Disclaimer : Palia, Endymion, Reize et Ganymède sont à moi. Le reste ne l'est pas.
Notes : Voilà, c'est enfin sorti : je suis enfin arrivée au point important de l'histoire. Vous comprendrez en lisant. Je ne dirai pas que c'était difficile à écrire, mais ce n'était pas non plus facile. Parce que j'ai du m'y reprendre à plusieurs fois pour formuler correctement certains passages. J'espère en tout cas, avoir réussi mon coup.
PARTITA ZERO - Capitolo duo
Mêlée des souhaits silencieux
Au dessus de lui, le ciel était composé de dégradés des couleurs de l'arc-en-ciel, parcouru d'élégantes arabesques blanches sur une douce texture qui n'avait rien des véritables cieux. Penchant la tête sur le côté, il put apercevoir un morceau de la véritable voûte céleste, un amas de nuages sombres déversant sur les lieux, une pluie diluvienne, dont il entendait les ricochets sur la protection tenue au dessus de lui.
Quant à son propriétaire, ce dernier se tenait autant éloigné de lui qu'il le pouvait, sans être à découvert. Il se frotta les yeux, sans que cela n'eut un quelconque effet sur la tâche pâle qu'était son visage. Il arrivait cependant à distinguer sans problèmes, les marques rouges au coin des petits cercles smaragdins qu'il savait être ses yeux. Vu la sensation désagréable dans son ventre, ceux-ci devaient l'observer sans vergogne. Il passa une main sur son visage, essayant à nouveau de fixer les formes floues dansant devant lui. Sans succès. Non seulement était-il revenu à la réalité - ses rêves étaient toujours d'une netteté qui ne faisait que s'accentuer avec le temps - mais en plus, sa vue semblait s'être considérablement dégradée. Ce qui en soit était un bon signe, malgré le lot de complications que cela allait apporter à sa vie quotidienne en attendant qu'il s'y habituât.
« Vous êtes réveillé. »
La voix était douce et aérienne. Peut-être un peu aiguë, mais définitivement masculine. Surtout, elle était douloureusement familière, bien qu'il fut sûr de n'avoir jamais rencontré cette personne. À condition qu'elle en fut une. Il y avait en effet quelque chose d'étrange dans son aura, comme une disgracieuse anomalie qui la déformait. Un quelque chose d'étrange qu'il avait déjà remarqué chez son nouvel employeur. À bien y réfléchir, il lui semblait l'avoir aussi croisé auparavant, chez lui. Une ou deux fois peut-être lorsqu'il était plus jeune. Il se mordilla l'intérieur de la lèvre, repassant ses cours en revue avec la fâcheuse impression que la réponse ne se trouvait pas bien loin, qu'il était un imbécile de ne pas la trouver.
« Votre teint semble un peu pâle, vous sentez-vous bien Miss…
- Ganymède. Pas de ''Miss'' avec moi. Je suis un mec. »
Le coupa-t-il en grinçant des dents. Il appuya avec insistance sur le dernier mot, que la notion s'imprégnât bien dans le cerveau de l'autre. Il avait vraiment horreur qu'on le confondît avec une fille. C'était agaçant au possible et malheureusement, pas si inhabituel que ça. Son interlocuteur laissa échapper un « Oh ! » surpris, ce qui en disait long sur son opinion mais, fort heureusement pour lui, ne fit pas de remarques. Un long moment s'écoula avec qu'il ne reprit la parole :
« Toutes mes excuses les plus sincères Sir Ganymède. Je ne voulais guère vous offenser. »
Sa déférence lui tira un sourire. Il songea à son monde d'origine où, de par son statut social, rares étaient ceux qui osaient s'adresser à lui autrement que de cette manière. Cela allait lui manquer maintenant qu'il n'était plus qu'un anonyme parmi tous ceux débarqués en dans la drôle de cité, à cause de la présente situation. Il chassa le spleen dans un coin de son esprit, peu désireux de lui laisser une chance de le submerger.
« Je ne le suis pas. Ce sont des choses qui arrivent. Désolé pour le ton que j'ai employé, alors que je devrais t'être reconnaissant de m'avoir protégé de la pluie…
- Negai, précisa l'étranger en comprenant son problème.
