[Meta] - sexisme, Naruto VS Bleach

Jul 18, 2009 22:19

Depuis le temps que ça dort sur mon disque dur... Je le poste, avant de perdre tout courage pour le faire. >__>

Plus le temps passe, plus je deviens accro au fandom anglophone. J'ai récemment découvert quelque chose de très chouette, et qui semble exister assez peu en français (ou alors je ne sais pas chercher) : les metas. Si j'ai bien compris, ce sont des réflexions/discussions de fans sur tel ou tel aspect d'un fandom (ou du fandom en général). Bref. J'ai dévoré avec plaisir un certain nombre de metas sur Naruto et le sexisme omniprésent dans la série, et quelques petites choses m'ont frappée.

1 - Naruto, Bleach and sexism

J'ai été très surprise de lire, dans l'une des metas que j'ai lue, que l'auteur et plusieurs personnes qui commentaient considéraient Bleach comme pire que Naruto de ce point de vue. En fait, c'était un renversement de ce que j'ai l'habitude d'entendre parmi ma f-list : elles disaient, en gros, "ah, Naruto est sexiste, mais bon, ça pourrait être pire, ça pourrait virer comme Bleach", et moi et un certain nombre de personnes dans ma f-list inversons les deux séries dans ce genre de commentaires.
J'ai lu les arguments de l'auteur de la meta, et je les ai trouvés vrais et valables. C'est vrai que Bleach regorge de boobs (je suis la première à hurler contre ça), se repose honteusement sur le scénario de la princesse à sauver, que Orihime a été réduite à une chose dépourvue de la moindre personnalité et incapable de quoi que ce soit d'autre que de bêler "Kurosaki-kun" toutes les trois secondes. Et pourtant, rien à faire, mon cerveau persiste à écrire la citation dans mon sens habituel ("Bleach pourrait tourner aussi nul que Naruto").

La raison est très simple. Une apparence conforme aux stéréotypes/fantasmes machistes m'agace mais ne gêne pas l'identification à un personnage féminin. Une personnalité conforme aux stéréotypes/fantasmes machistes, surtout accompagnée d'une évolution du personnage conforme aux mêmes principes, est un obstacle à l'identification.

Or, si dans Bleach les poitrines hypertrophiées sont aussi démesurées que nombreuses, les personnages féminins possèdent chacune une personnalité digne de ce nom. Orihime, Rukia et les autres ne sont pas des stéréotypes interchangeables. Elles peuvent être basées dessus, mais elles gardent des traits de caractère originaux.
Elles sont aussi considérées comme des individus à part entière, pas comme "juste des filles". A aucun moment Ichigo ou les autres ne les décrivent comme "des femmes" et ne les mettent à part à cause de leur genre. Ichigo va sauver Rukia puis Orihime non pas parce que ce sont de faibles femmes mais parce qu'elles sont ses amies. Et cette amitié implique un respect mutuel et un statut d'égales, quels que soient les rapports de force entre eux.
Et surtout, surtout, les personnages féminins de Bleach existent par et pour elles-mêmes. Orihime n'a pas besoin d'Ichigo pour être elle-même - si elle ne l'avait jamais rencontré, elle n'aurait pas vécu les aventures de la série mais son identité n'aurait pas été changée. Rukia peut exister sans Byakuya, ou sans Renji - son histoire et certaines de ses réactions seront changées mais elle serait toujours reconnaissable. Soi Fon n'a aucun homme important dans sa vie. Yoruichi n'a pas besoin d'Urahara pour se définir, Hiyori n'a pas besoin de Shinji, Nell n'a pas besoin de N'noitra, etc. Les personnalités des filles de Bleach ne sont pas résumables par "amoureuse/soeur/fille/cousine de tel homme/garçon".

