Crosspost
fdl_phenomena Titre : Le jour des cigognes
Auteur : Mélie, alias
gribouilleFandom : Phenomena
Personnages : Du monde @_@
Disclaimer : Maldwyn est à
babel121, Hyun à
kaya_kunami et les autres personnages de cette fic à moi pour la plupart.
Paul Zicher n'était pas du genre à se laisser envahir par le stress. Bien sûr, il connaissait le trac, et même l'angoisse avant le rendu d'un jugement - mais rien de véritablement handicapant.
Il fallut bien la grossesse de sa femme pour parvenir à lui donner des sueurs froides. Certes, aucune complication n'était prévue - mais, de ce qu'il savait, on ne prévoyait que rarement ces choses là.
Au moins, les maternités en France étaient assez réputées. Du moins, d'après sa femme, laquelle envisageait l'événement avec son enthousiasme habituel - et sans une once d'inquiétude. L'autre avantage d'être revenu dans la patrie de sa bien-aimée était qu'ils se trouvaient à proximité de ses parents, qui d'ailleurs hébergeaient ceux de Paul en prévision de l'évènement. Une chance que les deux familles s'entendent bien - et soient polyglottes.
Paul avait passé de longues heures, allongé dans son lit, les yeux grands ouverts, à imaginer les pires possibilités quant au jour tant attendu.
Il en avait oublié quelques unes.
* * *
Il s'agissait d'une mission d'urgence. Par chance, Maldwyn et Hyun étaient déjà en Allemagne lorsque Noland les avait contactés - ce qui leur épargnait de nombreuses heures d'avion. Harmonie était également avec eux - pour des raisons de paperasse, principalement. L'entreprise qui leur demandait d'éliminer les choses gluantes dans sa cave ne tenait absolument pas à ce que qui que ce soit connaisse l'existence de ces choses gluantes - d'où une centaine de page de contrats à remplir et signer avant ET après que les choses gluantes en question aient disparu. Du moins, disparu à l'exception du spécimen conservé pour Atthis.
Bientôt, ils étaient sur place, Harmonie comprise. Leur cible se trouvait non loin de la maison de la sœur de cette dernière, mais pas le temps de faire une visite de courtoisie. Pas même le temps de déposer la cadette. La vie d'innocents étaient en jeux. D'innocents malades, en prime.
Une fois arrivés devant l'hôpital, les trois employés de Phenomena s'arrêtèrent quelques secondes.
« … ah oui. Tu parles d'une urgence. C'est quand même ironique, non ? »
Pas de réponse. Hyun était perdu dans ses pensées, et Harmonie dans ses appréhensions. Maldwyn haussa les épaules.
« En route, mauvaise troupe !
- Euh... Mald'... il faut y aller... comme ça... là ?
- Tu peux rester en arrière si tu veux. Ce serait peut-être mieux.
- Non... non ! »
La Princesse secoua la tête tout en serrant son livre - si on pouvait encore appeler ça un livre, vu le nombre de pages - contre elle.
« Je me chargerai de discuter avec le personnel de l'hôpital pendant que vous vous... occuperez d'eux... mais... est-ce qu'elles ne vont pas nous... attaquer avant qu'on y arrive ? »
Maldwyn évalua rapidement la distance, puis jeta un nouveau coup d'oeil à leurs adversaires du jour.
Des cigognes. Ce qui était déjà en soi un événement. Des cigognes géantes avec des dents de vampire ? Encore plus rare.
« Je suppose que si on y va très doucement, elles ne nous verront pas comme une menace... »
Les cigognes étaient perchées sur le toit de l'hôpital, leurs yeux entièrement noirs fixés sur on ne savait quoi.
Une voiture arriva en trombe et fit le tour du bâtiment pour se placer à l'entrée des urgences. Harmonie retint son souffle et ferma les yeux. Lorsqu'elle les rouvrit, les cigognes n'avaient pas bougé.
« Bon ben je suppose qu'on peut courir !
