Cercle d'écriture 6 - nouvelle 1 - Quelques rêves presque sûrement inexplicables

May 15, 2008 11:36

Je ne sais pas si vous vous rappelez, il y a quelques semaines j'avais parlé du sujet du cercle d'écriture de mes potes : "Écrire une histoire où le gentil et le méchant essaient sincèrement de se tuer (ou toute autre variation) le jour (ou toute autre variation), et sont super potes la nuit."

Comme tout le monde est en retard, que la publication de mes résultats rame, et que personne là-bas ne lit mon LJ, je vais me défrustrer en postant mes deux textes ici (oui, j'en ai écrit deux, on a le droit, et j'ai un plot bunny débile qui m'a sauté dessus après le premier essai)

Voilà déjà le premier.

Titre : Quelques rêves presque sûrement inexplicables
Auteur : flo_nelja
Fandom : Originale / vaguement mythologie aztèque
Rating : PG
Disclaimer : Vaguement à moi, sauf les dieux aztèques qui sont dans le domaine public.
Avertissements : Romance lycéenne fluffy, trips mystiques inexpliqués, une pincée d'humour absurde... même à moi, le mélange fait bizarre, alors j'ai un peu peur de la réaction du public. Soyez constructifs, les gens !



La terre est rouge, comme le sang, comme le feu, et le ciel est entièrement bleu. Pourtant, la lumière est faible et diffuse, semble tomber du ciel en pluie d'orage, difficilement, irrégulièrement. Ou peut-être est-ce le ciel lui-même, qui tombe en se décomposant, peut-être la terre elle-même, qui se dissout en poussière.

Ni soleil, ni lune, ni étoiles, pas même l'idée qu'ils pourraient exister.

Le serpent vert plane dans le ciel, le jaguar noir rampe à terre. Leurs crocs sont acérés, leurs regards chargés de haine. Leurs yeux se reflètent l'un l'autre, comme une infinité de miroirs qui les distordent à l'infini.

oOo

"C'était toi !"

"Pardon ?"

"Le serpent, c'était toi ! Exactement la même façon de regarder les gens de haut ! Je te reconnais !"

"... probablement, en effet. Je dois t'avouer que ce n'est pas réciproque."

"Je suis vexé."

"Pour ce qu'on se connaît... sans compter que dans la vie, tu ressembles assez peu à un jaguar. Si vraiment tu es un carnassier assoiffé de sang, tu le caches bien."

"En attendant, dis-moi ce que tu fous dans mes rêves !"

"Je n'en sais pas plus que toi..."

"C'est ça !"

"Enfin, pour moi, il était évident que c'étaient les dieux aztèques Quetzalcoatl et Tezcatlipoca..."

"Euh, à tes souhaits, aussi ?"

"Au moins, certaines de leurs représentations traditionnelles..."

"Et comment tu expliques que je n'en aie jamais entendu parler, et que j'en rêve quand même !? Sans compter que c'était le même rêve que toi ?!"

"... je ne l'explique pas."

"Et alors, il faut que..."

"Tu voudras bien m'excuser, mais j'ai philo, là."

"Attends ! Tu ne vas pas ! Qu'est-ce qu'on en a à foutre, des cours ? ..."

oOo

La lumière ruisselle sur les écailles du serpent, étincelante, alors que le pelage du jaguar l'absorbe, plus sombre que n'importe quelle nuit. Ils n'ont pas besoin de se voir. Ils savent.

La haine emplit l'atmosphère, s'intensifie, se concentre, mais aucun des deux n'ose la canaliser en une attaque, cherchant d'abord une hésitation, une erreur, un défaut dans la cuirasse de l'autre. Mais il n'y a rien d'autre dans ce monde à sauver ou à détruire, et ils semblent qu'ils ne se lasseront jamais de guetter, exclusivement absorbés l'un par l'autre.

oOo

"Bon, alors, qui c'est, les dieux en question ?"

"Quetzalcoatl et Tezcatlipoca. je l'ai dit."

