[DBSK] Grey - 06

Dec 28, 2007 17:26

N.EA.N.T

Absence, soit relative, soit absolue, d'être ou de réalité

Sang Hoon avait les traits las et tirés quand il prit place dans le fauteuil qu’on lui désigna. Tokyo Dôme était plus grand qu’il ne l’avait imaginé. Le bruit de la foule était presque insupportable autour de lui, plein de cris, d’interpellations et de chants enthousiastes. Il savait qu’il regretterait d’être venu quand les fans se mettront à hurler et à trépigner sur place.

Il soupira et se massa les tempes. Il n’aurait pas dû écouter l’autre homme. Jo Bae Jin était l’un des plus vieux membres du conseil d’SM Entertainment, mais cela ne voulait pas dire qu’il détenait la vérité universelle. Bien qu’il soit la personne la plus au courant de ce qui se passait dans la compagnie, que ce soit officiellement ou non.

Sang Hoon n’était pas sûr de savoir pourquoi il avait décidé d’aller le voir, un peu plus tôt dans la journée. Peut-être un besoin de ventiler sa frustration.

« - Nous avons un problème, avait-il annoncé à l’autre homme quand celui-ci l’avait reçu dans son bureau. J’ai reçu des nouvelles de Sakimoto d’Avex, qui s’occupe actuellement de Tohoshinki au Japon.

- Mauvaises ?

- On peut le dire, effectivement. Junsu est revenu à Séoul, mais nous ne savons pas ce qu’il est devenu après que son avion se soit posé. Les autres participeront quand même au concert. »

Bae Jin avait hoché la tête et n’avait fait aucun commentaire. Sang Hoon s’était un instant demandé si l’autre homme ne savait pas plus de choses qu’il ne voulait bien le faire croire. Son réseau d’informateurs était réputé pour être le plus performant de la compagnie, après tout.

« - Que savez-vous sur Park Soo Lee ? avait-il demandé. Vous l’avez vu arriver à la SM.

- Et bien plus encore, avait dit Bae Jin. J’ai travaillé dans une autre agence avant la SM, vous savez, Sang Hoon-sshi. »

Sang Hoon avait patiemment attendu que l’autre homme veuille bien parler.

« - Malheureusement, il n’y a rien dans son parcours qui aurait pu nous faire douter de ses agissements, avait soupiré Bae Jin. C’est un manipulateur de premier ordre. Son mobile, la vengeance, l’ambition ? Ca pourrait être tout et n’importe quoi. Je ne cherche pas à comprendre les fous.

- Il cherche à détruire SM.

- Effectivement. Il cherche à forger une alliance avec un autre label, en emportant avec lui nos principales forces. Le pire dans cette histoire, c’est que nous ne pouvons pas faire grand-chose. Le conseil ne l’évincera pas. Aucune preuve. »

Sang Hoon avait eu la désagréable sensation que quelque chose lui échappait. La nuit allait être longue, plein de surprises. Il avait un mauvais pressentiment.

« - Si vous saviez que Soo Lee nourrissait de mauvaises intentions envers la compagnie… pourquoi n’avez-vous pas opposé votre veto quand il s’est proposé pour se charger du management du Xiah Junsu ? »

Bae Jin s’était contenté de sourire. « Vous verrez bientôt, Sang Hoon-sshi. En attendant, je vous conseille de prendre le premier avion en partance vers Tokyo. Vous arriverez peut-être à temps pour le début du concert, et vous verrez par vos yeux la gravité de la situation. »

Sang Hoon s’était figé dans son siège.

« - Que voulez-vous dire ?

- Allez voir par vous-même, dit Bae Jin. Il y a un vol direct pour Tokyo dans quarante minutes. Vous serez juste à l’heure. »

Et à présent, il attendait que la performance commence. On l’avait empêché d’aller voir les garçons avant leur entrée en scène, mais Sang Hoon comptait bien leur parler à la fin du concert. Pour le moment, il allait se détendre un peu. Il se cala confortablement dans son fauteuil rembourré de la zone VIP et regarda les lumières se tamiser, puis progressivement s’éteindre. Ca allait commencer.

