Titre : le visionnaire aux semelles de vent
Auteur : Chonaku.
Personnage(s) et/ou Pairing(s) : Francis, Rimbaud, mention de Gilbert, Ludwig, Arthur, Verlaine. Francis/Arthur (tant à savoir lequel…) et les amateurs peuvent voir du Ludwig/Francis.
Disclaimer : Hidekaz Himaruya
Rating : K+/T, je dirais *nulle pour ce genre de chose.
Remarque : j’utilise la deuxième et la troisième personne. Bonne lecture :3
Ce n’était qu’un enfant lorsque Francis posa ses yeux sur lui, un enfant qui le regardait effrontément, avec dans les yeux, des étoiles en guise de mots et d’espoir…
« Comment t’appelles-tu mon petit ? »
Déjà on les séparait. On l’emportait loin de lui, pauvre être que l’on croyait prompt à la débauche alors qu’il était leur père à tous. La mère du petit ne lui lança même pas un regard froid, trop soucieuse de respectabilité. Pourtant, lorsqu’elle jeta un œil sur son petit, c’était l’amour que voyait Francis. Alors, le français se disait que l’enfant retournerait toujours auprès d’elle s’il avait conscience un cinquième que ce qu’elle éprouvait pour lui. Rien n’était plus doux que l’amour d’une mère, Francis était bien placé pour le savoir.
La sienne, cela fait des siècles qu’elle l’avait quitté…
Il était un enfant lorsqu’il posa la première fois son regard sur lui, les autres aussi, il ne le voyait pas grandir, non pas du tout. Même lorsqu’il fugua à Paris, rendant son monde fou, écrivant des poésies, des étrennes d’orphelins, lui qui surnommait sa mère « maman fléau ».
‘ Je ne te comprends pas Rimbaud… ou alors, trop et cela me fait peur’
Parce qu’il reconnaissait les étoiles dans les yeux de l’enfant, cette envie de grandir, de murmurer des mots que personne n’avait ni entendu, ni vu et encore moins inventé. Il vagabondait ici et là, parfois jusque tard dans la nuit…
Francis ne l’avait jamais appelé Arthur, de peur que le nom ne lui évoque un rival avec qui la relation (bien que forte) était conflictuelle, comme si de leur désir charnel ne résultait qu’une lutte sauvage et sans limite. Oui, ils étaient alliés parfois, rarement en fait, souvent des amants cachés jusque dans leurs propres consciences qui ne voulaient pas avouer que ce qui faisait briller leurs yeux était autant la haine que l’amour.
Francis appelait l’enfant Rimbaud, toujours Rimbaud, jamais Arthur. Surtout quand l’ange aux yeux endormis levait la tête vers lui, évoquant dans les méandres de la Capitale la senteur de ses voyages imaginaires. Il n’avait pas encore vingt ans qu’il se liait avec Verlaine, Oh Verlaine, Verlaine… il était le plus doux des hommes lorsqu’il ne buvait pas, n’est-ce pas Francis … ?
Il était le plus doux des hommes qui tira une fois sur Rimbaud, cet enfant prodige, cet adolescent qui paraissait tantôt si joyeux, si triste, qui s’ennuyait plus que personne ne le devrait jamais…
Dis, Francis, comment cela se passa ? As-tu entendu une fois le coup de feu ? L’as-tu ressenti au fond de toi ? Ou alors, comme tout le monde, l’as-tu lu avec effroi dans les journaux ?
Francis, quel poème crois-tu qu’il écrirait ton prodige sur un cœur qui se brise ?
‘Francis, tu répandras l’amour’ disait-il cet ange endormi, cet adolescent rêveur certes, mais parfois plus réaliste que toi.
Francis, tu répandras l’amour, mais maintenant tu devais combattre. Combattre contre un ancien ami, presque un frère agaçant aux yeux rouges mais au sourire franc. Un presque frère à qui tu avais failli tuer la perle de ses yeux, un enfant vêtu de noir et aux yeux trop grands, trop douloureusement bleus et brillants. Cet enfant, des siècles après tu ne l’avais pas oublié et l’oublieras pas. Oh oui, tu avais beau en rire, mais Rimbaud le sentait, oui il le sentait…
Que ton cœur était gros, gros comme une orange bleue sur le point d’éclater, qu’il fallait quelque part te consoler. Alors, il écrivit, écrivit jusque tard dans la nuit ton Rimbaud, des choses parfois tristes, joyeuses, jouant avec les mots et les couleurs comme toi tu aimais le faire avec les cœurs, allant jusqu’à les briser et le tien n’était pas épargné, oh non...
Et durant une réunion de poètes maudits, à toi le plus maudit d’entre tous, il murmura ces mots, comme une promesse plus belle qu’une déclaration d’amour qui flétrira après, comme fanaient les roses…
‘Francis, tu répandras l’amour.’
Et ces lèvres qui formèrent ces mots, combien tu avais envie de les embrasser à ce moment-là, dans un geste de précipitation, une bouffée d’affection lorsque tes enfants te regardaient plus seulement comme un père ou un simple passant. Mais comme un homme, comme un des leurs. Ce que tu voulais devenir parfois, sans jamais l’être. Tu en étais conscient au fond de toi, c’était pour cela que tu ne fis rien, te contentant de baisser le front blanc, parfois trop pâle. De murmurer un merci vain. Au fond, tu voulais y croire, sans vraiment le faire.