"Et ils sont ennemis ? Ils ont l'habitude de se foutre sur la gueule ?"

"Oui."

"Et en gros, tu veux dire qu'ils ont choisi nos rêves pour ça ?

"C'est peut-être un saut aux conclusions un peu rapide..."

"Tu as une autre explication ?"

"Pas vraiment, en fait."

"Et pour quoi ils se battent, d'habitude ? Je suppose que ce n'est pas pour choisir un film ou une garniture de pizza, hein ? Pas le genre de la maison."

"Hum... la dernière fois que j'en ai entendu parler, c'était plus à propos du sort du monde.

"La dernière fois ?"

"Bon, OK, hier soir. J'ai vérifié. Lors de leur combat précédent, Tezcatlipoca le jaguar noir a vaincu Quetzalcoatl le serpent à plumes, qui est parti et a promis de revenir et d'instaurer une ère de paix. Même si les chrétiens ont essayé de faire croire qu'il était revenu avec eux. Tezcatlipoca demandait des sacrifices humains, et les aztèques pensaient vivre sous son règne."

"Oh."

"..."

"Et alors on est en train de jouer le sort du monde, là ? Si dans nos rêves il y en a un qui gagne, on est partis pour une ère de sacrifices humains ? Ou alors c'est le contraire, on vit dans une d'entre elles, avec les guerres et tout, et c'est l'occasion d'en sortir ?"

"Je ne sais vraiment pas. Cela semblerait incroyable ; mais le fait que nous rêvions d'eux aussi. Deux nuits de suite, ce serait difficilement explicable par une coïncidence."

"... Si cette fois-ci tu pars pour aller en cours sous prétexte que ça a sonné, je te tue. He, c'est pas une blague ! Reviens ! Espèce de..."

oOo

"Salut ! Je t'attendais."

"Tu ne finissais pas une heure avant ?"

"Si. Tiens, comment tu sais ça ? Enfin, je me pose des questions. Ces créatures, là, dieux, machins, squattent dans nos rêves, d'après ce que tu dis."

"C'est toi qui l'as dit, mais oui."

"Mais pourquoi nous ? Pourquoi pas d'autres personnes ?"

"Si ça se trouve, il y a des centaines d'autres personnes qui font le même rêve ?"

"C'est pas possible ! Ils en parleraient dans des revues de parapsychologie et tout !"

"Et alors, ils le font peut-être ?"

"..."

"Ne me dis pas que tu as regardé !"

"... Et puis, je veux dire, pourquoi nous et pas des mexicains ? On pourrait avoir des ascendants qui soient des dieux ? Ou bien, peut-être, il y a un artefact aztèque super-puissant planqué quelque part dans le lycée ?"

"Mais pourquoi je saurais ça mieux que toi ? Attends, ne dis rien. Parce que j'ai un grand manteau noir alors je suis forcément sataniste ? Parce qu'il m'est arrivé d'ouvrir un autre livre que Harry Potter ou un livret de CD dans ma vie ?"

"Euh, oui ?"

"..."

"Je ne sais pas, tu avais l'air de t'y connaître en dieux bizarres."

"Oui, aux endroits où on les trouve d'habitude, dans les pages d'un livre ! Pas dans les rêves !"

"Alors..."

"Oh, ce n'est pas la peine de faire comme si tu étais Ultimement Déçu. Non, je ne peux pas répondre à tes questions, un point c'est tout."

"Mais tu ne veux pas savoir, toi aussi ?"

"Evidemment, que je voudrais ! Mais il n'y a aucun moyen que je puisse envisager, alors à quoi bon se torturer l'esprit avec des questions sans réponse ?"

"Tu es fâché."

"Oh, brillante déduction."

"OK, OK... bon, pas grave."

oOo

C'est presque imperceptible, au début, ce frémissement sous le pelage du jaguar, qui pourrait être de contentement, de mépris, d'ennui, qui semble afficher un relâchement ou une provocation, les yeux mi-clos.