- Super, Sherlock, y a plus qu'à y aller... »
La jeune fille suivit ses deux compagnons sans quitter les bestioles des yeux. Elles étaient impressionnantes... immobiles comme des statues - ce pour quoi la plupart des patients devaient les prendre. Pourvu qu'elles ne se révèlent pas aussi dangereuses qu'elles en avaient l'air...
Une fois à l'intérieur, Maldwyn et Hyun commencèrent à chercher les escaliers, une valise manifestement lourde dans la main du premier.
« Excusez moi ! »
La secrétaire derrière le comptoir de l'accueil, évidemment.
« A tout de suite Princesse, on te laisse gérer les relations diplomatiques ! »
Harmonie prit une grande inspiration. Elle n'aimait pas beaucoup mentir, mais elle commençait à apprendre à le faire sans trop bafouiller.
Elle débita donc un joli mensonge en français - paperasse à l'appui.
* * *
Evidemment, le bébé était arrivé un peu plus tôt que prévu - une ou deux semaines, rien d'alarmant. Paul s'était totalement préparé à cette éventualité.
Les nouvelles statues sur le toit de l'hôpital le surprirent quelque peu. Les artistes travaillaient décidément de plus en plus vite... serrant très fort la main de sa femme dans la chambre qui leur était réservée, il se remémora cette association de peintres qu'il avait une fois défendue...
Jusqu'à ce qu'une des statues en question entre dans ladite chambre en traversant la fenêtre.
* * *
Harmonie n'avait pas une ouïe particulièrement développée, et elle n'avait pas encore participé à suffisamment de missions - et elle espérait que ce ne serait jamais le cas - pour être capable de repérer l'origine d'un hurlement à l'oreille. Pourtant, une forte intuition l'aiguillait vers la maternité.
Sans tenir compte des protestations de la secrétaire - à croire que la solidarité inter-métiers n'était pas si forte qu'on aurait pu le penser - la jeune fille, elle-même surprise de son propre courage, se dirigea vers l'origine du vacarme. Vacarme qu'elle n'aurait pas pu entendre si quelqu'un n'avait pas ouvert les portes de l'hôpital au même moment.
Les cris n'étaient pas inhabituels dans les hôpitaux français. Les bruits de verre qui se brise, déjà un peu plus.
* * *
Maldwyn dévala l'escalier de service avec une flopée de juron. Il allait falloir qu'ils trouvent la bonne chambre, et vite. Dans tout autre type de bâtiment, cela aurait été aisé - les gens ont tendance à quitter la pièce dans la seconde lorsque leur fenêtre est traversée par une cigogne géante à l'air mécontent. Mais il suffisait que le patient concerné ne soit pas en état de le faire et que les infirmières ne soient pas très vives...
Vives, elles l'étaient. Courageuses, déjà un peu moins. Hyun, arrivé avant lui, poussa violemment celle qui se tenait devant la porte. Que la terreur paralyse, il pouvait comprendre. Quoique. Mais que personne ne se mette sur son chemin !
La femme dans le lit rappelait vaguement quelque chose au Coréen. Au moins, son mari ne l'avait pas abandonnée au mauvais moment - une main tenant la sienne, l'autre bras autour de ses épaules, un regard interrogateur porté sur Hyun, puis sur Maldwyn lorsque ce dernier entra également dans la pièce.
En face, la cigogne était de nouveau immobile, les ailes repliées contre son flanc. Elle se contentait simplement de tourner la tête de manière circulaire, de droite à gauche, de gauche à droite, comme pour balayer la pièce de son regard d'ébène.
Quelques minutes plus tôt, sur le toit, Maldwyn et Hyun avaient rapidement compris qu'elles n'étaient pas plus dangereuses que cela. Elles n'avaient pas fait un seul mouvement lorsqu'ils les avaient approchées. Le tranquillisant les avaient assommées une par une sans qu'aucune des bestioles restantes ne fasse le moindre mouvement. Elles avaient même eu l'obligeance de tomber en arrière. Mais la sixième et dernière... pourtant, Maldwyn avait appliqué exactement le même protocole qu'avec les autres. S'approcher doucement tandis que Hyun montait la garde - précédemment, il se contentait surtout de surveiller les autres cigognes -, armer, tirer. Sauf que quelque chose avait affolé la cigogne. Elle s'était envolé, avait fait le tour du bâtiment, et était rentrée dans une fenêtre. Et ils n'avaient plus eu qu'à courir.
