Les histoires qu'on se raconte (3/3)

Aug 03, 2013 18:08

Titre original : The lies we tell ourselves (and others)
Lien vers le texte original : http://tamoline.livejournal.com/17188.html
Auteur : tamoline
Traducteur : hotladykisses (avec l’autorisation de l’auteur)

Fandom : The Good Wife
Couple : Alicia/Kalinda
Classification : T
Résumé : En réalité, il n’y aurait jamais dû y avoir de première fois. Ecrit à l’occasion du ficathon d’été 2012 « C’est une tradition Lockhart-Gardner » de sweetjamielee sur Live Journal, à partir de l’idée : « Univers alternatif - Alicia et Kalinda étudiantes se rencontrent à Georgetown - diverses frasques s’ensuivent ».

Chapitre 3
Vijay, c’est compliqué.

J’aimerais vraiment venir te voir.

C’est vrai.

C’est juste que je ne peux pas. Je n’ai pas le temps, ni l’argent, ni …

C’est juste que je ne peux pas.

***
Pour finir, ce fut Will qui m’appela le jour suivant.

« Kalinda ?
- Tu as vu Alicia ? » laissai-je échapper, vite suivi de « Comment elle va ? »

Cela en révélait bien trop, mais je ne pus m’en empêcher.

Il y eut un rire sec dans le téléphone. « Elle est … C’est compliqué. Tu as le temps pour qu’on se voie ? »

Non. J’avais cours dans une matière où j’étais sur le point de me planter, mais…

« Bien sûr. Où et quand ? »

Il me donna le nom d’un café. « On se retrouve là-bas dans une heure ?
- A tout à l’heure. »

***
Will avait des cernes sous les yeux, comme s’il n’avait pas dormi de la nuit. Il me fit un signe de tête à son arrivée, mais fit un détour par le comptoir pour commander un grand expresso avant de me rejoindre.

« Tu as une tête à faire peur. » furent les premiers mots qui sortirent de sa bouche.

« Merci. Tu n’as pas terriblement bonne mine non plus.
- Ouais. » Il souffla sur sa tasse, puis en but quelques gorgées. « Alicia est venue chez moi hier soir. A ce qu’il paraît, tu étais en train de me tromper ? »

Je le regardai d’un air neutre. « Je n’ai jamais dit qu’on serait exclusifs.
- J’ai essayé de lui expliquer ça, mais… Elle n’était pas d’humeur à écouter. Je suis quasiment sûr qu’il y avait autre chose, mais elle est restée remarquablement bouche cousue sur toute cette histoire. Par contre, elle m’a demandé si j’étais au courant pour ton nom ? » dit-il en me regardant d’un air interrogateur.

« C’est compliqué.
- C’est aussi ce qu’elle a dit. » Il s’adossa à son siège, et contracta un peu les épaules. « Il y a … Ca pourrait bien être plus diplomatique de ne plus se voir pendant un moment, désolé.
- Oh ?
- Chris a appelé quand elle était chez moi. Il voulait savoir où elle était. Inutile de dire qu’il n’était pas content de découvrir qu’elle était avec moi, même si Alicia lui a dit qu’elle me « consolait après que ma petite amie m’ait trompé ». Il leva brièvement les yeux au ciel.

« Mon pauvre.
- Oui, eh bien les choses ont dégénéré. Il y a eu des cris, des hurlements, et vers la fin de l’appel, c’est elle qui avait rompu avec lui. Ce qui est une première pour Alicia. »

J’avais la désagréable impression de savoir où il voulait en venir.

Il se frotta la tête d’une main. « Alors il y a eu des discussions, des câlins, des pleurs, et bon. En fait maintenant j’ai une petite amie. » Il n’avait pas l’air aussi heureux qu’on aurait pu le penser, compte tenu de tout le temps qu’avait duré cette tension entre eux.

Peut-être qu’il était juste fatigué. Peut-être qu’il aurait préféré des circonstances plus favorables.

Bref.

C’était ce que je voulais, non ?

Pas comme ça, pas avec Alicia si furieuse après moi, mais…

Cela n’aurait pas dû faire si mal, non ?

