"Ogres et géants", aux éditions Time-Life
Recueil de contes, environ 140 pages, toujours des superbes images. Comme parfois avec cette collection, je suis un peu désappointée par le côté centré sur l'Europe, ce n'est pas un sujet que je connais bien, il y aurait eu de quoi apprendre des choses... si le Mabinogion et les Eddas n'avaient pas formé la plus grande partie du scénario, avec un peu de légende arthurienne, plus une apparition de Polyphème.
Je rale, je rale, mais j'aime toujours comment ça raconte, en alternant les histoires telles quelles et un peu de vulgarisation sur les thèmes les plus souvent liés au mythe.
Les chapitres sont respectivement sur les géants en tant que forces primordiales, les géants en tant que forces protectrices, les géants en tant qu'ennemis mortels, et les géants en tant qu'ancienne race vouée à la dégenerescence et à la disparition.
7/10
"Cartographie des nuages", par David Mitchell
Roman (en fait constitué de 6 novellas, mais elles sont liées, donc c'est un roman), environ 720 pages. Cloud Atlas en VO.
Chacune des histoires se passe à une époque différente, et surtout est un genre littéraire différent. On en a une moitié... puis on passe à la suivante, chronologiquement, et cela se refermera dans l'ordre opposé. Elles sont liées, parce qu'il est très fortement impliqué qu'à chaque génération un des personnages est la réincanation du héros précédent, parce que chaque personnage se retrouve à prendre connaissance de la vie du précédent par un livre ou un autre moyen, et par plein de petits autres détails, des reflexions sur la réincarnation, sur la structure, qui se répondent.
L'idée était très bonne, ensuite, je n'ai pas trouvé que la façon dont les histoires se rattachent montre une grande habileté, il n'y a pas de grandes révélations, mais c'est vraiment joli. Ca ne fait pas pièces de puzzle qui se recollent, plutôt pièces de cerf-volant attachées entre elles par des ficelles.
Pour les histoires, on a donc un roman d'aventure dans le Pacifique en 1850, une histoire de création artistique au début du 20e siècle, un polar dans les années 50, une comédie satirique et noire dans un futur proche, une rebellion dans une dystopie, et un futur post-apocalyptique plus lointain encore. L'auteur se débrouille dans tous les styles, c'est assez impressionnant. Même si bien sûr, tout le monde aura des préférées. Et tout le monde, probablement, pestera au moment de s'arrêter en plein milieu pour passer à la suivante avec des personnages qu'il ne connaît pas encore.
8/10
"Périssent les colonies plutôt qu'un principe ! - Contributions à l'histoire de l'abolition de l'esclavage, 1789-1804" sous la direction de Florence Gauthier
Recueil d'articles historiques, environ 110 pages, je l'ai lu pour écrire le NaNo. Bien sûr. Et pourtant, je me suis retrouvée à accrocher très bien y compris aux articles qui ne me servaient à rien. bah, ce sont des récits révolutionnaires. C'est exaltant. Ou déprimant. Selon les histoires.
Mon problème pour recommander ce livre, c'est que les qualités que j'y vois seront les défauts pour n'importe qui d'autre. J'ai adoré le fait que ça réponde enfin à la question de qui a dit "Périssent les colonies plutôt que les principes" (dans beaucoup de livres, je l'ai vu attribué à des auteurs différents), que ça me donne le prénom du fils de Polvérel (j'an ai besoin pour mon NaNo), que ça explique comment on faisait, en pratique, pour faire exécuter quelqu'un injustement sous la Terreur (ça demande plus de magouilles qu'on ne le montre habituellement ^^) mais franchement, il faut être déjà intéressé par le sujet pour le lire, que ce soit pour la recherche, le plaisir, ou les deux.
Et l'autre avantage qui peut être un défaut, c'est que ça se voit que c'est écrit par des gens de gauche. Oh, je ne leur reproche pas d'être de mauvais historiens, clairement, ils ont une éthique professionnelle et tous leurs faits juste et largement renseignés. C'est pour l'interprétation que, je suppose, parfois, des gens auront envie de leur dire "oui mais c'est ton opinion."
Ce qui n'empêche pas qu'au total, le lire a été beaucoup plus un plaisir et beaucoup moins une nécessité que je pensais. Je n'ai même pas eu la tentation de ne pas lire les articles qui n'allaient pas m'aider pour le NaNo !
8/10
"Toussaint Louverture", par Alphonse de Lamartine
Théâtre (ou poème dramatique), environ 300 pages dans l'édition que l'ai lue qui a très peu de texte par page et a une préface et rajoute à la fin les discours sur l'abolition de l'esclavage par Lamartine, pour compléter.
Manifestement, l'auteur a honte de cette pièce, il explique dans la préface qu'il ne comptait jamais la publier (mais apparemment, les soucis d'argent sont plus forts), et c'est du théâtre populaire, pas de la grande littérature, et heureusement que les acteurs sont bons sinon ça n'aurait jamais marché. Je trouve qu'il devrait plus s'excuser dans la partie sur l'abolition où il explique pourquoi c'est si important de compenser les propriétaires d'esclaves quand on abolit l'esclavage, WTF, Lamartine.
Il est temps de passer au contenu ! Déjà, c'est de la tragédie, donc je ne vais pas raler contre tous les passages où ce n'est pas historiquement exact (ça se passe quand l'armée de Bonaparte arrive, donc pas du tout en même temps que mon NaNo à la fin), et je suis toujours impressionnée par les gens qui écrivent un texte entier en alexandrins, même quand c'est mauvais (ici ça ne l'est pas), je n'ai toujours pas compris comment on pouvait faire ça.
