nda : je vous mets la version de la chanson en anglais cette fois ci car je la trouve vraiment jolie. et si vous voulez l'écouter, appuyez sur le bouton play =D (Le titre est 'Tears to shed')
Merci Asphodèle pour ses conseils précieux et sa correction !
Découvrez la playlist
Les bannis - playlist avec
Tim Burton's Corpse Bride Soundtrack-Helena Bonham Carter, Jane Horrocks And Enn Reitel Monde II : Les Noces funèbres
'Est-ce que je suis mort?'
II
Savoir que je suis mort(e)
Ne m'empêche pas de souffrir
Ne dites pas que je délire
Car je sens pointer en moi des larmes nouvelles
And I know that I am dead
Yet the pain here that I feel
Try and tell me it's not real
For it seems that I still have a tear to shed
Le temps n’existait pas En-bas. Il n’y avait ni jour, ni nuit, et Acsel n’avait aucune idée du temps qui se passait entre chacune de ses phases de sommeil.
Il aurait pu se passer un jour, une semaine, un mois ou un an avant que Jack n’entraîne Acsel chez Madame. Les rêves du garçon étaient inquiétants - les morts pouvaient rêver d’En-Haut, de leur assassin ou d’un être cher, mais ils ne rêvaient pas d’une mort qui n’était pas la leur.
Une nuit, Acsel rêva d’une foule. Il rêva qu’il était exécuté, pendu haut et court devant des dizaines de personnes. Une autre fois, il rêva de flammes, de flammes rouges et terribles qui le consumaient lentement. Parfois, il était juste étendu au sol, étranger à lui-même, tandis qu’il glissait lentement dans le néant. Au-dessus de lui, une ombre sans visage prononçait doucement son nom. « Axel. »
-A ce rythme-là, p’tit, tu tomberas en morceaux.
Ce n’était pas que le fait de tomber en morceaux soit une chose extraordinaire - Acsel ne comptait plus les bras vagabonds et les mâchoires claquantes aperçus jusqu’à présent - mais c’était tout de même très désagréable. Et puisque leurs corps étaient voués à la décrépitude, il valait mieux retarder l’échéance autant que faire se peut.
N’ayant toutefois rien à perdre - qu’est-ce qu’un mort peut perdre ? - Acsel suivit Jack chez Madame.
~*~
On ne savait pas depuis combien de temps elle était là. Ni d’où elle venait. Certains prétendaient qu’elle n’était pas humaine ; d’autres qu’elle avait toujours été morte. (1) Quoiqu’il en soit, elle était En-Bas depuis longtemps et on disait qu’elle savait tout sur tout.
Jack emmena Acsel en dehors de la Ville, dans une forêt d’arbres morts et décharnés. C’était un paysage de cauchemar qui aurait infiniment plu aux amis poètes romantiques qu’Acsel avait connu autrefois.
Peu rassuré, Acsel suivit de près Jack. Celui-ci s’enfonçait tranquillement dans les bois, continuant de bavarder joyeusement, comme s’ils n’étaient pas au milieu des ombres. Le squelette finit toutefois par se rendre compte du malaise du nouveau mort qui se demandait quel genre de créatures pouvait bien hanter ces lieux.
-Ne t’inquiète pas. Il n’arrivera rien.
Ils marchèrent longtemps. Au bout d’une éternité, ils aperçurent au loin une petite maison perdue dans le noir. Une unique bougie brillait à la fenêtre, projetant des lueurs étranges sur les arbres.
-C’est ici.
Ils restèrent un moment à observer la dite maison. En réalité, elle ressemblait plus à une chaumière qu’une véritable maison. Acsel eut l’impression de se trouver au milieu d’un conte de fées. Et il était sur le point de rencontrer la sorcière.
Sentant que son jeune ami voulait faire marche arrière, Jack posa une main rassurante sur son épaule.
- Frappe et entre. Je t’attends ici.
- Je…
- Tout le monde a peur de quelque chose, petit. Même les morts. Mais t’es venu pour chercher des réponses, n’est-ce pas ? Madame pourra peut-être t’aider.
Acsel ferma les yeux.
Puis il frappa à la porte, avant d’avoir eu le temps de vraiment réfléchir.
~*~
L’intérieur de la chaumière était bizarre et chaleureux. Bizarre car il y avait toutes sortes de choses étranges sur les meubles et les étagères - mais Acsel apprenait à ne plus être surpris. Après tout, le type qui tenait le bar de la Ville n’avait plus qu’une tête - bleue et souriante.
C’était petit et poussiéreux et des araignées rampaient dans tous les recoins. Un feu crépitait dans la cheminée et des fauteuils d’aspect confortable cernaient une petite table de bois.