« Félicitations. »

Il me regarda pensivement un instant. « Ecoute, qu’est-ce qui se passe entre Alicia et toi ? Vous avez toute les deux soufflé le chaud et le froid l’une avec l’autre plus que je n’ai vu aucune d’entre vous le faire avec qui que ce soit d’autre.
- Quelle importance ? » demandai-je pour la forme.

« Tu es mon amie, Kalinda, et elle, c’est la femme que j’aime depuis… » Il fit un geste en l’air. « Je ne veux pas me retrouver pris dans je ne sais quel drame qui se déroule entre vous, mais je tiens réellement à vous deux. »

Je ne pouvais plus en endurer davantage. Il y avait en moi une virulente douleur froide, et Will… Will se rapprochait trop et je ne pouvais pas en supporter plus.

Je me levai et lui adressai le plus beau sourire évasif que je pus à ce stade. « Ne t’en fais pas pour ça. » lui dis-je.

Peut-être à présent, sans personne pour me traîner de nouveau au contact d’Alicia, serais-je bien.

Et si cela faisait mal, un océan de douleur, eh bien je n’aurais que ce que je méritais.

« Prends soin d’elle. » lui dis-je. « Prends soin de toi aussi. »

Je lui fis un petit signe de la main, et quittai la boutique aussi vite que possible sans avoir l’air de m’enfuir.

***
Je t’en prie, pardonne-moi. S’il te plaît. Pardonne-moi.

***
On frappa un coup à ma porte. Bref. Vif. Fort.

J’envisageai de l’ignorer. J’étais en pleine révision pour un test, et les faits refusaient tout simplement de me rester dans la tête.

Mais … Il ne valait vraiment mieux pas. Je me levai, fis un effort pour me détendre, former un doux sourire, et j’ouvris la porte.

Le sourire devint un peu plus figé quand je vis qu’il s’agissait d’Alicia.

Elle n’avait pas l’air excessivement heureuse d’être là.

J’hésitai brièvement entre Kalinda et Leela, mais c’était la chambre de Leela.

« Puis-je t’aider ? » lui demandai-je aussi plaisamment que je le pouvais.

Alicia se contenta de me regarder pendant un moment, sévèrement. « Mon petit ami pense que je devrais te donner une seconde chance. » finit-elle par dire.

Mon cœur, traîtreusement, ridiculement, bondit dans ma poitrine. « Vraiment ? » ne pus-je m’empêcher de demander.

Elle serra les lèvres. « Une seule, cela dit. Explique.
- Veux-tu entrer et prendre un siège ? » demandai-je.

Elle hocha la tête, entra dans ma chambre et prit la chaise que j’offrais tandis que je m’asseyais sur le lit.

J’inspirai puis expirai. « Maintenant, qu’est-ce que tu voudrais que j’explique ?
- Toi. Ce que voulait dire la fille, quand elle a dit que tu étais seulement Kalinda pour tes affaires. Pourquoi tu te comportes si différemment en ce moment. Pourquoi tu m’as menti ! » Elle prononça cette dernière phrase d’un ton plus passionné que le reste, comme si celle-ci sortait d’elle sous pression.

Je baissai les yeux sur mes genoux. « Ca pourrait prendre un moment.
J- ’ai le temps. »

Je n’étais pas sûre de l’avoir à cet instant, et jetai brièvement un regard au travail sur ma table.

Mais…

C’était Alicia. Et elle me donnait une seconde chance. Même si j’avais l’impression que lui dévoiler davantage de moi ne lui permettrait que de me blesser encore bien davantage si (quand) elle me rejetterait.

Il fallait que je prenne le risque.

Je lui racontai le conte de fées, remanié comme il convenait, d’une fille nommée Leela qui avait grandi dans le système, déplacée d’un endroit à un autre, ne voyant que rarement son frère. De miss Bowen, qui avait produit une telle impression sur moi, et m’avait inspiré la volonté de devenir psychiatre pour enfants, afin de pouvoir aider les autres enfants comme moi.