- Negai, reprit-il avec un petit sourire, Merci beaucoup. »
Il se releva, époussetant ses vêtements. Cela fait, il jeta un regard aux alentours. S'il se fiait aux morceaux monochromes de ciel nocturne qu'il apercevait ici et là, entre les énormes nuages, ainsi qu'à l'architecture des hauts et imposants bâtiments de pierres, aux charpentes en bois apparentes, qui l'entouraient, il était de retour dans la Ville de Traverse. C'était déjà une très bonne chose. Ils devaient même se trouver dans l'amas d'avenues et ruelles qui séparaient la Plaza de la Grand Place. Il l'espérait en tout cas ; autrement, il n'était pas certain de pouvoir s'orienter. Avec un peu de chance, il n'avait pas dormi très longtemps, l'aube ne s'était pas encore levée - si tant était qu'il y eut une aube ici. Il en doutait fortement - et, plus important, il n'avait raté son rendez-vous avec le dénommé Léon.
« Sir Ganymède, vous vivez ici ? »
Encore une fois, la voix de Negai le ramena à la réalité. Il se rendit compte que ce dernier l'avait accompagné alors qu'il sortait du cul-de-sac, les protégeant tous deux de son ombrelle. Il s'insulta mentalement d'imbécile de ne pas l'avoir remarqué avant.
« Oui. Enfin, je viens d'emménager. Et toi ?
- Je voyage entre les différents mondes. Oui plutôt, c'est un des projets que j'ai. En vérité, cette ville est le premier monde qu'il me soit donné de visiter depuis mon départ. C'est un endroit intéressant je trouve. Et extrêmement peuplé, je ne pensais pas un jour voir autant de monde, il caressa son menton avant d'ajouter : Puisque vous vivez ici, peut-être auriez connaissance d'un endroit où je pourrais loger. Un hôtel ou une auberge, quelque chose dans ce style là.
- Aucune, il fit une légère grimace, Désolé. Je ne suis arrivé que hier donc je ne sais quasiment rien d'ici. Par contre, celui qui m'héberge devrait pouvoir t'aider.
- Merci. »
Son sourire franc lui mit du baume au coeur, plus que ce qu'un simple remerciement aurait du provoquer. Il mit cela sur le compte de son éreintante journée, trop pleines en rebondissements.
« Après ce que tu as fait, c'est la moindre des choses. »
Ils débouchèrent sur une large et interminable allée, qu'il savait avoir prise plus tôt avec le marchand. La fontaine ne devait pas se trouver bien loin. Tant mieux. Il nota cependant, alors que son compagnon et lui discutaient, que le nombre de personne qu'ils croisaient ne cessait peu à peu de baisser, tout comme la température ambiante. Comme s'ils s'enfonçaient dans une zone froide, repoussant tout être humain. Il sentit un frisson le parcourir, ainsi que les poils de sa nuque, se dresser.
Cela aurait tout à fait pu être son imagination qui lui jouait des tours, à cause des ombres inquiétantes aux coins des bâtiments et dans les fonds des ruelles devant lesquelles ils passaient mais, quelque chose lui disait qu'il y avait un problème. Un sixième sens affûté par ses capacités magiques au fil de son entraînement. À côté de lui, Negai se contentait de l'accompagner, un léger sourire aux lèvres alors qu'il lui parlait d'une lecture qui l'avait profondément touchée. Le jeune homme n'avait pas l'air de remarquer quoi que ce fût de troublant. Cela n'étonna pas Ganymède outre mesure, si le phénomène était d'une nature surnaturelle, il doutait que cela affectât une personne lambda.
Pourtant, ce fut son bras qui l'arrêta dans ses pas alors qu'ils approchaient d'un pont. Il se tourna vers l'autre, le regard interrogateur. Dans sa poitrine, son rythme cardiaque s'était accéléré. L'autre avait-il vu quelque chose ? Ce dernier pointait d'ailleurs quelque chose droit devant eux. Il plissa les yeux. Le prince sentit une horreur intense s'infiltrer en lui par tous les pores de sa peau, accompagnée d'une peur considérable.
Là, à plusieurs mètres d'eux, bloquant le chemin de leur corps d'obsidienne, leurs antennes s'agitaient dans tous les sens. Ils étaient là, grouillants sur le sol, une dizaine au moins, entourant de leur noire obscurité, une forme colorée qui gigotait. Immobilisé par la surprise, le choc et la panique qu'il sentait bouillir en lui, il sentit plus qu'il ne vit, le coeur de leur pauvre victime être ravi. Le corps retomba sur le sol, comme une inerte poupée de son.