**

Sungeun était déjà là quand il pénétra dans la salle où aurait lieu la conférence. L’équipe chargée de l’organisation était en train de régler les derniers détails techniques sur l’estrade, presque entièrement montée. Il ne manquait plus que les micros et les caméras de télévision.

« - Ah, Soo Lee-sshi… »

Sungeun l’accueillit les bras ouverts, rayonnant d’arrogance dans ce lieu où il contrôlait tout. Aucun journaliste n’avait été autorisé à entrer pour le moment, et seuls les membres du staff et quelques officiels de Samsung étaient présent dans la salle. Soo Lee savait qu’il n’était pas censé être là. Pas encore.

« - Vous avez pu convaincre Junsu-sshi de venir ? » lui demanda Sungeun à voix basse.

Pour le convaincre, il l’avait convaincu oui. Soo Lee se fendit d’un sourire hypocrite. Sungeun était loin d’être stupide, si ce n’était aveuglé par sa propre importance. Il savait ce que Soo Lee avait prévu. L’autre homme hocha distraitement de la tête, signifiant sa satisfaction d’un geste de la main.

« - Parfait. Il n’y a plus qu’à espérer que tout se passe comme prévu, alors. »

Soo Lee n’y manquerait pas. Il regarda Sungeun donner quelques ordres, saluant quelques visages familiers  travaillant sur le projet SamSound - des futurs collègues - d’un signe de la tête. Il y avait quelque chose d’exaltant de savoir que le projet de plusieurs dures années allait bientôt porter ses fruits.

« - Il est peut-être temps que Junsu-sshi se montre, murmura Sungeun. Laisser les journalistes le voir…  Ça générerait un état d’excitation collective qui ne pourra que nous servir, vous ne pensez pas ?

- Junsu est quelque peu occupé présentement, » ne put s’empêcher de railler Soo Lee.

Ah, Junsu, Junsu… Il aimait beaucoup le garçon, en réalité ; toujours serviable, toujours docile… Une parfaite poupée plein de talents que Soo Lee pouvait faire valser et valser, jusqu’au jour où elle se briserait entre ses doigts - mais il n’avait pas prévu cela avant un bon moment, de toute façon. Bon, il avait conscience qu’il avait peut-être été légèrement trop impétueux dans ses réactions un peu plus tôt. Junsu l’avait énervé.

« - Je devrais faire preuve d’un peu plus de patience, murmura-t-il, plus pour lui-même que pour son interlocuteur.

- Pardon ?

- Ah, je parlais à voix haute, Sungeun-sshi. »

Sungeun était soupçonneux, à présent. « Que lui avez-vous fait ? demanda-t-il. N’oubliez pas qu’il est censé apparaître à la conférence, Soo Lee-sshi ! »

Soo Lee réprima un petit reniflement moqueur. Quel grand prince, ce Sungeun. Comme s’il n’était pas celui qui rêvait de se taper Xiah dans une de ses limousines de luxe, dans le dos de sa femme et de son père si influent. Soo Lee choisissait ses collaborateurs avec grand soin. Il aimait avoir les moyens de pression nécessaire à toute bonne entente.

« - Vous devriez peut-être aller voir dans la pièce que vous nous avez réservé, dans ce cas, » dit-il, plein de nonchalance affectée.

Les deux hommes qu’il avait laissés avec Junsu n’oseraient rien faire. Ou presque rien - le danger d’avoir des sous-fifres sans morale était… qu’ils n’avaient pas de morale, mais en même temps, on pouvait faire des miracles si on outrepassait l’éthique. Soo Lee se considérait comme un visionnaire. Mouais.

Sungeun le fusillait toujours du regard.

« - Dépêchez-vous, lui souffla-t-il dans l’oreille. Ou Junsu aura du mal à marcher ce soir. »

Quel humour.

