races, le supposer n’est qu’ethnocentrisme primaire.
- Tu n’as pas tors Spock, mais tu es à moitié humain également, tu devrais voir l’attrait, non ? » Mettre les pieds dans le plat est manifestement une des grandes spécialités de Jim, mais cette fois il ne bat pas en retraite lorsque l’expression de l’autre homme se durcit et se fige. « Je t’ai vu avec Uhura tu sais... Je croyais que les vulcains ne pouvaient pas mentir ?
- Ton argument est fallacieux, » répond Spock d’un ton digne d’une aire glaciaire. « Si je suis effectivement humain, alors je peux mentir. Cette réflexion est vide de sens et ne peut rien prouver ni dans un sens ni dans l’autre.
- Ah, des prémisses faussées. Vulcain et humain alors ? Quel est l’équilibre entre les deux Spock ?
- L’heure de votre tour de garde approche Capitaine, » évade Spock en repassant au vouvoiement et en se redressant avec une raideur gracieuse. C’est une manière pour lui d’éviter le sujet, bien sûr, mais un coup d’œil à l’horloge de son communicateur lui confirme à sa grande surprise qu’effectivement il est temps de bouger.

« Je n’arrive pas à croire que ça fait presque deux heures qu’on discute…
- Contrairement à vous je n’ai pas expérimenté de contraction subjective du temps passé en conversation, mais je dois reconnaître que c’était un échange des plus fascinants.
- Vraiment ? J’avais plutôt l’impression d’être un humain inepte écrasé sous le poids réprobateur de la logique… », provoque Jim en se levant à son tour et en récupérant les pions pour les ranger.
« Comme vous l’avez fait remarquer certaines de vos actions ont une logique interne. Parfois tendancieuse, certes, mais néanmoins intéressante à étudier.
- Pareil, » sourit Jim. « Je suis heureux que nous ayons eu cette discussion.
- Cela signifie-il que vous vous abstiendrez à l’avenir de sous-entendus obscènes ?
- Tut tut Monsieur Spock, je croyais que nous nous étions mis d’accord sur le fait que ce n’est obscène que si la personne l’entendant pense que ça l’est, et que pour des esprits aussi éclairés que les nôtres, il est illogique de se plier à de tels tabous ! Et quand je dis ça, c’est bien entendu avec une sensibilité interculturelle sans faille, bien entendu... »
L’expression de Spock adopte l’espace d’une fraction seconde une fixité qui laisse penser qu’il examine attentivement la possibilité d’assommer Jim, ou à défaut de l’écraser sous une diatribe aussi ravageuse que parfaitement posée, mais il se contente finalement de pencher la tête en guise de salut, de hausser un sourcil qui peut tout vouloir dire et de murmurer un « Capitaine Kirk » déférent.
« Spock ! », appelle Jim à l’instant où son Second s’apprête à quitter la tente. « Je ne plaisantais pas, je suis heureux que nous ayons eu cette discussion.
- La répétition est inutile Capitaine, je vous avais parfaitement entendu la première fois.
- Tant que nous sommes sur la même longueur d’onde.
- Bonne veille, Capitaine.
- Médite bien, ou quoi que ce soit que tu fais la nuit quand tu ne dors pas. J’espère que demain sera productif et qu’on pourra vite se tirer fait de ce tas de boue.
- Et moi qui croyais pourtant que vous vous plaisiez à bivouaquer dans la crevasse. »
Et sans laisser le temps à Jim de réagir il laisse retomber le pan de toile fermant la tente derrière lui, et disparaît dans la nuit venteuse. Interloqué, Jim reste figé sur place une longue minute avant de se laisser basculer en arrière sur sa chaise avec un bref éclat de rire et un sourire satisfait.

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