"Les contes du whisky", par Jean Ray
Environ 180 pages ; un de ses premiers recueils de nouvelles, pour la plupart très courtes, que je n'avais jamais lu.
Les histoires... sont très diversifiées, certaines sont de la pure horreur surnaturelle et d'autres n'en ont que l'ambiance sans le moindre élément fantastique, certaines finissent bien et d'autres pas, et malgré cela il y a une unité d'ambiance, celle du monde des marins, avec le whisky, la pauvreté, les petites prostituées, les usuriers qui sont punis pour leurs terribles crimes (trois histoires différentes sur ce thème dans un seul recueil, on sent une haine personnelle), les horreurs qui vous attendent dans les voyages à l'autre bout du monde et chez vous quand vous rentrez et que vous êtes seuls, et la salvation qui peut aussi bien vous fuir toute votre vie que vous tomber dessus quand vous ne l'attendez plus.
Enfin bon, je savais avant de le lire que j'aimais beaucoup Jean Ray, donc... ce n'est pas mon préféré, mais je n'ai pas non plus l'impression que ça demande le genre d'indulgence qu'on accorde aux oeuvres de jeunesse, c'est juste bien. :-)
"La rivière à l'envers - Tome 1 : Tomek", par Jean-Claude Mourlevat
Un roman pour la jeunesse conseillé par
rapunzelita ; environ 180 pages.
C'est une quête initiatique de fantasy ; un adolescent, poussé à la fois par un ancien désir de voyager et par ce qu'il ressent pour une jeune fille qu'il vient de rencontrer, part à la recherche de l'eau qui empêche de mourir. Il traversera une forêt qui efface ceux qui s'y perdent des souvenirs du monde entier, des champs de fleurs dont le parfum affole, une île où des jeunes filles attirent leurs futurs époux pour qu'ils ne puissent plus jamais repartir...
Certaines de ces trouvailles sont charmantes au niveau poétique. Les deux héros, sans m'avoir particulièrement marquée, sont aimables. Cela m'a fait penser à ce genre d'allégories médiévales sous forme de conte, où le héros parcourt le monde et voit plein de gens vivre de façons qui lui semblent totalement absurde ; et à la fin un ange lui explique ce que tout cela symbolise par rapport à son monde. C'est le même genre, sans les explications, mais ça m'a laissée (sans que l'auteur le mentionne d'une quelconque façon) avec l'idée que nous étions censés y trouver des résonances symboliques.
J'aime bien cette idée ; même si je n'ai pas été assez absorbée par le livre pour passer des heures à me poser la question ou pour y trouver des choses profondes. Dommage. Globalement, c'était plaisant, mais pas inoubliable.
Oh, et pour ceux qui l'ont lu, dans la catégorie "la réalité rattrape la fiction", voilà
un site où on peut acheter des parfums d'étang gelé ou de Noël à New York. Il paraît que c'est plutôt bien fait.
"La vie aventureuse d'Adam Worth, roi des voleurs, escroc et gentleman", par Ben McIntyre
Environ 300 pages, je l'ai vu passer à la bibliothèque ; c'est la biographie de l'homme qui a (vaguement) inspiré Moriarty ! Il fallait que je la lise !
J'ai beaucoup aimé, que ce soit la description du milieu New-Yorkais du crime et des perceurs de coffres (où il a commencé), à Paris où il à ouvert un casino clandestin, puis à l'Angleterre victorienne où il a fondé une entreprise où il trouvait des idées de bons coups à faire et touchait un pourcentage sans se mouiller lui-même... Parfois c'est même trop beau pour être vrai, quand ça parle de son pemier amour dont il n'est jamais vraiment sorti, d'un tableau de maître qu'il a volé sans espoir de le revendre ou de l'exposer, juste pour l'avoir, de sa fidélité extrême envers ses complices, de son amitié avec le détective qui le pourchassait, des rivalités du milieu... et pourtant, tout cela semble vrai et bien documenté...
Et certaines des arnaques qu'il a effectivement pratiquées peuvent donner de bonnes idées (pour écrire des histoires, pas pour le faire, qu'est-ce que vous imaginez ! :-) )
En bref, j'ai trouvé ça vraiment très intéressant et agréable à lire. Je le recommande, pour les gens qui peuvent s'intéresser au sujet.
"Un privé à Babylone", par Richard Brautigan
Environ 250 pages, roman, constitué de chapitres très courts et quasi-poétiques. Je l'ai acheté parce qu'
izys m'avait prêté "In watermelon sugar" du même auteur, que j'avais beaucoup aimé.
C'est une parodie de polar/noir. Le héros, Card, est un détective privé cynique, fauché, un rien amoral mais pas tout à fait, avec une vie personnelle totalement louzesque, enfin ce qu'on attend de ce genre de héros. A une différence près : il est très mauvais à son boulot. Pas parce qu'il est stupide, mais parce que dès qu'il en a l'occasion, il quitte la réalité pour se réfugier dans un monde de fantasmes où il est un détective de génie (et un joueur de base-ball exceptionnel, et avec une jolie assistante) à Babylone, où il combat toutes sortes de menaces surnaturelles.