« J’en suis encore loin. » lui dis-je timidement. « Mais je m’en rapproche lentement.
- Alors pourquoi tu m’as dit que tu t’appelais Kalinda ? » demanda-t-elle.

« J’ai encore besoin d’argent pour compléter ma bourse. Et puis, eh bien, je suis douée pour découvrir des choses, faire des rapprochements. Devenir détective privé semblait une suite naturelle à ça. Mais le travail devient souvent … compliqué. Il se peut qu’il exige de franchir des limites pour obtenir l’information ou la preuve que désire le client. Et c’est le genre de chose qui pourrait ne pas nécessairement faire bon effet quand je serai à la recherche d’autres bourses, ou que je travaillerai dans ce domaine. Alors j’ai inventé une fausse identité : Kalinda Sharma. » Je haussai les épaules. « La première fois que je t’ai rencontrée, j’étais sur une affaire, je cherchais quelqu’un, c’est donc comme ça que je me suis présentée.
- Et pourquoi tu as l’air si différent maintenant ? » demanda-t-elle comme si elle soupçonnait un piège.

« Je suis comme ça. C’est juste ... En tant que Kalinda, il est utile de garder plus de barrières entre le monde extérieur et moi. » Moins pénible. Il était épuisant de se sentir si ouverte, si exposée. Et je ne voulais pas avoir trop d’empathie pour les gens avec qui je parlais en tant que Kalinda. Comme je devais le faire avec les gens à qui je parlais en tant que Leela. « Et comme je l’ai dit, quand tu m’as rencontrée j’étais Kalinda. »

Elle me regarda pendant une longue minute.

« Alors, tu es vraiment comme ça ? »

C’est comme ça que je veux être. Même si je pense parfois qu’il y a encore tellement de chemin à parcourir.

J’acquiesçai.

Elle plissa les lèvres. « Il va falloir que j’y réfléchisse. Mais je ne comprends pas pourquoi tu ne pouvais pas me le dire avant. Je pensais qu’on était amies. Je pensais que je … » Elle ravala le reste de sa phrase. «Il va falloir que j’y réfléchisse. » répéta-t-elle, avant de se lever.

« On va se revoir ? » demandai-je malgré moi.

« Je te le ferai savoir. » dit-elle. Et elle partit.

***
Quelques jours après, elle m’envoya un SMS pour m’inviter à sortir la retrouver. A mon arrivée, Will et Alicia étaient assis ensemble. Lorsqu’il me vit, Will sourit et leva son verre dans ma direction. Alicia leva la tête qu’elle avait posée sur l’épaule de Will et m’adressa quelque chose qui ressemblait à un sourire avant de la reposer.

Je m’assis sur une chaise, me détendis, et me fondis dans le décor comme si j’avais toujours été là.

Alicia ne m’adressa plus un seul regard de toute la soirée.

Ca faisait mal. Mais c’était ce que j’avais voulu.

***
Bien trop tôt, la fin de leur dernière année dans le Système -- leur dernière année d’école -- approcha. Leela avait réussi à obtenir une bourse pour Georgetown, et autant elle aimait Vidhya, autant elles réalisaient toutes les deux qu’elle aurait plus de chances de réussir si Vidhya n’était pas dans les parages.

Cela n’empêcha pas Vidhya de tâcher de lui transmette autant de ses talents qu’elle put. Ni de promettre que si jamais Leela avait besoin de quelque chose, de quoi que ce soit, tout ce qu’elle aurait à faire serait de lui passer un coup de fil, et Vidhya remuerait ciel et terre pour le faire.

Tout alla aussi bien que prévu jusqu’à la soirée.

***
Will et Alicia semblaient heureux, satisfaits, détendus. Les yeux d’Alicia ne s’égaraient pas, avaient tendance à m’éviter complètement, et Will n’avait jamais l’air possessif, contrairement à Dan aussi bien qu’ à Chris. Je ne savais donc pas trop à quoi m’attendre lorsqu’Alicia dit : « Tu as un moment, je peux te dire un mot ? » à la fin de l’une de nos sorties en groupe quelques semaines plus tard.

