[Fic] C'est le tango de tous les fossoyeurs (maléfice 1)

May 29, 2014 22:40

Ca y est, après ma petite cargaison de ficlets Dorohedoro, je poste la fic sur laquelle je bosse depuis des mois >_> Bon, c'est que les 3 premiers chapitres (sur 5 plus un bonus), mais presque tout est écrit donc je suis confiante, je suis bientôt au bout !

Titre : C'est le tango de tous les fossoyeurs
Pairing : Shin x Noi (j'ai travaillé très dur pour que Shin soit seme, mais c'est un garçon très récalcitrant).
Rating : NC-17
Avertissement : Il y a du gore, du sexe, de la violence, des morts, des gros mots et du non-con >_>
Notes : Malgré l'avertissement, c'est quand même plein de fluff. Et ça angste aussi au début, parce que c'est du hurt/comfort pur et dur (oui, j'arrive à écrire du HC avec un personnage qui soigne tout, m'en fout si ça se tient pas, j'ai essayé >_<).
La même chose sur AO3 : http://archiveofourown.org/works/1438339



Le grand avantage d'avoir Noi comme partenaire, c'est que rien ne peut lui arriver. Bon, bien sûr, Shin ne peut pas s'empêcher de se faire du souci quand elle a les intestins dehors, mais c'est plus une envie de poutrer le mec qui a fait ça, en général.
En tout cas, voilà, le point fort de Noi : sa vitalité. Toujours d'attaque, jamais malade, et en général, super motivée.

Donc il ne pouvait pas se douter de ce qui arriverait.

Jour 1

Il reste choqué, sur place, et son cerveau prend quelques secondes avant de redémarrer. Ses doigts se crispent et bien qu'il sache qu'elle devrait être sa priorité, l'appel du sang est trop fort.
Le type qui était à côté d'elle s'est enfui le temps que Shin comprenne ce qui se passe, mais il le rattrape en moins d'une minute, lève son marteau, mais dévie sa trajectoire au dernier moment.
Un genou pété. Ce type ne mérite pas de mourir si vite.

Il émet de la fumée, crée une porte vers le monde des mages, vers la résidence d'En, et la passe en embarquant le type. Il le balance aux pieds d'un groupes de sous-fifres de la famille.

"Foutez-le moi dans un cachot, je reviens vite.", ordonne Shin avant de repasser la porte dans l'autre sens.

Au moment où il pénètre à nouveau dans la pièce où Noi est attachée, il l'entend inspirer bruyamment, comme à chaque fois qu'elle se réveille d'une blessure qui aurait dû être mortelle, et il sait qu'il arrive trop tard.

"Je suis là", dit-il en enlevant son masque et en maudissant ces putains de paris qu'ils font à celui qui en butera le plus, car c'est ce qui les a fait se séparer au début de la mission. "Noi, je suis là.", et il n'a aucune idée de quoi dire d'autre.
Il a une vague idée de ce qui a pu se passer, et vu le nombre de cadavres qui jonchaient le dépotoire qui servait de cache à ces fumiers, ils avaient dû être nombreux pour réussir à l'attraper. Mais une fois attachée, il suffisait d'un pauvre type pour...

Shin n'avait jamais imaginé ça. Vu le pouvoir de régénération de Noi, les gens s'en prenaient toujours à lui d'abord. Une fois où deux il s'était même fait choper, mais faut dire que les gens étaient grave cons : en général, il se coupait les mains pour se libérer avant même qu'on ait pu lui faire quoi que ce soit. (Et la fois où ils avaient été un peu plus intelligents, ça avait juste été l'affaire de quelques dents arrachées et deux ongles retournés. Shin ne savait pas vraiment où ces types espéraient en venir avec ça...)
Il n'avait jamais imaginé cette situation.

Noi est bel et bien réveillée, maintenant, et tire sur les liens que Shin n'a pas encore coupés et sur les perfusions accrochées à ses bras et à ses jambes. Son regard saisit la pièce, l'état dans lequel elle est. Puis elle vomit sur les nouvelles baskets de Shin.

Il ne savait même pas que Noi pouvait vomir, mais ça ne le rassure pas. Il enlève sa veste, la passe autour de Noi et la prend dans ses bras, avant d'ouvrir une nouvelle porte.

"On rentre, Noi."

-_-_-_-_-_-_-

Il la pose assise sur son lit et se met à genoux à côté. Elle le regarde avec de grands yeux hagards et Shin n'a aucune idée de comment il doit réagir, de ce qu'il doit faire, de ce dont elle peut avoir besoin, mais il doit s'assurer de quelque chose.

"Noi, je sors cinq minutes. Cinq petites minutes et je reviens direct ici, ok ?"

Noi ne bouge pas, et Shin pose une main sur sa joue.

"Noi, c'est fini, mais j'ai un truc que je dois régler, maintenant. Fais-moi signe que tu comprends ce que je dis.
- ............ j'ai compris.", finit par répondre Noi, la voix chargée de larmes.
"Je reviens tout de suite. Promis, je reviens tout de suite.", dit Shin en se relevant.

A peine dehors, il se met à courir, et atteint les cachots dans la minute.

"Vous l'avez bien enfermé ?", demande-t-il au premier larbin qu'il croise.
"Le type que vous avez amené tout à l'heure ? Oui, on l'a mis dans la salle de torture n°3.
- OK, file-moi la clé.
- J'suis pas sûr que ce soit très règlementaire...", objecte le garde.
"File-moi la clé, je te dis.", et le garde s'exécute, probablement à deux doigts de pisser dans son froc... Et il aurait bien raison, car Shin réalise que de la fumée sort de ses doigts sans qu'il s'en soit rendu compte. Il prend une longue inspiration pour se calmer, mais son coeur bat toujours à cent à l'heure. Pour autant, la fumée se dissipe.