**

Il y avait quelque chose de fascinant, d’être au-dessus de tout et de voir les choses se produire, comme face à un spectacle dont les acteurs ignoraient le scénario.

« - Bae Jin-sshi, vous vouliez être prévenu du début du concert… C’est fait. Les lumières viennent de s’éteindre.

- Merci. Vous pouvez rentrer, il se fait tard.

- Bonne soirée, Bae Jin-sshi. »

Il regarda son secrétaire partir, éteignant la lampe derrière lui comme d’habitude, et soupira dans la pénombre. Il regarda sa montre - son taxi ne tarderait pas à arriver. Il allait payer une petite visite surprise à quelqu’un, et il était certain que son arrivée allait faire son petit effet…

**

Xiah était à moitié nu et bâillonné quand il pénétra dans la pièce, la tête d’un type enfouie entre ses cuisses tandis que l’autre lui maintenait bras et jambes. Une vue… intéressante. Sungeun eut un tic agacé. Il était en colère contre Soo Lee, en colère contre ces deux hommes. Junsu serait à lui, et à personne d’autre. Il avait travaillé dur pour obtenir ce qu’il voulait. Il claqua des doigts et fit signe aux gardes de sortir.

« - Dépêchez-vous. Avant que je n’appelle les flics. »

Une menace vide de sens, évidemment. Mais elle eut l’effet escompté ; Sungeun grinça des dents quand l’un d’eux le bouscula au passage, plein d’irrévérence et d’impudence mal placée. Petit con. Il le ferait renvoyer. Junsu sanglotait silencieusement, recroquevillé sur lui-même.

« - Oh, Junsu-sshi… »

Il fit courir ses doigts sur son épaule dénudée, frôlant sa joue au humide au passage. Junsu était joli garçon, et Sungeun adorait ça. Il adorait encore plus quand ils étaient riches et célèbres, mais désespéramment, désespéramment impuissant. Qu’est ce que ça faisait d’être au sommet du monde, mais avec les poings et pieds liés ? Sungeun n’en avait cure ; il était celui qui nouait les liens.

Xiah était jeune. Sungeun savait ce que Soo Lee avait prévu pour lui, et quelque part l’idée était alléchante. Ils feraient de Xiah une star internationale, qu’il le veuille ou non. C’était parfait, presque enivrant - il fallait juste qu’il se débarrasse de Soo Lee, le plus tôt possible. Soo Lee était retors, cruel et affreusement expérimenté ; Sungeun aurait besoin de toute son adresse pour le faire tomber. C’était lui qui était à la tête du projet SamSound, après tout. Une fois que Xiah aurait signé, il n’aurait pas besoin du manager. Que celui fasse de SM ce qu’il lui plaise, cela ne le regardait pas…

Le garçon n’avait pas arrêté de pleurer, mort de honte, de peur, de n’importe quoi. Il avait les lèvres rouges là où on l’avait visiblement mordu, et ça donnait juste envie à Sungeun d’écrabouiller sa bouche contre la sienne. Ravissant. Il regarda sa montre. Ils avaient encore une heure avant que la conférence ne commence officiellement. Les premiers invités devaient affluer.

« - Soo Lee-sshi n’est visiblement pas allé de main morte… »

Mentionner le nom de Soo Lee eut pour effet de faire trembler Xiah comme une feuille. Un petit chaton traumatisé n’aurait pas fait mieux. Ils allaient avoir du bon temps, à jouer avec lui, avant qu’il ne sombre dans une quelconque folie - les plus grands artistes étaient fous, n’est ce pas ? Ça ne gênait pas Sungeun d’aider.

« - Qu’est ce que… » Xiah avait du mal à parler. « Qu’est ce que vous voulez faire à Yunho ? »

Ah. Ce n’était pas prévu - Soo Lee n’était censé mentionner ce petit détail de l’histoire à personne, personne. C’était le genre de squelettes que l’on cachait dans les profondeurs obscures d’un placard, dans le plus inaccessible grenier de la maison. On l’y découvrirait probablement un jour, mais il serait alors trop tard.