« Bien sûr », dis-je. Puis j’attendis avec curiosité.

Elle me regarda un instant avant de plisser les lèvres de frustration. « Est-ce que … Est-ce que ça te dirait de venir souper quelquefois ? »

Je cherchai aussitôt Will des yeux, mais il avait déjà disparu. « Bien sûr ? » dis-je, mon incertitude transformant la réponse en question.

«Pas comme ça. » dit-elle en rougissant. « C’est juste que … Je te le dois, pour tous les repas que tu m’as préparés. »

Je me demandai à quel point au juste Will avait un rapport avec cette invitation. Cette branche d’olivier ressemblait très peu à Alicia.

« D’accord. » dis-je. Puis : « Merci. Tu voudras que j’apporte quelque chose ?
- Rien que toi. » dit-elle. Puis avec un léger sourire : « Et peut-être Leela. »

Je faillis alors me rétracter. Je pouvais sans doute me débrouiller pour être seulement Kalinda ou seulement Leela. Mais les deux ?

Mais…

Mais je ne pus m’empêcher de hocher la tête et de dire : « Entendu. Jeudi ?
- Jeudi. » dit Alicia. Puis elle s’éloigna sans se retourner.

Ce qui n’augurait rien de bon, ne pus-je m’empêcher de penser.

***
 Je me demandai qui être tout en frappant à la porte d’Alicia, mais à la fin Kalinda l’emporta. C’était celle que j’étais le plus accoutumée à être auprès d’Alicia.

De plus, si les choses tournaient mal, je me sentirais moins exposée.

Alicia m’ouvrit la porte avec un sourire qui ne paraissait que très légèrement figé. Elle me scruta le visage une seconde, mais je n’aurais su dire si elle y trouva ou non ce qu’elle cherchait.

« Eh bien entre. » dit-elle en tout cas.

Il n’y avait aucun signe de Will dans son appartement. Je m’étais à moitié attendue à sa présence, mais apparemment, ça allait juste être un repas entre filles. Je me demandai combien Alicia lui en avait dit sur moi, sur nous. Il ne m’avait en aucun cas traitée différemment, mais elle sortait avec lui. Sûrement, elle aurait…

« Tu vas te contenter de rester plantée là ? » m’interpela Alicia depuis le coin cuisine. « Ou tu vas m’aider à préparer le souper ?
- Je croyais que tu allais me faire la cuisine. » murmurai-je en passant devant elle pour gagner la planche à découper.

« Les choses m’ont un peu échappé. » dit-elle. Lorsque je me contentai de ne pas relever, elle ajouta : « Je me suis laissée embarquer dans mes cours, OK ? »

Je souris légèrement. C’était Alicia tout craché.

« Comment as-tu réussi à survivre sans moi pour te faire à manger ? » ne puis-je m’empêcher de demander d’un ton un peu taquin.

Alicia se figea un instant, et je crus que j’avais de nouveau aggravé la situation, mais ensuite elle eut un petit rire. « Avec du mal. »

Je faillis dire quelque chose comme : « Il ne faut pas que ça se reproduise. », mais il était trop tôt, bien trop tôt, et je me concentrai sur les oignons à émincer.

Pendant un moment, nous fûmes un peu embarrassées l’une avec l’autre, la conversation un peu guindée, nous nous assurions qu’il y avait toujours au moins trente centimètres entre nous, mais les choses commençaient à se détendre un peu.

Puis le repas fut servi, et c’était tellement comme au bon vieux temps que cela me serra le cœur. Mais je gardai tout cela profondément enfoui derrière mon masque où l’on ne pouvait pas le voir.

J’avais été Kalinda toute la soirée, et je pensais m’en être tirée ainsi, jusqu’à ce que, pendant que nous faisions la vaisselle, Alicia me demande : « Pourquoi es-tu comme ça tout le temps, même quand on est seules ? » Il y avait une note de frustration dans sa voix, mais au-delà de cela, elle semblait simplement blessée.