Dans Naruto, la première fille qu'on voit - Sakura - est présentée comme "amoureuse de". Sa personnalité toute entière est centrée autour de son amour pour Sasuke - si on supprime le fait qu'elle l'aime, il ne reste pas de quoi la reconnaître en tant qu'individu. Elle est, de par son statut de fille, exclue de la rivalité entre Naruto et Sasuke. Par la suite, Ino est elle-aussi présentée comme "amoureuse de Sasuke" et montrée comme l'intruse de son équipe (de manière subtile, mais il est limpide qu'elle est en dehors de l'amitié forte de Shikamaru et Chouji - elle est montrée comme une garce vis-à-vis de Chouji et Shikamaru ne se repose jamais sur elle, ne montre jamais de respect pour ses capacités, tout au plus pour ses sentiments, ce qui peut être considéré comme une preuve de sexisme supplémentaire), la seule chose qu'on sait de Tenten est qu'elle admire Neji, Kurenai est pathétiquement faible par rapport à tous ses collègues masculins, Tsunade est affectée d'une phobie qui la rend inutile en tant que ninja et plus faible qu'un enfant de douze ans, Hinata ne peut évoluer que par son amour pour Naruto, Konan n'a aucun développement de sa personnalité et n'existe qu'en à côté de Nagato... Il y a des exceptions, bien sûr - dont quelques unes toutes récentes - mais la seule du casting pré-Shippuuden qui ne rentre pas dans ce schéma est Anko.
A plusieurs reprises, des personnages masculins font des commentaires qui excluent les filles, et ils ne sont jamais démentis - au contraire, tout semble leur donner raison. Kakashi, quand Sakura se présente, pense que "les filles pensent plus à l'amour qu'au ninjutsu à cet âge", et Shikamaru fait à de nombreuses reprises des commentaires machos sur Ino et les femmes en général, confirmés par son comportement. Le petit discours de son père quand il le voit craquer après le sauvetage-raté de Sasuke démontre très bien la mentalité qui régit cet univers : Shikamaru est un garçon, il est censé être plus fort que Temari, qui est une femme, et le fait qu'une femme puisse lui donner une leçon de cran est une humiliation suprême. (Ceci dans la bouche d'un des parents qu'on voit dans un couple qu'on pourrait penser égalitaire, à cause du tempéremment de sa femme.)
Et on arrive aux relations amoureuses dans Naruto. Honnêtement, je trouve le modèle développé sexiste, irréaliste et malsain. Parmi les personnages centraux, ceux auxquels le lecteur est susceptible de s'identifier, les rapports amoureux suivent deux schémas. Le premier, celui où une fille est amoureuse d'un garçon, est montré comme sérieux et élément principal dans l'existence des filles : la fille, typiquement, est en adoration devant un garçon, elle ne pense qu'à lui, n'en aime qu'un, son vrai amour, depuis le jour où elle l'é rencontré. Cas d'école : Sakura-Sasuke. Il existe des variantes, mais l'adoration reste une constante chez Hinata, Karin, Shiho ou Ino (et Tenten, même si l'auteur ne précise jamais explicitement s'il s'agit d'amour ou d'amitié). Le cas d'Ino est assez intéressant, d'ailleurs, quand on regarde les réactions de fans. Ino est le seul personnage féminin qu'on voit s'intéresser à deux garçons différents (en deux ans et demi). Bizarrement, elle est assez régulièrement écrite comme quelqu'un qui n'est pas intéressé par une vraie relation amoureuse - ça va du bashing pur et simple à la caractérisation sur le thème de la croqueuse d'hommes. Je ne peux pas m'empêcher d'interpréter cette coïncidence : Ino ne reste pas bêtement amoureuse d'un seul et unique garçon pour la vie, donc elle est incapable d'un vrai amour. C'est tout de même paradoxal, quand on sait que son attitude est bien plus normale et saine que celle de Sakura (qui s'obstine à aimer un garçon qui la rejette et la trahit) et bien plus courante et épanouissante que celle de Hinata (qui doit aimer Naruto de loin pendant des années parce qu'elle n'arrive pas à lui avouer quoi que ce soit). Les cas où un garçon est amoureux d'une fille et l'adore de la même manière (Naruto-Sakura, RockLee-Sakura) sont d'abord montrés comme ridicules. Ils sont aussi moins nombreux et paraissent nettement moins viables.