"Maintenant écoute-moi. A chaque fois que j'irai dans cette salle, l'un de vous passera après moi pour le rafistoler. Pas de fumée, pas d'anesthésiant, vous faites juste en sorte qu'il clamse pas en se vidant de son sang. Compris ?
- ... compris.", répond le garde.

D'un pas rapide, Shin va jusqu'à la salle n°3, ouvre la porte. Le type est là, accroché au sol, l'air apeuré.

"Y avait quoi dans les perfs ?", demande Shin en attrapant le type par le col.
"De... de tout.
- Hein ?
- Tout ce qu'on a trouvé. Des drogues, des médocs, de l'essence, de la pluie, n'importe quoi. C'est la seule manière qu'on a trouvé pour la garder inconsciente plus de quelques minutes. "

Il a aucune idée de ce que ce genre de trucs peut avoir comme effet sur Noi, mais il n' a pas le temps de s'attarder là outre-mesure. Bien qu'il aurait aimé voir de suite ce que donne une castration à coup de marteau, Shin sait qu'il a promis à Noi de revenir vite et repart, toujours en courant.

Quand il arrive de nouveau dans la piaule de Noi, il entend de l'eau couler à la salle de bains. Il jette un oeil dans la chambre, voit que Noi n'est plus sur le lit et que sa veste a été bazardée par terre.

Bon, elle s'est levée. Et il ne sait toujours pas quoi faire. Il a des fourmis dans les mains et le coeur qui bat à tout rompre. S'il écoutait ses instincts, il irait fracasser quelqu'un illico, mais il doit rester là.
Alors il reste là, immobile, et maudit quelques diables au passage.

-_-_-_-_-_-_-

L'eau coule depuis longtemps maintenant, mais tant que personne de l'étage d'en-dessous ne vient se plaindre d'une inondation, Shin pense laisser faire... de toute façon elle ne risque pas de se noyer.
Mais plus le temps passe et plus il s'inquiète. La rage qu'il ressentait s'est calmée, mais elle a juste laissé place à un malaise qui glace son coeur. Impatient, il va ramasser sa veste dans la chambre, la fout à la poubelle, et finit par faire le tour du canapé avant de venir se positionner devant la porte de la salle de bains.
Il tend l'oreille. Peut-être qu'elle a besoin de lui. Peut-être qu'elle l'appelle et qu'il entendait pas. Ou peut-être qu'elle préfèrerait qu'il soit pas là.
Mais il ne peut pas être ailleurs. Pas maintenant. Impossible.
Il finit par toquer doucement à la porte de la salle de bains.

"Noi, tout va bien ?", et putain, bien sûr que non tout ne va pas bien, qu'est-ce qu'il raconte comme connerie, encore...

"Noi ?", demande-t-il une deuxième fois pour effacer sa question précédente.

"Noi, si tu réponds pas, je vais ouvrir la porte.", annonce-t-il, réalisant qu'elle pourrait très bien ne pas être dans la salle de bains et avoir juste allumé l'eau pour lui faire croire qu'elle y était.
Son sang se glace à cette pensée et il toque à nouveau de manière plus prononcée.

"Noi, je m'inquiète, j'ouvre.", dit-il en s'exécutant.

Elle est là, assise par terre, sous le jet de la douche. Ses genoux sont relevés, ses bras autour et sa tête repose dessus. Dans la seconde il est assis à genoux par terre à côté d'elle. Il se retient de dire "Ne reste pas là, tu vas finir par tomber malade" vu qu'elle ne risque rien, mais il n'a pas vraiment d'autre argument pour la sortir de là.

"Noi..."

Elle relève la tête, la tourne vers lui.

"... sempai, vous êtes revenu.
- Oui, je... j'étais à côté, je suis pas parti longtemps.
- A côté ? Mais on est..."

Shin entend le "où ?" que Noi n'a pas prononcé et voit que sa partenaire réalise où elle est.

"Vous auriez pas dû rentrer...
- Ca fait des plombes que t'es là-dessous. Je suis inquiet."

Elle se tourne un peu plus vers lui mais ne dit rien, et c'est lui qui va finir par tomber malade.

"Fais-moi plaisir, sors de là.", dit-il en tendant une main.

Noi reste immobile quelques secondes, renifle une larme, et s'agrippe à Shin.

"... sempai..."

Et à ce moment, Shin comprend qu'elle pleure.
La dernière fois qu'il a vu Noi pleurer, elle avait 16 ans et il était à deux doigts de crever. Même s'il doit avouer qu'à l'époque, ça lui avait fait un peu plaisir qu'elle pleure pour lui, il aurait préféré ne jamais être confronté à nouveau à ce spectacle...

"Je suis là.", dit-il, ne sachant toujours pas quoi dire d'autre.

Elle passe ses bras autour de ses épaules, et serre tellement fort qu'elle manque de l'étouffer. Il passe ses bras autour d'elle, essaie au mieux de rendre la pareille.

"Je suis là.", répète-t-il et d'une main il éteint l'eau qui continuait de couler sur Noi.

Un long moment passe avant que les pleurs de Noi ne se calment. Avec la buée sur ses lunettes, Shin ne voit absolument plus rien, mais son instinct lui dit de rester là. Elle repose sa tête sur son épaule et pousse un long soupir.
Aucun des deux ne bougent pendant encore un long moment, jusqu'à ce qu'un frisson secoue Shin. Il est complètement trempé dans ses vêtements.

"Je te ramène dans ton lit.", déclare-t-il en attrapant une serviette et en commençant à sècher Noi. Elle se laisse faire, apathique, et quand il a fini son oeuvre, il la soulève pour l'amener dans sa chambre. Elle replace sa tête dans le creux de son épaule et se laisse faire.