Cela m'a parfois fait beaucoup rire : "Quelqu'un aurait dû l'emmener dans une papeterie et lui expliquer la différence entre une enveloppe et une pute" quand ils trouvent une prostituée poignardée avec un coupe-papier... Mais je ne pense pas, malgré tout, avoir lu/vu suffisamment de polars dans le style pour apprécier la parodie à sa juste valeur (d'ailleurs, si vous voulez m'en recommander...). Je n'accroche pas spécialement à Card ; je ne sais pas si c'est parce qu'il est conçu exprès comme une parodie un peu vide ou à cause de mon squick contre l'incompétence. Niveau persos, je préfère son pote flic, ou même le gardien sans-doute-nécrophile-mais-sympa de la morgue. Le scénario aussi est plus une parodie qui part dans tous les sens et ne se conclut pas vraiment qu'une histoire bien construite (mais ce n'est pas totalement n'importe quoi non plus, hein).
Par contre, il y a beaucoup de phrases très jolies. Ca m'a laissée un peu déçue malgré du potentiel, mais avec l'envie de lire d'autres livres du même auteur malgré tout (voir plus bas, et aussi peut-être ses parodies de genres que je connais mieux comme le western).
"La marmite à histoires, contes chamboulés", par Gwendoline Raisson, illustré par Amélie Dufour, Didier Balicevic et Gwen Keraval
Acheté au Salon du Livre ; environ 40 pages, avec plein d'illustrations ; un livre de réécritures humoristiques et de jeux avec des contes classiques et certains qui le sont moins. On y trouve des versions où le caractère du personnage principal change (Le petit chaperon rouge, par exemple), une réécriture moderne (Le petit Poucet), une histoire à choix genre Livre dont vous êtes le héros (Cendrillon), des débuts d'histoires pour imaginer la fin soi-même, un conte combinatoire avec plusieurs débuts/milieux/fins à combiner comme on veut (Blanche-Neige), des contes avec un paragraphe facultatif à déplier, qui se rajoute au milieu mais change tout le sens de l'histoire, des générateurs aléatoires d'idées de scénarios...
J'aime beaucoup le principe. Certaines réalisations sont particulièrement réussies, d'autres moins, mais elles donnent toutes envie de jouer avec les contes soi-même, et c'est le gros point positif pour moi ; j'ai vu des recueils de réécritures parodiques de contes qui étaient meilleures à mon sens (Rivais, Lane/Scieszka...), mais n'avaient pas (ou moins) ce côté interactif et faites-le vous aussi.
"Le Diable et le Bon Dieu", par Jean-Paul Sartre
Environ 180 pages. Je ne l'avais jamais lue, pour des raisons indéterminées (peut-être parce que le cadre est une époque que je connais mal et pas une de mes préférées non plus), mais finalement c'est une de mes pièces de théâtre préférées de Sartre.
Ca se passe dans une Allemagne pseudo-historique, au tout début du protestantisme, à l'époque où l'Eglise catholique plutôt riche affrontait des protestants populistes et exaltés. Le personnage principal, Goetz, est au début méchant et fier de l'être, qui défie Dieu, et après qu'on lui a dit que c'était plus difficile, il décide de faire le Bien, sur un pari... Mais il y a plein de personnages, et tous sont confrontés à la relativité du bien et du mal, tous sont forcés de "pactiser", de faire des compromis, de s'interroger sur ce que sont exactement le bien et le mal, dans un cadre personnel ou politique, et surtout sur le rôle de Dieu et du diable là-dedans.
J'ai donc beaucoup aimé. Les réflexions sont très interessantes. Les confrontations entre personnages ont beaucoup de force. Goetz a des romances hétéro mais il est possible de slasher si on veut ; qu'il soit en mode "gentil" ou "méchant", il a l'habitude d'embrasser ses interlocuteurs sous une impulsion, hum. Je recommande vivement !
"Tokyo-Montana Express", par Richard Brautigan
Environ 300 pages. Comme je le disais plus haut, j'avais envie de lire plus de Brautigan. J'ai croisé celui-là au Salon du Livre, c'est un recueil d'anecdotes quotidiennes/poèmes en prose, ce qui m'a semblé tombé pile ce que j'avais envie de lire de lui. En plus, le titre laissait entendre que c'était une des inspirations de "Westerns sous la neige"/"38 mini-westerns avec des fantômes", de Dionysos et Mathias Malzieu, qui sont un album et un recueil de poèmes en prose que j'adore, donc j'étais encore plus curieuse.
Comme le titre l'indique, certaines de ces histoires et ces introspections se passent aux Etats-Unis, d'autres au Japon, elles sont parfois drôles, parfois touchantes, parfois frappantes, toujours poétiques. On y trouve des titres comme "Sauf que les pêcheurs de calmar japonais sont maintenant à dormir", "L'irrévocable tristesse de son merci beaucoup", "De la magie des pêches", "Du vent dans les sous-sols"...
Pour ceux qui aiment le genre, je recommande vraiment !
"Risques de lecture" : La rivière à l'envers, la biographie d'Adam Worth, Le Diable et le Bon Dieu, Un privé à Babylone (même si de Brautigan j'aurais plus envie de compter son recueil de poèmes en prose mais dans tous les cas ça fait un).
Bon, je commence à rattraper ! Ca doit être de ne pas avoir lu de gros livre (en particulier de gros livre de fantasy ^^) ce mois-ci.