Je pris une inspiration puis me détendis. « C’est… plus facile d’être Kalinda avec toi. Plus reposant. Je croyais… Je croyais que tu aimais bien Kalinda.
- Mais oui. » dit Alicia avec une grimace. « C’est juste que … J’ai l’impression que tu me repousses quand tu es comme ça, maintenant que je connais cette autre facette de toi.

Je lui adressai un pâle sourire. « Si ça peut aider, parfois j’ai l’impression que c’est quand je suis comme ça avec toi que je suis le plus moi-même. » Malgré le fait que je n’aurais vraiment pas dû, et que ressentir cela faisait de moi quelqu’un d’horrible.

« Vraiment ? » demanda Alicia, une note d’espoir dans la voix.

« Vraiment. » dis-je.

Tu n’as aucune idée de l’effet que tu as sur moi, ne pus-je m’empêcher de penser.

Et puis, il fut l’heure de partir. Pendant un instant, Alicia eut l’air d’envisager de me serrer dans ses bras, mais heureusement elle n’en fit rien.

« On remet ça à l’occasion ? » dit-elle en levant brièvement les yeux au ciel. « Après tout, qui va veiller sur moi, à part toi ?
- Bien sûr. » dis-je. Et je lui adressai un grand sourire sincère tout droit issu de la part en moi qui était Leela.

***
Après cela, les choses s’améliorèrent entre nous.

Il y avait les sorties en groupe, au cours desquelles nous avions tendance à ne guère interagir, et même si elle ne m’évitait pas activement, elle ne me regardait pas non plus. Cela faisait encore mal, un peu, de la voir avec Will, mais cela soulageait quelque chose en moi, rien que de la voir.

Et puis il y avait les soupers, rien que nous deux. Nous étions, tout au contraire, plus détendues que jamais. La plupart du temps, j’étais Kalinda, sarcastique et douée pour écouter les soucis et les angoisses de la vie d’Alicia. Mais à l’occasion, je pouvais être Leela, et lui parler de mes cours et de mes espoirs.

Ca marchait. Ca n’aurait pas dû. J’aurais dû me sentir écartelée, mais ce n’était pas le cas.

Cela faisait réellement du bien, et c’était là le plus bizarre dans tout ça.

Et si, au cours de ces soupers, parfois elle regardait… Je ne disais rien, ne troublais pas le silence.

Rien n’allait se passer.

Rien ne pouvait se passer.

Elle était avec Will, et cela devait la rendre heureuse.

Je ne pouvais m’autoriser ne serait-ce qu’à penser autre chose.

Même, tandis que les semaines passaient, lorsque Will commença à avoir l’air de moins en moins heureux juste d’être avec Alicia, comme si quelque chose n’allait pas.

Cela n’aurait donc pas dû être une surprise lorsque Will voulut me voir pour me dire qu’il rompait avec Alicia.

Mais c’en fut vraiment une.

***
« J’ai été l’autre homme dans suffisamment de ses relations pour reconnaître les signes. » dit-il en regardant le fond de son verre d’un air morose.

« Oh ? » demandai-je, refusant de réfléchir à ce que cela pouvait signifier.

« Oui. Quelqu’un d’autre lui plaît. Et je ne vais pas jouer le rôle du petit ami, il est toujours nul.
- Will. » dis-je, ne sachant quoi ajouter.

« Je continuais d’espérer, mais… » Il haussa les épaules. « Peut-être que ça ne devait pas arriver. Peut-être que le fantasme était tout ce qu’il y a jamais eu entre nous. » Il prit une gorgée de son verre, comme s’il essayait de se rincer la bouche du goût de ses mots.

Je ne voulais pas y croire. Je ne pouvais pas.

« Peut-être que tu te trompes ?
- Elle n’a pas réussi à me regarder en face quand je lui en ai parlé franchement hier soir. Kalinda, je ne vais pas pouvoir être là pour la soutenir sur ce coup-là, je ne suis pas maso à ce point-là. Je sais que tu as pris soin d’elle après Dan. Tu crois que … ? »

Je baissai les yeux sur mon verre. Avais-je été le problème cette fois ? Je ne pouvais pas tout à fait m’autoriser à le croire, mais je m’en sentais néanmoins coupable.