- Bienvenue. Tu es un nouveau mort ? demanda une voix féminine et éraillée.
- Oui.
- Quel est ton nom ?
- Acsel.
- Acsel. (Un silence). Tu peux m’appeler Madame.
L’un des fauteuils se tourna avec un grincement horrible. Une femme était assise dessus ; là où Acsel aurait pu jurer n’y avoir vu personne quelques minutes plus tôt. Madame était une vieille femme ridée, blanche comme la craie. Ses cheveux étaient gris, sales et emmêlés, ses ongles longs et jaunâtres. Elle était vêtue de haillons qui avaient perdus toute couleur depuis longtemps. Son visage était si laid qu’on l’eût cru taillé par un sculpteur amateur qui n’avait pas terminé sa besogne. Le plus étrange chez cette femme demeurait sans doute ses yeux noirs et vifs, ronds comme des billes, qui semblaient animés de leur propre volonté.
- Qu’est-ce qui t’amène chez moi ?
- Pardon… de vous déranger.
Elle sourit - Acsel ne sut s’il devait être rassuré ou terrifié.
- Ah, les bonnes manières britanniques. Cela change des rustres qui pourrissent en ville. Dis-moi ton souci, et je pourrai peut-être t’aider.
Acsel se retrouva à raconter. La maladie, la mort et le réveil En-Bas, alors qu’il n’y avait personne à attendre. Il raconta comment il avait appris à dormir et les songes morbides qui le poursuivaient depuis.
Madame l’écouta attentivement sans jamais l’interrompre. Quand il eut fini, Acsel se sentit vide, épuisé, mais il ne s’était pas senti si bien depuis qu’il s’était réveillé En-Bas.
- Tu as bien fait de venir ici, Acsel.
- Vous savez ce qui m’arrive ?
La sorcière grimaça. C’était peut-être un autre sourire, mais Acsel n’était sûr de rien.
- Non. Mais nous allons le découvrir. Depuis quand es-tu mort ?
- Je ne sais pas. Quelques semaines. Quelques mois.
- Et tu ne sais pas ce que tu fais ici ?
- Non.
- C’est curieux. D’habitude, les morts savent ce qui les retient ici.
- Je n’ai rien à faire ici.
Sa voix manquait de conviction. La sorcière toucha sa main délicatement.
- Tu ne serais pas ici si c’était le cas. Peut-être que tu attends quelqu’un, Acsel. Parle-moi de tes rêves encore une fois.
Il obéit. Il parla des flammes. Il parla de la pendaison - ce rêve là le terrifiait au-delà de toute raison ; c’était comme s’il pouvait se souvenir de la façon dont on meurt, étranglé par la corde et le poids de son propre corps. Puis il raconta une nouvelle fois le rêve où il glissait dans l’oubli. Il n’y avait aucune émotion dans ce rêve. Il y avait juste cette voix, à la fois inconnue et familière qui prononçait son nom. « Axel. »
- A qui appartient cette voix ?
- Je ne sais pas.
Je ne veux pas savoir.
- Peut-être est-ce la clef de tes songes. Peut-être que c’est ce qui te retient ici.
-…
- Peut-être as-tu oublié la personne que tu attends.
- C’est impossible. Je suis mort de la tuberculose, Madame. Il n’y avait personne pour prononcer mon nom.
Madame resta silencieuse et immobile, comme une poupée gigantesque et monstrueuse. Puis, elle bougea de nouveau, touchant de nouveau la main d’Acsel.
- Montre-moi ton rêve.
~*~
Madame possédait le don de lire dans les esprits. Ce don-là l’avait suivi dans la mort.
- Je suis ici pour aider les morts comme toi, Acsel. Fais-moi confiance, je ne te ferai pas de mal.
Quand il eut donné son accord, Madame lui toucha le front et Acsel s’écroula dans son fauteuil.
une cité sous la pluie
une silhouette qui s’éloigne (s’il te plait reste avec moi)
un combat de flammes (le feu naît de ses propres doigts et détruit tout sur son passage
deux yeux bleus qui le regardent (qui es tu ?)
un visage dans la foule ; il ne parvient pas à discerner ses traits mais il le reconnaîtrait n’importe où (un nom glisse sur sa langue)
Des centaines d’images (de souvenirs) explosèrent dans sa tête. Souvenirs venus d’un autre monde. Acsel n’était pas sûr de savoir comment ni pourquoi mais il savait que ces souvenirs étaient à lui, il savait qu’ils étaient tous réels. Tout comme cette immense douleur qui le prit d’assaut tout d’un coup, comme une vague gigantesque. La douleur s’engouffra en lui, s’insinua dans ses veines et devint bientôt physique. Et soudain il se rappela de tout.