Elle semblait s'être calmée, à présent. Maldwyn arma le fusil...
« Je peux savoir ce que vous faites ? »
A la voix de la femme, la cigogne réagit. En ouvrant le bec d'une manière fort menaçante.
« Mais tire, crétin ! »
Hyun, toujours aussi agréable. Comme si ce n'était pas ce qu'il avait en tête ! Mais c'est qu'elle c'était remise à bouger, la bestiole - toujours le bec ouvert, elle battait des ailes. C'était plus facile quand elles étaient immobiles !
« Reposez votre arme tout de suite !
- Chérie je crois que ces messieurs tentent de neutraliser cette créature...
- Enfin voyons Paul ce n'est qu'une cigogne !
- Chérie, elle me paraît un peu grosse pour une cigogne...
- Et si c'était une espèce en voie d'extinction ? Et ces messieurs ne sont vraisemblablement pas de la SPA...
- Mais vous allez la fermer, oui ? S'exclama Maldwin malgré lui, tandis que Hyun bougonnait la même chose en anglais.
- ... »
Une chose était certaine : la voix de la femme énervait prodigieusement la cigogne... qui pour autant se contentait toujours de battre des ailes et de bouger dans tous les sens. Et si...
La réflexion de Maldwyn fut interrompue.
« Harmonie, tu n'étais pas sensée être au Japon ? »
Maldwyn faillit se retourner, mais une exclamation de Hyun l'en empêcha.
« La bestiole ! »
Cette dernière s'était en effet finalement rapprochée et s'apprêtait à donner un coup de bec au mari. Maldwyn n'eut que le temps de tirer. Par chance, c'est bien la cigogne qu'il atteint, et non le dénommé Paul ou sa femme. Par chance encore, la créature tomba en arrière, et personne ne fut éborgné.
Maldwyn regarda derrière lui. Harmonie était sur le pas de la porte, blême.
« Je... désolée, j'ai juste entendu un cri et... »
Elle s'arrêta. Dans sa panique, elle n'avait apparemment vu que la bestiole et ses collègues, et découvrait à présent les autres occupants de la pièce.
Harmonie devint alors toute rouge.
* * *
Paul était évidemment très étonné de la présence de sa belle-soeur. Elle n'était pourtant sensée revenir en France qu'une semaine après la date prévue de l'accouchement - soit pas avant quelques temps.
Elégance semblait également étonnée, mais aussi ravie, et tout ce qui pouvait faire plaisir à sa femme lui faisait plaisir.
Elle était néanmoins moins ravie du sort de la cigogne, et insista pour que Paul aille vérifier que son pouls battait encore, malgré l'assurance d'Harmonie qu'il ne s'agissait que de tranquillisant.
« Vous avez appelé la SPA, j'espère ? Demanda-t-elle au jeune homme aux cheveux court - en anglais, étant donné que cela semblait être la langue qu'ils parlaient. Certes, ils ne s'occupent peut-être pas de cigognes, mais je suis certaine qu'ils pourraient vous renseigner sur d'autres associations... »
Le jeune homme la regarda avec un air méprisant, tandis que l'autre hochait la tête en souriant.
« Ne vous en faîtes pas, nous allons nous en occuper. N'est-ce pas Princesse ? »
Paul regarda Harmonie, puis l'homme aux cheveux longs. Il n'aurait jamais cru que sa belle-soeur se trouverait quelqu'un - elle était tellement timide - et certainement pas quelqu'un de si... différent d'elle.
Harmonie devint encore plus rouge.
« Oui... ne t'en fais pas, Elégance, nous... nous avons l'habitude...
- Je croyais que tu étais secrétaire ? Maman m'avait parlé de tes amis, mais j'avais cru comprendre que tu passais quand même la plupart du temps dans un bureau...
- Oui, eh bien... pas aujourd'hui...