Alicia aurait dû être heureuse avec Will. Il aurait dû en être ainsi.

Toute autre chose était dangereuse. En particulier ceci.

Mais. Il s’agissait de Will. Et d’Alicia.

Il n’y avait qu’une seule réponse.

« Bien sûr. » lui dis-je.

***
Et je le fus. Là pour elle, veux-je dire.

Chastement.

En amie.

Je la pris dans mes bras tandis qu’elle pleurait, la rassurai lorsqu’elle douta de jamais être capable de faire durer une relation.

Cela brûlait comme le feu, gelait comme la glace, mais je fis tout cela avec le sourire.

Et, même si cela parut prendre une éternité, au fil des jours elle se remit.

Bientôt, nous reprîmes nos habituels repas ensemble.

Bien que peut-être un peu plus fréquemment.

Bien que peut-être notre petit ballet dans la cuisine soit devenu un peu plus intime, tandis qu’elle semblait perdre ses inhibitions sur le fait de m’approcher de trop près.

Et elle se mit à regarder. Même moi, je ne pouvais ignorer de quelle façon elle regardait.

Même si je faisais de mon mieux pour ça.

Cela ne voulait rien dire, devais-je me répéter après chaque repas que nous passions ensemble.

Elle ne voulait rien dire par là.

Je ne pouvais en aucun cas me permettre de penser différemment. Je ne pouvais pas supporter l’idée de perdre de nouveau le temps que nous passions ensemble.

C’est pourquoi ma surprise fut totale lorsqu’elle m’embrassa.

***
Long, étourdissant, profond. J’avais l’impression de tomber et de devoir m’accrocher à elle pour rester debout.

Je ne m’étais pas sentie ainsi depuis…

Et puis mon instinct prit le relais avant même que je puisse sentir l’odeur de la fumée, et je lui rendis son baiser.

Nous finîmes par nous séparer pour respirer et je revins à la réalité. Je sentis mes yeux s’écarquiller, et je fus incapable de parler, de bouger.

« Tu n’as pas idée depuis combien de temps j’avais envie de faire ça. », dit-elle tout bas, d’une voix haletante.

Tu n’as pas idée depuis combien de temps j’avais envie de te faire ça, pensai-je sans le dire.

Elle sembla finalement remarquer mon silence. «Tout va bien ? » demanda-t-elle, avant d’ajouter un peu nerveusement : « Tout va bien entre nous ? »

Son début de panique me délivra de mon blocage intérieur. « Bien sûr. Tout va bien. » Je pouffai de rire. « Plus que bien. Juste … un gros changement dans la façon dont j’ai tâché de te considérer. »

Elle eut un petit rire, surtout de soulagement semblait-il, et se passa la main dans les cheveux. « Crois-moi, ce n’est pas un gros changement dans la façon dont je te considère. Peu importe à quel point j’ai tâché de refuser de l’admettre.
- Alors tu n’as pas l’intention de t’enfuir encore pendant deux semaines pour mettre le grappin sur le premier mec qui voudra de toi ? »

Elle fit la grimace. « Je ne sais pas. Et toi, tu as l’intention de couper le contact avec moi pendant une ou deux semaines ? »

Je ris. « Pas cette fois, je suppose. »

Je suis déjà beaucoup trop profondément impliquée pour ça.

« Alors. » dit-elle.

« Alors ?
- Tu as l’intention de m’inviter à sortir ?
- Pourquoi c’est à moi de le faire ?
- Parce que c’est moi qu’on invite à sortir. »

Je haussai les épaules. « Je ne suis pas vraiment du genre qui invite. » Son regard se fit plus aiguisé. « Mais, bien sûr. Me ferais-tu l’honneur de sortir avec moi ? Je ne pourrai peut-être pas t’emmener dans un endroit chic, mais on m’a dit que mon sauté était du tonnerre. »

Elle se pencha et m’embrassa de nouveau, d’une façon tout aussi époustouflante que la première fois. « J’adorerais sortir avec toi. » murmura-t-elle contre mes lèvres. « Même si c’était la façon de m’inviter la moins élégante que j’ai entendue depuis le lycée.
- Je t’ai dit que je n’étais pas du genre qui invite ? » répondis-je avant de lui rendre son baiser. « Mais… Les exceptions peuvent avoir du bon. »

Je lui adressai un demi-sourire et un dernier baiser avant de me mette au travail pour émincer les légumes.