Commençons par Toussaint lui-même. Il est présenté, en premier, comme un homme déchiré entre défendre son pays contre les français et revoir ses fils qui ont fait leurs études chez les français en question. Et ensuite, même quand il revoit les fils en question, l'un d'entre eux a pris le parti de la France, et je n'ai rien à dire, cet arc était classique mais bien fait.
Il se prend un peu pour l'élu de Dieu qui doit délivrer son peuple de l'esclavage, et ce qui est désespérant, c'est que la narration est d'accord avec lui. Par l'accord d'un vieux prêtre blanc qui s'introduit dans toutes les scènes sans que personne lui ait rien demandé pour donner la morale de l'histoire et le symbolisme chrétien qui va bien. Ce qui fait que quand un des sous-fifres de Toussaint, Moïse, en a marre de lui parce que son règne a arrêté d'être démocratique et qu'il se prend pour l'élu de Dieu, il est classé en méchant vraiment méchant (WTF Lamartine) et va le vendre aux français (WTF, Lamartine, je t'accorde le droit de changer les faits, mais là c'en est au niveau détruire un personnage. Si Moïse s'est disputé avec Toussaint, c'est justement parce que contrairement à lui il haïssait les blancs !)
J'adore quand Toussaint se déguise en mendiant pour aller espionner les blancs sous leur nez, et tous les doubles sens quand les blancs, sans le reconnaître, essaient de l'interroger pour voir s'il ne saurait pas des choses sur Toussaint, par hasard.
Dans les persos rajoutés : Adrienne, nièce de Toussaint, fille de sa soeur abandonnée par son père blanc, qui pour une héroïne romantique et un personnage inventé est beaucoup plus multi-dimensionnelle que prévu. Bien sûr, elle est innocente et elle aime observer la nature et méditer tristement dessus, Lamartine, on t'a reconnu. Mais parmi ses motivations, il y a la romance pour le fils de Toussaint qui l'a trahi pour les français, une fidélité à Toussaint lui-même (qui l'a élevé comme un père, d'ailleurs on notera que la romance est vaguement incestueuse, comme souvent chez les romantiques) qui fait qu'elle n'a aucun problème à se déguiser en mendiante pour aller espionner ou à faire des déclarations de guerre, et enfin une sorte d'espérance qu'elle n'arrive pas à enterrer envers son père biologique, un blanc qui a abandonné sa mère, mais qu'elle veut revoir pour avoir une opinion sur lui (et que je trouve décevant comme personnage, mais ce n'est pas la faute d'Adrienne). Elle a aussi des dialogues avec des personnages fémiins (des amies d'enfance, et un peu Pauline Bonaparte Leclerc : l'auteur rend très bien le racisme paternaliste de Pauline qui croit sincèrement qu'elle est généreuse avec les noirs et ne voit pas leur problème).
Sinon... il y a des moments où l'auteur insiste un peu trop sur le fait que les noirs sont une race méprisée et qui ne le mérite pas, et on sent que c'est un blanc qui parle à des blancs pour les convaincre. Des noirs ne se complairaient pas dans de telles descriptions de comment ils sont méprisés, merci. Donc un peu de OOC là, et un peu d'Implications Malheureuses, même.
Le contexte politique est vaguement flou, je ne sais pas à quel point on est censés saisir les enjeux quand on ne les connaît pas déjà ? Ce n'est pas le sujet ! Tout le monde est là pour la tragédie familiale contre le devoir ! Le devoir est de protéger son peuple, qui se soucie contre quoi, après ? Lalala. On ne comprend même pas vraiment comment ça va finir historiquement.
Globalement, ce n'est pas que c'est mal fait, mais j'avoue que ça ne m'a pas transportée. Même les moments où j'approuvais la qualité, c'était avec un certain détachement. Et puis je lui en veux toujours pour le prêtre en Deus ex Machina et fournisseur de symboles gratuit, et pour l'écriture de Moïse.
6/10
"Turlupin", par Leo Perutz
Roman historique, environ 180 pages. D'abord, il faut que je dise que je pense que l'auteur n'a rien compris à la révolution française. Ce qui ne devrait pas être un problème vu que l'histoire se passe à l'époque de Richelieu, mais à chaque fois qu'il essaie de faire un parallèle (ce qui est un des thèmes sous-jacents du livre), je suis là, non, vraiment pas. ^^ Alors que pourtant ce qui est évoqué historiquement a une certaine grandeur qui n'est pas gaché par les échecs et les coïncidences, mais pour le coup, sur les époques que je connais moins, je ne sais pas si je dois faire confiance.
Sinon, j'aime beaucoup, comme souvent avec cet auteur, la structure, la façon dont on sait tout depuis le début mais on ne comprend les détails qu'à la fin (même si là aussi je suis un peu déçue, certaines des anecdotes racontées au début pour nous expliquer que rien ne s'est passé ce jour-là sont vraiment des anecdotes et ne sont pas expliquées). Il y a toujours un bon sens du détail, du symbole, de la conversation, et je n'aime pas trop les quiproquos mais je dois avouer que là c'est fait avec très grand art, et un soupçon de tragédie. Par contre, le personnage principal (un barbier enfant trouvé qui se retrouve par hasard pris dans une conspiration) m'indiffère, et ça n'aide pas à apprécier (je suis 100% du côté des "méchants", enfin, de Richelieu ^^ Je ne devrais pas dire méchants, parce que pour être honnêtes, l'auteur ne fait rien pour nous rendre l'autre camp sympathique non plus)
7/10
Progression : 85/52
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