Cela a suffi pour que le serpent plonge, les crocs en avant, et ce devait être un piège, car c'est presque instantanément que le jaguar réagit, profite de leur proximité nouvelle pour lui sauter à la gorge.

Le serpent ne recule pas pourtant, glisse juste sur le côté, le long de son adversaire, sans un sursaut, comme une danse de jade et d'obsidienne.

oOo

"Je me posais des questions, figure-toi..."

"Oh, bravo la mémoire à long terme !"

"Pardon ?"

"Non, rien. Qu'est-ce que tu veux encore savoir ?"

"He bien, d'abord, ce qui va se passer selon qui gagne. OK, tu m'as dit que tu ne savais pas. Alors ça : pourquoi c'est toi qui es le gentil ?"

"Aucune idée."

"Tiens, je pensais que tu allais dire quelque chose de méchant."

"Tu crois que ça en vaut la peine ? Et puis, je suis le gentil, après tout."

"... Autre chose : si je te tue, là, maintenant, qu'est-ce qui se passe ?"

"Pardon ?"

"Non, non, je ne... juste une hypothèse..."

"Mais encore une fois, je n'en sais rien ! Si ça se trouve c'est ton Dieu qui gagne, si ça se trouve ils vont passer dans les rêves de notre voisin de classe..."

"Et si... et si on se tue la nuit ?"

"Tu vas rire : ça non plus, je n'en sais rien. Ca peut décider du destin de la Terre. Ou du Mexique. Ou de l'univers. Ou d'un marchand de bibelots d'Amérique Latine. Ca peut tuer celui d'entre nous qui perd. Ou pas. Ca peut surtout ne rien faire du tout. Même si je ne suis pas très pressé d'avoir l'occasion de vérifier."

"Je vois. Oui, c'est sûr. On ne pourrait pas essayer, tu sais, de ne pas dormir en même temps, pour éviter ça ?"

"Pardon ?"

"On pourrait se partager les heures de nuit..."

"On n'y arriverait pas. Tu dormirais en cours."

"Et alors ? Je ne vois pas le problème."

"Moi aussi."

"Et alors ?"

"He bien, au total, on dormirait de toute façon au même moment."

"Zut... On ne pourrait pas se partager les cours ?"

"Il faut vraiment que j'y aille, là."

"OK. On se retrouve ce soir ?"

"Si tu veux. Ah, au fait : je ne dormirai pas cet après-midi. Ne te prive pas !"

oOo

"Tiens, au fait, je voulais savoir : qu'est-ce que tu en penses, toi, de cette histoire ?"

"Dans quel sens ?"

"Est-ce que tu ne trouves pas ça cool ?"

"Hum, soit on s'est fait toute une histoire pour rien, soit il risque d'arriver des événements terribles dans notre tête et ailleurs. Donc non, pas trop, en fait."

"Mais quand même ! C'est un truc extraordinaire qui nous arrive ! Ou alors, tu préfèrerais si c'était des vampires ?"

"... Je suis censé répondre à ça ?"

"Et puis on ne se serait probablement jamais parlé sinon."

"Je pourrais dire que c'est la pire part. Bien sûr, ce serait un mensonge. Juste pour te contrarier."

"Si je n'étais pas venu, tu aurais continué à croire que c'était juste des rêves normaux ?"

"Je ne sais pas... Probablement, oui."

"Et ça aurait été mieux ?"

"Moins stressant, probablement."

"Parce que toi tu es stressé ?"

"Oui. Un de mes Grands Secrets révélé. Ceci dit, ca ne veut pas dire que courir ensemble dans tous les sens va faire aller les choses mieux."

"Je me sens visé, là."

"Ah oui ? Pourtant, te voir courir dans tous les sens tout seul a quelque chose d'assez relaxant. Toutes proportions gardées. Presque mignon."

"Tu te fous de moi, là."

"Peut-être bien."

"Tu es insupportable !"

"Oh mon Dieu ! Je n'ose même pas imaginer à quelle fréquence tu viendrais me parler si j'étais supportable !"

