les bannis ont droit d'amour

Aug 31, 2009 18:58

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Deuxième monde : Les Noces funèbres

‘Est-ce que je suis mort ?’

I

Mort mort, faut bien y passer
Ne vous en faites pas, finalement c’est ok
On a beau prier, on a beau se cacher
Quand l’heure a sonné, bonjour les macchabées

Dorsax avait toujours eu un sommeil agité. D’aussi loin qu’il se souvienne, ses nuits étaient remplies d’ombres et de cauchemars. Ses parents avaient tout essayé. Ils avaient convoqué le meilleur médecin de la région - celui qui prenait une pièce d’or pour une demie heure d’examen. Ils avaient consulté des prêtres et des exorcistes, des diseurs de bonne aventure et toute sortes de charlatans qui avaient filé avec de l’argent et les avaient laissé sans la moindre réponse.

Dorsax dormait toujours aussi mal.

Certains, inquiets, avaient prescrit des calmants qui auraient assommé une meute de loups, mais rien n’y faisait. Pessimistes, les médecins prétendaient que nul ne pouvait vivre ainsi très longtemps.

Dix ans plus tard, Dorsax avait renoncé à voire des médecins, était fatigué en permanence mais toujours pas mort.

Cela ressemblait presque à une malédiction.

~*~

Dorsax s’arrêta près de la fontaine, pour s’asseoir un moment. Le soleil n’était pas très haut, et déjà il se sentait épuisé. Parfois, il se demandait réellement si l’on pouvait mourir de fatigue.

Il aimait rester là et observer les passants dans la rue. Les coches pressés qui menaçaient d’écraser les piétons imprudents au passage. Les ladies et les gentlemen qui passaient tranquillement en devisant ; cigares à la main pour les uns, ombrelles et sacs brodés pour les autres.

~*~

Acsel mourut l’année de ses seize ans.

~*~

Il rouvrit les yeux, bien plus tard, avec la tourbillonnante impression d’avoir glissé dans le noir pendant des jours.

- Petit ?

Acsel se redressa. Ses souvenirs étaient confus - souvenirs d’un corps malade, de la fièvre qui ne le quittait pas et d’une souffrance interminable. Il n’était pas dans son lit. Il n’était même pas chez lui. Il ouvrit les yeux et mit quelques secondes avant de s’habituer à ce qui l’entourait. Puis un hurlement sortit de sa bouche.

- Eh petit. Tout va bien, ne t’inquiète pas.

Comment pouvait-il ne pas s’inquiéter ? Il échappa à la main qui tentait de le toucher et essaya de se lever. Ses jambes le trahirent et il s’effondra. Il se terra contre un coin de mur.

Il était dans un bar - comment était-il seulement arrivé là ? - et il y avait un cadavre qui était en train de lui parler.

- Autant te le dire tout de suite, tu es mort, gamin. Mais c’est pas vraiment grave.

Il était mort - mort mort mort - et entouré de squelettes et de cadavres souriants qui lui tapèrent sur l’épaule. Comment était-ce seulement possible ? Etait-ce quelque hallucination provoquée par son cerveau ?

Il était mort. L’idée le frappa comme une porte qui claque. Il n’eut pas le temps de se faire à cette information qu’un nouveau venu s’approcha de lui, descendant du bar pour rejoindre le coin où il s’était recroquevillé, dans l’espoir d’échapper aux regards curieux mais bienveillants des clients.

Le nouveau venu était en fait une tête, montée sur un plateau que transportait une araignée. Elle s’arrêta devant lui ; Acsel fut bizarrement rassuré par le son de sa voix.

- Bienvenue p’tit. Je suis Paul. Je tiens ce bar, dit la chose comme si c’était la chose la plus naturelle du monde.

- O-où suis-je ?

- T’es mort, rappela Paul (comme si Acsel pouvait seulement oublier une chose pareille). Quant à savoir où tu es, c’est une autre question.

Acsel n’avait jamais vraiment réfléchi à l’au-delà. Il n’avait que seize ans, après tout, l’âge où l’on se sent immortel et invincible. Mais s’il avait dû imaginer quoique ce soit, cela ne ressemblerait certainement pas à cet endroit.

Le prêtre parlait de paradis et d’enfer.

- Est-ce que c’est l’enfer, ici ?

Le squelette lui colla un verre dans les mains. Celui-ci était rempli d’un liquide d’une étrange couleur verdâtre dont l’odeur était peu attirante. Il goûta par curiosité et fut surpris d’apprécier l’amertume du breuvage, et encore plus surpris quand il découvrit que ses sens lui répondaient encore un peu.

- Tu crois qu’ils font des trucs aussi bons en enfer ? Non, p’tit. Et t’es pas chez les angelots non plus. T’es ailleurs. C’est rare qu’on voit des jolis cœurs dans ton genre d’ailleurs. D’habitude, c’est des victimes de morts horribles. Tu attends quelqu’un ?

- Je suis mort, c’est tout. Tous… les morts ne viennent pas ici ?

- Non, et y a départ tous les jours. Le vieux Willy qui était là depuis quarante ans a disparu hier. Son meurtrier a finalement passé l’arme à gauche et il a pu décrocher la mâchoire du salopard. Il nous a fait promettre de le laisser dans son cercueil pour au moins trente ans, ricana Paul. Après ça, il n’avait plus rien à faire ici.

- Qu’est-il devenu ?

- Il a disparu.

Le squelette haussa les épaules - c’était un geste hautement perturbant, décida le jeune mort.

- Mais, tu sais, ici, c’est okay. Si on pouvait passer notre éternité ici, je n’y verrai pas d’inconvénients. Alors t’attends ta fiancée ?

- J’ai personne à attendre, dit Acsel.

S’il avait pu avoir une expression faciale, Paul aurait sûrement eu l’air désolé.

- Comment t’es mort ?

- Tuberculose.

- Maudite saloperie. T’inquiète pas, gamin. Le vieux Paul veille sur toi. Eh, Jack, le petit est nouveau, tu lui fais visiter ?

Un squelette s’approcha de lui et ôta son chapeau pour le saluer. Il y avait une demie douzaine d’asticots sur le sommet du crâne.

- Suis moi.

Il l’emmena à l’extérieur, pour lui faire visiter la ville la plus déconcertante qu’on eût jamais envisagé. Théâtral, il ajouta avec un sourire sinistre.

- Et oublie tout ce que tu sais. Un nouveau monde s’ouvre à toi, p’tit.

~*~

Les morts dorment. Ils dorment même beaucoup. Autrement, l’éternité ne serait guère supportable.

Au début, Acsel se couchait dans un cercueil, comme s’il était un vampire échappé du roman de Bram Stocker. Il se réveillait quelques heures seulement après avoir fermé les yeux.

Il apprit à dormir plus longtemps. Des jours, parfois même des semaines entières.

C’est alors que les rêves revinrent.

Jack disait que c’était normal. Il saurait bientôt se détacher des événements de sa vie sur Terre. Il devait oublier qui il avait été, être autre chose que l’ombre de ce qu’il avait été. Autrement, il deviendrait fou.

- Et crois-moi, tu ne veux pas savoir à quoi ressemble un cadavre qui devient fou. Je ne dis pas de mal des morts, ajouta Jack, mais ce pauvre Edward est complètement marteau.

Le seul problème était qu’Acsel n’avait vécu aucun des événements qui hantaient ses songes.

Acsel rêvait qu’il mourait dans les flammes.
-
à suivre

fic : les bannis ont droit d'amour, fandom : kingdom hearts, pairing:axel/roxas, scribouillage : fics

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