Arrivés dans la chambre, il la dépose à nouveau sur le lit et ouvre l'unique placard de la pièce. Malgré un bordel monstre, Shin y trouve des fringues, et sort ce qui ressemble à une robe de chambre pour Noi.

"Je te mets ça, ça te va ?", dit-il en s'approchant à nouveau d'elle.

Elle regarde ailleurs, les yeux encore remplis de larmes, mais lui attrape la robe de chambre des mains. Il détourne les yeux le temps qu'elle l'enfile et retourne vers le placard pour attraper un survêtement qui pourra lui servir de rechange.

"Noi, je suis trempé, je vais me changer.", dit-il en se retournant vers elle. Elle a bien enfilé la robe de chambre et s'est recroquevillée en boule.

"Appelle-moi si tu veux que je sois là."

Il repasse à la salle de bains, se contente de se déshabiller, se sècher un peu et de mettre les fringues de Noi avant de retourner dans la chambre. Il se sent légèrement ridicule et il aurait très clairement besoin d'une ceinture, mais bon, ça pourrait être pire.

Noi n'a pas bougé et il la rejoint, s'asseyant sur le lit à une distance raisonnable. Elle ne réagit pas à sa présence.
Ne sachant ni que dire, ni que faire, Shin se contente de rester là, le plus longtemps qu'il peut. Au bout d'un moment où il ne peut plus retenir ses baillements et où il imagine que Noi dort, il se relève.
Il est trop inquiet et trop claqué pour rentrer chez lui, il décide donc de s'allonger sur le canapé du salon et tache de dormir.

Jour 2

"Ca fait quoi, ce genre de trucs ?", demande Shin et le professeur Kasukabe regarde la liste, la quitte des yeux un instant pour regarder Shin avant de retourner son attention sur la feuille de papier.
"Sur un mage, j'imagine ?
- Ouaip.
- Ben mis tout ensemble, je dirais que ça le tue. On n'a pas une anatomie si différente pour tout ce qui est chimique.
- ... mais si ça le tue pas, ça fait quoi ?"

Et à la tête que tire le professeur, Shin comprend qu'il a réalisé de qui il parlait.

"Tout ensemble, je sais pas. Déjà, injecter de la pluie de Hole à un mage, j'imagine même pas l'effet que ça peut faire. Elle... elle va bien ?
- Non, mais c'est surtout dans sa tête, je pense. Je veux surtout savoir ce qu'il faut faire pour qu'elle puisse s'en remettre.
- Pour la pluie, j'en sais fichtrement rien, mais je pense qu'elle va l'évacuer progressivement. Pour les autres produits, je pense que les plus dangereux sont les psychotropes puissants. Comment Noi résiste aux altérations psychiques ?
- ... euh ?
- Est-ce qu'en général, les drogues, l'alcool, ça a un effet sur elle ?
- L'alcool, non, en tout cas pas dans des doses qui m'affectent moi. Les drogues, hmm, je dirais oui, quand En teste des champignons hallucinogènes, ça marche aussi sur elle. Moins longtemps que sur d'autres, j'dirais...
- ... c'est déjà ça. Ce qui m'inquiète, c'est qu'à haute dose, ça peut laisser des séquelles au cerveau. Sa fumée soigne ce genre de choses ?", demande Kasukabe.
"Si elle se prend un balle dans la tête, ça lui pose pas de souci, donc elle peut soigner le cerveau, oui.
- Mais soigner je sais pas... quelqu'un qui est fou, ou dépressif ?"

Shin réfléchit à une instance où elle aurait pu utiliser sa fumée à ça et n'en trouve qu'une seule.
Et qui n'augure rien de bon.

"Elle peut pas guérir une amnésie, c'est le seul exemple dont je me souvienne..."

Kasukabe pousse un soupir.

"Là-dedans, y a des trucs qui changent la chimie du cerveau.", reprend-il en montrant la liste. "Ca peut induire tout et n'importe quoi en fonction du contexte : paranoia, dépression, manie, folie pure et dure, voire perte de la mémoire... Tu peux m'en dire plus sur comment elle va ?
- La plupart du temps, elle est apathique.", explique Shin. "Ce matin elle a eu peur de moi, et elle se rend plus compte d'où elle est à certains moments. Elle est quand même globalement cohérente quand elle parle, par contre.
- Ca pourrait être une réaction normale à un traumatisme, ça...
- Pas chez Noi, non. Je dis pas qu'y a pas une part de ça, mais de là à pas reconnaître sa salle de bains...
- Sincèrement, vu la liste que c'est, c'est déjà bien qu'elle soit pas à un stade de delirium tremens avancé. Y a rien de ce côté-ci qui l'aidera, à mon avis.", fait Kasukabe avant de soupirer à nouveau. "Si elle peut encore tenir un discours cohérent et semble seulement atteinte dans son humeur, c'est que sa fumée fait effet. Faut lui laisser du temps."

Le professeur lui rend la feuille et Shin la remet en poche. C'est presque la pire conclusion possible pour lui : il va juste devoir se contenter d'attendre et de voir ce que ça donne sans pouvoir rien faire.
Il enlève ses lunettes, remet son masque et ouvre une porte vers le monde des mages pour rentrer.

"Shin. S'il y a des symptômes plus graves ou que ça va pas mieux, n'hésite pas à repasser, je peux l'ausculter, aussi.
- Désolé, mais j'tiens pas à ce que vous lui ouvriez le cerveau.", répond Shin et il passe de l'autre côté.