Autre petit détail crispant : l'apparence physique des kunoichi. Reconnaissons déjà que Kishimoto a le mérite d'être à peu près réaliste quand à leurs corps mêmes - on est loin des boobs de Bleach, par exemple. Mais les filles dans Naruto sont censées être des kunoichi, des soldates. Leur travail les amène à traverser à la course des forêts et toutes sortes de terrains peu accueillants. A regarder leurs vêtements, on les croirait parties pour une séance shopping. Sincèrement, j'ai du mal à comprendre comment Temari peut courir et sauter dans la robe qu'on lui a donnée - ça devrait remonter sur ses cuisses à chaque fois qu'elle écarte un peu les jambes, à condition bien sûr que ça ne la fasse pas tout simplement tomber. Anko se promène sans soutien gorge, ça devrait la gêner pour bouger, idem pour le décoleté de Tsunade. Si on regarde les gentilles, la seule qui ne dévoile pas ses bras, son ventre ou ses jambes est Shizune. Et je ne parle même pas des kunoichi avec des chaussures à talons. Quant aux deux méchantes qui rejettent ouvertement ce modèle de la fille-qui-doit-faire-passer-son-apparence-avant-tout, Kin et Tayuya... et bien, elles sont méchantes, justement, et en plus elles meurent rapidement.
Une autre chose extrêmement dérangeante dans cette série est l'évolution des filles pendant l'élipse. Les personnalités de certaines sont gommées, édulcorées pour qu'elle ne risquent pas d'obtenir un statut d'égales ou de rivaliser avec leurs camarades masculins. C'est particulièrement flagrant chez Ino et Temari : toute véléité de s'affirmer disparaît complètement chez elles. Ino devient sagement obéissante vis-à-vis de Shikamaru (non, je ne pardonnerai jamais à Kishimoto d'avoir remis en arrière-plan la seule fille qui dirigeait son équipe - autre élément très révélateur, d'ailleurs - et l'équipe de Kumo ne remplace pas vraiment, parce que le rapport de nombre entre les genres est inversé, et que c'est à la fois bien - dans le sens où ça fait plus de filles - et mal - parce que ça veut dire qu'il faut qu'il y ait deux filles face à un garçon pour qu'une fille puisse commander) et Temari passe de garce à grande soeur inquiète ; elles semblent toutes les deux perdre à la fois leur assurance et leur indépendance, et sont réduites à attendre et s'inquiéter pour leurs frères/équipiers. Et bien sûr, les filles sont pratiquement toutes changées en infirmières (Sakura, Ino, Karin, Hinata même si elle n'a pas de techniques médicales) ou en figure maternelle (Kurenai, Temari, Konan) et hormis Sakura et Tenten, elles ne se battent pas (Ino face à Hidan et Kakuzu, Tsunade face à Pain, Karin qu'on ne montre jamais se battre, etc). Oh, et j'oubliais cette pauvre Shiho, qui est introduite comme une déchiffreuse de code et montrée comme totalement incompétente, juste là pour adorer Shikamaru et expliquer ce qu'ont fait les hommes autour d'elle au cas où les lecteurs seraient vraiment trop cons. (Je ne suis pas en train de la basher, je trouve juste qu'en tant que déchiffreuse de code, elle aurait été plus crédible si elle avait déchiffré le message seule, et épaté Naruto en lui expliquant comment elle a fait - avec ça que les explications au lecteur seraient plus naturelles, quand même...)