Il passa une main sans douceur sur le visage du chanteur, le forçant à le regarder dans les yeux.

« - C’est un accident, un malheureux accident… murmura-t-il. Un câble rompu et il s’est brisé le cou. Personne n’a rien pu y faire… Je suis désolé, Junsu-sshi.

- Salaud, » souffla Junsu.

Sungeun savait qu’il n’aurait pas dû. Il le gifla, assez fort pour lui arracher un son étranglé et laisser une trace rouge sur sa joue, là où son ongle l’avait éraflé. Rien que le maquillage ne pourrait cacher, de toute façon.

« - Ne me manque pas de respect, Xiah, di-t-il, métallique. Ça rendrait les choses… difficiles. »

La pointe d’effroi dans ses yeux l’excitait. Sungeun avait envie de le prendre maintenant, tout de suite, sans considération pour les journalistes présents dans le bâtiment, la conférence qui allait débuter et Soo Lee, quelque part, qui risquait de débarquer. Il était certain que Junsu avait un goût formidable.

« - Prêtez moi votre téléphone, » murmura le chanteur.

Il était pâle et visiblement terrorisé, mais il y avait quelque chose en plus. Sungeun n’aimait pas ça. Il aurait préféré le voir fondre en larmes et le supplier, plutôt que de l’entendre parler d’une voix presque posée, résignée.

« - Hors de question. »

Sungeun déglutit. Xiah le regardait avec une telle intensité qu’il se demandait s’il n’allait pas flamber sur place. Ses courts cheveux noirs, ses hautes pommettes, ses lèvres charnues… Junsu eut un faible sourire, comme s’il lisait dans ses pensées.

« - Tu joues avec le feu, » lui murmura Sungeun dans l’oreille.

Il avait envie de le mordre, le déchirer et lui faire hurler son nom, sur le sol glacé de cette salle qui servait d’entrepôt pour le matériel, vidée à l’occasion de la conférence. Ce n’était. Pas. Le moment. Le visage de Junsu était si près du sien.

« - Sauvez Yunho, souffla-t-il. Je sais que vous le pouvez. Prévenez le, quelqu’un, les gens autour de lui.

- Et… »

Sungeun ne pouvait s’empêcher d’être sardonique. « Et pourquoi est-ce que je ferai ça ? Pour tes beaux yeux ? »

Xiah haussa joliment un sourcil. Malgré ses yeux encore rouges et le tremblement de ses mains, c’était absolument captivant. Tant d’aplomb, tant d’audace…

« - Quelque chose dans ce goût là, ouais. »

Ses doigts couraient le long de la cuisse de Sungeun, hésitants, presque timides. Voilà le type qui réussissait à charmer des milliers de filles à travers le monde, se dit Sungeun. Il était magnifique, à moitié nu et déchevelé comme il était, juste à portée de main. Il se laisserait presque envoûter.

« - Vous n’avez pas besoin d’arriver à de telles extrémités, » chuchota Junsu. Sa voix était douce, pleine de persuasion, et à présent, Sungeun pouvait déceler la subtile note de supplication dans son timbre. « Je ferai ce que vous voudrez, continua-t-il. Vraiment tout.

- Tout, Junsu-sshi ? »

Il allait se mettre à chialer, Sungeun en mettrait sa main à couper. Il pouvait voir les larmes monter aux yeux du garçon, comme des jolies perles qui menaçaient de rouler sur ses joues et dévaler le long de son cou. Sungeun serait ravi de les rattraper. Admirable, le courage qui le poussa à hocher de la tête et à lui sourire, prétendant une hardiesse qui n’existait pas. Sans même s’en rendre compte, il avait glissé ses doigts dans les cheveux de Xiah ; lui caressant tendrement la tête, la nuque, le visage.

« - Malheureusement, je pense qu’il est déjà trop tard, le concert a dû déjà commencer.