Jour 4

Noi ne sort plus. Plus de sa piaule, mais plus non plus de sa chambre et pas non plus de son lit de ce que Shin en voit. Il se doute bien qu'elle doit bien se lever de temps à autre, et il a entendu l'eau couler à la salle de bains l'une ou l'autre fois, mais elle ne sort plus.
Au final, il est resté là toute la première nuit. Puis le lendemain, et le surlendemain, et ça fait trois jours qu'il est là, de manière quasi-permanente.
Elle ne lui a pas parlé, n'a pas croisé son regard et il se sent plus qu'inutile. Pourtant, c'est lui qui l'a trouvée, c'est lui qui l'a libérée, c'est lui qui l'a ramenée chez elle et c'est aussi lui qui torture tous les jours celui qui a fait ça (il faut au moins ça pour le calmer et d'ailleurs ça marche pas tout à fait).
Au soir du troisième jour, alors qu'il s'apprête à passer une nouvelle nuit sur le canapé de Noi, elle sort de la chambre, passe à la cuisine et se sert un verre d'eau. Elle porte la même robe de chambre qu'il lui a passée trois jours plus tôt. Elle vient s'asseoir à côté de lui sur le canapé mais reste silencieuse.

"... bonsoir.", commence Shin, se disant que si elle est levée, il y a probablement un mieux et qu'elle lui répondra un peu plus.

"Hm. Bonsoir...", répond-elle, et sa voix est tellement faible qu'on dirait tout sauf Noi.

Un silence s'installe, et plus le temps passe, et plus Shin n'a aucune idée de ce qu'il peut dire. Alors il dit rien.
Au bout d'un temps particulièrement long qu'il estimerait à 15 minutes (mais comme ils étaient silencieux c'était peut-être beaucoup moins), Noi ouvre à nouveau la bouche.

"Qu'est-ce que vous avez vu ?"

Et il s'attendait à tout sauf à ça.

"Co... Comment ça, qu'est-ce que j'ai vu ?
- Là-bas, avant que je reprenne conscience... qu'est-ce qui s'est passé, qu'est-ce que vous avez vu ?"

Shin déglutit avec difficulté.

"Je... enfin... enfin, comment tu veux que je réponde à ça ?"

Il cherche son regard, mais elle a les yeux détournés, fixés sur le verre d'eau qu'elle a fini il y a longtemps.

"Parce que... parce que c'est pire si je sais pas."

Il n'a aucune idée de si elle a raison ou si elle a tort. Ce qu'il sait c'est que c'est pas quelque chose qu'il peut dire à haute voix. Il essaie tout de même d'à peu près résumer la situation.

"Quand... quand je suis arrivé, il y avait apparemment plus que deux types présents dans le bâtiment, un des deux je l'ai buté vers l'entrée, l'autre était avec toi. De ce que j'en sais, ils t'ont injecté ce qu'ils avaient sous la main parce qu'ils arrivaient pas à te buter, et effectivement, quand je t'ai retrouvée, t'étais inconsciente avec des perfusions. Le deuxième type était dans la même pièce que toi et vu ta position, vu ce qu'il faisait, j'aurais envie de dire que ça aurait pu être pire, mais j'étais pas là avant, je peux pas le certifier. Quand je suis rentré, il a essayé de foutre le camp et je l'ai chopé. T'as repris connaissance l'instant d'après. C'est tout ce que j'ai vu."

Il voit les mains de Noi se serrer sur ses cuisses et elle tourne son visage pour qu'il ne puisse plus la voir.

"Noi..."

Noi ne répond pas, mais Shin peut voir que ses épaules sont sécouées par un sanglot.

"Noi, je... "

Mais il ne sait toujours pas quoi dire, pas quoi faire.
Elle se lève et en quelques enjambées, retourne dans sa chambre.
Shin reste en plan sur le canapé, et se demande s'il a fait le bon choix.

Jour 5

On toque à la porte. Shin ouvre et la porte dévoile un larbin d'En. Un (ou probablement une, vu sa taille) qui lui dit rien, mais en même temps, comme ils sont tous fringués pareil, il se trompe peut-être.

"Euh, bonjour... je cherche Noi-san... c'est pas ici ?"

Shin passe dans le couloir, referme la porte derrière lui.

"Si c'est là, mais c'est moi qui prends le message.
- Vous êtes Shin-san, c'est ça ?
- C'est ça.
- Je m'appelle Fukuda, j'ai été embauchée hier par En-san. Enchantée.
- De même. Et donc tu cherchais Noi ?
- Oui, enfin, je me serais rendue chez vous après : le boss vous convoque tous les deux pour cet après-midi. Il sera dans son bureau à 14h.
- OK, ça marche.
- Vous transmettrez le message ?
- T'inquiète, je m'en occupe."

Fukuda s'incline et repart, et Shin retourne chez Noi.
Bon. Apparemment, va falloir qu'il trouve quelque chose à dire à En, et il lui reste trois heures pour trouver quoi.

-_-_-_-_-_-_-_-

"Comment ça, elle va pas bien ?"

Shin se doute que ce sera pas facile, mais bon, ça coûte rien d'espérer.

"Elle va pas bien, c'est tout. Elle re-bossera quand elle ira mieux...
- Mais, comment ça, elle va pas bien ? C'est Noi.
- Oui, je sais, mais les connards de la dernière fois... ils l'ont chopée, et y en a un qui... l'a blessée.
- Il y a une subtilité qui m'échappe, là.", entame En et Shin sait qu'il ne va pas y couper. "Comment tu blesses quelqu'un qui ne peut pas l'être ? Comment elle peut ne pas aller mieux maintenant ?"

Shin pousse un soupir. Apparemment, l'idée n'est jamais venue à En non plus, et il ne peut pas le lui reprocher.