Le reste de la soirée fut bien loin d’être aussi surprenant, mais tout aussi plaisant.

***
Les quelques semaines qui suivirent furent employées à définir notre nouvelle relation.

Je ne cessai jamais vraiment d’avoir l’impression que c’était mal, mais aussi, en même temps, que c’était tout naturel.

J’enfouis ma confusion au plus profond de moi et refusai de la laisser paraître. Ce n’était pas juste pour Alicia.

Le sexe arriva presque par accident, un soir après avoir provoqué Alicia par ma façon de manger les spaghetti, ce qui mena à des baisers, qui menèrent à quelque chose de plus.

La suite cependant faillit mener à notre première dispute.

***
« Tu ne restes pas dormir ? » Alicia me regardait, les cheveux en bataille après l’amour, tandis que je commençais à remettre mes vêtements.

Je lui adressai un léger sourire. « Je dois me lever tôt.
- Pas de souci. Ca ne me dérange pas de mettre le réveil de bonne heure. »

Je serrai un instant mes bras autour de moi. « J’ai du travail à faire dans ma chambre avant d’aller me coucher. »

Elle se redressa sur un bras, et me regarda d’un œil aiguisé. « Tu es en train d’éluder. Qu’est-ce que tu ne me dis pas ? » Elle eut l’air un peu blessé. « Je croyais que tu me faisais confiance. »

Je me mordis la lèvre, fort, et fermai les yeux, avant de les rouvrir. « On vient juste de couch… de faire l’amour pour la première fois. Je ne peux pas en parler maintenant. » Maintenant en particulier. La première fois que le sexe signifiait quelque chose pour moi depuis… « On peut en rester là pour ce soir ? » A ma grande honte, une note de supplication se glissa dans ma voix.

Alicia me regarda encore un instant, avant de venir me rejoindre et de me serrer dans ses bras. « Tu trembles. » dit-elle.

Je ne pouvais pas penser à ça maintenant. Je ne pouvais pas penser aux nuages de fumée, ou aux flammes qui dansaient, alors à la place, je me contentai de me concentrer sur les bras d’Alicia, sur sa main qui me caressait doucement la tête, sur sa voix qui me disait que je n’avais pas à dire ou faire quoi que ce soit si je n’en avais pas envie.

Et avant de m’en apercevoir, je m’endormis bel et bien, même si c’était la dernière chose dont j’avais envie.

***
C’était leur dernière soirée ensemble. Le lendemain, Leela allait prendre l’avion pour Georgetown et commencer sa nouvelle vie là-bas. Vidhya allait rester ici avec (prétendait-elle) un boulot bien plus pratique.

Elles s’étaient enivrées dans les faubourgs de la ville, dans une maison abandonnée qu’elles avaient utilisée la majeure partie de l’année comme endroit où se retrouver, s’embrasser et faire l’amour.

Vidhya était dans une de ses humeurs, et s’était mise à tempêter que rien n’allait plus être pareil, qu’elle ne serait plus pareille, et qu’elle ferait aussi bien de tout réduire en cendres.

L’instant d’après, Leela étouffait dans la fumée, parce que Vidhya était passée à l’acte, et qu’elle ne voyait plus rien. Elle arriva à sortir de justesse,  et le temps d’avoir assez récupéré pour tenir debout, le bâtiment était en flammes et Vidhya n’en sortait pas.

Vidhya ne s’en sortit jamais.

Leela rata son vol, mais parvint à gagner Washington quelques jours plus tard, encore plus déterminée à réussir et à sauver des enfants.

Pour que tout cela en vaille la peine.

***
Je m’éveillai en sursaut.

Pendant un instant, je fus incapable de bouger, de respirer, et je m’efforçai de me libérer avant de réaliser où j’étais.

