May 24, 2007 19:40
Squeeeeeee !
Je viens de finir l'Aîné, second tome de l'Héritage, et j'ai réussi (victoiiiiiiire) à écrire sur Murthag !
Principalement sur sa relation avec Thorn, mais comme je suis une yaoïste patentée, il y a des parings glauques.
Dooooonc ATTENTION YAOI, MurthagEragon et GalbatorixMurtag.
(Ceux qui ne cautionnent pas peuvent lire les autres, je précise dans les cuts quels drabbles sont yaoi.)
Legs
Si tu n'étais pas né, ma mère ne serait pas partie. Elle n'aurait pas eu de raison, ou n'en aurait pas trouvé le courage. Cela revient au même. Elle ne serait pas partie.
Ou bien peut-être, peut-être...
Peut-être même qu'elle m'aurait emmené, moi, vivre chez Garrow.
Si tu n'étais pas né, Saphira n'aurait pas éclos. Elle serait finalement revenue à Galbatorix, qui aurait trouvé un moyen de la faire éclore pour l'un de ses serviteurs.
Si tu n'étais pas né, toutes ces batailles n'auraient pas eu lieu.
Mais cela, tu ne t'en soucies guère. Que t'importent les vies de ceux qui s'opposent à toi, comparées à celles de tes alliés ?
Si tu n'étais pas né, après m'être enfui des donjons de Galbatorix, je serais resté seul, seul sur les terres d'Alagaësia. Je n'aurais pas eu à m'opposer de nouveau aux soldats du roi. Je n'aurais pas eu à entrer dans les grottes des Vardens.
Je n'aurais pas été trahi par les Jumeaux, ni ramené à Galbatorix.
Si tu n'existais pas, je serais libre.
Peut-être même ne souffrirais-je plus. En tout cas, beaucoup moins qu'en ce moment.
Si tu n'étais pas né, je n'aurais pas eu à te combattre. Passer tout ces serments ne m'aurait pas gêné. Je n'aurais pas senti mon coeur palpiter douloureusement dans ma poitrine, à souffrir comme si on me l'arrachait, à le sentir s'alourdir des larmes que j'aimerais pouvoir verser.
Sais-tu seulement ce que c'est que de retenir ses larmes, non parce qu'on se refuse à blesser ceux que l'on aime, mais parce qu'il est inutile, désespérément inutile de pleurer ?
Je n'ai pas de larmes. A quoi bon ?
Qui s'en soucie ?
Mes larmes, comme le reste, m'ont été ôtées pour que tu puisses les employer à ton profit.
Si tu n'étais pas né, je ne serais pas un Parjure.
Sans doute, faute de mieux, ma mère, les elfes et les Vardens auraient-ils fait de moi leur élu, leur dragonnier.
Si tu n'étais pas né. Si seulement tu n'étais pas né.
Eragon leva lentement son épée, ignorant le flot des pensées de son frère.
Si tu n'étais pas né, j'aurais pu vivre. J'aurais pu vivre libre. J'aurais pu avoir un coeur, un honneur, au lieu de mes peines et de mes cicatrices.
Si tu n'étais pas né, je n'aurais pas eu à essuyer un rejet, ce jour-là, alors que justement je t'ai épargné. Je n'aurais pas senti mon coeur achever de se briser, et ses miettes se diriger vers mon roi, le seul qui me reste, à présent.
Si tu n'étais pas né, je n'aurais pas aimé.
Je n'aurais pas souffert comme tu m'as fait souffrir, sur ce rocher qui surplombait le champ de bataille.
Le bras d'Eragon s'immobilisa ; il écarquilla les yeux, fixa Murthag d'un air d'horreur pure.
Si tu n'étais pas né, je n'aurais pas à supporter ce deuxième rejet, cet air de dégoût sur ton visage.
Je suis ton frère. Je suis Murthag le Parjure. Et je t'aime.
Je t'aime autant que je te hais.
Eragon secoua la tête, tenta de reprendre ses esprits.
Si tu n'étais pas né, j'aurais pu connaître le bonheur.
Si seulement tu n'étais pas né...
Tu préfère mourir plutôt que d'échouer ? Tu es capable d'envisager ta propre mort, ou celle d'un autre, de la juger préférable à ce qui ne te convient pas ?
Alors tu es un monstre.
Je suis humain, Eragon. Je n'ai pas connu la joie, la paix, le bien-être... l'amour.
Si tu n'étais pas né, j'aurais eu toute ma vie de dragonnier pour les trouver.
Vis avec cela !
La lame s'abattit, tranchant la gorge de Murthag, et une larme coula le long de la joue de son cadet.
Ce qui reste à sauver
"Ta mère t'a abandonné. Ton père ne s'est jamais intéressé à toi. Je suis le seul qui t'ait porté de l'attention. Tout ce que tu as, c'est à moi que tu le dois. Ne l'oublie jamais."