"Ils lui ont injecté pas mal de saletés, en fait... et de ce que je sais, la fumée de Noi agit pas trop sur les psychoses et autres trucs du style. Comme ils lui ont refilé de quoi overdoser plusieurs éléphants, je serais pas étonnée qu'elle mette un petit temps à s'en remettre. Pour l'instant, elle est même pas lucide tout le temps. Mais bon, c'est pas le pire. En plus... disons que... disons qu'elle a été blessée dans son intimité."

Sans déconner, Shin avait mis bien 10 minutes à trouver cet euphémisme.

"Merde.", finit par lâcher En après trente bonnes secondes de silence.

Shin se contente de hocher de la tête. Il n'a pas grand chose à ajouter. Ca résume bien la situation.

"Tu as attrapé le type ?"

Shin hoche de nouveau de la tête.

"Tu l'as pas encore tué, hein ?"

Shin n'avait pas pensé qu'il aurait probablement à partager ses séances de torture, mais après tout pourquoi pas.

"Non, pas encore.
- Et tu le fais bien souffrir, j'imagine.
- Et même un peu plus que ça, j'ose espérer."

En se tait quelques secondes, semble réfléchir.

"Ecoute, si tu y vas un peu trop fort à un moment, et qu'il clamse alors que tu voulais encore te défouler un peu, on s'arrangera pour que Kikurage le ressucite. Histoire que tu puisses continuer encore un temps, quoi."

A ce moment, Shin se dit que c'est bien l'offre la plus généreuse que lui ait faite En. Il regrette même de ne pas y avoir penser tout seul.

"Ouais, ça pourrait servir.
- Pas question que tu le soignes avec de la fumée de Noi pour continuer, hein?
- Certainement pas."

C'est au tour d'En de hocher la tête, ce qui marque la fin de la conversation.
Shin tourne les talons et se dirige vers la sortie, mais En reprend la parole.

"Dégomme-le un bon coup de ma part aussi, s'il te plaît."

Shin serre les poings.

"De suite. Je voudrais pas qu'il s'impatiente.", finit-il en enfilant son masque.

Jour 7

Shin a fini par ramener de la literie et un sac de fringues de rechange de chez lui, parce qu'il n'imagine pas laisser Noi seule chez elle la nuit ces prochains temps.
Ca fait quelques jours qu'elle sort un peu plus de sa chambre, mais c'est à peine si elle dit quelque chose, et Shin est à peu près sûr de ne pas l'avoir encore vue manger. La nuit, il l'entend. Des fois elle semble se retrourner inlassablement dans son lit, marmonner toute seule, ou juste pleurer, et il s'est levé l'une ou l'autre fois pour aller la voir, mais il n'a pas osé ouvrir la porte de la chambre.
Il se dit que c'est parce qu'il ne veut pas  la déranger, mais, quelque part, il sait bien que c'est juste qu'il ne veut pas la voir comme ça.

Jour 10

Ca fait de nouveau deux jours qu'il ne l'a pas vue. Il sait bien qu'elle est dans sa chambre, mais elle a de nouveau arrêté d'en sortir.
Très clairement, il ne peut plus se contenter d'être là et de rien dire, ça sert strictement à rien. Et en journée, Noi est tellement silencieuse que ça en devient presque pire que la nuit. Il se décide à toquer à la porte de la chambre, mais aucune réponse ne parvient.

"Noi, c'est moi. Je peux entrer ?"

Aucune réponse.

"Bon, ben dis-moi si je peux pas rentrer, alors.", corrige Shin.

Aucune réponse non plus.

"... je rentre.", finit-il par décider en poussant la porte.

Elle est dans le noir, dans son lit, les yeux ouverts mais pas fixés sur lui.

"Tu t'es levée, aujourd'hui ?", demande-t-il, à défaut de demander comment elle va, vu combien c'est évident qu'elle va mal.

La respiration de Noi s'accélère un peu, mais elle ne répond pas. Les yeux de Shin s'habituent à la semi-obscurité de la chambre.

"C'est parce que je suis au salon que tu ne sors plus de ta chambre ? Si je te dérange, je peux retourner chez moi. J'pensais pouvoir... enfin, pouvoir t'aider, tu vois.", dit-il, confus, parce que ça n'a jamais été son truc d'aider les gens et il se sent un peu ridicule dans le rôle.

Noi réagit cette fois-ci. Elle articule quelque chose du "J'préfère quand vous êtes là" mais Shin n'est pas sûr d'avoir bien entendu. Elle soupire et daigne enfin tourner les yeux vers lui.

Elle a encore pleuré aujourd'hui.
En fait, à chaque fois qu'il est confronté à Noi dans cet état, son coeur se serre. Comme quand il a très envie de fracasser quelqu'un, quoi.

Mais à part être violent, Shin ne sait pas trop quoi faire pour aider Noi. Etre là, c'est bien beau, mais après ? Peut-être essayer de la remettre sur le droit chemin ?

"Tu veux pas te lever ? J'm'emmerde tout seul. Peut-être que tu pourrais t'habiller et je vais réchauffer quelque chose et on pourrait manger ensemble au salon ? Regarder la télé, chais pas..."

Y a pas à dire, il se sent vraiment un champion de l'argumentation, là... Manger du réchauffé devant la télé, ça fait rêver. Mais Noi y réagit. Elle aquiesce et se redresse dans son lit, les cheveux dans tous les sens. Apparemment, elle a compris ce qu'il lui disait et c'est déjà quelque chose.

"J'vais te faire couler un bain."

Et cette fois-ci, Shin est plutôt fier de lui, parce que c'est plutôt une bonne intention, non, faire couler un bain ?