- Mais essayez quand même, implora Junsu. Essayez de l’appeler.

- Donne moi déjà un aperçu de ce que tu serais prêt à faire pour moi, Xiah. »

Junsu avait les paupières baissées, l’ombre de ses cils papillonnant délicatement sur ses joues écarlates. Sungeun eut un reniflement amusé. On se dégonflait ? Peut-être qu’il avait besoin d’aide. Sungeun ne venait pas de se faire chauffer pendant dix minutes pour aboutir sur rien, au final - c’était hors de question. L’obliger à relever la tête et à la pencher en arrière était facile, très facile. A se demander si SM nourrissait ses artistes, le gabarit de ces derniers n’ayant rien à envier à celui des mannequins anorexiques. Forcer un baiser sur ses lèvres n’était pas bien compliqué non plus. Il était aussi bon qu’il se l’était imaginé.

Il jura quand Junsu le mordit jusqu’au sang, répandant un goût de fer sans sa bouche.

« - Petit con ! »

Junsu tenta de s’enfuir mais Sungeun l’attrapa par la taille. Il le jeta par terre et le fit basculer sous lui, évitant les coups désordonnés qu’il donnait, paniqué. Sungeun s’apprêtait à le gifler à nouveau quand sa main se retrouva soudain arrêtée en plein vol.

« - C’est une vraiment mauvaise idée, » dit une voix.

Il se retourna vivement, abasourdi, et eut à peine le temps de discerner le poing qui arrivait droit vers lui. La dernière chose qu’il vit fut un mélange de rouge et noir.

**

Un tonnerre d’applaudissements retentissait sous le dôme. La musique qui s’élevait à un volume assourdissant couvrait presque les cris du public, empêchant Sang Hoon ne comprendre ce que lui disait son interlocuteur.

« - QUOI ? hurla-t-il en japonais. JE NE VOUS COMPRENDS PAS ! »

Le type sembla abandonner et repartit en courant vers les coulisses. Sang Hoon fronça des sourcils. Autour de lui, la foule se déchaînait, chantant les noms des artistes qui allaient bientôt faire leurs entrées sur scène. Son téléphone en mode vibreur sonna - pour la énième fois --, et il envisageait sérieusement de l’éteindre. Ce n’était pas comme s’il était en position de répondre à un appel maintenant, de toute façon.

Une explosion d’étincelle illumina le côté droit de la scène.

« - TACKEY ! » hurla le public, faisant écho à la voix off qui annonçait les arrivants.

« - TSUBASA ! »

Le côté gauche s’illumina à son tour. L’atmosphère commençait à se réchauffer sérieusement. Pendant que le spectacle suivait son cours, le membre du personnel qui était venu s’adresser à lui était revenu, accompagné d’un homme bien habillé. Sang Hoon ne le connaissait pas.

« - Ils arrivent, ils arrivent ! » hurla une fille derrière lui, attirant son attention.

Les gens regardaient le plafond. Une ombre y descendait, se balançant la tête en premier dans le vide. Sang Hoon plissa des yeux. Yunho ? On lui tapota l’épaule.

« - Sang Hoon-san ? Je suis Tanaka Momoshiro, de Johnny’s Entertainment, » se présenta, ou plutôt hurla l’homme qui avait pris place dans le siège à côté du sien. « J’ai besoin de vous parler en privé. »

« - Maintenant ? » demanda Sang Hoon.

Un hurlement les fit tous deux sursauter. Un cri collectif s’échappait de milliers de gorges, faisant trembler le dôme jusqu’à ses fondations. Sang Hoon leva la tête ; ce qu’il y vit faillit arrêter son cœur. Quelque chose n’allait pas - quelque chose, un problème technique, un câble mal accroché, dieu ne savait quoi - et l’acrobate - Yunho ? - était visiblement en difficulté, suspendu dans les airs par un bras désespéramment agrippé au filin de sécurité, celui fin et transparent qui n’était là que pour faire plaisir à l’inspection du travail qui faisait des contrôles de temps en temps.