Cependant, mon bon Francis, que feras-tu lorsque tu verras encore une fois l’enfant vêtu de noir en train de pleurer ? Ludwig pleurant son Empire, sa gloire enfouie, son frère emporté, peut être mort, ses rêves envolés. Réduit en cendre par des fous, lui le premier. Ludwig ayant creusé sa propre tombe, créé sa propre image de démon en jouant les conquérants, le Reich omnipotent, l’homme cruel, lui qui avait le cœur si bon, si tendre au fond. Un cœur plus facile à briser que l’on ne l’aurait jamais cru, qu’on n’avait jamais voulu le croire…
Que feras-tu sinon ne pas tourner le dos, ne pas insulter en disant ce maudit mot que les autres affubleraient à ce misérable perdant, cet infâme monstre qui ne méritait plus le nom de Nation. Une Nation représente les hommes pas les monstre, diraient les autres.
Toi, tu te tairais un moment avant d’enlever ton manteau, de le mettre sur le dos d’un enfant qui pleure, d’un homme déchiré en deux. Tu le réconforteras lorsque les autres lui tourneront le dos ou lui planteront des couteaux dans le dos, meurtrissant davantage la chair d’un homme brisé par le remords. A ta façon, tu répandras l’amour en disant que le pardon importe plus que le passé, en souriant à l’ennemi d’hier que tu voulais tant tuer et qui t’avait fait tant de mal.
Oui, ton Rimbaud, ton Arthur avait vu juste, comme lorsqu’il pensait que la poésie avait besoin de voir d’autres horizons, lorsqu’il parlait du voyant comme seul lui pouvait le faire. Oh, il t’en avait parlé bien entendu, te noyant de réflexions que peu comprendrait, que peu aimerait surtout. Mais toi, toi tu aimais, tout comme tu dévorais Arthur des yeux, le trouvant attachant, ce petit fugueur qui déplaisait tant à ses parents, cet ange aux semelles de vent que tu avais rencontré au hasard des rues.
Il était ton Rimbaud et non ton Arthur, l’ange aux semelles de vent et non l’éternel ennemi amoureux d’hier et de demain, cet ancien pirate dont tu aimais tant mordre les lèvres jusqu’au sang pour ne pas dire que tu l’aimais plus que les femmes avec qui tu adorais tant jouer au séducteur, au Valmont au grand cœur.
Cet enfant fugueur, cet enfant poète, l’enfant prodige et prodigue aux semelles de vent qui aimait tant partir de chez lui pour mieux y revenir, se rapprocher de Paul jusqu’à la fusion, s’éloigner de Verlaine jusqu’à la rupture pour mieux avoir l’occasion de se reposer dans tes bras ouverts, s’en aller vers les autres pays pour mieux de revenir encore. Et toi, tu divaguais, pris dans un tourbillon de sentiments contraires, comme le bateau ivre, comme le bateau ivre.
Puis, vient le moment fatal où les semelles de vent furent jetées devant toi, où il tomba amoureux de l’Afrique tout en renonçant à toi, à la poésie.
Il mourut à vingt ans, cet adolescent, ce poète qui devait toujours garder l’apparence d’un ange, la joue contre sa main, regardant le spectateur droit dans les yeux, sans sourciller ni sourire, comme s’il regardait au loin un horizon impossible à atteindre et désirable pour cette seule raison.
Et le bateau ivre coula, Francis ce jour-là, il coula, coula jusqu’à atteindre le fond de la mer et contempler les poissons aux couleurs arc-en-ciel. Il partit ton Rimbaud, ton Rainbow, l’homme qui avec ses semelles de vent peignait le monde dans des couleurs fantastiques.
Pourtant, tu ne le pleuras pas, non tu ne le pleuras pas.
C’était jusque ta tristesse monochrome et mélancolique qui coula le long de tes joues, avant de se perdre dans le paysage, comme une étoile qui naissait et qui traversait le ciel avant de s’éteindre, laissant un souvenir doux-amer, celui de la voix, celui des poèmes, des rêves.
Alors, lorsque plus tard, on te brandit une photographie (fort bien réussis, tu ne le nieras pas) et te disant que le vieil homme, que celui au regard noir était ton Rimbaud, tu souris. Comme seul toi, tu peux sourire sans qu’on sache vraiment ce que tu penses. Autre point commun que tu partages avec ton ami du froid, ton cher Ivan aux sourire inquiétants.
Sauf que toi, tu ne faisais plus peur, alors on ne se privait pas de pousser l’outrage jusqu’à t’en parler indéfiniment, jusqu’à créer une polémique stérile. Sauf que toi, tu n’as que les mots et les souvenirs pour te défendre, alors doucement, tu choisis la subtilité, presque l’ironie discrète et polie :
« Oui, c’est bien Arthur… »
Et non Rimbaud.
L’ange fugueur qui s’ennuyait, le poète accomplie et enfant prodige. Celui qui se perdait parfois dans tes bras avant de s’enfuir, de voir d’autres paysages, d’autres horizons avec ses semelles faites de couleurs et tissées de vent. Non, celui-là, il vivait encore dans ton cœur, ses paroles se lisant parfois sur ses lèvres, comme un dernier baiser. Celui que tu n’avais pas osé faire, laissant tes lèvres sur le front de l’enfant et non sur les lèvres du poète.
Celui qui t’avait touché plus que nul autre.