Dans la chambre d’Alicia.

« Ca… ça va ? » fut la première chose que je demandai.

« Et toi ? » demanda Alicia, l’air pâle. « Tu étais en train d’étouffer, tu suffoquais. »

Je fermai les yeux en frémissant, avant de lui raconter la fin du conte de fées, la partie que je n’avais jamais racontée à personne sauf à moi-même.

Comment Vidhya était morte.

« Oh, Kalinda. » murmura Alicia en s’approchant de moi lentement, doucement, comme si j’étais un animal sauvage que cela risquait d’effaroucher. Elle m’entoura lentement de ses bras. « Ca va comme ça ? » demanda-t-elle.

C’était agréable.

C’était bien plus que je n’en méritais.

Mais je ne pus m’empêcher de me détendre dans ses bras. Même si les accepter me damnait encore un peu plus.

« Ce n’était pas ta faute. » me dit-elle.

Puis : « Vidhya a pris ses propres décisions. »

Puis : « Il n’y a rien que tu aurais pu faire. »

Toute la nuit s’écoula ainsi, jusqu’à ce qu’elle s’assoupisse de nouveau contre moi, et que le rêve recommence à se dérouler, en dépit de tous mes efforts.

***
La fumée était trop épaisse, étouffante, et je ne voyais pas la porte, je ne voyais rien à part le sol à mes pieds tandis que j’étais saisie d’une nouvelle quinte de toux.

J’allais mourir ici et tout était entièrement de ma faute.

Soudain, on me souleva par un bras.

Elle était revenue me chercher.

Nous avançâmes en trébuchant. Elle me guida dans une direction, et la porte apparut à travers la fumée.

Encore quelques pas, et nous étions dehors, étalées dans l’herbe, remplissant de nouveau nos poumons d’air frais.

Lentement notre toux se calma.

Seulement… Seulement la sienne ne diminuait pas.

Tout au contraire, elle empirait.

Je me retournai pour la regarder.

Sa toux était devenue sifflante, et elle se griffait la gorge dans une lutte futile, désespérée, pour respirer.

« Leela. » dis-je d’une voix éraillée. « Je t’en prie, non. Leela. »

Je rampai vers elle, essayai tout, n’importe quoi, mais rien ne marcha.

A la fin, tout ce que je pus faire, fut de la serrer dans mes bras tandis qu’elle mourait.

***
Mais Leela n’aurait pas dû mourir. Elle ne se serait jamais trouvée dans cette maison si ce n’avait pas été pour moi.

C’était elle qui avait un futur, elle qui avait un plan pour améliorer les choses.

Moi ? Vidhya ? Je n’étais qu’un rebut, je ne valais rien.

C’était moi qui aurais dû mourir.

Je décidai donc de faire la seule chose que je pouvais pour elle.

Je poursuivrais son rêve.

Je suivrais ses cours, même si j’étais loin d’être aussi intelligente qu’elle, même si je n’avais eu les examens que de justesse.

J’aiderais les enfants du système, parce qu’elle croyait que cela pouvait être fait, même si moi je n’y avais jamais cru.

Je m’occuperais de son frère, même s’il ne pouvait plus jamais la revoir, même s’il me détestait.

Je m’annihilerais, et je tâcherais de la recréer à partir de mon corps inférieur.

Et à présent, j’étais là, dans les bras d’Alicia, et je n’étais toujours pas assez bonne.

Je n’aurais pas dû me trouver là. C’était Will, ou une autre personne réelle, qui aurait dû. Quelqu’un de susceptible de la rendre heureuse.

Mais en attendant, je ferais de mon mieux, même si elle pensait que je m’appelais Leela ou Kalinda.

Parce que Vidhya était morte et enterrée et n’existait plus.

***
Il est vrai qu’Alicia avait toujours aimé me prouver que j’avais tort.

Traduction française, fanfic: traduction française, tamoline, kalicia, fic: alternate universe, the lies we tell ourselves, fic: the good wife, fic: alicia/kalinda, femslash

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