Nauséeux, il porta une main à sa bouche pour s'empêcher de vomir tandis que, les images de son frère, entouré par des milliers de ces créatures, lui revenait. Son estomac se contracta. Il ne devait pas y penser. Endymion avait sa keyblade. Endymion était fort. Endymion était vivant, avec son coeur là où il devait se trouver. Il n'avait pas pu… Pas face à ces abominations. Peu importait leur nombre. Il l'aurait senti si cela n'avait pas été le cas. Ils étaient jumeaux après tout.
En attendant, lesdites choses avaient tourné leurs gros yeux globuleux couleur urine vers eux, dardant sur eux un regard convoiteur qu'il n'appréciait pas spécialement. Il tenait à la vie. À ses côtés, Negai se tenait toujours immobile. Son léger sourire avait fondu en une expression indéchiffrable. Ganymède ne voyait pas d'armes apparentes sur lui. Cela voulait dire qu'il devait être le seul à pouvoir les défendre.
Écartant le bras qui le bloquait, il tendit une main devant lui, électrifiant l'air dans son sillage. Une vive lumière illumina l'air alors qu'un éclair s'échappait d'entre ses doigts pour frapper le tas d'heartless. Avec cette attaque, les créatures se lancèrent dans leur direction, certaines glissant en une flaque sombre, les autres courant vers eux, griffes tendues, prêtes à découper leurs chairs pour s'approprier leur coeur. Des boules de feu cueillirent celles à découvert.
Avec cela, il ne restait plus que les deux qui s'étaient planquées sous terre. Il se tendit, ses sens en alerte. Il savait que les tâches noires mouvantes indiquant leur position se trouvaient au sol mais, il n'y avait pas assez de lumière pour qu'il pût vraiment les distinguer. Il ne pouvait donc que se fier à son instinct.
Imprudente, la première fut dispersée par la morsure d'un froid équivalent au zéro absolu alors qu'elle matérialisait à ses pieds. Ce qui permit à la seconde de lui sauter dessus, avant qu'il n'eût le temps de réagir. Il vit avec horreur la Mort affamée tendre ses doigts griffus vers son coeur, laissant au passage, trois estafilades le long de sa joue.
Un contact glacial le transperça de part en part.
Il tituba sous la puissance de la pluie qui venait de le frapper, le trempant jusqu'à l'os en un instant seulement.
Negai s'était interposé entre la bête et lui, le repoussant avec, il supposait, un coup de son ombrelle, à présent replié. Ce dernier venait de se mettre dans une position de combat, tenant l'objet comme s'il s'agissait du fourreau d'un sabre. Ce qui était effectivement le cas, constata le brun avec surprise : une seconde plus tard, son compagnon passait une lame dans le petit corps avant de rengainer l'arme dans le manche de la protection.
« Vous n'êtes pas blessé ?
- Rien qui soit grave. Allons-nous-en, avant qu'ils ne reviennent. Nous n'avons fait que les retarder.
- Que faisons-nous de l'homme qui a été attaqué ?
- Regarde par toi-même. Il n'y a pas de corps. Ceux qui se font voler leur coeur se transforment en ce genre de bête. »
L'autre se contenta de hocher la tête, s'inclinant avec grâce. Ils accélérèrent le pas, traversant le pont en vitesse pour rejoindre la longue volée d'escalier plus loin, qui les amènerait à la fontaine. Le reste du chemin se passa sans incidents, dans un calme bienvenu pour le noble esseulé qui n'aspirait qu'à une chose : dormir. Et, si possible, ne pas rêver pour enfin avoir un véritable sommeil réparateur, si ce n'était pas trop demander après cette journée éreintante.
À sa grande surprise, lorsqu'ils rejoignirent la boutique, se frayant un passage dans la foule qui peuplait le quatrième district, ignorant tout de ce qui s'était passé pas si loin que ça, Reize était nonchalamment appuyé sur le mur près de la seconde entrée de sa demeure, pipe en main. Il faisait de larges ronds de fumée. En le voyant là, Ganymède sut que l'autre l'attendait.
D'ailleurs, alors qu'ils approchaient, l'autre se redressait avec un soupir lascif, replaçant une mèche derrière une oreille pointue tandis qu'il les jaugeait du regard. Celui-ci s'arrêta sur la blessure ornant sa joue, mais son expression ne trahit rien alors qu'il ouvrait la porte pour les inviter à entrer.