~*~
(Son nom est Axel. Il était humain autrefois. Maintenant, il est juste une sorte de mime, une grossière imitation, sans cœur ni passion. Un jour, il rencontre Roxas, et c’est comme devenir vivant. Axel a l’impression de sortir d’un rêve ou bien de commencer à rêver en couleurs.
Roxas n’a jamais été comme les autres - c’est sans doute pourquoi il a tant capté l’intérêt d’Axel. Le Simili blond ne sourit pas. Il n’est pas vraiment cruel. Il est juste Roxas, droit et silencieux.
Ils sont partenaires, et Axel aime à penser qu’ils deviennent inséparables. Il oublie (trop) facilement que Roxas n’a besoin ni de lui ni de personne. Il oublie trop facilement que Roxas n’a jamais été fait pour rester.
Il disparaît un jour et laisse Axel dans le noir. Si les Similis pouvaient pleurer, peut-être aurait-il versé quelques larmes.
La douleur augmente et se transforme quand il retrouve son ami pour découvrir que celui-ci ne sait plus rien de lui. La Clef lui répond toujours, mais lui ne répond plus aux appels d’Axel. « Je suis Axel. C’est bon, c’est retenu ? »
Lorsque Roxas se souvient finalement, il est trop tard. Mais malgré la disparition imminente de Roxas, ils échangent une promesse.
Axel est Acsel est Alexandre. Un gamin qui vit au milieu des horloges - Acsel croit reconnaître Paris et se souvient des hautes tours de Notre Dame. Il était à Paris. Dans une autre vie.
Il se souvient de Roxas qui l’embrasse, de baisers et d’étreintes qui n’auraient jamais dû finir. Et puis soudain, Roxas disparaît de nouveau, et Axel se retrouve seul (encore) dans une cellule sombre (dans les ténèbres). Il meurt et se demande pourquoi Roxas n’était pas là.
Axel est mort trois fois déjà. Il lui semble comprendre un peu mieux pourquoi le rêve sur la pendaison le terrifie autant.)
~*~
- …bien ?
La voix de la sorcière le ramena à la réalité.
- Acsel ? répéta-t-elle patiemment. Tout va bien ?
Il inspira, même si c’était totalement inutile.
- Oui.
- C’était trop… d’un coup.
Il ferma les yeux, les rouvrit très vite. Si son cœur fonctionnait encore, il battrait à toute allure.
- Acsel ?
- Il… il n’était pas là.
La sorcière dut sentir naître le feu derrière les yeux glacés d’Axel. La haine coulait de sa bouche, comme un poison menaçant de pourrir ses lèvres et son corps.
- Il…
‘On se rencontrera dans une nouvelle vie.
Pas cette fois.’
- Acsel ?
- Je me souviens.
Sa voix était cassée, comme s’il avait hurlé pendant des heures. La sorcière posa une main calme (apaisante) sur son épaule mais cette fois, il se déroba à son contact. Fuyant la sorcière, il se leva et sortit de la maison. Lorsque, dehors, Jack lui demanda ce qu’il avait appris, Acsel fut incapable de prononcer un seul mot.
~*~
Il ne dormit plus vraiment après cela. Roxas l’obsédait, était tout ce à quoi il pouvait penser. La haine le dévorait de l’intérieur et il n’avait qu’une envie, celle de s’en débarrasser. Sa propre douleur n’était pas suffisante, il lui fallait aussi celle de Roxas.
Il était resté ici pour l’attendre.
~*~
Depuis la sorcière, Acsel avait changé du tout au tout. Jack peinait à retrouver en lui le gosse effrayé qui se réveillait pour la première fois en Ville. C’était comme si Acsel avait posé un masque de cire sur son visage, un masque plus inexpressif que le crâne d’un squelette.
Le vieux squelette ignorait ce que le nouveau mort avait découvert chez Madame (ce qui l’avait transformé en monstre) mais qui que soit la personne qu’il attendait, il espérait qu’elle soit en mesure de ramener au calme son âme tourmentée.
~*~
Le 6 juin 1812, Dorsax s’endormit. Il ne se réveilla pas le lendemain, ni les jours suivants.
-
à suivre…
(1) Si vous voulez savoir à quoi peut ressembler Madame, je vous suggère de jeter un coup d’œil à la sorcière du film Sleepy Hollow (de Tim Burton - non, je ne fais pas d’obsession sur Tim Burton, c’est faux), c’est à peu près l’idée que je m’en fais^^