Une main calleuse glisse le long de sa joue, de sa nuque, de son échine ; un index noueux suit la ligne de sa cicatrice, comme pour lui rappeler tout ce qui est ancré en lui, et ne le quittera jamais.
D'une poussée dans le bas de son dos, Galbatorix le force à se pencher d'avantage en avant. Puis, lentement, il s'avance, le recouvre, l'écrase du poids de toutes ces années de terreur abjecte, et le soumet à lui, d'une manière qu'il n'avouera jamais à personne, pas même pour sauver sa vie.
Tout cela est entre Galbatorix et lui.
Entre Galbatorix et lui. Maintenant qu'il a appris à Eragon qu'il est son frère, et qu'il l'a trahi, c'est tout ce qui lui reste.
Quand le roi agite la main pour le congédier, il s'empresse de sortir de ce lit aux draps blancs, soyeux, qui fait une cage bien plus redoutable que la prison Varden. Sans un mot, il ramasse ses vêtements, les enfile et se dirige vers la porte.
"Demain, je commencerai ta préparation. Tu t'installeras dans l'une des chambres voisines, pour plus de commodité."
Il ne frémit pas, ne répond pas non plus, se contente d'acquiescer. Contrairement à Eragon, il sait éviter les paroles quand son contrôle sur sa voix s'effrite. Il sort et s'éloigne le long des couloirs.
Qui devinerait ce qui vient de se passer entre Galbatorix et lui ?
Qui s'en soucierait ?
Il monte les escaliers de la tour jusqu'au dernier étage, à ciel ouvert, où Thorn l'attend.
Le dragon ne pose pas de questions. Murthag ne le laisse pas voir ce qui se passe dans la chambre du roi, mais Thorn n'a pas besoin de le voir pour comprendre ce dont il s'agit. Il est plus perspicace que Saphira, moins bavard et moins orgueilleux.
Murthag s'appuie contre le dos de son dragon, laisse son regard se perdre à l'horizon.
Son corps le fait souffrir, son orgueil est en miettes, son âme taillée à vif.
"Qui s'en soucie ?"
Thorn ne bouge pas.
"Moi. Ces blessures..."
Murthag se raidit. Son dragon expire avec lassitude.
"Tâchons de soigner celles que l'on peut guérir."
Elu
"Selena était ma mère, et la tienne."
Mensonge. Un mensonge cruel - en connaît-il seulement un qui ne le soit pas ? - parce que comme tous les autres, il lui a été imposé. Selena n'est pas sa mère, seulement celle d'Eragon. Elle n'est pas sa mère, ne l'a jamais vraiment été, puisque comme tous les autres, elle ne l'a pas choisi.
Ou bien elle a choisi de l'abandonner, ce qui revient au même, excepté que la formule est encore plus douloureuse.
Tel est le destin qui lui a été réservé, et en y réfléchissant bien, Selena est sans doute la principale responsable. Elle aurait pu lui éviter de naître. Elle aurait pu tenter de le protéger de son père - il ne lui en voudrait pas d'avoir échoué, puis renoncé, ou certainement pas autant. Elle aurait pu l'emmener avec elle, quand elle a finalement trouvé le courage de quitter Morzan.
Elle ne l'a pas choisi.
Oui, de même qu'elle est celle qui a fait d'Eragon un bon, un juste, Selena est celle qui l'a condamné à devenir traître, un nouveau Parjure.
Qui s'en soucie, à part lui ?
Qui le lui reprochera ?
Les gens se souviendront de l'héroïsme dont elle a fait preuve en sauvant Eragon - leur cher, précieux Eragon - et oublieront le reste.
Qui penserait à l'accuser d'avoir provoqué la chute d'un Parjure ?
Thorn souffle doucement, et l'attire d'une de ses pattes contre son ventre rougeoyant. Il colle son visage contre les écailles du dragon, ferme les yeux.
"Je t'ai choisi. Je ne te juge pas. Nous sommes ce que nous sommes, rien de ce qu'ils disent ne peut changer cela."
Dépendance
"Thorn, pourquoi m'as-tu choisi ?"
Le dragon soulève une paupière, pose sur Murthag son regard inexpressif.
"Tu devais savoir qui j'étais."
Il pince les lèvres et corrige.
"Ce que j'étais."
"Pourquoi ?"
Thorn soupire, se lève et approche sa gueule du visage de Murthag.
"Parce que je savais qui tu étais. Galbatorix a un coeur de pierre, Morzan était faible d'esprit. Tu n'es ni l'un, ni l'autre."
Murthag secoue la tête, éclate d'un rire amer.
"Tu as vu Eragon. Pourquoi ne l'as-tu pas choisi à ma place, comme tous les autres ?"
Thorn secoue la tête.
"Un jeune bouseux, qui passerait ses journées à m'emplir le crâne des sottises des elfes... Ce garçon est une parfaite marionnette. Il a la tête plus vide qu'une page blanche, et autant de pitié qu'un roc. Ses grands principes me retourneraient l'estomac."