2. "Le problème des kunoichi de Kishimoto n'est pas la personnalité qu'elles ont individuellement mais le fait que dans l'ensemble leurs rôles et personnalités ne soient pas assez variés"

...Je résume l'idée, du moins telle que je la comprends.
Objection, votre Honneur. La répartition systématique des rôles en fonction du genre des personnages et l'absence de filles montrées comme "fortes" au même sens que les hommes fait partie du problème des kunoichi dans Naruto, mais les personnalités des filles elles-mêmes sont tout aussi problématiques.
Quand la personnalité des personnages féminins se résume à "amoureuse/soeur/fille/cousine de tel homme/garçon", il y a un problème. Quand les personnages féminins adolescentes vérifient le commentaire de Kakashi selon lequel "les filles de cet âge pensent plus à l'amour qu'au ninjutsu" alors qu'elles sont des ninja et ont été formées au même titre que leurs camarades garçons, il y a un problème. Quand de façon générale elles se soucient de leur apparence alors qu'elles sont censées être soldates et avoir été formées en tant que telles, il y a un problème. (Mais ça, je l'avais lu dans une autre meta.)

Un autre problème de la série en général que je n'ai vu mentionné nulle part pour l'instant, c'est la façon dont sont montrées les personnalités ou les réactions des personnages dans certaines situations.
Un bon exemple est l'attitude de Shikamaru lors de la mort d'Asuma. Asuma devient "son" prof, ce qui exclut Chouji et Ino de l'équation, il se met à l'imiter dans ce qu'il fait de pire et de plus stupide, fumer, il s'accapare tout ce qui peut le lui rappeler, depuis ses armes à son enfant, en décidant tout seul qu'il sera son professeur plus tard parce qu'Asuma était "son" professeur, et de façon générale il essaie de devenir "aussi cool qu'Asuma". Soyons clairs : je ne trouve pas ce comportement irréaliste, au contraire. Shikamaru a 15 ans, c'est un âge où on cherche des modèles à admirer et imiter, en plus c'est un génie intellectuel et les génies tendent à être immatures. La mort d'Asuma, qui représentait clairement un modèle pour lui, a dû être un choc. Son comportement est puéril et égoïste mais compréhensible. Ce qui me donne envie de vomir, c'est qu'à aucun moment l'auteur ne nous présente Shikamaru comme puéril et égoïste dans ces passages. Pire, tout semble nous pousser à le trouver "cool" et plus adulte et responsable. Et parmi le peu de retours que j'ai vus sur ce chapitre, cette impression était confirmée.
Maintenant revenons-en aux filles.
Regardez Sakura, par exemple. Elle est amoureuse du même garçon depuis l'âge de... quoi, cinq, six, sept ans ? Elle dédie sa vie entière à cet amour - son apparence, sa progression en tant que kunoichi, sa rivalité avec Ino, ses progrès pendant l'élipse de Shipuuden, tout tourne autour de Sasuke. A quatorze ans, après avoir été rejetée, abandonnée, avoir vu son équipier et ami presque mort à cause de Sasuke, elle l'aime encore. Je m'abstiendrai de discuter le réalisme - ou plutôt le manque de réalisme - d'un tel comportement. Ce qui me dérange le plus là-dedans, c'est qu'on nous montre cette relation comme un moteur positif pour Sakura, et qu'on montre son amour comme beau et digne de respect. Quand on y réfléchit une minute, le comportement de Sakura est tout bonnement pathologique : c'est de l'obsession, de la dépendance et du masochisme dont elle fait preuve pour Sasuke. Et c'est ça qu'on nous montre comme de l'amour, et qui est interprété comme un amour vrai et pur par les lecteurs.
Hinata. Adolescente qui souffre d'un manque pathologique de confiance en elle, et qui tombe amoureuse de Naruto parce qu'elle admire son courage et sa persévérance. Complètement incapable d'avouer quoi que ce soit au principal intéressé. Je n'irai pas jusqu'à dire que cet amour là est malsain, ce sont ses inhibitions et ses complexes de départ qui sont malsains, mais quand est-ce qu'on nous montre (sérieusement j'entend) à quel point il a dû être une source de souffrance et de frustration pour elle ? Sa relation à Naruto est juste montrée comme un amour pur et noble, et comme son moyen d'avancer et de grandir.
Karin. La seule fille qu'on voit faire des avances crues et directes. Elle pourrait être montrée comme une fille libérée et confiante en elle, qui maîtrise son corps et sa sexualité. Et qu'est-ce qu'on voit ? Une espèce de nymphomane pendue au cou de Sasuke, et qui va jusqu'à récupérer les vêtements qu'il a portés. Et je ne veux même pas voir les retours des lectrices sur Karin.
Ino. Cas intéressant non pas tant par ce qu'on nous montre dans la série que par l'interprétation qui en est faite par les lecteurs. Ino est la seule fille de la série qu'on voit faire des avances à deux garçons différents - en deux ans et demi, à 12 et 15 ans. A l'âge qu'elle a, les relations amoureuses sont rarement durables - navrée pour le réalisme cru, mais je ne pense pas que beaucoup de filles rencontrent l'amour de leur vie à 6 ans et se roulent à ses pieds pour le reste de leurs jours (heureusement d'ailleurs). Bref. En deux ans et demi, contrairement à Sakura, Ino a abandonné son obsession pour Sasuke, et s'intéresse à nouveau à d'autres garçons - concrètement à Sai, qui est plutôt mignon et semble réagir à ses avances, même si ce n'est qu'une apparence. En résumé, Ino a un comportement normal et sain : son premier amour n'a rien donné et lui a coûté cher, elle est passée à autre chose. Elle choisit aussi les garçons auxquels elle s'intéresse pour leur apparence, mais honnêtement, les filles de 14 ans sont très souvent comme ça (et elles le restent encore un bon moment après *se souvient du choc reçu en écoutant des camarades de classe parler garçons au lycée*). Bizarrement, un certain nombre d'auteurs (et pas seulement des newbies) écrivent Ino comme une fille qui n'est pas intéressée par l'amour, juste par le sexe. Ca va du bashing (elle est une bimbo, voire une pouffe/pute) à la caractérisation en croqueuse d'hommes. Dans tous les cas, elle est montrée comme ne s'intéressant pas aux relations amoureuses. Traduction : une fille qui ne reste pas indéfiniment amoureuse du même garçon est incapable d'un amour vrai. (J'espère me tromper, et qu'il s'agisse d'une coïncidence, mais ce genre de caractérisation me crispe horriblement.)