-_-_-_-_-_-_-

Quand elle sort de la salle de bains, elle a l'air un petit peu mieux, mais c'est probablement la chaleur du bain qui lui a rosi les joues. Il a réchauffé des plats qu'il a cherché aux cuisines ce matin et a tout disposé sur la table basse. Noi doit avoir l'estomac dans les talons. De ce qu'il a vu, elle n'a rien mangé depuis plus d'une semaine. Alors bien sûr, sa fumée l'empêchera d'en subir les conséquences, mais si elle mange plus et ne dort plus, il doute que son corps continue de fabriquer de la fumée encore longtemps...
Elle s'assied à côté de lui sur le canapé et attrape la télécommande. Elle ne mange rien, ne dit rien, mais lui tient compagnie, comme il lui a demandé. Ce n'est pas vraiment ce qu'il imaginait, mais c'est déjà quelque chose.

"Mange quelque chose.", dit-il en tendant une portion de curry à Noi.
"... j'ai pas faim."

Il a pas le coeur à discuter ou à expliquer pourquoi elle devrait manger...
Il lui faut juste un argument simple et imparable, celui qu'il n'utilise qu'en dernier recours avec Noi car il sait qu'elle est incapable d'y résister.

"S'il te plaît, pour me faire plaisir."

Elle le regarde une seconde et attrape l'assiette.

Jour 13

Au final, ça fait deux jours que le type n'est plus qu'une masse sanguinolente. Il lui manque des bouts, mais il respire encore... Par contre, il beugle beaucoup moins qu'au début. Il doit avoir passé un stade où la sensation de douleur n'arrive plus vraiment au cerveau.
Et quand il y pense, l'offre de En de pouvoir ressuciter le type avec Kikurage est bien belle, mais Kikurage ne répare pas les blessures... s'il le tuait maintenant et le faisait ressuciter, il serait globalement dans la même condition.
Peu satisfait de cet état de fait, Shin découpe le type avec sa magie. Demain, il le cramera bout par bout en finissant par le cerveau. Comme ça le type se sentira cramer pendant longtemps au moins.

Jour 15

Shin ouvre difficilement les yeux et se rend compte qu'il fait encore sombre. Quelque chose l'a réveillé. Il lui faut quelques secondes pour émerger et se rendre compte que c'est le bruit de la porte de Noi qui l'a tiré du sommeil. Il se redresse et voit qu'elle est là. Elle est immobile, dans le noir, et le regarde, de ce qu'il peut voir sans ses lunettes par une telle obscurité.

"Noi ?", demande Shin.
"Je voulais pas vous réveiller...
- C'est pas grave.", s'empresse de dire Shin et il se lève pour la rejoindre. De près, elle a l'air moins triste que dans la journée, mais elle semble extrêmement fatiguée. "Tu n'arrives pas à dormir ?
- Hmm, je... je voulais juste voir si vous étiez là.
- Je bouge pas de là, ne t'inquiète pas.", dit-il et il attrape sa main pour faire bonne figure.

Elle la serre en retour, un peu trop fort, peut-être, et Shin la tire doucement vers le salon. Ils s'installent côte à côte sur le canapé encore chaud et Shin fait tout son possible pour retenir un baillement.

"J'suis désolée de vous avoir réveillé.", entame Noi.
"Je dors ici pour que tu puisses me réveiller, tu sais.", dit Shin en réalisant lui-même que c'est effectivement le pourquoi du comment.

Mais c'est bien beau d'accepter d'être réveillé, il ne sait pas trop ce qu'il peut faire d'autre.

"Tu veux quelque chose ? Je peux... je peux faire du thé, par exemple.
- Hmm, oui, je veux bien."

Se sentant tout à coup plus utile, Shin se lève, ramasse un t-shirt, l'enfile et se dirige vers le comptoir de la cuisine. Après avoir allumé la lumière puis l'avoir amèrement regretté, il verse machinalement de l'eau dans la bouilloire et passe une main dans ses cheveux.
De retour au salon, il récupère ses lunettes sur la table basse et se rassied.

"Désolé pour la lumière.
- D'ici ça va."

Ils n'échangent rien de plus jusqu'à ce que Shin entende l'eau bouillir. Il se relève pour finir sa préparation et ramène une tasse à Noi.

"Vous en prenez pas ?
- Non, j'en ai pas vraiment envie..."

Shin retrouve le canapé avec bonheur et se cale contre l'accoudoir. Il n'a aucune idée précise de l'heure qu'il est, mais vu son état de fatigue, il devait dormir depuis trois ou quatre heures maximum. Ses muscles sont endoloris et ses yeux n'ont vraiment pas envie de rester ouverts.

Quand Shin ouvre les yeux à nouveau, il se rend compte qu'il s'est endormi assis. Probablement juste assoupi un instant car Noi est toujours assise à côté de lui, les mains autour de sa tasse.
La tasse est vide. Elle le regarde.

"Désolé, je suis pas de très bonne compagnie.", dit-il en se redressant.

Elle esquisse un sourire. Le premier qu'il voit depuis qu'il a établi résidence sur son canapé.

"Au moins vous ronflez pas.
-Tu veux essayer de te rendormir ?
- Non, je crois que je préfère... je préfère être ici avec vous.
- Pas de souci. Pardonne-moi si je me rendors, je suis claqué.
- C'est pas grave.
- Je vais essayer de rester éveillé."