Murthag caresse les écailles couleur de sang.
"Tu m'as choisi, moi. Tu as choisi de ne pas m'abandonner."
Il laisse planer un silence, que Thorn n'interrompt pas.
"Si tu pars, il ne me restera plus qu'à me jeter du haut de cette tour."
Thorn ferme de nouveau les yeux.
"Si tu meurs, il ne me restera plus qu'à voler me faire trancher le cou par cette garce bleue. Ni elle, ni Shruikan ne me considèrent comme autre chose qu'une bête ou un objet."
Murthag se laisse glisser contre le flan du dragon. Un rire sans joie s'échappe de ses lèvres.
Eclosion
Dans son oeuf, il attendait.
Sous sa coquille dure comme le diamant, il attendait de croiser un être d'exception. Comme tous les jeunes dragons destinés à être liés à des dragonniers. Il a souvent tenté d'imaginer quel genre de dragonnier il souhaitait. Il a rêvé d'elfes magnifiques, bretteurs hors pair, sages et puissants. Il a rêvé d'humains braves et intrépides, forts et inébranlables.
Il a attendu. Attendu. Attendu.
Il a senti les esprits de nombreux humains, d'un dragonnier nommé Galbatorix, entre autres ; mais aucun ne lui plaisait.
Puis il a senti qu'on le séparait de l'un des deux autres oeufs. Qui, pourquoi, comment ? Il l'ignorait. Des humains étaient venus et repartis avec l'oeuf, des humains parmi tant d'autres.
Et un jour, on a amené devant son oeuf un humain.
Un humain si exceptionnel que les dragonniers qui avaient hanté ses rêves lui ont paru du dernier ridicule.
Il a sondé plus avant l'esprit de cet humain, avide d'informations sur lui, son passé, ses désirs...
L'humain se nomme Murthag. Il est le fils d'un dragonnier décédé, Morzan, autrefois au service du despote Galbatorix. Il porte un beau nom, mais peu de gens l'ont employé : pour les autres humains, il n'est que le fils du Parjure.
Il souffre. Il souffre comme jamais le jeune dragonneau n'aurait imaginé qu'on puisse souffrir.
Son père ne l'a jamais aimé, au contraire, il l'a humilié, privé, battu, presque tué. Sa mère ne l'a jamais aimé. Elle a toujours été indifférente à son sort, et finalement elle s'est enfuie, enceinte de son petit frère, en l'abandonnant à Galbatorix.
Galbatorix l'aime, mais il l'aime comme le dément qu'il est. Il l'a presque tué à l'entraînement guerrier, l'a laissé grandir dans un environnement si hostile... Le petit dragon en frémit d'horreur.
Galbatorix a aimé Murthag comme on ne devrait pas aimer un adolescent, surtout aussi triste et solitaire.
Murthag s'est enfui pour échapper aux jeux du roi. Il a rencontré son frère cadet, Eragon. Un frère naïf, pur, désireux de détruire le monde dans lequel Murthag a grandi.
Eragon a traîné Murthag chez les Vardens, ennemis de Galbatorix, qui l'ont séquestré parce qu'il refusait qu'on souille son esprit.
Et finalement, Murthag a été trahi, ramené chez Galbatorix. Le roi l'a fait battre, l'a affamé, assoiffé, s'est introduit dans son âme, a encore agrandi les plaies qui s'y trouvaient. Puis il l'a remis dans son lit.
Le dragonneau s'agite désespérément sous sa coquille, en vain.
Que cet humain pose sa main sur son oeuf ! Qu'il le touche !
Il ne veut pas le laisser repartir, vivre cette vie de souffrance et d'humiliations. Non !
Le roi fait avancer d'autres humains, les fait toucher son oeuf.
Il les rejette avec colère. Non ! Ces hommes ne sont pas dignes de lui.
Galbatorix s'étonne.
"C'est la première fois que je vois cet oeuf réagir..."
Il se lève, s'approche du dragonneau à l'abri de son épaisse coquille, le soulève, puis le repose.
"Murthag ! Porte cet oeuf pour moi. Je vais l'examiner dans mes appartements."
A l'instant où Murthag pose une main sur l'oeuf, une marque brillante apparaît sur sa paume, et la paroi de l'oeuf se fendille. Un petit dragon rouge achève de la disloquer pour sortir à l'air libre, et observer son dragonnier de ses yeux, au rouge plus vif que ses écailles.
Galbatorix a un sourire de loup, mais celui de Murthag est beau, éperdu de joie et de reconnaissance, et, pour son jeune dragon, vaut tous les elfes du monde.
Le dragon ne se soucie guère d'avoir trahi une promesse implicite. Seul compte désormais pour lui Murthag, le triste et taciturne Murthag, son dragonnier.
fandom: eragon,
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