3. Modèles de caractérisation féminine

Dans les discussions qui suivaient les metas, j'ai entendu citer des exemples de bonnes représentations des personnages féminins. Là aussi, j'ai eu quelques surprises.
Tout d'abord, il faut que je précise un peu le contexte.
Il s'agissait d'une dispute / d'un débat entre un garçon qui avait posté un commentaire à un meta sur le sexisme dans Naruto et d'autres lectrices du meta. Le garçon se faisait en quelque sorte l'avocat du diable. Son raisonnement était le suivant : Naruto est un shonen, c'est-à-dire un manga dessiné par un homme pour de jeunes adolescents mâles, et les adolescents mâles de 12 à 14 ans ne veulent pas d'une héroïne ou de femmes trop fortes parce que ça gênerait l'identification aux personnages, et ce n'était pas du sexisme mais simplement du commerce, l'auteur dessinant ce que les lecteurs veulent.
Je ne saurais pas dire si le garçon en question était inconscient de certains problèmes, con ou sexiste. Quoi qu'il en soit, la manière dont il présentait les choses était maladroite et laissait à penser qu'il trouvait cette situation normale.

De façon assez prévisible, le premier contre-exemple cité était Claymore. Et j'ai été assez choquée par ce que j'ai pu lire sur ce manga.
Bon, d'abord pour l'anecdote, j'ai tendance à considérer Claymore plus comme un seinen que comme un shonen - parce que le scénario est nettement mieux construit que celui de Naruto ou de Bleach, que l'univers est beaucoup plus sombre, et d'une manière plus "réaliste" et moins caricaturale, et justement à cause des personnages.
Ensuite et surtout, j'ai lu des filles qui critiquaient Claymore en disant que "ça place des femmes dans des rôles d'hommes, donc ça ne change pas le stéréotype machiste, puisque ça implique qu'une femme doit se comporter comme les hommes pour avoir une valeur". Je comprends la logique derrière l'argument, mais pour ma part je trouve que c'est elle qui repose sur une base sexiste. Plus précisément, elle repose sur ce que wiki anglais appelle de l'hétéronormatisme : la notion de genre social, c'est-à-dire l'idée qu'il existe des comportements, valeurs et attitudes indiscociables du genre biologique d'un individu. En l'occurence, le rôle de guerrier serait mâle, et les claymores l'endossant ne feraient, en tant qu'héroïnes, que mettre en valeur le modèle mâle dominant - en montrant que pour avoir une valeur une femme doit endosser un rôle masculin. Personnellement, le concept de genre social me flanque de l'urticaire. C'est le même principe que quand un abruti sort qu'il ne veut pas voir de personnages féminins forts parce que les femmes ne sont pas "faites" ou pas "capables" de se battre, et qu'elles sont "faites" pour materner, faire la cuisine et tout ce qui s'ensuit.