Pendant qu'ils montaient les escaliers, l'adolescent se demanda comment il pourrait bien faire pour justifier son involontaire escapade, le pourquoi de son retour alors qu'il n'était pas vraiment parti à la base, ce qu'il faisait avec quelqu'un qu'il ne connaissait pas une heure plus tôt, le tout en ayant l'air crédible. Parce qu'il doutait que « rêver me fait voyager » fût une raison crédible pour le commun des mortels.
« Te voilà donc enfin de retour Ganymède, il ne pouvait pas voir son expression, Et avec un compagnon, il ajouta ensuite sur un ton étrangement guilleret, Vous et moi allons avoir une petite discussion quand nous serons là-haut. Après vous être lavés et changés, il ne faudrait pas que vous tombiez malade. »
D'un coup, il eut la mauvaise impression d'être un gamin fugueur qu'on aurait attrapé et qui rentrait chez lui, la queue entre les jambes, sur le point de se confronter à ses parents. La pensée le fit rire jaune.
La douche avait eu un effet bénéfique. Il se sentait beaucoup mieux, comme si l'eau avait lavée une grande partie de son épuisement. Il jeta l'épaisse serviette dans un coin de la pièce et, après avoir enfilé un sous-vêtement ainsi qu'un pantalon bordeaux moulant, se penchant vers le miroir pour examiner les marques sur sa joue. La blessure n'était pas très jolie à voir : les griffes avaient laissé des marques profondes, absolument pas régulières. Ils les sentaient picoter et tirailler.
Pas que cela fut un problème non plus. Ses sourcils se froncèrent légèrement alors qu'il se concentrait pour réparer les tissus blessés. Une sensation désagréable se concentra là, douloureuse. Elle était toujours là lorsque qu'il arrêta le sort le soin. Il restait encore trois traces sur sa peau pâle, mais elles s'estomperaient d'elle-même avec le temps. Il n'avait pas besoin de se fatiguer plus alors que ce n'était pas nécessaire.
Pas quand la magie réparatrice était aussi douloureuse et épuisante qu'elle l'était : elle se contentait d'accélérer le processus de guérison naturelle, et au passage, de concentrer la douleur diffuse qui s'étalait normalement dans le temps, en un bloc compact. De même avec la fatigue dû aux blessures. Alors si, pour des bobos de cette envergure, c'était un exercice en somme, simple, cela se compliquait rapidement dès que c'était un tout petit peu plus important. On lui avait toujours appris de ne pas vouloir en faire plus que nécessaire.
Ceci-fait, ses yeux se confrontèrent à leur reflet, enregistrant de suite que la tâche violette s'était élargie. À présent, elle avait mangé l'intérieur de ses iris, ne laissant qu'un cercle gris métallique autour de l'améthyste. Il savait que celui-ci finirait par disparaître, une fois que ses pouvoirs seraient totalement éveillé, ne laissant de leur couleur d'origine, que quelques paillettes ici et là, comme avec son Maître, ou Eaque. À ce moment-là, sa vue se serait totalement évanouie. Si cela avait quelque chose d'un tantinet angoissant, il ne pouvait pas vraiment cacher le fait que c'était la condition sine qua non pour maîtriser un jour ses pouvoirs. Et puis, son Maître et son frère aîné s'en accommodait très bien, alors, pourquoi pas lui ?
Sa main passa dans cette longue chevelure noire que son jumeau chérissait tant, lui affirmant sans cesse qu'il ne le rendait que plus « charmante » - il grimaça à cette pensée - lui donnait envi d'être toujours là pour le protéger. Sauf qu'évidemment, ce n'était plus le cas. Un rictus déforma son visage. Il pouvait se protéger tout seul. Il n'était peut-être pas un combattant, mais sa magie était là. Il avait toute une vie devant lui pour l'affiner. D'autant plus que l'entièreté de son potentiel ne s'était pas encore éveillé.
Il deviendrait fort. Il n'avait pas le choix. Il deviendrait fort. À tous ceux qui s'acharnaient à le protéger, il montrerait qu'il pouvait se débrouiller seul. Pour ses rêves surtout. Il prouverait à Palia que ces « chimères » qu'il poursuivait n'en était pas, que sa quête n'était pas vaine. Il trouverait son frère puis, rentrerait chez lui la tête haute et enfin, lui ferait ravaler au Clown, ses immondes paroles.