"Ca te gêne tant que ça ?"

"Oh, pas d'inquiétudes. Si c'était le cas, je pourrais l'exprimer de façon beaucoup plus directe. Et inconfortable."

oOo

Ce n'étaient pas les crocs du serpent qui étaient à craindre apparemment, c'est tout son corps, implacable sous les plumes douces, qui s'enroule autour des plumes du jaguar.

Pourtant le félin feinte, se tord, et réussit à mettre son adversaire à terre ; réussit à l'écraser de son corps et de ses griffes, au moment même où le serpent a sa gorge à portée de ses crochets brillants.

oOo

"C'était violent."

"On ne peut pas dire le contraire. Je crains que nous n'ayons l'occasion de tester nos diverses théories demain."

"Si on est encore là... ah, c'est trop nul de penser qu'on pourrait ne jamais savoir !"

"Ouaip. A nous faire regretter de ne pas avoir eu droit à des animaux d'outre espace en style manga pour nous expliquer pourquoi nous étions ennemis héréditaires... en fait, non."

"De toute façon, nous ne sommes pas ennemis ! On s'en fout, de ces dieux débiles !"

"Pourquoi tu veux qu'on soit amis, au fait ?"

"Justement ! Pour que notre destin ne soit pas influencé par une paire de bestiaux stupides ! Pour bien montrer que leurs histoires ne nous concernent pas !"

"C'est n'importe quoi... tu ne serais jamais même venu me parler, si ce n'était pas leur influence."

"Tu as dit quelque chose ?"

"Non, rien."

"Bon, influencé peut-être. Mais pas décidé, en tout cas. Nous n'avons aucune raison d'être ennemis, on est d'accord ? Je t'aime bien, et tu m'aimes bien aussi ?"

"..."

"..."

"Pourquoi tu as fait ça ?"

"Pourquoi tu n'as pas dit non ?"

"Bon, je suppose que ce n'est pas si gênant que ça... juste un peu surprenant."

"Je ne pensais pas avoir été subtil du tout."

"Non, juste que... OK. En tout cas, si nos rêves dégénèrent en scènes censurées entre un serpent et un jaguar, ce sera entièrement de ta faute."

"Je peux vivre avec ça. Hum, tu ne devrais pas être en cours, là ?"

"OK, je pense que pour une fois, ça attendra un peu. On peut bien profiter que tout le monde soit parti. Et ce prof est naze, de toute façon."

"Cool. Ca a du bon, parfois, les profs nazes."

"Quand on n'y va pas, par exemple."

"Par exemple."

oOo

Il n'y a rien.

Rien ni personne, juste le ciel bleu et la terre rouge, toujours desséchée sous la pluie de lumière.

oOo

"Je croyais que ça n'avait aucun rapport ?"

"J'ai dit ça ? J'ai surtout dit que je ne savais pas, non ?"

"Non, c'est surtout moi, en fait, qui croyais que ça n'avait aucun rapport. Parce que j'étais le méchant, tout ça..."

"Si ça se trouve, ça n'en a aucun. Peut-être qu'ils se sont juste entretués pendant les quelques secondes où on regardait ailleurs."

"Ou alors, peut-être qu'on est en train de sauver le monde en sortant ensemble. Parce que ça leur enlève l'envie de se battre, tout ça."

"Peut-être."

"C'est cool."

"C'est périlleux. Je ne sais pas quelle habitude tu as de faire durer tes histoires de coeur, mais..."

"Bah, on pourrait essayer de faire durer celle-là la plus longtemps possible ? Pour des raisons, tu sais, de sauvegarde du monde, tout ça ?"

"Rien n'est encore prouvé."

"Ou alors, on pourrait essayer de le faire durer le plus longtemps possible juste comme ça, de façon désintéressée, juste parce que ça a l'air bien ?"

"Ca, ça me semble une bonne idée."

"Cool."

*fic, originale, genre:yaoi/slash

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