Le deuxième exemple cité était Soul Eater.
D'abord, je dois l'admettre, Soul Eater n'est pas ma série préférée. Je suis encore en train de lire le manga, mais depuis le début il est clair que je n'adhère pas à l'humour - Black Star me saoule, Tsubaki m'écoeure, Maka et Soul m'ennuient et la plupart des gags ne me font pas rire. Je suis aussi très partiale, parce que quand je vois des cases avec angle de vue sur la culotte d'une héroïne ou bien les seins d'une autre pressés comme des citrons pour avoir l'air (porno) "sexy", je pense "hentai" et j'ai envie de claquer le bouquin.
Ca ne m'empêche pas de relever une bizarrerie dans les arguments en faveur de ce manga. Je me souviens qu'une fille disait que Soul Eater était "un manga pour garçon avec une héroïne et que ça n'empêchait pas les garçons de s'y identifier ou d'accrocher". Objection, votre Honneur. Soul Eater n'a pas une héroïne. Il a deux duos de héros principaux (plus un trio ?), un garçon et une fille à chaque fois. Et pour cet argument, ça change tout, parce que si le duo comporte toujours un garçon, ça veut dire que les lecteurs masculins n'ont pas besoin de s'identifier à la fille du duo.
En plus, les deux duos principaux de Soul Eater donnent dans tous les clichés sexistes que j'excècre. Parmi les meisters, le garçon tape dans tout ce qui bouge n'importe comment, est égoïste et ne fait que des conneries, tantis que la fille est studieuse, raisonnable, attentive... Et qui est le plus fort ? Le garçon. Parlez-moi de réalisme - non, désolée, on ne devient pas fort en art martiaux en tapant dans tous les sens pour n'importe quoi, il me semble bien, au contraire, que le point central des arts martiaux est le contrôle, c'est-à-dire savoir où, quand et comment frapper. Et bien évidemment, la personne spécialisée en repérage est la fille (la faculté du même ordre parmi les death scythes appartient aussi à une fille, comme par hasard). Tsubaki est l'exemple type de la femme soumise, qui se plie aux desiderata des gens qui l'entourent et qui se trouvent, bizarrement, être des garçons.
Et je renvoie quiconque prétend que Soul Eater est un mieux que Naruto ou Bleach pour la dynamique de genre lire le chapitre 33, où Maka doit accepter qu'elle est inférieure à Black Star. Plus exactement, Black Star se comporte (pour ne pas changer) comme un imbécile et un égoïste fini et non seulement Maka doit le supporter, mais elle se fait remettre à sa place quand elle se plaint de son attitude (qui est de l'égoïsme pur). Peu importent les pseudo-arguments développés, le résultat est une scène de plus où on montre une fille qui se résigne à son statut d'éternelle inférieure au combat (qui est, dans ce genre d'histoire, ce qui fait la force d'un personnage).
J'ai aussi lu quelque part un commentaire qui parle du problème des sorcières, et qui le résume très bien : fondamentalement mauvaises et nécessairement femmes, avec une corespondance symbolique entre puberté donc éveil de la sexualité féminine et apparition du mal en elles. (D'autant que les sorcières sont les personnages féminins que je préfère, en bonne partie parce qu'elles parlent à leurs comparses masculins d'égales à égal et qu'elles n'ont pas à se résigner à une quelconque infériorité.)
Bref, personnellement, je ne citerais certainement pas Soul Eater.