C'était une promesse qu'il se faisait à lui-même. Il la tiendrait.
Fort d'une nouvelle détermination, il fouilla les tiroirs pour y récupérer une paire de ciseaux, un moyen de concrétiser son serment silencieux. Avec sa main libre, il attrapa sa chevelure et la souleva.
À ses pieds, le carrelage disparut sous une pluie de longues mèches noir de jais tandis que pas une fois, ses yeux ne quittaient son reflet lorsqu'il détruisit consciencieusement ce que, la personne la plus chère à son coeur, considérait comme un trésor. Un trésor qu'il n'avait entretenu que pour elle. Le symbole de quelqu'un qu'il ne voulait plus être. Qu'il ne pouvait plus se permettre d'être.
Il se recula de quelques pas, pour observer le travail. Avec les légères boucles sombres qui entouraient son visage, sa frange mangeant son front, et sa longueur beaucoup plus courte que ce qu'il avait voulu, il ressemblait un peu trop à son frère pour le bien-être de sa santé mentale. Il n'avait vraiment pas besoin de ça. Ses doigts se posèrent en haut de son crâne. Il réfléchit quelques instants avant de se décider. Peu à peu, sa tignasse s'éclaircit avant de prendre une teinte blond cendré qu'il observa avec satisfaction.
C'était peu mais, il avait déjà l'impression d'être un autre homme.
Ce fut lorsqu'il passa une main contre son coeur qu'il la remarqua. Il s'insulta mentalement d'idiot de ne pas l'avoir vu avant, lorsqu'il s'était déshabillé par exemple. La marque était là sous ses doigts, écarlate sur sa peau d'albâtre, comme si elle criait pour être vue. Elle s'étendait avec fierté à l'endroit même où il s'était fait transpercé durant la première partie de son rêve. Une serrure enfermée dans un coeur formé par de fines arabesques, comme délicatement tracées au pinceau. Sur sa clavicule gauche reposait les pointes rondes d'une couronne à trois branches qui surmontait le tout.
Il frotta sa peau de manière compulsive, ne parvenant qu'à irriter sa peau. Comme un tatouage, le dessin ne broncha pas, mais lui fit mal. Il le scruta, non sans incrédulité. Qu'est-ce que c'était que ça encore ? Au bout d'un long moment, vaincu, il secoua la tête. Il aurait tout le temps d'étudier le curieux phénomène plus tard. Il avait une discussion importante qui l'attendait incessamment sous peu et doutait pouvoir retarder plus l'échéance.
Quand le jeune homme descendit dans le salon, après avoir enfilé une ample chemise cramoisie aux manches bouffantes, Reize était affalé dans un des lourds fauteuils de velours ocre, une sucette dans une main. Face à lui, sur un canapé, Negai assis droit comme un piquet, fredonnait un air aérien qu'il ne connaissait pas. Il se demanda si cela faisait longtemps qu'ils l'attendaient, avant de décider que ça importait peu. Alors qu'il prenait place à côté du voyageur, il les défia du regard de faire une quelconque remarque sur son brusque changement d'apparence. Seul le sourire malicieux de son employeur ainsi que celui, beaucoup plus doux du bretteur l'accueillirent.
Le marchand eut la délicatesse d'attendre qu'il se fut servi du thé et pioché dans le panier de pâtisserie avant de prendre la parole. À moins qu'il ne sentait sa nervosité et s'en amusait. Il en était bien capable.
« Que s'est-il passé ?
- Que veux-tu savoir ?
- Tout. »
Un instant, l'adolescent se demanda s'il allait lui mentir, puis se ravisa. Il ne savait ce que Palia lui avait dit exactement, mais l'autre avait accepté de l'héberger sans vraiment de conditions. Il se sentait mal rien qu'à cette idée. Alors, il raconta son rêve, imaginant qu'il parlait à son Maître pour ignorer la gêne de se dévoiler devant des inconnus. Puis, il parla de sa rencontre avec Negai, ainsi qu'avec des heartless. Reize l'écouta en silence, suçotant sa friandise.
« Cette marque dont tu parles, montre-la moi. »
Réclama-t-il simplement après qu'il se fut tu. Ganymède s'exécuta, déboutonnant les premiers boutons de son haut pour dévoiler sa peau teintée. Peut-être le commerçant avait-il une idée de sa signification. Il le questionna donc à ce propos. Sans succès.