« - QUE SE PASSE-T-IL ? hurla t-il à son vis-à-vis japonais. QU’EST-CE QUE CA VEUT DIRE ? »

L’autre homme était pâle comme un linge, Sang Hoon pouvait le voir malgré la pénombre.

« - Le câble a apparemment lâché - non, les deux câbles qui le maintiennent ont lâché. C’est impossible ! »

Il avait disparu dans les coulisses avant que Sang Hoon ne puisse rétorquer. Le manager coréen jura et se dévissa le cou pour mieux voir. Un vent de panique soufflait dans le public, et il savait qu’il suffirait d’un rien pour qu’une vraie émeute ait lieu. L’hystérie collective menaçait de submerger la salle. Bon sang… Si Soo Lee était derrière tout ça, Sang Hoon jurait de le tuer !

« - IL VA TOMBER ! » hurla quelqu’un.

Yunho - c’était forcément Yunho, Sang Hoon ne pouvait pas clairement voir son visage mais il avait vu le plan d’entrée des garçons et savait que lui et Junsu était censé arriver par le plafond --, Yunho se débattait dans les airs, ses jambes désespéramment suspendues dans le vide. Il fallait qu’il tienne, pria Sang Hoon, juste assez longtemps pour qu’on puisse venir le récupérer. La zone du public au dessus duquel il était suspendu était en train de se faire évacuer - dans la panique, les cris, les pleurs. Le staff japonais était en train d’étendre un filet, le même type de ceux qu’on utilisait dans les cirques pour les acrobates. Sang Hoon espérait que Yunho tiendrait jusque là.

Il ne s’attendait pas à ce qu’un nouveau problème survienne.

« - LE CÂBLE ! IL SE DÉTACHE ! »

Il aurait été cardiaque, il aurait fait une crise sur place. C’était comme voir un film au ralenti ; le filin de sécurité déjà instable qui vacillait, vacillait, se tordait… et s’étirait, lentement, comme un élastique qu’on aurait fait fondre. Yunho tombait. Des hurlements stridents s’élevaient de toutes parts, menaçant de lui percer les tympans. Et soudain…

« - JUNHO !? »

Junho ? Comme Kim Junho, le frère de Junsu ? Sang Hoon avait l’impression de devenir fou. Peut-être le stress, le rythme de travail… il perdait la tête. Retenant sa respiration comme les 50 000 autres personnes du public, il vit un acrobate souple plonger et attraper Yunho, refermer sa prise sur lui et le tenir fermement pendant qu’ils se balançaient toujours dans le vide, leur chute freinée par les câbles qui maintenaient l’autre homme. Le filet avait enfin était tendu. Ils y atterrirent brutalement tous les deux, emmêlés dans les filins et les cordes. Le soulagement était palpable.

« - Oh, merci, Junnosuke ! sanglota une fille derrière lui. Merci… »

Junnosuke ? Sang Hoon écarta sans douceur les personnes devant lui qui lui gênait la vue et scruta plus attentivement le visage des deux garçons qui venaient d’atterrir. Il n’en croyait pas ses yeux... Comment - comment avait-il pu prendre l’autre chanteur pour U-know Yunho ?

« - Je rêve… murmura-t-il. Ce n’est pas possible… »

Le dôme entier résonnait de cris de joie et de pleurs soulagés.

« - KAT-TUN ! KAT-TUN ! acclamait le public. KAME ! JUNNO ! KAT-TUN ! »

Sang Hoon pouvait voir les autres membres du groupe japonais KAT-TUN traverser la scène pour rejoindre leurs deux camarades, en dépit des protestations des gardes de sécurité. Sang Hoon se passa une main nerveuse sur son visage.  Ce n’était pas Dong Bang Shin Ki, ce n’était pas Yunho. Bae Jin l’avait bien eu... Et Jonnhy’s Entertainment aussi.

