N'oublions pas... 忘れないで、福島を

Mar 11, 2016 09:41

N'oublions pas : 11 mars 2011, 14h46, magnitude 9 ; ce ne sont que des chiffres.
N'oublions pas : 原発人災 [genpatsu-jinsai], cataclysme humain, un accident nucléaire et tremblement de terre ; ce ne sont que des mots.
N'oublions pas que derrière les chiffres, derrière les mots, sous les images qui cirulent dans les médias depuis 2011, il y a des existences brisées.

N'oublions pas que 18 500 vies emportées par le tsunami, ce ne sont pas 18 500 morts : c'est 18 500 fois une mort, 18 500 fois une tragédie, 18 500 fois une peur, une souffrance, une fin indicible.
N'oublions pas que près de 4000 personnes demeurent encore disparues aujourd'hui, c'est-à-dire non 4000 disparitions, mais 4000 fois une disparition qu'une personne ou plus ne sont capables d'oublier.
N'oublions pas que 3410 autres personnes sont mortes suites à la catastrophe à cause de la dégradation de leurs conditions de vie : par la maladie, le suicide, l'épuisement... 3410 fois une tragédie personnelle, 3410 fois une existence qui face à un déchirement qui dépassait l'imagination n'a pas eu la force de continuer.
N'oublions pas non plus que 140 000 personnes qui ont été "déplacées" dans la catastrophe sont toujours "déplacées". "Déplacées", le terme est trop doux pour décrire une situation qui, pour certains, se rapporte à l'enfer. Depuis 5 ans, ces personnes vivent dans des refuges censés être provisoires, soit des préfabriqués, soit des appartements prêtés par le gouvernement. Certaines de ces personnes ont de la chance et ont les moyens de se refaire une vie. Certains n'ont pas cette chance : ils ont les traites d'une maison inhabitable à payer (ce n'est pas parce qu'une catastrophe a eu lieu que vous devez arrêter de payer le prêt de votre maison contaminée ou emportée par la vague...). Certains n'ont pas les moyens de sortir du refuge, parce que la vague a tout emporté, le nucléaire a tout contaminé. Leurs papiers d'identité, tout ce qui prouvait qu'ils avaient droit à ce qu'ils ont droit.

N'oublions pas que certains sont oubliés des statistiques officielles : si vous avez évacué la zone proche de la centrale avant l'alerte officielle du gouvernement, vous êtes un évacué volontaire, et par conséquent, vous n'avez droit à aucun dédommagement. Même si votre maison est toujours en zone inhabitable.

N'oublions pa s que les avis divergent au Japon : certains sont pour la reconstruction de leur furusato - le pays natal - quand d'autres ne veulent que le fuir à cause des risques de contamination.
N'oublions pas que dans les deux cas, c'est leur droit, et nous n'avons aucune leçon à leur donner.
N'oublions pas que toute la région de Fukushima n'est pas contaminée, ou réfugiée, ou touchée : il y a autant de situations qu'il y a d'existences. De villages. De villes...
N'oublions pas que sous couvert des slogans "courage" et "achetons les produits du Tôhoku pour les soutenir" se trouve une propagande gouvernementale qui refuse d'abandonner une région entière au nucléaire, au risque de couper le pays en deux (ce qui a failli se produire en mars 2011...)
N'oublions pas qu'acheter des produits du Tôhoku n'est pas pour autant dangereux : 5 ans après la catastrophe, le césium 134 a quasiment disparu des sols, et le césium 137 s'est fixé à diverses particules dans les profondeurs. Les produits sont contrôlés, plus qu'ailleurs même, et le plus souvent, ceux qui sont vendus affichent des taux de becquerel au kilo infiniment inférieurs aux taux autorisés à la vente par le gouvernement (qui montent jusqu'à 100 becquerels par kilogramme, ce qui est énorme et peut provoquer une contamination interne).
N'oublions pas que les paysans de Fukushima sont victimes de rumeurs sur la contamination de leurs produits, et que leur commerce meurt lentement, quand bien même leurs produits affichent "zéro becquerel" et donc "zéro risque". Si ça vient de Fukushima, la plupart des gens n'achètent pas...
N'oublions pas que les consommateurs ont le choix : ils sont libres de ne pas acheter, que ferions-nous à leur place ? Mangeriez-vous un champignon de Tchernobyl quand bien même on mesure son taux de radioactivité devant vous ? Peut-être que oui, peut-être que non : le choix vous appartient et personne ne devrait rien avoir à en dire.

N'oublions pas les enfants de Fukushima, qui n'ont plus le droit de jouer dans la terre.
N'oublions pas ces mères qui ont fui la région, laissant leur mari derrière elles, mari qui travaille pour nourrir sa famille à distance. Car il n'a pas le choix : il ne peut pas quitter son travail facilement.
N'oublions pas qu'en fait, si, il le peut. Mais voudra-t-on d'un "réfugié de Fukushima" ailleurs ?
N'oublions pas que les gens de Fukushima, même s'ils ne sont pas contaminés, sont traités comme des particules radioactives : les hibakusha de Hiroshima et Nagasaki n'ont pas été traités différemment.
N'oublions pas que cette discrimination n'est pas absolue : certaines personnes originaires de Fukushima sont parties et se sont bien reconstruites.
N'oublions pas que les personnes qui choisissent de rester sont le plus souvent des personnes âgées, et que cela n'est pas étranger à la manière dont le nucléaire agi sur l'humain...
N'oublions pas que certaines familles, parents et enfants, ont choisi de rester. Et c'est leur choix, leur droit.

N'oublions pas que la seule parole légitime est celle des gens qui, à cette heure, souffrent toujours des conséquences de la catastrophe.
N'oublions pas que la souffrance est comme le nucléaire : ce n'est pas parce qu'elle ne se voit pas ou ne se détecte pas qu'elle n'existe pas.
N'oublions pas que la souffrance est comme le nucléaire : plus les années passent, plus elle agit.
N'oublions pas de ne pas généraliser, pour aucun des cas cités ci-dessus.

N'oublions pas que des enfants sourient à Fukushima.
N'oublions pas que des parents vivent à Fukushima.
N'oublions pas que des gens vivent heureux à Fukushima.
N'oublions pas que des gens vivent dans la peur du nucléaire à Fukushima.
N'oublions pas qu'ils vivent, et souffrent, et rient, et pleurent, et traversent les mêmes épreuves à Fukushima... et parfois loin de Fukushima.

5 ans déjà.
Et tant de choses oubliées.

Pour lutter contre l'oubli, quelques références à venir : des manga, des nouvelles, des romans... parce qu'il n'y a que par la littérature que l'on peut expérimenter par appropriation ce qu'autrui traverse, et ce qu'être autrui veut dire.
Ci-après, les sources de ce que j'avance : principalement des témoignages rapportés par le biais de la littérature et du manga, les informations transitant par ces médias ne parvenant pas, ou si peu, aux médias officiels tels que les journaux, etc.

Témoignages des victimes du tsunami ou de l'accident nucléaire (vérifiés) en manga :

















Essais :








Poèmes, nouvelles, romans, chroniques :












Liste loin d'être exhaustive, dans tous les cas source de réflexion, de mise en regard, de prise de recul.
Source d'humanité, aussi.

fukushima, thèse

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