« Je ne crois pas avoir déjà croisé ce symbole un jour. Les trois séparément oui, tu les rechercheras par toi-même, ils ne sont pas compliqués. Tu devrais même déjà les connaître, ils parlent d'eux-même. Pour ce qui est de leur association, j'en ignore tout, répondit-il avec un air perplexe, Et à propos de tes pouvoirs, ta nature, je vais être franc avec toi. Palia m'avait prévenu. »
Sa mâchoire se crispa. Son coeur rata un battement. Sa nature n'avait jamais été un secret. Loin de là, c'était ce qui se faisait sa plus grande fierté, tout comme celle de sa famille. C'était ce qui faisait sa valeur. Il n'était certes, pas un détenteur de keyblade, mais c'était un don inestimable dont la Nature l'avait dotée. Et, il le chérissait. Pourtant savoir que Palia l'avait révélé à un inconnu lui laissait un goût amer en bouche.
« Tu ne les maîtrises pas encore. »
C'était une affirmation. Ganymède roula des yeux.
« Si c'était le cas, je ne serai pas dans cette situation. Et je saurais pourquoi ça, il pointa du doigt le symbole sur son torse, Se trouve là, répliqua-t-il avec une pointe d'agacement.
- Quand les maîtriseras-tu ? Cela arrivera-t-il un jour ?
- Je n'en ai aucune idée. Mon Maître m'a toujours affirmé que cela se faisait sur la durée. Je ne sais pas combien de temps cela prendra, d'autant plus qu'il n'y a plus personne pour me guider. Mais, je finirai bien les maîtriser. Je n'ai pas le choix, il s'arrêta, hésitant à poursuivre ou non, Il y a des choses que je veux réaliser. J'en ai besoin pour ce faire.
- Des choses que tu veux réaliser ? Tu n'as quasiment aucun contrôle sur tes pouvoirs. Tu n'as pas non plus de keyblade. Que peux-tu réaliser ainsi ? Tu cours à ta perte.
- Tu ne sais rien de ce que je veux faire. »
Le sourire diabolique que lui adressa son interlocuteur fut plus éloquent qu'une réponse orale. Le prince étouffa une exclamation de rage. Ses jointures étaient tellement crispées qu'elles en étaient douloureuse. Il était sûr qu'il devait avoir pris un teint livide, vu le regard inquiet que lui lançait son voisin. Palia avait osé ! Le salaud ! Son regard se planta dans les yeux émeraudes de celui qui lui faisait face.
« Qu'a-t-il dit ? »
Lentement, Reize déposa le stick du bonbon sur son assiette. Il croisa les jambes, puis appuya un coude sur une cuisse avant de mettre son menton sur la paume de sa main. Son sourire s'élargit. Le blond déglutit difficilement. Il se doutait de la réponse de l'autre, n'était pas sûr d'avoir vraiment envi de l'entendre.
« Tout. »
Prononça-t-il avec une exaspérante lenteur, non sans se départir de ce stupide sourire. Il allait les tuer. Tous les deux. Reize et Palia. Pas étonnant qu'ils fussent amis. Il en voulait surtout au Clown. D'avoir dévoilé une partie aussi intime de lui-même à un étranger. Il avait l'impression qu'on avait violé une partie de lui. Ses yeux se posèrent sur Negai, dont il évita le regard. Le fait qu'il fut là, empirait les choses. Pourquoi passait-il donc ? Malheureusement pour lui, le marchand s'humectait les lèvres, prêt à poursuivre :
« Palia m'a parlé d'un gamin d'altesse, avec des aspirations vaines qui ne lui apporteront que désespoir et affliction pour futur. Il m'a parlé d'un stupide petit prince qui rêve à des choses impossibles, qui ne se réaliseront jamais. D'un enfant apeuré, trop obsédé par le passé pour envisager un avenir. Moi, je voudrais savoir ce que tu comptes vraiment faire. L'entendre de ta propre bouche.
- Ces rêves que Palia méprise, je les réaliserai coûte que coûte. Je trouverais le moyen d'y arriver. Peu importe le temps que ça prendra, peu importe les sacrifices, il sourit tristement en songeant à sa maison, sa vie, celle qu'on l'avait forcé à abandonner, Je n'en suis plus à ça prêt. C'est ce que mon coeur souhaite. Je le suivrais jusqu'au bout du monde. »
La réponse lui était venue d'elle-même, sans qu'il n'y ait réfléchi. C'était l'entière vérité, qu'il avait énoncé avec fierté. Inconsciemment, sa main se porta à son coeur, comme pour renouveler cette promesse silencieuse qu'il s'était faite plus tôt. Negai lui souriait. Reize tapotait doucement sa joue du bout de son index. Son autre main jouait avec un couteau posé près du fraisier au milieu de la table basse.