« - Je veux voir Sakimoto-san ! hurla-t-il à un membre du staff qui se tenait là. Tout de suite ! »

**

C’était inattendu.

« - Oh bon sang, Yunho… Je croyais qu’ils t’avaient tué… »

Junsu sanglotait hystériquement dans ses bras, la tête enfouie contre sa poitrine. Yunho n’arrivait pas y croire. Il avait le sang qui lui battait les temps, après le coup d’adrénaline qui l’avait fait débarquer ici, furieux contre Soo Lee et ses plans à deux balles. Il ne s’attendait pas à ça. Pas qu’on l’empêche de rentrer, qu’on lui fasse comprendre que Junsu était quelque part, et qu’il n’était pas autorisé à le voir… Yunho en était devenu fou de rage. Il avait à moitié fait tomber la porte de ses gonds quand il l’avait enfoncé. Bae Jin ne s’était pas trompé. Junsu était bien là.

« - C’est fini ‘Su-yah, c’est fini… »

Il le berça dans ses bras. Junsu était incohérent, mais Yunho réussit à comprendre l’essentiel. Une seule conclusion fit jour dans son esprit : il allait buter Soo Lee. Le buter, le faire payer tout ce qu’il avait fait, tout ce qu’il avait essayé de faire ; le blesser ne suffirait probablement pas, et Yunho voulait lui faire mal, vraiment mal, comme il leur avait fait. La vengeance était un moteur puissant, après tout.

Jaejoong était là, Yoochun aussi. Ils prirent la relève et emmenèrent Junsu avec eux, drapant une veste sur ses épaules dénudées. Ils étaient ébranlés mais Yunho savait qu’ils resteraient forts, au moins pour Junsu. Ce n’était pas le moment de craquer.

Changmin était avec Junho, à la traîne à l’aéroport. Leur rencontre avait été surprenante. Les plans de Soo Lee semblaient bien avoir foiré, et joliment, qui plus est. Quelle satisfaction. Yunho était parti à sa recherche dans tout le bâtiment, au mépris des journalistes et des cadres de Samsung présents qui ne comprenaient rien à la situation. Il s’était vu arrêté par Bae Jin avant qu’il ne fasse un vrai scandale.

« - La presse est là, dit leur plus vieux manager. Calme toi, ou je vais devoir te faire emmener hors d’ici de force. Nous ne pouvons pas nous mettre à dos Samsung, nous avons toujours le contrat avec eux. »

Au final, Yunho se fit emmener de force. Bae Jin avait ordonné qu’on l’enferme dans le van et qu’on ne le laisse pas en sortir avant que tout ne soit réglé. Les autres étaient déjà dans la voiture. Junsu s’était calmé et somnolait contre Yoochun, vaincu par la fatigue et les événements. Yunho ne pouvait pas s’empêcher de bouillir en voyant les traces rouges qui lui parcouraient la joue et ses yeux gonflés.

Jaejoong le força à s’asseoir et posa une main réconfortante sur son genou.

« - C’est pas fini, murmura-t-il. Il y a encore beaucoup de choses à régler. »

Yunho fronça des sourcils et ne répondit pas. C’était une chose dont il ne se  doutait pas une seule seconde ; rien n’était fini, tout était à recommencer. L’histoire ne s’arrêterait pas tant qu’ils restaient des pantins contrôlés par des mains invisibles au dessus d’eux, des marionnettes incapables de voir leur propre destinée.

« - La colère ne nous mènera à rien, Yunho, » chuchota Jaejoong.

Yunho savait que l’aîné avait raison. Mais qu’est ce que ça soulageait… Il s’avança un peu, et Yoochun lui fit de la place pour qu’il puisse prendre Junsu dans ses bras.

« - On rentre à la maison, annonça-t-il, berçant le plus jeune contre lui. Ça va aller, tout va s’arranger... »

C’était une promesse qu’il ferait en sorte de tenir.

grey, fic, dbsk

Previous post Next post
Up