Jour 16

Quand ses yeux s'ouvrent à nouveau, il est toujours plus ou moins assis dans le canapé, mais il fait très clairement jour dehors. Noi est toujours là, même si elle a fini par se rendormir. Elle occupe la majeure partie du canapé, et a visiblement opté pour utiliser la cuisse de Shin comme oreiller.
Il ne veut pas la déranger, mais il a vraiment besoin de se lever. Il attrape un coussin pas loin et soutient la tête de Noi d'une main pour substituer le coussin à sa cuisse. Noi se laisse faire malgré une légère protestation, et l'instant suivant il est debout, s'étirant de tout son long. Ses lunettes sont de nouveau sur la table basse, mais il ne se souvient pas les avoir ôtées. Noi probablement. Il devait vraiment dormir comme une souche...
En repensant à la nuit passé, il réalise qu'il aurait probablement pu faire mieux que de rester éveillé cinq minutes montre en main alors que Noi avait besoin de lui. Décidé à faire mieux la prochaine fois, il se dirige le plus silencieusement possible vers la salle de bain.

Il ne devait pas être si silencieux que ça, car au bout de quelques minutes, il entend Noi l'appeler du salon.

"Sempai ?"

Shin rouvre la porte de la salle de bains et articule un "chuis là" du mieux qu'il peut vu qu'il est en train de se brosser les dents.
Il sait de longue date que la notion d'espace personnel est toute relative chez Noi, mais il est tout de même étonné de la voir débarquer derrière lui quelques instants plus tard. Il se rince la bouche et se tourne à nouveau vers elle.

"Attends une minute, je te laisse la place..."

Noi attrape sa main, regarde le sol.

"Vous sortez aujourd'hui ?
- ... Pas si tu veux que je reste.", dit-il en se disant qu'au moins, de jour, il assurerait sûrement un peu plus.
"Restez, alors."

Il hoche la tête en approbation, lâche la main de Noi et attrape une serviette pour s'essuyer le visage.

"En tout cas, je te laisse la place."

Shin retourne au salon, enfile à nouveau ses lunettes et s'en va inspecter le contenu du frigo. Il n'a jamais vraiment faim quand il vient de se lever, mais il aimerait bien forcer Noi à manger quelque chose. Et si elle n'a pas l'intention de le laisser sortir, il va falloir qu'il fasse avec ce qu'il y a.
En ce qui le concerne, il est loin d'être un fin gourmet, sûrement le résultat de la bouffe cradingue de Hole et des quelques semaines où il vivotait de vols à la tire et du contenu des poubelles (le tout sans bras utilisable, pas super pratique pour faire la cuisine il faut l'avouer). Au final, il sort un peu de tout, fait un peu n'importe quoi avec, et espère que ça passera. Il pose tout sur le comptoir de la cuisine et s'installe à un des deux tabourets hauts qui permettent d'y manger après avoir allumé la télé.

Noi sort de la salle de bain quelques minutes plus tard, habillée et coiffée correctement, ce qu'elle n'avait pas fait ces derniers jours.

"J'ai sorti à manger.", annonce Shin, parce que "préparer" serait un mot un peu trop grand pour ce qu'il a fait.

Noi s'assied à ses côtés, regarde le contenu des plats d'un oeil dubitatif puis se sert.

"Merci pour le repas.", déclare-t-elle avant de commencer à manger, peut-être pas avec l'appétit que Shin lui connaît habituellement, mais tout de même avec entrain. Et même s'il n'a pas très faim, il se décide à l'accompagner.
Après quelques minutes passées à manger en silence (à l'exception de la télé), Shin remarque que Noi le dévisage à nouveau. Bon, ce n'est pas qu'il n'est pas habitué, elle l'a toujours regardé avec insistance (et souvent sans raison), mais en général, quand ça le dérange, il se permet de le dire. Là, il a vraiment pas la motivation pour l'envoyer bouler.

"J'ai quelque chose sur le visage ?", finit-il par demander.
"Vous vous êtes pas rasé.
- J'pensais que tu voulais la salle de bains, j'me suis dépêché. Ca t'gêne ?
- Nan... nan, j'aime bien.
- J'suis déjà étonné que tu vois quelque chose.", fait Shin en se touchant le menton. "Avec le pauvre duvet blond que je fais..."

L'attention de Noi est de nouveau sur son assiette, mais elle joue avec sa nourriture plus qu'autre chose. Shin connait cette habitude. Elle a encore quelque chose à dire.

"... c'est plus le fait de... de vous voir de bon matin... je... enfin... merci d'être là.
- Pas de souci. En fait à bien y réfléchir ton canapé est plus confortable que mon lit, donc j'y gagne au change."

Une fois le petit-déjeuner fini, il ouvre la porte-fenêtre qui donne sur le balcon et sort prendre l'air, vu qu'il ne quittera probablement pas la piaule de Noi de la journée. Dans la cour, du monde est déjà en train de travailler. De la vapeur sort de la blanchisserie de la résidence, à l'opposé de chez Noi, et en se penchant un peu, il peut même voir chez lui (l'étage d'en-dessous, trois fenêtres plus à gauche). Le ciel est limpide, mais il fait relativement frais, surtout en étant en t-shirt. Après un premier frisson, Shin se décide à rentrer.

"Comment t'as fait pour avoir cette piaule ?", demande Shin parce que quand même, c'est cool un balcon.
"J'ai demandé. En même temps En m'avait foutu dans une cage à lapin, je vaux mieux que ça.
- Ouais, ben ton ancienne cage à lapins, moi j'ai toujours la même... C'est à peine plus grand que les studios des larbins.
- C'est bien ce que je lui ai dit. J'suis trop grande pour un studio."

Shin sourit.

"Je remets pas en cause le fait que tu sois trop grande, parce qu'objectivement, t'es trop grande. Mais bon, c'est quand même dégueulasse.
- Faut bien des avantages à être la cousine du boss..."

Shin réalise que c'est très clairement la plus longue conversation qu'il ait eue avec Noi depuis qu'il squatte chez elle. Une conversation à peu près normale, d'ailleurs.
Finalement, le professeur Kasukabe avait raison : ça va peut-être aller vite mieux et tout pourra être à nouveau comme avant.