« ''Peu importe les sacrifices'', répéta-t-il avec langueur, comme s'il savourait la valeur des mots, N'est-ce pas ? Et si cela incluait ta vie ? »
Son regard s'était fait perçant. Le jeune homme eut l'impression qu'on lisait en lui comme dans un livre ouvert. Claquement de langue de la part. Mu par une volonté propre, le couteau fila d'entre les doigts du brun à toute vitesse pour venir se plaquer contre sa gorge. Il cligna des yeux. Que venait-il de se passer là ?
« Et si cela incluait ta vie ? »
La menace était à peine voilée. Du coup de l'oeil, il vit le voyageur les regarder l'air choqué, hésitant clairement à venir à sa rescousse avant de se raviser quand ses yeux se posèrent sur la table où, les couverts s'étaient mis à danser. Il salua mentalement la performance. La coulée chaude qu'il sentait sur son cou le ramena à la réalité, en même temps que la sensation de sa peau qui se déchirait. Rien de grave, mais il sut que l'autre pourrait, sans aucuns scrupules, porter son admonestation à exécution si la réponse qu'il lui donnerait ne le satisfaisait pas.
Il ancra dans son scrutateur et jugeur de regard, le sien. Tout dépendrait de ses prochaines paroles, il le savait. L'autre le lui avait clairement montré. Il rassembla tout le courage dont il était capable, afin d'affirmer à voix haute ce qu'il savait déjà, autant que pour se le confirmer. Il était une autre personne. Il avait pris un nouveau départ. Il ne devait pas hésiter.
« Si je dois la sacrifier elle aussi… qu'il en soit ainsi. »
Silence chargé de tension tandis qu'il attendait la réaction. Reize l'observa un long moment avant de passer une main devant sa bouche. Que se passait-il ? Ses épaules tressautèrent. Il se jeta en arrière, gorge déployée, éclatant d'un rire tonitruant, comme si on venait de lui faire la meilleure blague au monde. Le couteau tomba sur ses genoux. Il s'empressa de le remettre à sa place. Ses bras se croisèrent. Il ne voyait pas de matière à rire dans ce qu'il venait de dire. C'était purement et simplement vexant, un affront à sa fierté.
« Oh Altesse ! Palia avait raison. Tu dois vraiment être le plus grand imbécile de l'univers. »
Articula-t-il avec difficulté à cause de son fou rire. Il s'éventa de son autre main, reprenant contenance tout aussi rapidement qu'il l'avait perdu.
« Mais j'aime ça. J'aime beaucoup ça. On ne réussit rien sans un minimum de stupidité, de culot et de chance, ajouta-t-il, Je t'aiderai, il lissa la pointe de son bouc, non sans un énorme sourire, Cependant, comme je te le disais, en l'état actuelle des choses, même avec toute l'aide du monde, il est indéniable que tu cours à ta perte. Ta quête est vouée à l'échec. Tu n'as pas encore les épaules assez larges pour porter un tel fardeau seul. Ce n'est déjà quelque chose qu'un adulte pourrait faire sans aide, alors un gamin comme toi ? Laisse-moi rire.
- Je sais très bien que ce ne sera pas facile ! Mais je suis prêt ! protesta Ganymède avec véhémence. Sa quête n'était pas vouée à l'échec.
- Il y a d'autres manières de le dire. Vos mots sont durs. »
C'était la première intervention de Negai depuis le début de la discussion. C'était peu, mais le prince lui en fut reconnaissant. Au moins un qui ne se moquait pas ouvertement de lui, qui tentait de se montrer un minimum compréhensif.
« Avec une tête brûlée comme la sienne ? Je ne connais pas d'autres méthodes. Mes mots ne sont que la vérité à nue, il s'adressa ensuite au blond, à toi de voir ce que tu en fais. Je t'ai dit que je t'aiderai. Je ne suis pas homme à revenir sur ma parole. Je ne suis pas un magicien, loin de là, je ne peux pas utiliser une seule once de magie. De ce côté là, tu devras donc te débrouiller seul. Mais je peux te fournir des informations.
