Voici le deuxième de
ces dialogues avec Raymond
qui étaient trop longs pour publication dans
Choc-Info.
L'autre jour, je sirotais un verre avec Raymond; je lui lançais:
« - Tu te bats souvent contre l'État-voleur, l'État-menteur, l'État-escroc,
l'État-catastrophe. Mais l'État n'est-il pas censé être le bon berger
qui nous guidera et protègera des loups?
« - Sais-tu, ce que fait un berger à ses moutons, c'est surtout de les tondre
et de les mener tôt ou tard à l'abattoir.
« - Effectivement. Entre les crocs du loup et les couteaux de l'équarisseur,
quel triste choix pour le mouton!
« - Heureusement, on peut se passer et de berger et de loup.
« - Mais qui nous protégera des loups?
« - Ma foi, si les béliers ont des cornes, ce n'est pas que
pour épater les brebis.
« - Tu prônes l'auto-défense, chacun pour soi?
« - C'est à moi que tu dis ça, à moi qui passe ma vie à défendre
la veuve et l'orphelin et la bonne chaire bien de chez nous?
« - Oui, mais quand tu n'es pas là, ni aucun autre héros bénévole,
que recommandes-tu? autodéfense, défense en famille, entre voisins,
entre amis, en mutuelles, ou via des contractants?
« - Pour moi toutes les formes d'organisation volontaires sont bonnes.
Et toutes les autres impliquent d'agresser ceux qui ne sont pas volontaires!
« - C'est sûr qu'une organisation de défense des uns qui commence par agresser
les autres, ce n'est pas un bon moyen pour combattre le crime.
« - C'est surtout un bon moyen pour légaliser toutes les agressions
qui pourront se prévaloir de cette force commune.
« - Hum. Mais alors, comment comptes-tu libérer les moutons?
« - Ils sont déjà libres. C'est juste qu'ils ne s'en rendent pas compte.
« - Et comment peux-tu les en convaincre?
« - En leur montrant des photos de l'abattoir,
en leur faisant entendre l'appel de la forêt.
« - Ça marchera pour quelques uns, mais la plupart sont en déni de la réalité;
ils préfèrent croire aux mensonges des bergers.
« - Tu sous-estimes le pouvoir de la vérité.
Les forces des ténèbres détestent la lumière.
« - Oui, mais si elles contrôlent toute l'information,
la lumière ne passera pas.
« - C'est bien pour ça que je suis là!
« - Il est vrai que pour que les moutons continuent de suivre aveuglément,
les bergers doivent contrôler tout le temps l'intégralité des médias.
« - Or, il suffit d'un tout petit rayon de lumière pour éclairer.
« - Ou éblouir.
« - Au début, oui. C'est pour ça qu'il faut persévérer, le temps que les
yeux s'accomodent.
« - Bonne chance, alors.
« - De la chance, un peu. Mais du travail, beaucoup.
D'ailleurs, je vais devoir te quitter.
« - D'infâmes agresseurs à démasquer?
« - Oui, ils arrêtent des gens sur la route
et tentent de leur extorquer de l'argent.
« - Des bandits de grand chemin?
« - Oui, en uniforme.
« - Et pendant ce temps-là, les voleurs courent.
« - Ceux-là sont tranquillement assis, mais je m'en vais les faire suer.
À la revoyure!
« - Au revoir, Raymond! »