Je choisirais plutôt, et je suis surprise de ne l'avoir vu mentionné nulle part, une série comme Kekkaishi.
Il s'agit d'un shonen, le nombre de personnages féminins est donc assez limité. Et pourtant, tout en respectant les "règles" du shonen (héros masculin mis en avant, pas beaucoup de personnages féminins importants, etc), l'auteur trace des portraits féminins bien plus intéressants, réalistes et agréables.
Liste des choses que j'apprécie à propos des personnages féminins dans Kekkaishi :
* pas de boobs monstrueux
* pas de vues sur culottes ou de seins tordus dans tous les sens pour faire sexy
* les filles ne sont pas collectivement obsédées par l'amour, ne passent pas leur vie à piailler sur les garçons, etc (Tokine, notemment, n'a pas l'air de considérer "trouver un petit ami" comme sa priorité numéro un, ce qui ne l'empêche pas d'envisager la question pour autant ; Julia la panthère de Karasumori est la seule à montrer une obsession pour ça, et son obsession est montrée pour ce qu'elle est - une obsession, ridicule et malsaine)
* si dans la génération actuelle c'est le garçon du duo qui a été favorisé par le domaine, dans la génération précédente (les grands-parents) c'est la femme qui avait été favorisée, et l'homme qui devait la seconder
* Tokine a sauvé Yoshimori dans le passé
* l'écart d'âge est bien pris en compte dans la relation entre Yoshimori et Tokine (surtout la différence de maturité), sans que Tokine ne devienne pour autant une figure maternelle
* Tokine est montrée comme parfaitement capable de contenir son chagrin et de ne pas pleurer
* si Tokine n'a pas la puissance brute de Yoshimori, elle possède d'autres atouts directement applicables en combat (sa précision, ses doubles kekkai, leur portée, son sang froid, sa capacité à traverser les kekkai et autre déformations d'espaces sans avoir besoin de les détruire) et pas une "force différente" qui justifie de la mettre à l'écart
* Tokine se définit elle-même (et la narration semble appuyer ses dires) comme "la plus impitoyable" des gardiens de Karasumori
* Yurina, qui n'est qu'une petite collégienne avec le pouvoir de voir les esprits, n'est pas amoureuse de Yoshimori, et ses réactions face aux esprits et phantômes, tout en étant décalées et marquées par son manque de connaissances sur eux, ne la montrent pas comme quelqu'un de faible et dépourvu de volonté, plutôt comme quelqu'un d'enjoué, sympathique et assez ouvert d'esprit
* les femmes de la guilde (Yomi, Atora, Hatori) sont toutes compétentes et sérieuses vis-à-vis de leur travail, quelle que soit leur personnalité (Atora a beau aimer plaisanter et jouer, elle adopte une attitude professionnelle dans ses missions) et ne passent pas leur temps à piailler sur leurs camarades masculins
* le manque de force offensive de Yomi n'est pas justifié par le fait qu'elle est une femme, et ne la rend pas moins redoutable ou compétente, et ses compétences autres que pour le combat sont mises en valeur et pas reléguées en arrière-arrière-plan comme des "détails"
* Hatori n'est pas adjointe de Masamori parce qu'elle se roule à ses pieds en piaillant d'extase, sa position est justifiée par ses compétences (pouvoir offensif et surtout sang-froid, réflexion, etc)
* les membres des Veilleurs doués pour l'observation, avec des pouvoirs peu adéquats pour le combat, sont des hommes (même si au début j'avais pris Sen pour une fille XD)

Je suis assez nullasse pour argumenter. Ca se voit, je pense. Bref, si vous trouvez des failles monstrueuses ou que vous avez envie de discuter quelque chose, feel free. Mais sachez que je suis une bourrique, particulièrement quant il s'agit de féminisme. 

meta, fandom: naruto, fandom: bleach

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