- Lesquelles ?
- Je suis un marchand. Que me donnes-tu en échange ?
- Je n'ai rien d'autre à donner que ma vie.
- Ton temps. Autant de temps qu'il te faudra pour devenir assez fort pour réaliser tes rêves. En échange des informations, tu effectueras toutes les tâches que je te confierai. Sans poser de questions. Qu'en dis-tu, cela te semble-t-il bien ? »
Il tendit sa main gantée vers lui. Ganymède l'observa, interdit.
« Je travaille déjà pour toi.
- Je te parle de tâches spéciales qui n'ont rien à voir avec le travail habituel. Pourquoi hésites-tu ? Mentais-tu lorsque tu affirmais que tu étais prêt à tous les sacrifices, et que tu atteindrais ton objectif peu importe que temps que ça prendrait ? »
Pernicieux, vicieux salaud qu'il était ! Il retournait ses mots contre lui. Il serra les dents. Parce qu'il était furieux que l'autre insinuait qu'il n'avait pas été sincère en disant tout cela. Il n'avait pas d'autre choix que d'accepter. Cependant, hors de questions de se rendre comme ça.
« Donne-moi une preuve que je peux te faire confiance.
- Pose-moi une question. Une seule. J'y répondrais franchement. »
Palia semblait avoir dit un nombre inconfortable de choses sur lui à Reize. La pensée de travailler pour quelqu'un qui le connaissait autant alors que le contraire n'était pas vrai du tout détermina le choix de son interrogation. Il se félicita lorsqu'il vit le vicieux marchand froncer très légèrement les sourcils lorsqu'il la lui posa :
« Qu'est-ce que tu es Reize ?
- Je suis autant humain que tu le seras lorsque tes iris partageront cette couleur qui fait la marque des Monsieur Loyal et des Chefs d'Orchestre du cirque géant sur lequel ta famille règne, Altesse. Je suis ce qu'on appelle un nobody. »
Haussement de sourcil. Il ne s'était pas vraiment attendu à cela. Oh, bien sûr, il connaissait la théorie, elle faisait partie de son éducation : certains des gens dévorés par les heartless, laissaient derrière eux un corps bien pensant dénué de toute émotion. Ceux qui possédaient une forme humaine étaient les plus puissants. Soudainement, il percuta. Se tourna vers Negai.
« Toi aussi. »
Hochement de tête. L'anomalie, cette étrangeté commune à leur aura, devait être ça. Leur absence de coeur, la preuve qu'ils n'étaient pas tout à fait humains. Savoir cela, le réconforta quelque peu. Cela avait quelque chose de rassurant de savoir que le Clown ne l'avait pas expédié chez n'importe qui. Pas qu'il était de ce genre là. Il se demanda si les autres étaient au courant. Se traita d'imbécile. Bien sûr qu'ils l'étaient. Ce qui voulait dire que son Maître et Eaque l'approuvaient. C'était une bonne chose.
« Marché conclu alors. »
Finit-il par dire en prenant la main tendue par le nobody. Ils échangèrent une rapide poignée de main avant que le marchand s'intéressât à son confrère.
« Quant à toi, Ganymède disait que tu cherchais un hébergement pour la nuit, c'est bien ça ?
- Tout à fait. Un hôtel ou une auberge.
- Et tu as pour projet de voyager entre les mondes.
- C'est bien cela.
- Je te propose les deux. Travail pour moi, je te ferai voyager autant que tu le voudras. Quelqu'un comme toi serait un atout d'une valeur inestimable ici et, je ne suis pas du genre à laisser filer la chance quand je la vois pointer sous le bout de mon nez. Tu n'auras pas à te soucier des trivialités de la vie tel que trouver un logement, ou un de la nourriture. Comme Ganymède, tu auras un salaire. Tu n'auras pas non plus à craindre de cacher ta nature, puisqu'ici, nous sommes tous des bizarreries de la Nature. »
Et ce fut tout. Negai ne sembla pas avoir besoin de plus d'arguments pour se décider. Que l'autre accepta la proposition de leur aîné sans poser plus de questions que ça, le laissa perplexe. Son compagnon, nouveau collègue lui lança un brillant sourire. Comme s'il était l'homme le plus heureux de l'univers. Ganymède se demanda s'il n'était pas un peu idiot.