"Bon, ben si t'as fini avec la salle de bain j'vais prendre une douche.", conclue-t-il, voyant que Noi est dans la cuisine à faire la vaisselle.

Il ramasse des habits qui traînent derrière le canapé (il s'est pas très bien organisé depuis qu'il dort là mais il a réussi à limiter ça à un seul tas) et se dirige vers la salle de bains. A la porte, il fait une pause, se tourne vers Noi.

"Alors, j'me rase ou pas ?
- C'est moi qui décide ?
- Il faut croire que oui, vu que je te demande.
- Alors non.", répond-elle, et elle sourit à nouveau.

-_-_-_-_-_-_-_-_-_-

C'est une journée qui passe lentement, mais moins que les précédentes car Noi est dans le salon avec lui la majeure partie du temps. Elle regarde la télé, bouquine, et incurgite une quantité de thé incroyable en une seule journée. De son côté, Shin passe son temps entre s'emmerder, faire des pompes, essayer d'inciter Noi à manger plus et comater sur le canapé.
C'est pas la pire journée qu'il ait jamais passée, mais bon, il a aussi connu mieux.

"Tu... tu veux que je reste encore ce soir ?", demande-t-il quand le soleil se décide à se coucher, parce qu'elle a l'air quand même bien mieux et peut-être qu'il serait temps qu'il rentre chez lui.

Sauf qu'au moment où il demande ça, il voit tout de suite à sa tête qu'elle a pas du tout envie qu'il parte.

"...... je peux me débrouiller...", répond-elle, même si son regard dit autre chose.
"J'en doute pas. Mais je pense que je vais rester, il faut bien que tu vois mon duvet de deux jours demain matin.", dit-il en grattant sa joue (et effectivement, ça gratte vaguement).
"... je voudrais pas louper ça.
- ... j'imagine."

Et donc Shin reste.

Jour 17

Quand il sort le lendemain matin (après s'être rasé), Shin remarque que le sac de flacons de fumée à remplir accroché à côté de la porte de Noi a bien gonflé.
Toutes les armoires à pharmacie de la résidence sont fournies en flacons de fumée de Noi. (D'ailleurs les larbins n'ont pas le droit de prendre de congé maladie... par contre ils sont assurés de jamais être malade.) Quand un flacon est utilisé, la personne le dépose vide dans un sac devant chez Noi, et en prend un plein dans le sac d'à côté. C'est un système qui a été mis en place par En il y a longtemps et qui ne dérange pas Noi. Elle remplit les flacons vides en rentrant le soir en général, et le sac de flacons remplis est en général beaucoup plus plein que sa contrepartie à remplir.
Au bout de plus de quinze jours sans qu'elle mette le nez dehors, par contre, la tendance commence à s'inverser. On est loin de la pénurie, mais déjà les gens qui passent dans le couloir doivent l'imaginer en vacances, ou quelque chose du style.

Jour 21

Shin pensait que ça allait à peu près mieux, mais de nouveau, il n'a pas vu Noi de la journée. Par contre, il doit sortir ce soir.

Il n'aime pas trop rentrer dans la chambre de Noi sans y être invité, mais il veut être sûr qu'elle sache qu'il sera absent. Il ouvre la porte, la trouve couchée.

"Noi ? Tu es réveillée ?
- ...... oui.
- Je serai pas là cette nuit. Je dois retrouver un type pour une mission vers 1h du mat' et je sais pas quand ça finira. J'pense que j'me pieuterai chez moi et je reviendrai demain matin.", explique-t-il. "Je te ramènerai à manger.", ajoute-t-il, parce que les placards de Noi sont à peu près vides.

Noi ne répond pas.

"A demain, alors." conclue-t-il, faute de savoir quoi dire de mieux.

Jour 22

Il doit être à peu près dix heures quand Shin arrive chez Noi, les bras chargés du petit-déjeuner (et d'autres choses à bouffer pour les prochains temps).
Il a super mal dormi.
Tellement mal dormi que vers cinq heures du mat' il a hésité à revenir chez Noi, voir si tout allait bien et retrouver le canapé auquel il s'est habitué.

Quand il ouvre la porte, il la trouve assise sur le-dit canapé, plus ou moins roulée en boule dans le duvet qu'il utilise quand il y dort.

"Vous étiez pas là...", dit-elle en se tournant vers lui.

Ses mains tremblent et ses yeux sont cernés.
Shin s'empresse de rentrer et retient un soupir. Il aurait dû s'assurer qu'elle avait compris ce qu'il lui racontait.

"... vous étiez pas là...", répète-t-elle, sur un ton moins accusateur, mais un peu plus plaintif.
"Je te l'ai dit, hier. J'avais une mission qui terminait tard, je voulais pas te déranger en rentrant.
- ... c'était... c'était hier ?"

Shin hoche la tête. Il pose les victuailles et vient s'asseoir à côté d'elle.

"Oui, ça fait pas une demie-journée..."

Elle le regarde dans les yeux pendant de longs instants.

"Sempai, je... je sais que je peux pas demander ça, mais...
- C'est bon, ça me dérange pas, tu sais.", coupe Shin. "Je resterai chez toi le temps qu'il faudra.
- ........ merci."

Et il a beau pas être doué pour avoir des amis, et pas trop savoir quoi faire pour aider, il sait que c'est le bon moment pour la prendre dans ses bras.

Ce que nous avons appris dans ce chapitre :

- La résidence d'En a des salles de torture.
- Le canapé de Noi est plutôt confortable.
- Shin a du mal à rester éveillé quand on le réveille pendant la nuit.

fic, dorohedoro

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