- Tu aurais dû nous dire que tu t'occupais des animaux en détresse ! Maman serait tellement fière ! Oh, Paul, je crois que c'était une nouvelle contraction. Elles se rapprochent vraiment, nous devrions peut-être rappeler l'infirmière ? Harmonie, ma puce, tu veux bien t'en charger, ça ne te dérange pas ? J'irais bien moi-même, mais je suis consignée dans ce lit, et Paul refuse de me quitter... n'est-ce pas Paul ? »
Les mots s'imprimaient lentement dans les rouages du cerveau de Paul, encore quelque peut occupé par la scène précédente. Contractions... infirmière...
. . .
Il allait être papa.
. . .
Maintenant.
Paul s'évanouit.
* * *
Quelques heures plus tard, Maldwyn fumait une clope à l'extérieur de l'hôpital, et Hyun dormait sur un banc. Harmonie vint les rejoindre. Elle regardait par terre.
« Alors, Princesse ? »
Elle releva les yeux - des yeux émerveillés.
« C'est... il... il s'appelle Siegfried et... il est trop mignon...
- Félicitations Princesse !
- Mais je...
- T'es tantine maintenant ! Tu veux qu'on attende encore un peu ?
- Non, c'est bon, ils faut qu'Elegance se repose... je ne ferais que déranger...
- Tes parents vont pas tarder à arriver, non ? Tu ne veux pas les voir ?
- Oh je... ce n'est pas moi... aujourd'hui... c'est Elegance...
- Je suis certain qu'ils seraient content de te voir quand même, dit une voix avec un très fort accent allemand. Et puis, comme tu l'as dit, Elegance se repose, et ils ne pourront pas rentrer dans la chambre tout de suite. »
Paul se tenait derrière eux. Il avait l'air d'un type sympa - pas très grand, un peu trapu, des cheveux châtains impeccablement coiffés, des yeux marrons qui brillaient encore d'émotion.
« Je... je ne voudrais pas déranger...
- Tu ne déranges pas, Harmonie.
- ... boulot...
- Bah, le Vieux peut bien attendre ! »
Paul plissa les yeux à la remarque de Maldwyn, qui précisa :
« Notre boss.
- Ah, je vois... oh, et je... je tenais à vous dire... je ne sais pas trop ce que vous avez fabriqué aujourd'hui, mais... merci. Et merci de veiller sur Harmonie. »
Il sortit quelque chose de sa poche.
« Voici ma carte. Si vous avez jamais besoin d'un avocat...
- Oh, super ! T'as vu ça, Princesse ? Ce sera super si un jour Belle-maman se fait choper ! »
* * *
Le soir, ils furent invités à dîner chez les Sillice. Avec la famille de Paul - et Paul lui-même - cela faisait une assez grande tablée, mais cela n'avait pas l'air de trop inquiéter Evelyne, qui servait plat après plat en souriant et en répétant à quiconque voulait l'entendre combien son petit fils était beau. Franz, lui, ne disait rien, comme à son habitude, mais on pouvait discerner un petit sourire sur ses lèvres.
Paul ne put s'empêcher de remarquer que le jeune homme aux cheveux courts - un dénommé Hyun - n'avait pas l'air ravi d'être là. Il s'essaya à lui parler en coréen, qui semblait être sa langue natale, mais ne s'attira qu'un regard morne. L'Américain en revanche - l'entreprise dans laquelle travaillait Harmonie devait être une multinationale au sens propre du mot - était tout à fait à son aise, bien qu'il semblât prendre un malin plaisir à chanter les louanges d'Harmonie chaque fois qu'Evelyne chantait celles d'Elegance, comme s'il s'agissait d'une sorte de concours.
Harmonie quant à elle était assise à côté de son père, et rougissait chaque fois que Maldwyn prononçait son nom - ce n'était que quand Paul avait commencé à se dire qu'en fait, ils allaient bien ensemble, qu'il avait compris qu'ils ne l'étaient pas le moins du monde - mais semblait perdue dans ses pensées. De temps en temps, elle lançait un regard à Paul, et ils souriaient tous les deux.
Paul se promis d'emmener Siegfried au Japon aussi souvent que possible. Il ne faudrait surtout pas priver le petit de la compagnie de sa tante.
FIN.